Les différents types histologiques de polypes gastriques (en dehors des tumeurs endocrines)

Objectifs pédagogiques

Définir, décrire et classer les types ­histologiques de polypes gastriques.

Introduction

Un polype gastrique est une lésion en relief faisant saillie dans la lumière de l’estomac. Cette définition macro­scopique et endoscopique très simple recouvre un spectre très large de lésions, épithéliales ou non épithéliales, néoplasiques ou non néoplasiques [1,2]. Ces lésions surviennent dans des contextes variés, et surtout elles ont un potentiel évolutif très différent de l’une à l’autre, ce qui entraîne une prise en charge adaptée à leur nature histologique. La majorité de ces polypes sont asymptomatiques, et ils sont donc découverts fortuitement lors d’une endoscopie digestive haute. Les polypes les plus volumineux peuvent être responsables d’hémorragie digestive, d’anémie, de douleurs abdominales, ou rarement d’obstruction digestive. Bien que certains polypes aient un aspect endoscopique assez caractéristique, la présence d’une dysplasie, seul marqueur indiscutable d’un risque de transformation maligne, ne peut être établie que par l’histologie. Ceci implique donc en théorie que tous les polypes gastriques doivent être documentés histologiquement. La présence de certains polypes gastriques peut en outre orienter vers une maladie génétique, à risque éventuel de cancer digestif et/ou extradigestif.

Les trois types de polypes gastriques les plus fréquents sont les polypes ­fundiques glandulo-kystiques (PFGK), les polypes hyperplasiques, et les ­adénomes. Seuls ces derniers sont associés à un risque important d’adénocarcinome, le risque étant faible pour les polypes hyperplasiques, et pratiquement absent pour les PFGK. En conséquence, le diagnostic d’adénome doit entraîner l’inclusion du patient dans un programme de surveillance endoscopique, alors que le suivi est moins rigoureux en cas de polype hyperplasique, de PFGK, ou de polype inflammatoire. La distinction classique entre les adénomes, considérés comme des polypes néoplasiques, et les autres types de polype, réputés non néoplasiques, est cependant battue en brèche par la reconnaissance d’altérations génétiques significatives dans certaines de ces lésions considérées comme non tumorales. La classification histologique des polypes gastriques figure dans le tableau 1. Il est intéressant de noter que le classement respectif en polypes néoplasiques et non néoplasiques varie selon les traités et les revues générales. Ainsi, les PFGK sont considérés comme hamartomateux ou malformatifs dans une revue générale récente [3], mais sont classés au sein des polypes néoplasiques dans la ­dernière classification de l’OMS [4]. Dans la plupart de ces classifications, les adénocarcinomes ne sont généralement pas mentionnés, alors qu’ils peuvent se présenter sous la forme de polypes. Mais ce fait est mentionné dans la classification des cancers gastriques, la forme polypoïde étant une des formes d’adénocarcinome superficiel. Les tumeurs endocrines peuvent se présenter comme des polypes. Elles ne seront pas développées dans ce texte, faisant l’objet d’une autre mise au point de cette revue. De même, les lésions conjonctives ne seront que citées, en particulier les tumeurs ­stromales (GIST) polypoïdes, de même que les lymphomes et hyperplasies lymphoïdes.

Rappels épidémiologiques

Il est difficile au vu de la littérature de connaître avec précision la fréquence absolue et relative des polypes gastriques. Les chiffres varient dans les deux grands types de séries publiées, séries histologiques et séries endoscopiques, très généralement rétrospectives. Les séries histologiques ne ­permettent pas de connaître la prévalence réelle des polypes gastriques, mais donnent une bonne évaluation de la fréquence relative des différents types histologiques [5]. Les séries endoscopiques rétrospectives sous-évaluent probablement la fréquence des polypes, qui peuvent ne pas avoir été décrits et réséqués. Dans une série récente et importante de 200 000 patients ayant eu une ­endoscopie gastrique aux USA, 8 000 polypes avaient été biopsiés ou réséqués chez 7 500 patients, soit une prévalence de 3,75 %, plus élevée que dans des séries occidentales plus anciennes [6]. La prévalence et la fréquence relative des différents polypes varient selon les régions du monde et les populations. La fréquence des adénocarcinomes et des adénomes est en particulier plus élevée en Europe de l’Est et au Japon que dans les pays occidentaux. La prévalence de l’infection à Helicobacter pylori influence le type histologique, une prévalence élevée s’accompagnant de pourcentages plus élevés de polypes hyperplasiques et d’adénomes. Dans la série récente des USA, dans une population à faible prévalence d’infection, les PFGK étaient de loin les plus fréquents (77,2 %), suivis par les polypes hyperplasiques et inflammatoires (14,4 %) et seulement 0,7 % étaient des adénomes [6]. Mais dans une série brésilienne de 2007, 12,4 % des 153 polypes observés au cours de 26 000 endoscopies étaient des adénomes [7].

Polypes fundiques glandulo-kystiques

Ils sont parfois appelés polypes ­d’Elster. Même si leur pourcentage varie selon les séries (16 à 77 %), toutes les études s’accordent pour dire que les PFGK sont, avec les polypes hyperplasiques, les polypes gastriques les plus fréquents.

En endoscopie, ils se présentent comme des surélévations sessiles de la muqueuse fundique, à surface lisse, le plus souvent de petite taille, mesurant moins de 0,5 cm. Leur nombre varie, mais ils sont souvent multiples, et sont séparés par une muqueuse endosco­piquement normale. L’aspect histo­logique est caractéristique, et ne pose en général aucune difficulté diagnostique [8]. La lésion élémentaire la plus typique, qui est à l’origine de la dénomination de ces polypes, est la kystisation de certaines glandes, surtout dans leur partie superficielle. Les kystes sont bordés par différents types de cellules, principales, pariétales, et mucosécrétantes (figure 1). Les autres lésions élémentaires sont un raccourcissement des cryptes, les glandes fundiques arrivant presque au contact de l’épithélium de surface, et l’hyperplasie des glandes, responsable avec leur kystisation de l’aspect polypoïde de la lésion. Le chorion n’est pas inflammatoire, et il n’y a généralement pas de dysplasie. Les polypes les plus volumineux peuvent s’éroder, des modifications inflammatoires et régénératives non spécifiques pouvant alors apparaître, qui ne doivent pas faire porter à tort le diagnostic de dysplasie.

Les PFGK s’observent dans 3 situations différentes qui influencent leur nombre, leur taille et leur aspect histologique ; ils peuvent être sporadiques, survenant en dehors de tout contexte favorisant, être associés à un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) [9], ou enfin se développer chez des patients atteints de polypose adénomateuse familiale (PAF) [10]. Les polypes sporadiques sont uniques ou multiples, généralement de petite taille, et surviennent chez des patients dont la muqueuse gastrique est normale en dehors des polypes, sans infection à Helicobacter pylori. La survenue de PFGK chez des patients prenant des IPP au long cours est admise, même si certaines données épidémiologiques contradictoires persistent. Ces polypes sont multiples, surviennent en moyenne après 32 mois de traitement, et régressent en 3 mois si le traitement est interrompu. Ils s’accompagnent au niveau de la muqueuse fundique entre les polypes de l’aspect de « protrusion des cellules pariétales », très caractéristique et pratiquement constant en cas de traitement prolongé par les IPP. Dans ces deux circonstances, il est très exceptionnel de constater la présence de lésions de dysplasie au sein d’un PFGK. Cela n’est pas le cas dans les polypes survenant chez les patients atteints de PAF [11]. Les PFGK, très fréquents au cours de la PAF, sont en général multiples, et peuvent parfois tapisser presque entièrement la muqueuse fundique (figure 1). Une dysplasie est présente dans certains cas, de haut grade dans 2 à 3 % des cas.

Les mécanismes physiopathologiques aboutissant au développement des PFGK restent imparfaitement compris. Cependant, alors que ces polypes étaient considérés auparavant comme hamartomateux, il est maintenant admis qu’il s’agit bien de lésions tumorales bénignes. L’implication de la voie wnt est bien démontrée, notamment dans les polypes associés à la PAF et les polypes sporadiques. Au cours de la PAF, la mutation du gène APC joue un rôle dans le développement des PFGK. Il est intéressant de noter que ces polypes sont également observés dans une autre polypose adénomateuse digestive, la « MAP » pour MYH associated polyposis. Les polypes sporadiques présentent une mutation somatique du gène de la b-caténine, ou du gène APC.

La prise en charge des PFGK est guidée par leur comportement très majoritairement bénin [12]. Elle dépend cependant de la taille des polypes et de leur contexte de survenue. En cas de polype sporadique et chez les patients sous IPP et ayant des polypes de moins de 0,5 cm, il est recommandé de biopsier un polype pour confirmer le diagnostic. Les polypes de 0,5 à 1 cm doivent être biopsiés. Il n’est pas nécessaire d’interrompre le traitement par IPP si les polypes mesurent moins de 1 cm. Dans les cas rares de polypes mesurant plus de 1 cm, les polypes doivent être enlevés, et si possible le traitement par IPP interrompu. Chez les patients atteints de PAF, le risque de dysplasie augmente avec la taille des polypes, la sévérité de la polypose duodénale, et la présence d’une gastrite antrale. Il semble que dans ce contexte le traitement par IPP diminue le risque de dysplasie dans les PFGK. Une surveillance gastrique doit être effectuée chez ces patients, qui sont également à risque de développer des adénomes gastriques. En cas de découverte de PFGK chez un patient jeune, la possibilité d’une PAF doit être envisagée.

Polypes hyperplasiques

Ce sont, avec les PFGK, les polypes gastriques les plus fréquents, représentant 30 à 90 % des cas selon les séries. Il est cependant probable que leur fréquence actuelle est moins élevée, en particulier dans les pays développés, où la prévalence de l’infection à Helicobacter pylori est en forte diminution. En effet, ils se développent dans la grande majorité des cas au sein d’une muqueuse gastrique inflammatoire et atrophique, infectée par cette bactérie [13].

Les polypes hyperplasiques sont plus fréquents dans l’antre que dans les autres parties de l’estomac, et sont souvent multiples. Ils se présentent généralement sous la forme de lésions sessiles, à surface lisse, de petite taille (0,5 à 1,5 cm de diamètre), mais peuvent être plus volumineux, et alors lobulés ou pédiculés. Les polypes les plus volumineux peuvent être érodés en surface, et être alors à l’origine d’hémorragie et d’anémie.

Histologiquement, ils sont faits de cryptes et de glandes allongées, plus ou moins remaniées, avec des bifurcations et parfois des dilatations kystiques (figure 2) [8]. Les glandes et les cryptes ne prennent pas l’aspect architectural « festonné » caractéristique des polypes hyperplasiques colorectaux, lésions tout à fait différentes des polypes hyperplasiques gastriques. Les structures épithéliales sont présentes au sein d’un chorion œdémateux et congestif, contenant des fibres musculaires lisses et un infiltrat inflammatoire d’abondance et de composition variables. La richesse souvent importante de cet infiltrat inflammatoire a fait désigner par certains cette lésion sous le terme de polype inflammatoire, ce qui est une source de confusion. Il faut noter que la principale lésion élémentaire des polypes hyperplasiques, l’hyperplasie des cryptes (ou hyperplasie fovéolaire) s’observe aussi dans d’autres circonstances, comme la gastropathie « réactive » causée par le reflux biliaire et les AINS, et dans les moignons de gastrectomie, en particulier dans le cadre de la gastrite kystique polypeuse [3].

La présence de lésions de dysplasie est rare dans les polypes hyperplasiques. Le plus souvent, les anomalies cytologiques et architecturales sont secondaires aux fréquentes érosions de surface du polype, et aux modifications régénératives qu’elles entraînent. Il est cependant possible d’observer des foyers de dysplasie dans un polype hyperplasique gastrique ; il s’agit d’une situation sans doute assez rare, mais dont la fréquence est diversement appréciée dans la littérature, les chiffres allant de 1 à 20 %. Il est considéré classiquement que le risque de dysplasie est plus élevé pour les polypes les plus volumineux, en particulier ceux qui mesurent plus de 2 cm. De façon encore plus rare, il peut exister des zones de transformation carcinomateuse dans un polype hyperplasique.

La prise en charge des polypes hyperplasiques gastrique reste discutée. Il est recommandé de traiter la lésion sous-jacente fréquente que représente l’infection à Helicobacter pylori, ce qui entraîne la régression des polypes hyperplasiques dans une proportion importante de cas [6]. Le corollaire de cette recommandation est la règle de documenter de façon précise l’état de la muqueuse gastrique lorsqu’un polype hyperplasique est découvert. En cas d’infection à Helicobacter pylori et si une gastrite atrophique avec métaplasie intestinale est présente, le patient doit être considéré comme à risque de cancer gastrique [14], et une surveillance régulière doit être entreprise, dont les modalités ne sont cependant pas clairement établies. L’attitude à tenir vis-à-vis des polypes hyperplasiques eux-mêmes ne bénéficie pas d’un consensus [12] : certains recommandent l’exérèse endoscopique des polypes de petite taille et la biopsie puis la surveillance des polypes trop volumineux pour être enlevés par voie endoscopique ; cependant, la plupart des auteurs considère que les polypes les plus volumineux, qui sont à risque le plus élevé de dysplasie ou de cancer, doivent être réséqués, ce qui est de plus en plus souvent possible par voie endoscopique, compte tenu des progrès techniques majeurs actuels. Si une dysplasie, ou même un carcinome intra-muqueux, sont présents, ils sont réséqués avec le polype, aucun geste chirurgical n’étant alors nécessaire.

Polypes adénomateux

Ce ne sont pas les polypes gastriques les plus fréquents, mais ce sont des lésions pré-cancéreuses, comme ailleurs dans le tube digestif. Leur prévalence est diversement appréciée selon les séries, mais est estimée entre 0,5 et 3,75 % dans les pays occidentaux et entre 9 et 27 % dans les pays à fort risque de cancer gastrique comme la Chine et le Japon. Ils présentent par définition une dysplasie, c’est-à-dire des lésions de néoplasie intra-épithéliale. Le plus souvent ils sont sporadiques, mais peuvent également ­s’observer au cours de la polypose ­adénomateuse familiale. En dehors de ce contexte particulier, ils surviennent en général au sein d’une muqueuse gastrique présentant des lésions de gastrite atrophique, souvent avec métaplasie intestinale. Ils sont généralement asymptomatiques, mais peuvent rarement entraîner des ulcérations et des saignements, voir représenter un obstacle à la vidange gastrique [1,8].

En endoscopie, ils sont plus souvent situés dans l’antre, et se présentent sous la forme de polypes sessiles ou pédiculés, mesurant en général moins de 2 cm de diamètre, et comportant une surface d’aspect velouté qui contraste avec la muqueuse atrophique de voisinage [15]. Rarement, il peut s’agir de lésions planes ou même déprimées (adénomes plans), ce qui suggère qu’adénomes et dysplasie doivent être considérés comme des lésions appartenant au même groupe.

Histologiquement, ils sont constitués de tubes ou de villosités revêtues par un épithélium dysplasique. L’intensité des anomalies cytologiques et architecturales permet de classer la dysplasie en bas grade et haut grade, comme ailleurs dans le tube digestif (figure 3). De façon intéressante, le type de différenciation de l’épithélium dysplasique permet de classer les adénomes gastriques en plusieurs sous-types histologiques. Les plus fréquents sont dits de phénotype intestinal, montrant des signes plus ou moins nets de différenciation intestinale, avec des ­cellules absorbantes, des cellules caliciformes, des cellules endocrines, et parfois des cellules de Paneth (figure 3). Les autres types histologiques sont dits « gastrique fovéolaire », et « pylorique » [16]. Les adénomes pyloriques sont typiquement constitués d’un épithélium cubique ou cylindrique avec un noyau basal et un cytoplasme éosinophile assez clair [17]. Ils sont plus fréquents chez les sujets âgés, en particulier chez la femme. à la différence des autres adénomes gastriques, ils sont plus fréquents dans le fundus que dans l’antre. Ils sont plus souvent en dysplasie de haut grade, et sont réputés comporter un risque plus élevé de transformation carcinomateuse. Cette classification en sous-types histologiques peut être aidée par l’immunohistochimie, qui montre dans les adénomes intestinaux l’expression de marqueurs de différenciation entérocytaire (CD10, Muc 2…), absents des adénomes fovéolaires et pyloriques. Ces derniers expriment de façon caractéristique Muc 6. Il faut cependant noter que cette classification phénotypique des adénomes gastriques, si elle implique très probablement un risque de malignité variable selon le type, et qu’elle est intéressante au plan de l’étiopathogénie des adénomes, n’a pas encore réellement d’influence sur la prise en charge thérapeutique et le rythme de surveillance des patients après exérèse.

Comme pour les adénomes coliques, le risque de malignité des adénomes gastriques est lié à la taille, au grade de dysplasie, et la présence d’une composante villeuse. Les petits adénomes pédiculés de moins de 1 cm sont le plus souvent de bas grade de dysplasie. Les plus volumineux sont souvent villeux et en dysplasie de haut grade, et un pourcentage assez élevé comporte une transformation carcinomateuse, qui serait présente dans presque la moitié des adénomes de plus de 2 cm.

Les adénomes gastriques ayant un risque de transformation carcinomateuse, ils doivent être réséqués, si possible en endoscopie par polypectomie ou mucosectomie [12]. Le risque d’association à d’autres lésions gastriques étant important, toute la cavité gastrique doit être explorée, en biopsiant toutes les zones anormales. Un suivi endoscopique est recommandé après exérèse endoscopique d’un adénome gastrique, après 6 mois en cas d’exérèse incomplète ou de lésion de haut grade, après un an dans les autres cas.

Polypes hamartomateux

Les polypes hamartomateux sont rares dans l’estomac, mais ils peuvent être de diagnostic difficile. En particulier, il peut être difficile de les distinguer de polypes hyperplasiques, d’où l’importance du contexte clinique et endoscopique [18]. Ils comprennent les polypes juvéniles, les polypes de Peutz-Jeghers, et les polypes de la maladie de Cowden. Ils sont donc très généralement observés au cours de polyposes digestives, qui peuvent ­parfois n’atteindre que l’estomac, en particulier pour la polypose juvénile.

Polypes juvéniles

Ils surviennent généralement dans le cadre d’une polypose juvénile, atteignant tout le tube digestif ou seulement l’estomac (alors souvent secondaire à une mutation germinale du gène SMAD4), avec ou sans histoire familiale. Ils peuvent s’observer à tout âge, s’accompagnent souvent d’une hypoprotidémie et/ou d’une anémie, et prédominent dans l’antre. Ils sont souvent volumineux, et sont constitués d’une muqueuse oedémateuse et inflammatoire comportant des glandes et des cryptes allongées, tortueuses, souvent dilatées. Ils sont associés à un risque augmenté de cancer de l’estomac.

Polypes de Peutz-Jeghers

L’atteinte gastrique est possible au cours de la polypose de Peutz-Jeghers, cependant plus rare que l’atteinte intestinale. Les polypes gastriques sont faits de glandes hyperplasiques bordées par un épithélium de type fovéolaire, disposées en lobules séparés par des trousseaux de fibres musculaires lisses, la partie profonde des glandes paraissant atrophique. Il est classiquement considéré que le risque de cancer gastrique est augmenté au cours du syndrome de Peutz-Jeghers, mais il n’est pas établi que les cancers se développent dans l’estomac à partir des polypes de Peutz-Jeghers.

Polypes de la maladie de Cowden

Des polypes gastriques peuvent se voir au cours de la maladie de Cowden. Ils sont faits de cryptes allongées et en profondeur de cryptes dilatées, séparées par quelques fibres musculaires. Ils peuvent eux-aussi être difficiles à différencier de polypes hyperplasiques.

Atteinte gastrique au cours d’autres polyposes

Au cours du syndrome de Cronkhite-Canada, des polypes gastriques accompagnent les lésions du reste du tube digestif. Ils sont indistinguables au plan morphologique de polypes juvéniles ou de polypes hyperplasiques, et peuvent seulement être diagnostiqués dans un contexte clinique caractéristique.

La PAF atteint l’estomac, sous la forme de PFGK et d’adénomes, décrits plus haut dans ce texte.

Une nouvelle forme de polypose gastrique familiale a récemment été décrite, sous l’appellation de « GAPPS », pour « adénocarcinome gastrique et polypose proximale de l’estomac », de transmission auto­somale dominante, et caractérisée par une polypose limitée à l’estomac, et faite de PFGK avec dysplasie [19].

Polypes fibroïdes inflammatoires

Ces polypes sont aussi appelés en français polypes fibro-inflammatoires, et parfois tumeurs de Vanek ou tumeur d’Helwig, des noms des auteurs qui ont publiés les premières séries. Ils sont rares, représentant moins de 1 % des polypes gastriques. Ils peuvent se développer de haut en bas du tube digestif, mais la localisation antrale est la plus fréquente, représentant près de 80 % des cas. Il s’agit en général de polypes sessiles, uniques, de consistance ferme, souvent ulcérés. Ils sont habituellement de découverte fortuite, même si des cas révélés par une hémorragie ou une obstruction digestive ont été signalés.

Histologiquement, ils sont constitués d’une prolifération de cellules fusiformes, souvent disposés de façon concentrique autour de vaisseaux (« aspect en bulbe d’oignon »), et par un infiltrat inflammatoire au sein duquel les polynucléaires éosinophiles sont les plus nombreux.

La cause des polypes fibroïdes inflammatoires est inconnue. Longtemps considérés comme des lésions inflammatoires non tumorales, la mise en évidence récente dans plus de 70 % des cas, de mutations activatrices du gène du PDGFa, mutation similaire à celle observée dans les GIST KIT négatives, plaide pour la nature ­véritablement tumorale de ces lésions [20].

Ces polypes sont le plus souvent de découverte fortuite. Ils font généralement l’objet d’une résection locale, après laquelle ils ne récidivent pas. Ils ne doivent donc pas faire l’objet de traitements complémentaires ni d’une surveillance particulière [12].

Autres polypes et lésions polypoïdes

Les tumeurs stromales (GIST) rarement, et les tumeurs neuro-endocrines, plus souvent, peuvent se présenter en endoscopie sous la forme de polypes. Ces lésions sont décrites dans d’autres articles de cette revue. Toutes les hyperplasies et tumeurs lymphoïdes et les mésenchymateuses (musculaires lisses, nerveuses, vasculaires, etc.) peuvent également prendre l’aspect de polypes, mais elles sont toutes rares. Les xanthomes ou xanthelasmas sont moins rares, mais ils se présentent généralement comme des petits nodules sessiles ou plaques jaune pâle, souvent situés dans l’antre, et de diagnostic endoscopique facile. Les pancréas hétérotopiques peuvent apparaître comme des nodules polypoïdes sous-muqueux, majoritairement pré-pyloriques.

Enfin, il n’est pas exceptionnel que des biopsies faites sur un « polype » ou un nodule muqueux en endoscopie ne montrent aucun aspect diagnostique d’un des polypes gastriques décrits plus haut dans ce texte [6]. Avant d’admettre que l’aspect de polype n’était dû qu’à un œdème du chorion ou à une simple hyperplasie fovéolaire, il faut toujours évoquer la ­possibilité que les biopsies, surtout si elles sont de petite taille et/ou peu ­nombreuses, ne soient pas représen­tatives de la lésion. Dans ce cas, après confrontation anatomo-clinique, il peut être légitime de pratiquer une nouvelle endoscopie avec biopsies.

Recommandations endoscopiques et anatomo-pathologiques générales

Faut-il biopsier la muqueuse gastrique en dehors des polypes ?

La majorité des polypes gastriques sont des PFGK. Lorsque l’aspect endoscopique est très évocateur de ce diagnostic, les biopsies de la muqueuse en dehors des polypes ont en fait assez peu d’intérêt. Dans tous les autres cas, l’état de la muqueuse gastrique non polypeuse est un élément important. C’est en particulier lui qui influencera le traitement et la surveillance en cas de polype hyperplasique ou ­d’adénome, en montrant ou non une ­infection à Helicobacter pylori, et en appréciant le degré d’atrophie, de métaplasie, et éventuellement de dysplasie de la muqueuse gastrique.

Faut-il biopsier et/ou réséquer tous les polypes ?

La seule exception à la règle qui veut que tous les polypes gastriques doivent faire l’objet d’un diagnostic anatomo-pathologique microscopique est la situation relativement fréquente de polypes multiples dont l’aspect endo­scopique est a priori très évocateur de PFGK. Dans cette situation, il est recommandé par la British Society of Gastroenterology de biopsier un des polypes pour confirmer le diagnostic, mais pas nécessairement de docu­menter tous les polypes. Dans tous les autres cas, il est nécessaire de disposer d’un prélèvement histologique. Celui-ci peut être une série de biopsies à la pince, qui suffisent en général à ­réaliser l’exérèse de petits polypes de moins de 5 mm, et qui permettent d’établir le diagnostic précis des polypes de plus grande taille. Ce ­diagnostic sera confirmé par l’étude de la résection du ou des polypes, faite idéalement en endoscopie par poly­pectomie, mucosectomie, ou dissection endoscopique sous-muqueuse, ou éventuellement par chirurgie. L’étude de ces pièces d’exérèse doit être extrêmement soigneuse et rigoureuse, puisque c’est en fonction du diagnostic lésionnel et de l’évaluation du stade d’extension tumorale dans un polype « malin » que seront prises les décisions d’un éventuel traitement complémentaire et du rythme de la surveillance.

Références

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Les 5 points forts

  1. Les polypes gastriques doivent faire l’objet d’un diagnostic anatomo-pathologique, la réalisation de biopsies de la muqueuse en dehors des polypes étant en outre recommandée dans la majorité des cas.
  2. Les polypes gastriques les plus fréquents sont les polypes fundiques ­glandulo-kystiques et les polypes hyperplasiques. Un traitement prolongé par inhibiteur de la pompe à proton entraîne l’apparition fréquente de polypes fundiques glandulo-kystiques.
  3. Les adénomes gastriques sont des lésions pré-cancéreuses, dont l’exérèse doit impérativement être réalisée, le patient devant ensuite faire l’objet d’une surveillance endoscopique régulière.
  4. L’infection à Helicobacter pylori est le facteur de risque majeur de ­développement des polypes hyperplasiques et des adénomes.
  5. La plupart des polyposes digestives hamartomateuses et néoplasiques peuvent s’accompagner de polypes gastriques souvent multiples, et qui peuvent être de diagnostic histologique difficile.