Prise en charge des lésions polypoïdes gastriques par les endoscopistes

Objectifs 

  • Connaître la sémiologie endoscopique de différentes lésions
  • Savoir quelles lésions traiter et quelles lésions surveiller 

Introduction

Les polypes gastriques sont de nature hétérogène, mais la plupart (> 90 %) sont découverts de façon fortuite et relèvent de l’endoscopiste. Leur fréquence lors d’une réalisation d’une endoscopie est estimée de 2 à 6 % selon les études des pays occidentaux [1,3]. La majorité de polypes (> ~85 %) est de nature bénigne. Le risque de malignité ou d’évolution maligne des polypes gastriques est étroitement dépendant de leur nature et celui-ci est dominé par les adénomes. Plusieurs classifications ont été proposées [4] et pour les simplifier, certains auteurs ont proposé la distinction entre les polypes bénins et néoplasiques. Toutefois, cela n’est pas parfait car parmi des polypes classés comme bénins, certains peuvent avoir une évolution maligne (par exemple les polypes hyperplasiques). Dans cet exposé, on distinguera les polypes d’origine épithéliale et non-épithéliale qui est une classification plus adaptée (Tableau 1) [5].

Tableau 1. Classification des polypes gastriques

  Fréquencea

Sexea

OR : femme

Âgea Potentiel
malin
Épithéliaux
Polypes glandulo-kystiques sporadiques  – 80 % 1,47 59 Non
Hyperplasiques 14 % 1,14 66 Oui
Adénomes 0,7 % 1,02 73 Oui
Hamartomes
– Juvénile
–   Syndrome de Peutz-Jegers
– Maladie de Cowden
ND
(Rare)
ND  
Polypose adénomatose familiale (PAF)
ou PAF atténuée
ND
(Rare)
ND  – Oui
Non épithélialb
Tumeurs stromales mésenchymateuses
– GIST
– Tumeurs musculaires
0,1 % 0,35 68 Oui
Polypes fibroïdes inflammatoires 0,1 % 4,2 61  
Xanthomes, xanthélasma  2 %  0,49 62 Non
Tumeurs endocrines (carcinoïdes) 0,6 % 1,99 67  
Lipome 0,06 0,47 62 Rare
Pancréas aberrant (ou ectopique) 0,8 % 0,62 46 Non
a Fréquence  (prévalence relative), sexe (OR femme) et âge médian dans une étude sur un ans sur  120  000 malades ayant une endoscopie digestive haute. Des carcinomes et lymphomes de présentation « polypoïde » représentent 1.35 % et 0.9 % des polypes respectivement
b On exclut d’autres lésions diverses à présentation parfois polyploïde comme les hyperplasies lymphoïdes/lymphome et les tumeurs vasculaires et neurogènes (hémangiome, lymphangiome, sarcomes de Kaposi)

La fréquence des polypes rapportée dans la littérature semble avoir nettement varié sur les 15 dernières années (Tableau 2) avec en particulier l’augmentation de ­proportion des polypes glandulo-­kystiques fundiques. Cette augmen­tation peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs : 

  1. les polypes hyperplasiques et adénomateux ont une fréquence plus élevée dans les populations ayant une forte incidence d’infection par Helicobacter pylori mais cette incidence a été nettement influencée par les programmes d’éradication de cette infection dans certains pays ;
  2. la forte consommation des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) joue probablement un rôle dans l’augmentation de nombre de polypes glandulo-kystiques [3] ;
  3. les études anciennes rapportent des résultats étalés sur plusieurs années, rendant difficile l’information sur l’incidence réelle ;
  4. les améliorations des techniques endoscopiques, à la fois sur la qualité des images ainsi que des techniques de résection, jouent un rôle dans cette explication des différences observées au fil du temps. 

Tableau 2. Caractéristiques de types de polypes selon les plus grosses séries

  Type d’étude Nombre 
de polypes
Durée,
ans
Polypes,
% total
Polypes
glandulokystiques, %
Hyperplasiques,
%
Adénomes,
%
Roseau et al., 1990 [30] Registre d’anatomopathologie 191 4 1.3 10 25 3
Rattan et al., 1993 [31] Registre d’anatomopathologie 188 8 NDa ND 45 3
Archimandritis et al.,
1996 [1]
12  974 EOGD consécutives 258 4 1.2 ND 76 7
Stolte et al., 2004 [20] Registre d’anatomopathologie 5515 20 NDa 47 28 9
Morais et al., 2007 [2] 26  000 EOGD consécutives 153 5 0.6 16 71 12
Carmak et al., 2010 [3] 121  564 EOGD consécutives 6  675 1 6 77 17 0.7
EOGD : endoscopie œsogastroduodénale ;
a : analyse rétrospectives des polypes d’un registre d’anatomopathologie donc l’analyse de prévalence relative impossible

Outre l’aspect endoscopique et histologique spécifique à chaque type de polype gastrique, l’approche diagnostique et thérapeutique et la prise en charge dépendent d’autres considé­rations : 

  • leur association à des altérations du reste de la muqueuse gastrique, en particulier la présence d’atrophie, métaplasie ou dysplasie avec une fréquence particulièrement élevée (pour les polypes adénomateux ou hyperplasiques) ;
  • le nombre des polypes : l’identi­fi­cation des polypes multiples peut rendre difficile l’attitude diagnostique et thérapeutique ; possibilité de polypes de type histologique ­différent ;
  • la présence ou non d’une infection par Helicobacter pylori ;
  • l’association à des polypes colo­rectaux et/ou carcinome colorectal sporadiques ou dans le cadre d’une maladie génétique prédisposante (syndrome de polypose).

Les différents types de polypes gastriques (Tableau 3)

Polypes épithéliaux néoplasiques ou non

Polypes glandulo-kystiques du fundus (PGK) (Figures 1 et 2)

La prévalence des PGK (ou polypes d’lster) est en nette augmentation et représente entre 68 et 77 % des polypes gastriques dans deux études récentes américaines qui ont porté sur 103 385 et 121 564 endoscopies respectives réalisées au cours d’une année calendaire [3,6]. Les PGK sont décelés au cours de deux contextes clinico-pathologiques : le plus souvent sporadiques ou s’intégrant dans la polypose adénomateuse familiale (PAF).

Les PGK sporadiques

Figure 1. Polypes glandulokystiques fundiques sporadiques montrant des lésions typiquement (a) – sessiles (hémisphériques), à surface lisse et régulière avec une couleur similaire à la muqueuse avoisinante (a et c) ; ils sont uniques (b) ou multiples (a) et parfois rosâtres ou framboisés comme sur le montre l’image de haute définition avec l’aide de FICE (d)

Tableau 3. Caractéristiques endoscopiques et prise en charge des polypes gastriques

  Distribution/
location gastrique
Taille, 
mm
Nombre Aspect endoscopique Histologie 
de la muqueuse
gastrique
Prise en charge/
surveillance
Polypes glandulo-
kystiques
– Sporadiques
Corps et fundus < 1 cm Unique 
ou multiple 
(< 10)
Sessile (hémisphérique), surface
lisse et régulière, couleur 
de la muqueuse avoisinante,
parfois rosâtre ou framboisée.
Se détache facilement à la pince
à biopsie
Gastrite
chronique liée 
à H. pylori 
très rare
Biopsie, confirmation
histologique.
Pas de suivi
– S’intégrant dans
la polypose
adénomateuse
familiale (PAF) ou
PAF atténuée
Idem Parfois 
> 1 cm
Multiples 
(en tapissé)
Idem Normale Biopsie, confirmation
histologique.
Résection si > 1cm ;
Suivi tous les 1 ou 2 ans
Hyperplasiques Antre et corps 
ou sur une
anastomose 
ou ulcère ; 
cardia si RGOa
Souvent
< 1 cm,
parfois 
2-5 cm
Unique
(multiple
15 %) ;
parfois
associéea 
la maladie 
de Ménétrier
Sessile (large base
d’implantation), pédiculé (25 %)
ou lobulé (ou arrangé en grappe),
surface régulière et parfois
ulcérée.
Mou à la pince à biopsie
Gastrite
chronique liée à
H. pylori (25 %)
Exérèse endoscopique 
si dysplasie ou polype 
> 2 cm ;
Éradication H. pylori
Gastroscopie tous 
les 1 ou 2 ans 
(si métaplasie/dysplasie)
Adénomesb Incisure et antre
rare dans le corps
ou fundus)
< 2 cm Unique 
(80 %)
Aspect en velours, surface
foncée, lisse et parfois lobulée,
sessile ou pédiculé, architecture
tubuleuse
Gastrite
chronique
atrophique 
(avec
métaplasie)
fréquente
Exérèse endoscopique ;
biopsies de la muqueuse
gastrique ;
Gastroscopie à 6 à 
12 mois (puis tous 
les 1 ou 2 ans si
métaplasie/dysplasie)
Xanthomes,
xanthélasma
Antre, 
petite courbure
gastrique, 
péri-pylorique
< 3 mm Parfois
multiples,
groupés
Sessiles, plans, jaune-pale, 
soit nodulaire ou en plaques
Gastrite
chronique et
métaplasie
intestinale
 
Tumeurs
endocrines
(carcinoïdes)
Type 1 et 2 :
Corps et fundus
Type 3 : antre
Type 1 et 2 :
< 1 cm ;
Type 3 : 
> 1-2 cm
Type 1 et 2 :
multiples
Type 3 :
unique
cType 1/2 : firme, sessile
Type 3 : sessile
Type 1 : Gastrite
atrophique auto-
immune
(Biermer) avec
métaplasie
intestinale
Type 3 : normale
Type 1 : exérèse
endoscopique si ≥1 cm ;
biopsie de la muqueuse
gastrique ; 
Suivi tous les 1 ou 2 ans
Type 3 : exérèse
chirurgicale
Polypes fibroïdes
inflammatoires
(tumeur de Vanek)
Péri-pylorique < 3 cm
(médiane
1,5 cm)
Unique Firme, sessile (semi-sessile) 
et bien défini ; souvent ulcérée,
parfois avec un cap blanc ;
recouverte d’une muqueuse
d’apparence normale
Gastrite
atrophique auto-
immune
(Biermer)
Biopsie, confirmation
histologique.
Exérèse si obstruction
hémorragie.
Pas de suivi
Tumeurs
stromales
mésenchymateuse
– GIST
– Tumeurs
musculaires
Distribution
aléatoire,
Sous muqueuse
Variable
Souvent
> 3 cm
Unique

Bien défini, muqueuse autours
normale, parfois centre ombiliqué ou ulcéré

Normale dSelon de
recommandations
publiées
Pancréas aberrant
(ou ectopique)
Antre, 
péri-pylorique
Sous muqueuse
< 2 cm Unique Sessile, parfois ombiliqué avec
muqueuse gastrique sous jacente
normale
Normale Si typique – 
pas de biopsie
Pas de suivi 
(si asymptomatique)
RGO :  reflux gastro-œsophagien ;
b  les adénomes sont parfois trouvés dans le syndrome de PAF et PAF atténuée ;
c  autres anomalies endoscopiques devant des
tumeurs endocrines gastriques : Type 1 : atrophie gastrique et lac muqueux de faible abondance  (achlorhydrie) ; Type 2 : association de carcinoïde gastrique et
syndrome de Zollinger-Ellison s’intégrant dans la néoplasie endocrine multiple de type 1 (NEM-1) : lésions liées à l’hyperacidité gastrique – érosions, ulcères ;
gastrinomes duodénaux ;
d  Thésaurus National de Cancérologie Digestive (SNFGE)

La majorité des PGK est sporadiques, de découverte fortuite – ratio femme/homme : 1,5, âge moyen 50 ans [3,6] – et se développent sur une muqueuse saine au niveau de la partie haute de l’estomac du fundus ou du corps. Ils sont uniques, ou multiples (< 10 à 15), de petite taille (< 1 cm), sessiles (hémi-sphériques) avec une surface transparente ou lisse et régulière. Leur couleur est celle de la muqueuse avoisinante (mais parfois rosâtre ou framboisée) et ils se détachent facilement à la pince à biopsie. À l’histologie, il existe de multiples dilatations kystiques glandulaires avec un revêtement muqueux fundique (Figure 1). De cause incertaine, des mutations du gène bêta-caténine ont été observées dans des PGK sporadiques. Les PGK ne sont pas associés à une gastrite atrophique et la prévalence d’infection par Helicobacter pylori est basse, voire exceptionnelle ; il semble même qu’il existe un rapport inverse entre ces deux entités [3,6]. Les PGK sont également associés à la prise chronique des IPP [7]. Une étude sur 599 patients a montré une augmentation du risque par 4 chez des malades traités par IPP pour une durée supérieure à 5 ans par rapport à une prise plus courte [8] ; la régression de ces lésions lors de l’arrêt de ce traitement semble confirmer cette hypothèse soutient cette association. D’autres travaux n’ont pas montré de lien net entre PGK et IPP et seule une étude prospective dédiée peut répondre scientifiquement à cette question [5]. En cas de PGK sporadique, la dysplasie est un événement exceptionnel (< 1 %) [3,6]. Faut-il toujours réaliser une biopsie d’un PGK d’allure typique ? Une étude de 56 patients consécutifs a montré une bonne précision diagnostique sur l’aspect endoscopique seul [9] ; 89 % de cas ont été correctement classés comme PGK et aucun des 6 cas mal classés n’avait une composante inquiétante. Devant un risque quasi nul de malignité, en cas de PGK sporadiques ou associés à la prise des IPP, il n’y a donc pas ­d’indication de résection (sauf si risque d’obstruction devant un gros polype ou saignement) ni de surveillance endoscopique. 

Les PGK associés à la PAF

Les PGK sont très fréquents (50 à 70 %) au cours de l’évolution de la PAF et surtout dans les formes de PAF atténuées. Ils sont présents de manière égale chez la femme et l’homme et se développent à un âge plus jeune (avant 40 ans). Les polypes sont ­multiples dans plus de 90 % des cas – parfois tapissant le corps et le fundus de l’estomac (Figure 2d) – et peuvent être larges. Une dysplasie est constatée dans 15 à 41 % des cas, le plus souvent des foyers en surface de dysplasie de bas grade. En raison du risque de cancer gastrique – autour de 13 % dans la PAF, et qui peut être également lié à des adénomes gastriques – il est recommandé d’effectuer une résection endoscopique de PGK de taille supérieure à 1 cm avec une surveillance tous les 1 voire 2 ans (habituellement réalisée lors d’une surveillance des adénomes duodénaux). Des recommandations récentes anglaises préconisent de dépister une PAF chez des sujets jeune (< 40 ans) ayant de PGK ­multiple ou contentant un foyer de dysplasie, avec la réalisation d’une coloscopie [5]. 

Figure 2. Polypes glandulokystiques fundiques sporadiques multiples (ne dépassant rarement 10 à 15 lésions) (a). À l’échoendoscopie ils sont isoechogènes et limités aux couches superficielles de la muqueuse (b) ; à l’histologie (c) on dénote des dilatations kystiques glandulaires avec un revêtement de type fundique. Ils peuvent s’intégrer également dans une polypose adénomateuse familiale (PAF, PAF atténuée ou maladie associée) comme dans l’image (d) montrant un patient ayant un syndrome de Gardner’s où les polypes sont multiples tapissant le corps et fundus de l’estomac (d et e)

Polypes hyperplasiques (Figure 3)

Les polypes hyperplasiques représentent environ 17 % des polypes découverts lors d’une endoscopie haute selon des études récentes [3,6] et la majorité des polypes surviennent dans les régions géographiques où l’infection par Helicobacter pylori est prévalente [3,6]. Ils sont souvent de petite taille, sessiles (parfois pédiculés, 25 %) (Figure 3) ou lobulés avec une surface régulière ou plus rarement ulcérée. La plupart ne donne lieu à aucun symptôme toutefois ils peuvent être rarement responsables d’hémorragie ; ou en cas de gros polype (parfois 2 à 5 cm), d’une obstruction par enclavement au niveau du pylore, leur localisation préférentielle. Ces polypes sont multiples dans 15 % des cas mais très rarement donnent lieu à une polypose hyperplasique. Ils ont été également décrits au cours de la maladie de Ménétrier [10]. Histologiquement, ils sont composés d’un épithélium dilaté, avec des cryptes allongées et parfois kystisées, associées à une membrane basale œdematiée, boursoufflée et inflammatoire (Figure 3d). Des anomalies plus ­complexes telles une régénération de la muqueuse ou une dystrophie et/ou métaplasie intestinale avec des érosions ou ulcérations peuvent être constatées en surface. Ils se développent sur une muqueuse en phase de régénération non-contrôlée ayant un stimulus inflammatoire chro­nique (inflammation liée à H. pylori, maladie de Biermer, gastrite antrale chronique, au niveau des ulcères chroniques ou des anastomoses entéro-gastriques, ou en sous cardiales devant un reflux gastro-­œsophagien acharné). L’éradication de H. pylori peut entraîner la disparition d’un polype hyperplasique [11]. Le risque de dégénérescence se situe entre 0,5 et 7 % [3,4]. Dans une étude récente de 1 341 polypes hyperplasiques, une dysplasie de bas grade a été constatée dans 5 cas (0,4 %) et aucun cas de dysplasie de haut grade [3]. Ce risque est plus important quand le polype dépasse 2 cm [12]. Cependant, alors que le risque de dégénérescence semble très faible, ces polypes sont associés à une augmentation du risque de cancer sur la muqueuse gastrique sous jacente ou à des cancers gastriques synchrones. Il est donc légitime de réséquer complèt­ement les polypes ayant une dysplasie et ceux dépassant 1 à 2 cm. Cette recommandation est soutenue par une autre étude rétrospective récente coréenne portant sur 216 patients ayant 269 polypes gastriques traités par polypectomie endoscopique ou chirurgie [13] dont 14 étaient (5 %) néoplasiques (dysplasie, 4 ou carcinome, 10). Les biopsies pré résection sous estimaient une transformation maligne dans 5 des 14 cas. Le seul facteur prédictif d’un polype transformé était une taille > 1 cm (12/143 ; 8 % vs 2 /126 ; 2 %) (p = 0,013). 

Figure 3. Polypes hyperplasiques, le plus souvent de petite taille comme cette lésion unique infra centimétrique plane du fundus (a). Ils sont plus rarement pédiculés (b, c). L’aspect histologique après résection endoscopique à l’anse diathermique (lésion b) montre un épithélium dilaté, avec des cryptes allongées (flèches) et parfois kystisées (*), associées à une membrane basale oedematiée, boursoufflée et inflammatoire (**)

L’exérèse de ces polypes n’annule pas le risque de développement néo­plasique sur une muqueuse gastrique atrophique sous-jacente et il est impor­tant aussi d’explorer et de biopsier le reste de l’estomac afin de rechercher d’éventuelles lésions dysplasiques ou néoplasiques débutantes. Cette tache est facilitée par les endoscopes de nouvelle génération de haute résolution munis d’une chromoendoscopie électronique [14] ; la coloration par indigo carmin peut être également utile. La surveillance dépend du risque éventuel de la gastrite associée avec ou sans métaplasie/dysplasie [15] (Recomman­dations de la SFED). Il est recommandé de rechercher et d’éradiquer H. pylori

Les adénomes (Figure 4)

Les adénomes gastriques sont des vraies lésions néoplasiques passant par la séquence classique dysplasie – cancer. Leur fréquence est estimée entre 6 et 10 % toutefois, selon des données récentes, ils ne représentent que < 1 % des polypes gastriques découverts de façon fortuite [3]. Plus rarement ils peuvent être responsables d’un saignement occulte ou d’une obstruction. Ils sont de siège préférentiel antral (unique dans 80 % de cas) et sont pour la plupart sessiles avec un aspect en velours et parfois foncés. Ils peuvent être lobulés avec une architecture tubuleuse et dépasse rarement 2 cm. Comme leurs homologues coliques, ils sont classées en tubuleux, villeux et tubulo-villeux. À l’histo­logie, on distingue les adénomes intestinaux (cellules caliciformes, entérocytaires et de Paneth) et le phénotype gastrique (cellules mucosécrétantes). La plupart est sporadique ou rarement associée à une PAF ou PAF atténuée. Ils sont souvent associés à une muqueuse de gastrite chronique avec métaplasie intestinale. Le risque d’une transformation maligne se situe entre 1 et 10 %. Celui-ci est étroitement lié à la taille et l’aspect histologique : < 5 % si lésion < 2 cm et tubuleux [4,16,17]. Le risque de transformation dépasse 40 % en cas de polype > 2 cm et/ou présentant un aspect villeux [4]. Le risque de transformation maligne dépend naturellement aussi du grade dysplasique, allant de 25 à 68 % en 12 à 30 mois en cas de dysplasie de haut grade comparé à une évolution parfois très lente pour des lésions en dysplasie de bas grade estimée à 0 à 9 % en 15 mois [16]. Il est cependant impératif de souligner qu’une biopsie simple ne suffit pas à exclure des foyers de dysplasie de haut grade. Outre le risque de dégénérescence des adénomes, il existe une association entre les adénomes gastriques et le carcinome gastrique soit synchrone ou métachrone. 

Figure 4. Adénome gastrique de l’antre en dysplasie de bas grade (a) ; lésion unique, sessile/plane dans la région pré-pylorique, vue en endoscopie standard et à l’aide de FICE (a et b). Cette lésion est réséquée en monobloc (c, d) utilisant une ligature élastique sans complications. L’histologie confirme une exérèse complète de la lésion contenant une dysplasie de bas grade qui reste parfaitement intra-muqueuse(e)

Pour les adénomes, quel que soit le degré de dysplasie, il est recommandé d’effectuer une exérèse complète de la lésion par des opérateurs entraînés (mucosectomie, ESD ou même parfois résection chirurgicale). Un examen soigneux de l’ensemble de la muqueuse gastrique doit être réalisé préférablement avec des endoscopes de nouvelle génération (éventuellement associé à la chromoendoscopie électronique ou chimique) pour rechercher en parti­culier un carcinome plan. L’éradication d’Helicobacter pylori est également recommandée. La surveillance, impérative après résection d’un adénome, doit être réalisée à 6-12 mois selon le degré de dysplasie et la sûreté de l’exérèse initiale. Elle a comme but de rechercher une éventuelle récidive (site de la résection initiale), des polypes non vus initialement ainsi que des anomalies de la muqueuse gastrique si métaplasie/dysplasie. En cas d’examen normal, la surveillance ­ultérieure doit être faite à 2 voire 3 ans [12] (ASGE Guidelines 2006). 

Adénocarcinomes et lymphomes polypoïdes

Environ 5 à 7 % des « polypes » ­gastriques correspond à des variantes d’adénocarcinomes gastriques se ­présentant dans une forme polypoïde – type Ip [20]. Dans une étude récente [3] 1,4 % des lésions polypoïdes détectées lors de la réalisation d’une endoscopie digestive haute sont des adénocarcinomes. De manière générale, le traitement est chirurgical (57 % atteignent la sous muqueuse) ; le traitement endoscopique est possible pour une faible proportion de patients – lésions de petite taille (< 2 cm) après exérèse complète ­montrant une atteinte limitée à la muqueuse. Les lymphomes peuvent également se présenter dans une forme polypoïde (0,9 % selon l’étude de Carmack et al. [3] ; ils sont parfois associés à une polypose lymphomateuses digestives.

Autres lésions polypoïdes

Les tumeurs endocrines gastriques (Tableau 4)

Les tumeurs endocrines gastriques (carcinoïdes gastriques) sont de plus en plus fréquentes et représentent environ 8 % des TE digestives [18,19] et 0,6 à 2 % des polypes gastriques lors d’une endoscopie digestive haute [3,20]. On distingue les TE sporadiques et des tumeurs en rapport avec une prolifération des cellules « enterochromaffin-like » (EC-Lomes). Les TE gastriques sont observées dans trois circonstances (Tableau 4) (Figures 5 et 6) : type 1 : tumeurs compo­sées d’une prolifération de ­cellules argyrophiles endocrines ­fundiques en conséquence d’une hypergastrinémie liée à une gastrite atrophique chronique (GAC) avec achlorhydrie [18, 19] ; type 2 : tumeurs associées à une hypergastrinémie chronique liée à un gastrinome et s’intégrant dans la néoplasie endocrine multiple de type 1 [18,19] et type III en l’absence d’hypergastrinémie – TE sporadiques. Les EC-Lomes associés à une GAC sont les plus fréquents en raison de la prévalence ­élevée de la gastrite atrophique, auto-immune (maladie de Biermer) ou non, dans la population générale. Les EC-Lomes associés aux gastrinomes ou les TE sporadiques sont très rares (Tableau 4) (Figure 6). Ces tumeurs sont identifiées en utilisant une étude histologique standard où l’on observe majoritairement des cellules bien ­différenciées, argyrophiles (Grimelius positives) avec un marquage positif pour les anticorps anti-chromogranine A et anti-synaptophysine. En plus du profil histologique et immunohistochimique, il est important d’apprécier l’agressivité tumorale en calculant l’index mitotique et l’index de prolifération (Ki-67).

Tableau 4. Caractéristiques des tumeurs endocrines (TE) gastriques

  Type 1 Type 2 Type 3
Proportion de TE gastriques, %  70-80 5-6 14-25
Localisation gastrique Corps, fundus Corps, fundus, antre Antre
Caractéristiques tumorales Unique/multiples, 
petite taille (< 1 cm) ; 
polyploïde ou intramuqueuse
Souvent multiples, petite taille
(<1-2 cm) ; polyploïde (sessile)
Unique, grand taille (> 2 cm) ;
parfois ulcérée
Affections associées Gastrite atrophique chronique ;
achlorhydrie
Gastrinome/NEM-1 Sporadique
Histologie Bien différenciée Bien différenciée Bien différenciée, peu différenciée
ou mixte endo-/exocrine
Gastrinémie  ↑  ↑ Normale
pH gastrique ↑↓ Normal
Risque de métastases 2-5 10-30 50-100
Prise en charge – < 5 mm : biopsies de tumeurs
ainsi que la muqueuse gastrique
(antrale et fundique) sous jacente ;
– 6 à 10 mm exérèse endoscoique
par mucosectomie (celles près 
d’1 cm) ;
– > 1 cm ou suspicion T2 (EE utile)
discussion d’une chirurgie
Traitement dicté par les gastrinomes
associé. Le traitement des TE
gastrique est rarement indiquée
Résection chirurgicale oncologique
Surveillance  Annule ou tous les 2 ans ; biopsies
de tumeurs et rechercher des lésions
de gastrite associée
Surveillance spécifique 
aux gastrinomes et la NEM-1 ; 
EOGD annuelle
Selon le sous-type tumorale
EE : échoendoscopie ; EOGD : endoscopie œsogastroduodénale

Figure 5. Exemples de tumeurs endocrines gastriques de Type 1. Chez un homme de 56 ans présentant une atrophie chronique gastrique non immune (1a) plusieurs lésions firmes, sessiles de taille variés du corps/fundus sont notés (1a) le plus volumineux dépassant 1 cm de diamètre. À l’échoendoscopie (1b), une des tumeurs est bien définie étant hypoéchogène, homogène et localisée dans la muqueuse et sous muqueuse respectant la musculeuse. Dans les images 2a on constate un nodule sessile de 9 mm de diamètre chez une femme de 42 ans explorée pour une carence en vitamine B12. La muqueuse gastrique présente un aspect d’atrophie complète. Cette lésion ainsi que 4 autres – tous environ 1 cm – ont été réséqué par une technique de ligature (2a). À l’histologie, la nature endocrine est confirmée (2b) montrant des cellules round, réguliers et respectant la limite en profondeur de la résection. La tumeur à un fort marquage pour la chromogranin A (2c)

Le risque métastatique est étroitement lié à la taille et au type de tumeur [18,19] (Tableau 4). Pour les types 1 et 2, une surveillance annuelle ou tous les deux ans est recommandée pour des petites tumeurs stables. Une exérèse endoscopique doit être considérée pour celles approchant 1 cm ; celle-ci doit être faite par un endoscopiste entraîné afin d’achever une résection complète de la lésion. Une échoendoscopie est recommandée afin d’explorer ­l’extension en profondeur (T1 des T2) et ­ganglionnaire. Pour les types 3, une résection chirurgicale (gastrec­tomie partielle ou totale) oncologique est recommandée [18,19]. La recher­che des anomalies metaplasiques/­dysplasiques doit être également ­réalisée en cas de gastrite chronique associée. 

Figure 6. Tumeur endocrine gastrique sporadique de Type 3 situé dans la partie distale du corps. La lésions est sessile, relativement bien limitée à la bas d’implantation et mesure 2,5 cm de diamètre. À l’échoendoscopie (b) on constate que la tumeur a franchie la sous-muqueuse pour envahir la musculeuse (flèche) – tumeur T2. À l’histologie, il s’agit d’une tumeur bien différenciée avec de cellules régulières (c) ayant un marquage positif pour la chromogranin A (d). L’index de prolifération (Ki-67) est estimé à 3 % (e). Une résection chirurgicale (gastrectomie partielle) confirmée une tumeur pT2N1 (un ganglion positif)

Polypes hamartomateux gastriques

Ces lésions, rares – qui comportent les polypes juvéniles, les polypes de syndrome de Peutz-Jeghers et la maladie de Cowden – sont résumés dans le Tableau 5 [4]. 

Tableau 5. Les polypes gastriques hamartomateux

  Distribution/location
gastrique
Taille, 
mm
Nombre Aspect endoscopique Risque 
de transformation
maligne
Prise en charge/surveillance
Syndrome de
Peutz-Jegersa
Distribution aléatoire Variable
(parfois
volumineux)
Multiple Pédicule 
(parfois avec un pédicule
long) et surface 
en velours
> 50 % Gastroscopie à l’âge de 8 ans 
et si positive tous les 2-3 ans ; 
si négative nouvelle endoscopie 
18 ans
Biopsie si > 5 polypes ; exérèse 
si > 1 cm
Les polypes
juvéniles
Antre, ou corps Variable,
souvent
volumineux
Unique
 
Multipleb
Rond, pédicule ou large
base d’implantation,
érosions superficielles et
saignant facilement
Unique : 0 %
Multiple > 50 %
Gastroscopie tous les 1 à 2 ans 
après l’âge de 18 ans ;
Syndrome de
Cowdenc
Très rare, peu connue Variable ? Peu définie, ressemble
aux polypes
hyperplasiques
Rare Eradication d’H. pylori
Pas de surveillance
aAutosomique dominant (mutation du STK11) caractérisé par des polypes hamartomateux de l’intestin et des pigmentations cutanéo-muqueuses et du squelette.
Augmentation également des cancers du côlon, du sein, de l’endomètre, du pancréas et du poumon
bS’intégrant dans la polypose juvénile (polypes coliques et/ou maladie de Rendu-Osler) ; l’atteinte gastrique ainsi que le risque de transformation maligne sont
corrélés à la présence de mutations de SMAD4
cMaladie autosomique dominante associant des malformations crânio-faciales, cutanéo-muqueux, des hamartomes mammaires, thyroïdiennes et gastriques (muta-
tions de PTEN 1a dans 80 %)

Xanthomes, xanthélasma

Ces petites lésions (< 5 mm), soit ­sessiles ou planes, soit nodulaires ou en plaques sont souvent de couleur jaune-pâle, et se trouvent dans l’antre, la petite courbure gastrique et la région péri-pylorique (Figure 7). Repré­sentant < 2 % des lésions gastriques, ils peuvent être multiples ou groupés et s’associer à une gastrite chronique parfois avec métaplasie intestinale. À l’examen histologique la lésion est définie par la présence d’amas nodulaires de macrophages spumeux, à cytoplasme clair, charge de lipides, situés entre des cryptes souvent hyperplasiques. Un lien entre xanthomes gastriques et Helicobacter pylori a été rapporté. Ce sont des lésions bénignes ne nécessitant pas de surveillance ­particulière.

Figure 7. Xanthome gastrique sur la jonction corps/antre montrant des lésions jaunâtres qui à l’histologie montrent la présence de lipophages (macrophages spumeux renfermant des lipides) dans chorion

Les polypes fibro-inflammatoires (Figure 8)

Relativement rares (prévalence d’environ 1 %), ils sont souvent bien définis, fermes, sessiles et localisés dans l’antre ou la région péri-pylorique recouverte d’une muqueuse gastrique normale. Lorsque ces polypes dépassent 1 cm, ils peuvent être déprimés ou ulcérés à leur sommet et responsables d’une hémorragie. D’origine incertaine et probablement de la sous muqueuse, ils sont associés à une gastrite chronique et parfois liés à Helicobacter pylori. Ils peuvent atteindre une taille volumineuse étant parfois responsable d’obstructions gastriques. L’échoendoscopie montre une lésion hypoéchogène sans limite nette dans les 2e et 3e couches sonores. Des biopsies, parfois peu contributives en raison de la profondeur de la lésion, sont nécessaires uniquement pour la confirmation histologique. Ils montrent une architecture histologique richement vascularisée, des vaisseaux à parois épaisses, mélan­gés avec des cellules inflammatoires chroniques à prédominance d’éosinophiles et parfois des cellules géantes multinuclées. L’exérèse est rarement nécessaire uniquement en cas d’obstruction ou d’hémorragie. Le potentiel de dégénérescence n’est pas prouvé et il n’y a pas de consensus sur le besoin d’un suivi (qui ne semple pas nécessaire surtout pour de petites lésions [5]. 

Figure 8. (a) Deux polypes fibro-inflammatoires (*) du fundus gastrique en sous cardial chez un homme frêle âgé de 70 ans présentant une hémorragie digestive haute et un reflux gastro-œsophagien chronique. Il sont pédicules (flèches) et le plus volumineux mesure 5 cm de grand axe. À l’échoendosocpie la lésion est discrètement hypoéchogène sans limite nette dans les 2e et 3e couches sonore. Des prélèvements biopsiques ne porte pas de diagnostic dans un premiers temps et il est adressé pour une résection réalisée avec une anse diathermique classique et un « endoloop » pour le plus volumineux polype (c). À l’histologie, la sous-muqueuse est dissociée par un intense infiltrat inflammatoire polymorphe renfermant des polynucléaires éosinophiles associé à de nombreux vaisseaux de petit calibre, à des cellules fibroblastiques et des fibres de collagène. Ce tissu scléro-inflammatoire est couvert en superficie par une muqueuse parfois érodée ou ulcérée

Les polypes hétérotopiques

Des lésions polypoïdes peuvent révéler une hétérotopie pancréatique ou des glandes de Brunner (affection très rare). Le pancréas hétérotopique (ou aberrant) (Figure 9) est classiquement situé dans l’antre ou la région péri-pylorique. Il est souvent unique et inférieur à 2 cm de forme sessile pleine et parfois ombiliqué – témoignant de l’ébauche d’un canal pancréatique excréteur. Son développement est sous-muqueux mais il peut intéresser aussi la musculeuse (bien visualisé à l’aide de l’échoendoscopie (lésion localisée dans les 2e et 3e couches et discrètement hypoéchogène, hétérogène, parfois ayant des spots échogènes et souvent des limites floues). À la coupe histologique il se présente comme un tissu pancréatique normal. Sa découverte est le plus souvent fortuite alors elles peuvent être l’origine d’une hémorrhagie, sténose ou bien évolué selon toutes les affections pancréatiques – des rares cas pancréatite aïgue ou chronique, d’adénocarcinomes ou de tumeurs endocrines. En dépit du manque des larges séries, leur prise en charge n’est pas bien codifiée cependant, il y a une tendance de ne pas traiter les petites lésions asymptomatiques. Il est néanmoins important d’être sûr du diagnostic car leur distinction d’une tumeur mésenchymateuse n’est pas toujours évidente [21]. 

Figure 9. Aspect de pancréas aberrant classique : lésion d’environ 1 cm de l’antre gastrique recouverte d’une muqueuse d’allure normale qui est réséquée en monobloc par une technique de ligature sans injection pour la soulever

Les tumeurs stromales mésenchymateuses

Les formes polypoides des tumeurs sous muqueuses sont rares et de distribution gastrique aléatoire. Elles sont à l’endoscopie bien délimitées, isolées avec parfois un centre ombiliqué et une muqueuse avoisinante normale (Figure 10). Leur prise en charge est précisée dans les recommandations du Thésaurus National de Cancérologie Digestive (SNFGE). 

Figure 10. Aspect typique d’une tumeur mésenchymateuse de la sous-muqueuse vue à l’endoscopie standard et à l’échoendoscopie. La lésion est recouverte d’une muqueuse tout à fait normale et est limitée en périphérie par la musculeuse en échoendoscopie.

Recommandations endoscopiques

Méthodes de prélèvement de polype : biopsies ou polypectomie ?

La nature de prélèvement dépend de la taille de la lésion, de son aspect endoscopique et de sa localisation. Des petites lésions < 5mm sont habituellement prélevées entièrement par la pince à biopsie. Pour les polypes > 5 mm, des biopsies simples voire répétées « ciblées » sont capables d’identifier le caractère exact de la lésion dans 97 % des cas selon une étude prospective [22]. La concordance semble nettement inférieure pour des lésions sessiles ou planes (concordance de 55 % dans une étude compa­rant l’analyse par biopsies et mucosectomies des polypes plans avec des désaccords importants chez 25 % des patients) [23]. Lorsque les biopsies révèlent une muqueuse d’aspect normal, des erreurs d’échantillonnage ou une lésion intramurale ou sous muqueuse doivent être évoquées. En fonction du diagnostic une résection complète de la lésion peut être secondairement réalisée par polypectomie ou mucosectomie. L’exérèse d’emblée ou secondaire de polypes > 2 cm est en général recommandée par rapport au risque augmenté de dégénérescence. Faut-il systématiquement réséquer tout polype > 5 mm comme préconisé par certains auteurs [22] ? Les risques de polypectomie ou muco­sectomie pour des polypes essentiellement bénins ne sont pas bien évalués mais se situeraient autour de 7 % et 5 % respectivement (selon les données de la littérature, sur des séries essentiellement japonaises de cancers ­gastriques plans). Ces chiffres peuvent être plus importants pour des opérateurs non entraînés. La prise en charge thérapeutique doit être pondérée selon le type de la lésion (nature et taille) et l’expérience de l’endoscopiste. Plusieurs techniques sont possibles : polypectomie standard (lésion type 1p) à l’anse diathermique ; mucosectomie en mono­bloc pour des lésions sessiles < 2 cm après soulèvement de celle-ci (injection sous-muqueuse, aspiration avec cap, ligature élastique …), par ­frag­mentation ou préférablement par dissection de la sous muqueuse ­(surtout si > 2 cm). Le matériel ­d’hémostase soit être disponible. 

Polypes gastriques associés à des polypes colorectaux 

L’association entre polypes gastriques et colorectaux peut avoir une base assez rationnelle selon le lien fort entre des polypes gastriques et plusieurs syndromes de polypose colique (Peutz-Jeghers, Juvenile, Cronkhite-Canada, Gardner’s, Cowden’s et HYH-« associated polyposis »). Une étude ancienne a suggéré une ­asso­ciation entre les polypes bénins ­gastriques et les adénomes colo­rectaux [24]. Certains auteurs suggèrent une association entre polypes (et/ou cancer superficiels) gastriques et adénomes colorectaux [25, 26]. Pour des adénomes gastriques, hors contexte de polypose familiale ou génétique, il semblerait exister une vraie asso­ciation avec des polypes colorectaux. Dans une étude rétrospective récente sur 87 patients ayant des adénomes gastriques, la prévalence d’adénomes colorectaux était significativement plus élevée dans le groupe d’adénomes gastriques que les témoins (48 % vs 33 %) [26]. Un lien entre les polypes glandulokystiques fundiques (sporadique) et les adénomes colorectaux étaient également suggérés [27,28]. Deux études récentes, coréenne et américaine, n’ont pas confirmé cette association [6,29]. En pratique, il est probablement raisonnable, en dépit d’informations plus solides, de réaliser une coloscopie chez les malades ­porteurs d’adénome gastrique ; en ce qui concerne les PGK sporadiques, le risque d’adénomes colorectaux semble être celui de la population générale [30,31].

Généralités devant l’identification de polype(s) gastrique(s)

Analyse histologique du polype : La nature exacte de la lésion n’est pas connue lors de l’endoscopie index ; doit-on faire réséquer toutes les lésions d’emblée ou en deuxième intention ? Cela dépend du nombre, de la taille et l’aspect du polype. Chaque polype doit être examiné histologiquement afin d’exclure le risque de cancer. Les biopsies suffisent, en pratique, pour préciser la nature de la lésion car l’analyse histologique des biopsies est concordante avec celle de la totalité du polype dans plus de 97 % des cas. En revanche, les biopsies sont insuffisantes pour s’assurer de la totale bénignité des polypes hyperplasiques de plus de 5 à 10 mm ou des adénomes. Une résection entière de la lésion est recommandée pour tout polype néoplasique et pour d’autres lésions supérieures à 2 cm. La nature de type de résection (polypectomie standard, mucosectomie ou par dissection de la sous muqueuse « ESD ») dépende du type lésionnel.

Aspect histologique de la muqueuse gastrique : En raison de l’association de gastrite chronique atrophique avec les polypes hyperplasiques et adénomateux, la muqueuse gastrique antrale et fungique doit être biopsiée, même en absence d’anomalie visible, afin d’analyser le type et grade de gastrite puis le potentiel malin selon les méthodes habituelles (prélèvement cibles des lésions visibles et 2 biopsies antrales, 2 biopsies fundiques et 1 biopsie à l’angle de la petite courbure). Outre la recherche d’une atrophie, métaplasie voir dysplasie, ces prélèvements permettent la recherche de l’Helicobacter pylori qui doit être éradiqué afin de diminuer l’évolution des éventuelles lésions à risque néoplasique. L’atrophie gastrique est également présente dans les tumeurs endocrines gastriques de type 1 (carcinoïdes gastriques). 

Polypes multiples : En cas de polypes multiples deux questions se posent : 1) la possibilité de polypes synchrones (la coexistence de polypes de nature différente, qui doit être envisagée surtout lorsqu’ils siègent dans des territoires gastriques différents (antre et fundus), qui a été récemment estimée aux alentours de 2 % ; 2) l’existence d’une éventuelle maladie génétique (polypose de type PAF, etc.)

Surveillance : La surveillance doit être considérée dans trois situations différentes : 1) présence de polypes bénins (les polypes glandulo-kystiques du fundus sporadiques ne nécessitant pas de surveillance alors que ceux découverts au cours d’une PAF doivent être suivis) ; 2) polypes non réséqués de faible ou bas potentiel de malignité ; 3) polypes complètement réséqués avec une muqueuse sous jacente prédisposant à un risque de cancer ­gastrique.

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Les 4 points forts

  1. Tout polype gastrique doit être biopsié ainsi que les muqueuses antrale et fundique.
  2. Les polypes glandulokystiques fundiques (en dehors de la PAF) ne nécessitent aucun traitement ni aucune ­surveillance.
  3. Toute lésion adénomateuse ainsi que tout polype hyperplasique de plus de 2 cm doit être réséqué en totalité. Ces polypes s’accompagnent des anomalies précancéreuses de la muqueuse gastrique (gastrite chronique ± métaplasie/dysplasie) et par conséquent d’un risque élevé de cancer synchrone ou métachrone. 
  4. L’exérèse endoscopique des polypes gastriques (préférablement par mucosectomie ou dissection de la sous muqueuse) doit être réalisée par un opérateur entraîné afin d’assurer une résection complète et de traiter des complications non nul. La surveillance dépend de la nature du polype (réséqué ou pas) et l’état de la muqueuse gastrique ­avoisinante.