[Atelier] Iléite terminale réfractaire
Objectifs pédagogiques
- Définir l’ilétite terminale réfractaire
- Savoir démembrer les causes d’échec du traitement conventionnel (hors anti-TNF)
- Quelles sont les indications indiscutables à la chirurgie ?
- Lorsque les 2 options (médicale et chirurgicale) sont possibles, indiquer leurs résultats et discuter leurs avantages et inconvénients respectifs.
Définir l’iléite terminale réfractaire
Il n’y a actuellement pas de définition consensuelle de l’iléite terminale réfractaire dans la maladie de Crohn. En ce qui concerne la longueur de l’atteinte, on peut considérer raisonnablement qu’une iléite terminale correspond à une atteinte limitée de la partie terminale de l’iléon, qui selon la conférence de consensus de l’ECCO ne doit pas dépasser 30 à 40 cm (1). Selon la conférence de consensus de l’ECCO (1), une maladie de Crohn réfractaire est la persistance ou la récidive d’une maladie active symptomatique malgré un traitement médical optimal bien conduit, quel qu’il soit. Ainsi, Il n’est pas précisé à partir de quelle classe de traitement médical (corticoïde, immunosuppresseurs, ou anti-TNF), la maladie peut être considérer comme réfractaire. Pour cet exposé, comme beaucoup d’auteurs (2, 3), nous avons considéré de façon arbitraire qu’une iléite terminale réfractaire était une atteinte limitée de mois de 40 cm ayant résisté ou récidivé à un traitement médical par corticoïde et/ou immunosuppresseur.
Savoir démembrer les causes d’échec du traitement conventionnel (hors anti-TNF)
L’échec du traitement doit être analysé, il n’est pas toujours synonyme d’absence d’activité anti-inflammatoire de la molécule qui pourrait être écartée à tort. Il peut correspondre à (4) :
- une complication de la maladie comme un abcès, une sténose fibreuse serrée ou un adénocarcinome du grêle ;
- des symptômes fonctionnels et non inflammatoires. Dans ce cas l’échec doit être documenté par l’endoscopie ou l’entéro-IRM et la biologie ;
- La non adhérence au traitement qui pourra être objectivée par un dosage des 6 TG pour les thiopurines ;
- En cas de traitement par thiopurines il peut s’agir d’un dosage insuffisant nécessitant une augmentation de l’azathioprine à 3 mg/kg/j après dosage des 6 TG si la tolérance hématologique le permet, ou d’une durée insuffisante (< 3 mois) ;
- une intolérance au traitement, certaines étant définitives comme la pancréatite sous thiopurines et la pneumopathie interstitielle sous Methotrexate.
Quelles sont les indications indiscutables de la chirurgie ?
En cas d’iléite réfractaire, la chirurgie est indiscutable :
En urgence, en cas de maladie perforante avec péritonite, ou d’une sténose serrée responsable d’une occlusion digestive ne se levant pas malgré le traitement médical.
A froid :
- en cas de présence de dysplasie de moyen ou haut grade et à fortiori en cas d’adénocarcinome du grêle associée.
- en cas d’abcès, après une antibiothérapie et un éventuel drainage percutané ou chirurgical (si > 3 cm) (4). Dans cette situation la chirurgie est généralement précédée d’une nutrition artificielle qui semble diminuer la morbidité post-opératoire (5).
- en cas de sténose symptomatique, la distinction entre la composante inflammatoire et fibreuse de la sténose est souvent difficile (étude CREOLE en cours pour déterminer les éléments pronostiques à l’imagerie de l’efficacité des anti-TNF), et la chirurgie peut être discutée soit de première intention lorsque tous les marqueurs de l’inflammation sont négatifs (4) soit le plus souvent après un traitement par anti-TNF ou après échec de dilatation endoscopique.
Lorsque les 2 options (médicales et chirurgicales) sont possibles, indiquer leur résultats et discuter leurs avantages et inconvénients respectifs.
En cas d’iléite terminale réfractaire non compliquée, un traitement par anti-TNF ou une résection chirurgicale peuvent être discutés, et il n’existe pas de consensus pour privilégier une attitude par rapport à l’autre (4).
Traitement médical par anti-TNF
Dans plusieurs essais contrôlés une réponse objective rapide (entre la deuxième et la quatrième semaine) est observée chez près de 60% des malades, et environ la moitié des répondeurs le restent à un an. (3, 6, 7). Dans la pratique d’un centre de référence prenant en charge des malades non sélectionnés, prés de 90% des patients répondent initialement au traitement, et à 5 ans 2/3 des répondeurs initiaux restent en réponse, au prix d’une optimisation du traitement (dose augmentée et/ou intervalles diminués) chez la moitié d’entre eux (8). A un an, une cicatrisation muqueuse définie par une absence d’ulcérations est obtenue chez 20-30% des patients ayant initialement des lésions ulcérées (8, 9). Enfin, le traitement régulier par anti-TNF réduit le nombre d’hospitalisations et le recours à la chirurgie (6, 7).
Le taux d’échec cumulés est d’environ 10% par an soit du fait d’un échappement ou de la survenue d’effets indésirables. De plus, chez des malades ayant bien répondu au traitement initialement, la nécessité d’une chirurgie dans les 5 ans qui suivent l’instauration du traitement est de l’ordre de 18-20% (8).
En cas d’iléite réfractaire la question qui se pose est de savoir si un traitement combiné (anti-TNF et immunossupresseurs) permet d’améliorer les résultats ? L’essai SONIC ne permet pas de répondre à cette question dans la mesure où les malades inclus n’étaient pas en échec des immunosuppresseurs. Une deuxième étude utilisant la méthode des trimestres chez des malades ayant une MICI traitées par Infliximab (très majoritairement des maladies de Crohn, en échec d’immunossuppresseurs) a montré un bénéfice du traitement combiné sur l’activité de la maladie (10). Cette étude a été en partie confirmée récemment par une 3ème étude non encore publiée (Reenaers et al, UEGW 2012) utilisant une méthodologie similaire qui montrait un intérêt du traitement combiné uniquement dans les 6 premiers mois de traitement anti –TNF par Adalimumab.
Les effets secondaires des anti-TNF sont dominés par le risque d’infections sévères. Récemment, Le registre TREAT incluant 6273 malades suivis en moyenne pendant 5,2 ans montrait qu’un traitement par Infliximab était un facteur de risque indépendant de survenue de survenue d’infection sévère (2,04/100 patients-année, avec un HR = 1.43, 95 % CI = 1.11, 1.84; P = 0.006) mais n’était pas responsable d’une surmortalité (11). En revanche il n’y a pas de sur-risque détecté de cancer avec les anti-TNF (11) qui doivent être utilisés prudemment chez les malades ayant un antécédent de cancer (4).
Traitement chirurgical
le traitement chirurgical permet d’obtenir en cas d’iléite réfractaire une réponse dans 100% des cas, en « blanchissant » la maladie. La mortalité opératoire est quasi nulle, la morbidité de l’ordre de 10-17% (12, 13) et le risque d’une stomie transitoire de l’ordre de 5-9% (12, 13). A long terme, le risque de récidive après chirurgie est de l’ordre de 33% à 5 ans et de 44% à 10 ans (14). Les principaux facteurs de risque sont le tabac, un antécédent de résection, une maladie perforante et des manifestations ano-périnéales (4, 14). Le risque d’une nouvelle chirurgie est de l’ordre de 29 à 37% à 10 ans (15, 16). Enfin, la rémission clinique sans aucun traitement immunosuppresseur ou anti-TNF est observé chez 2/3 des malades à 5 ans et chez la moitié des malades à 10 ans (15).
La récidive endoscopique est beaucoup plus fréquente (75% à 1 an, 90% à 10 ans) et sa sévérité (score de Rutgeerts) est prédictive de la récidive clinique.
Les avantages du traitement chirurgical sont l’obtention d’une rémission à long terme sans traitement avec une excellente qualité de vie chez la majorité des malades et l’absence de toxicité liée au traitement et en particulier l’absence de risque infectieux ou tumoral. Les inconvénients sont la morbidité opératoire et le risque de stomie transitoire de l’ordre de 5-9% (12).
Le traitement médical préventif post-opératoire est en plein bouleversement et les premiers résultats rapportés concernant l’administration en post-opératoire des anti-TNF sont excellents et encourageants: En prophylaxie primaire chez les MC à haut risque de récidive, les antiTNF abaissent la récidive endoscopique (≥ i2) à 10% à 6-12 mois (17, et POCER De Cruz P. ECCO 2012)
En prophylaxie secondaire chez les patients ayant une récidive endoscopique (≥ i2) les anti-TNF obtiennent 50% de cicatrisation partielle (< i2) (18, et E. Boueyre, JFHOD 2012)
En pratique, comment choisir entre ces 2 attitudes ? Un essai contrôlé hollandais (2) comparant ces deux attitudes chez des malades ayant une iléite réfractaire avait été construit pour répondre à cette question mais a été arrêté récemment faute d’inclusion. Classiquement en cas d’atteinte un peu étendue de 30-40 cm chez un malade à haut risque de récidive après chirurgie, le traitement médical semble être la meilleure option. En revanche en cas d’atteinte courte de moins de 20 cm chez un malade jeune non fumeur à faible risque de récidive, la chirurgie semble être la meilleure option. Mais l’effet « booster » du blanchiment chirurgical sur le traitement antiTNF en prévention primaire lui redonne de l’attractivité chez les patients à haut risque. Dans tous les cas, le choix entre ces deux options thérapeutiques devra être discuté au cas par cas en réunion pluridisciplinaire.
Références
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- Dignass A, Van AsscheG,. Lindsay JO et al. The second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: Current management. J Crohn’s Colitis 2010;4:28-62.
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- Yamamoto T, Umegae S, Matsumoto K. Impact of infliximab therapy after early endoscopic recurrence following ileocolonic resection of Crohn’s disease: a prospective pilot study. Inflamm Bowel Dis 2009;15:1460-6.
Les 5 points forts
- Une iléite réfractaire peut être définie par une atteinte de moins de 30 cm résistante aux corticoïdes et/ou aux immunosuppresseurs.
- Avant de conclure à l’échec du traitement par immunosuppresseurs, il faut s’assurer que le traitement a été pris régulièrement, à une posologie adaptée, pendant au moins 3 mois.
- Dans les conditions de pratique quotidienne, en cas de MC réfractaire, prés de 90% répondent au traitement anti-TNF et 2/3 restent répondeurs à 5 ans après optimisation chez la moitié d’entre eux.
- En cas d’iléite réfractaire, le traitement chirurgical permet d’obtenir une rémission complète sans traitement chez plus de la moitié des malades à 10 ans.
- En cas d’iléite réfractaire, le choix entre un traitement médical par anti-TNF ou un traitement chirurgical doit être discuté au cas par cas en réunion de concertation pluridisciplinaire.
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION
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