Le traitement endoscopique des pseudokystes pancréatiques
Objectifs pédagogiques
- Connaître l’histoire naturelle des pseudokystes en fonction dela maladie pancréatique sous-jacente
- Connaître les indications thérapeutiques
- Identifier les contre-indications au traitement endoscopique
- Quels sont le matériel nécessaire et les techniques endoscopiques ?
Les pseudokystespancréatiques (PKP) sont définis par la Conférence de Consensus d’Atlanta comme des collections de liquide pancréatique entourées d’une paroi de tissu fibreux granuleux consécutives à une pancréatite aiguë, un traumatisme pancréatique ou une pancréatite chronique [1]. Selon leur cause, ils peuvent contenir du sang ou de la nécrose. Ils peuvent être catégorisés en PKP aigus (en lien avec un épisode de pancréatite aiguësurvenu plus de 4 semaines auparavant et souvent dus à une résorption de nécrose) et en PKP chroniques (survenant dans un contexte de pancréatite chronique sans antécédents d’épisode aigu et souvent qualifiés de rétentionnels résultant de mise sous pression des canaux pancréatiques). Cette distinction est importante car leur histoire naturelle et leur prise en charge thérapeutique peuvent être différentes [2].
Avant d’envisager un drainage d’une PKP, il est bien sûr important de s’assurer du diagnostic et d’exclure les kystes néoplasiques, duplications gastriques ou intestinales ; ou toute autre formation kystique ne correspondant pas à la définition de PKP. En cas de doute, il vaut mieux s’abstenir de drainer et veiller à obtenir une confirmation diagnostique préalable par un complément d’imagerie, une cyto-ponction, en discutant le dossier en concertation multidisciplinaire [3].
Pseudokystes compliquant la pancréatite aiguë
Dans ce contexte, les PKP sont la conséquence d’une nécrose pancréatique ou des effusions péripancréatiques. La nécrose glandulaire est définie comme une (des) zone(s) de parenchyme pancréatique non viable focalisée(s) ou diffuse(s), éventuellement localisée(s) en périphérie glandulaire, et éventuellement associée(s) à une nécrose graisseuse péri-pancréatique. Cette définition anatomique correspond, à l’examen microscopique, à une destruction du réseau capillaire des cellules glandulaires, des canaux excréteurs, et de la graisse péri-lobulaire. Macroscopiquement, cette nécrose a un aspect d’étoupe, siégeant le plus souvent au sein d’un liquide séro-hématique. En imagerie la nécrose pancréatique est évoquée devant la présence de zones qui ne se rehaussent pas après injection de produit de contraste (TDM ou IRM). En l’absence de surinfection, après la quatrième semaine, la nécrose évolue vers la résorption complète dans plus de 50 % des cas,parfois tardivement. Elle peut évoluer vers la constitution de pseudokystes.Les pseudokystes représentent donc l’évolution vers une collection liquidienne non infectée. Le fait de les voir persister, voire augmenter de taille, implique en général soit une communication avec un canal pancréatique soit une rupture du canal pancréatique principal. Ils peuvent alors entraîner une compression d’organes de voisinage, une hémorragie ou s’infecter secondairement. Ils peuvent être volumineux et peu ou asymptomatiques, multiples dans 15% des cas et leur localisation est plutôt corporéocaudale [4].
Pseudokystesassociés à la pancréatite chronique
Les pseudokystes compliquent une pancréatite chronique dans 20 à 40% des cas. L’âge moyen d’apparition est de 44 à 50 ans avec un délai moyen de 5 ans après l’apparition des premiers symptômes. Leur localisation est plus souvent céphalique et ils communiquent avec un canal pancréatique dans 50% des cas. Sur le plan clinique, ces pseudokystes se manifestent par des douleurs dans 80% des cas, des vomissements dans 50% des cas, une masse abdominale dans 25% des cas et un ictère dans 10% des cas. Leur histoire naturelle est difficile à préciser car ils sont, dans la plupart desséries, mélangés avec les pseudokystes compliquant une pancréatite aiguë[5,6]. L’évolution spontanée peut conduire vers une disparition spontanée qui est rare (10 % des cas) mais qui peut se produire même en cas de communication avec les canaux pancréatiques si les kystes sont de petite taille (< 3 cm). Les complications, quand elles surviennent, sont à type de compression,d’hémorragie, de rupture, d’extension notamment pleurale ou d’infection [7].
Techniques et résultats du drainage des pseudokystes pancréatiques
Drainage chirurgical
Le drainage des collections pancréatiques peut être réalisé par voie percutanée, chirurgicale ou endoscopique. Les techniques chirurgicales et laparoscopiques incluent les kystogastrostomies, kystoduodénostomies, kystojéjunostomies, les résections pancréatiques, les nécrosectomies et la pose de drains après lavage de la cavité péritonéale [8]. L’avantage réside en d’excellents résultats à court et à long terme et la possibilité de réaliser une nécrosectomie et de traiter des anomalies associées telles que la queue pancréatique déconnectée. Elle reste ce jour principalement indiquée en cas de contenu en grande partie solide au sein de la cavité kystique (au mieux apprécié en échographie ou en IRM et non en TDM) ou en cas d’échec du traitement percutané ou endoscopique du fait d’une morbidité avoisinant les 30%, une mortalité de 1-5% et une durée d’hospitalisation longue [9]. L’abord chirurgical est donc le plus souvent remplacé par des techniques moins invasives associées à une moindre morbidité et mortalité.
Drainage percutané
Le drainage percutané est réalisé sous anesthésie locale ou générale, sous contrôle échographique ou tomodensitométrique. La ponction simple percutanée a une efficacité immédiate supérieure à 50% mais avec un taux de récidive rédhibitoire de 50 à 78% des cas qui a conduit à l’abandon decette technique. Le drainage permet un plus grand taux de succès initial (42 à 96%), mais même avec une durée de drainage dépassant 15 jours, le taux de récidiveavoisine ou dépasse le tiers des cas [5]. Il utilise des drains de calibre > 12 Fr parfois munis d’une queue de cochon distale (pigtail) et multiperforée. Deux drains peuvent être nécessaires, l’un pour laver et l’autre pour aspirer. Un lavage quotidien avec ré-aspiration est nécessaire. Compte tenu de la durée de drainage nécessaire et du risque de récidive, les traitements endoscopiques se sont peu à peu imposés. Néanmoins, le drainage percutané reste une technique utile dans l’urgence, en cas de surinfection de pseudo-kyste ou de nécrose pancréatique infectée, et dans les collectionsinaccessibles à l’endoscopie telles que celles s’étendant dans les gouttières paracoliques [10]. Il est également souvent préféré dans le drainage des collections post-opératoires (bien que le traitement endoscopique puisse être proposé relativement précocement), et chez les patients trop instables que pour subir un acte endoscopique. Les complications comportent hémorragies, plaies sur des organes viscéraux, infection cutanée, fistule résiduelle, et faible efficacité en cas de nécrose dans les PKP.
Drainage endoscopique
Le drainage endoscopique et en particulier guidé par échoendoscopie (EE) s’est imposé progressivement en raison de son haut pouvoir de résolution et de localisation des collections et pour éviter l’interposition de vaisseaux sanguins. Les résultats des traitements endoscopiques et chirurgicaux sont comparables en termes d’efficacité, mais avec un coût moindre, une plus courte durée d’hospitalisation et une meilleure qualité de vie après le drainage endoscopique [11]. La mortalité liée au traitement est légèrement moindre avec le traitement endoscopique (0.2% vs 2.5%) [12]. L’ESGE recommande donc le traitement endoscopique comme le drainage de première ligne pour les PKP compliquant la pancréatite chronique, pourvu que le drainage soit indiqué et que le PKP soit accessible à l’endoscopie [7].
Les techniques de drainage endoscopique de pseudo-kyste pancréatique comprennent le drainage dit transmural, c’est-à-dire à travers la paroi gastrique (kysto-gastrostomie) ou à travers la paroi duodénale (kysto-duodénostomie) et le drainage transpapillaire qui consiste à intuber le canal pancréatique principal avec un drain naso-kystique ou une prothèse simple. Les 2 abords peuvent être combinés simultanément pendant la même procédure ou séquentiellement, en débutant par le drainage transmural [13]. Les indications respectives de ces 2 abords seront précisées dans le chapitre « stratégie ».
Abord transpapillaire
L’abord transpapillaire présuppose l’existence d’une communication entre le PKP et le canal pancréatique principal. Il implique un cathétérisme sélectif du canal pancréatique principal via la papille majeure (ou mineure en cas de pancréas divisum ou de sténose du canal de Wirsung céphalique), une dilatation canalaire éventuelle, l’extraction de calculs si nécessaire et la pose d’une prothèse calibrée à la taille du canal pancréatique [14].La sphinctérotomie pancréatique constitue la première étape du traitement endoscopique pour permettre l’accès au canal pancréatique, diminuer la pression canalaire et permettre l’extraction ultérieure de calculs ou de fragments de calcul pancréatique. Cette étape est essentielle tant sur le plan technique que sur le plan des résultats thérapeutiques. Suivant les possibilités anatomiques, un drain naso-pancréatique ou uneprothèse sont laissés en place avec l’extrémité distale positionnée soit dans la lumière du kyste, soit dans le canal pancréatique à proximité, ou idéalement, en amont de la communication. La durée moyenne du drainage est en général de deux mois mais dépend de la disparition du pseudo-kyste au cours du suivi radiologique. Elle dépend aussi de son association au traitement des lésions canalaires pancréatiques, l’existence de rupture du canal pancréatique pouvant imposer un drainage prolongé sous peine de récidive précoce [13-14].
Tableau 1. Tableau comparant les indications et résultats des différents abords de drainage
Techniques |
Avantages |
Désavantages |
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Chirurgie |
Kystogastrostomie Kystojéjunostomie Résection pancréatique Nécrosectomie Nécrosectomie laparoscopique Pose de drains |
-Efficacité du drainage 95% -Nécrosectomie plus étendue -Capacité de traiter des anomalies associées (sténose, rupture, fistule…) -Traitement des échecs endoscopiques et percutanés |
-Mortalité 1-5% -Morbidité 30% -Abord plus invasif -Durée d’hospitalisation et séjour aux soins intensifs plus longs |
Radiologie |
Drainage percutané |
-Abord moins invasif -Drainage des collections non accessibles par voie endoscopique -Drainages d’urgence -Drainage en post-opératoire -Drainage des patients en état trop critique que pour subir un abord endoscopique ou chirurgical |
-Moindre efficacité (42-96%) -Haut taux de récidive -Impossibilité de drainer la nécrose solide -Complications locales : fistule externe, infections cutanées, perforation colon |
Endoscopie |
Drainage transpapillaire Kysto-gastrostomie Kysto-duodénostomie Kysto-jéjunostomie Guidé ou non par échoendoscopie |
-Efficacité comparable au traitement chirurgical -Moindre coût -Plus courte durée d’hospitalisation -Taux mortalité plus faible -Traitement combiné des PK et des pathologies canalaires associées -Création d’une fistule interne plutôt qu’externe |
-Mortalité <1% -Morbidité 10-25% -Si nécrose solide nécessitera des séances répétées de nécrosectomie Non échoendoguidé -uniquement accessible si PKP bombant (<50%) -risque hémorragique du fait de vaisseaux interposés -risque de confondre tumeur kystique et PK Echoendoguidé -expertise non « universelle » |
Abord transmural
L’abord transmural échoendoguidé est habituellement réalisé avec un échoendoscope linéaire, permettant la ponction du PKP à l’aide d’une aiguille 19-gauge, un prélèvement de liquide pour analyse biochimique et bactériologique, l’opacification éventuelle pour associer le repérage fluoroscopique au repérage échographique et la mise en place d’un fil guide 0.035 à extrémité hydrophile pour éviter de perforer ou de faire saigner la paroi de la collection et bien enroulé dans celle-ci. La ponction peut aussi être réalisée à l’aide d’une pointe chaude ou d’un système de type Giovannini associant en un seul set une aiguille, un cathéter introducteur, un cystostome et une prothèse pré-montée [15]. Le trajet transluminal est ensuite calibré par un ballon de dilatation (8-10 mm) ou par un cystogastrostome 8-10Fr [16]. Le positionnement simultané de 2 fils guides (via le cystostome 10Fr) peut faciliter les manœuvres ultérieures. Une ou plusieurs prothèses sont ensuite mises en place selon la taille de la collection et son contenu. Il est impossible sur la base d’études prospectives randomisées de se faire une opinion définitive quant au type optimal de prothèse à positionner. Le drainage doit cependant idéalement être réalisé avec une prothèse de large calibre (10Fr) ou plusieurs prothèses de 7-8.5 ou 10 Fr. Les prothèses à double queue de cochon sont à préférer pour réduire le risque de migration, d’hémorragie ou de perforation de la paroi de la collection [17].Un drain naso-kystique peut être utilisé pour les collections de grande taille (> 8 cm) ou les abcès, sans qu’il ait été démontré un avantage statistiquement significatif [18]. Récemment, l’utilisation de prothèses métalliques a été proposée, mais le risque de migration n’a pas encore été suffisamment validé [19]. Des prothèses métalliques en forme de « diabolo » sont dédiées spécifiquement à cet usage et permettent de créer une large kystogastrostomie, utile pour y insérer un endoscope en vue de réaliser une nécrosectomie [20]. Leur intérêt doit cependant encore être validé par des études prospectives contrôlées.
Résultats et complications
Le succès du drainage endoscopique des pseudokystes pancréatiques dépasse les 91% pour atteindre 100% dans certaines séries publiées [7,15,18, 21-22].Le taux moyen d’échec est de 0-16% et le taux de récidive de 3 à 13%, avec 12% des patients nécessitant une chirurgie ultérieure. La morbidité était de 15,5%, comprenant par ordre de fréquence hémorragie, perforation, infection, pancréatite et pneumopéritoine ou péritonite. La morbidité hémorragique semblait plus importante en cas de kystogastrostomie par rapport à la kystoduodénostomie. En cas d’hémorragie, il est important de faire le diagnostic différentiel entre un pseudoanévrysme, un saignement sur le site de la kystogastrostomie ou celui lié à l’hypertension portale. Dans notre expérience (plus de 300 drainages de PKP), toutes les hémorragies (n=8) sont survenues sur le site de la kystogastrostomie et ont été traitées par voie endoscopique (clippage, cautérisation, ou pose de prothèse expansible à visée compressive). Tous les pseudoanévrysmes ont été traités avant tout geste endoscopique de décompression, pour éviter une complication hémorragique pendant le drainage. De même, dans notre service, tous les patients reçoivent une antibiothérapie prophylactique, poursuivie 3 jours et le drainage endoscopique transmural est réalisé sous insufflation CO².
Encadré 1
Contre-indications au drainage échoendoscopique transmural
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Suivi après drainage
Le suivi après drainage doit être assuré tant sur le plan clinique (fièvre, douleurs) que sur le plan biologique (régression du syndrome inflammatoire et de l’ictère,) et morphologique (TDM ou IRM). Un bilan morphologique de contrôle est conseillé à 4 semaines : s’il démontre un drainage insuffisant (moins de 50% de régression de taille, ou persistance d’un syndrome infectieux), il ne faut pas hésiter à remplacer les prothèses ou en rajouter ou positionner un drain naso-kystique en plus. L’apparition de fièvre dans le décours du drainage initial témoigne d’une complication et de la transformation du PKP stérile en abcès. Ceci sera soit lié à une migration des prothèses (migration intraluminale ou intrakystique) ou à un drainage insuffisant ou une mauvaise estimation de la nécrose solide dans la collection drainée. Le drainage devra alors être amélioré (repositionnement de prothèses, ajout de prothèse, drain, nécrosectomie endoscopique ou une combinaison de ces méthodes). L’échoendoscope n’est plus utile à ce stade, sauf si le trajet fistuleux s’est définitivement fermé après expulsion des prothèses. Les manipulations peuvent être réalisées avec un duodénoscope, un endoscope thérapeutique, ou un gastroscope (dans le cas d’une nécrosectomie). En cas de migration intrakystique, le retrait de la prothèse ne doit pas constituer un problème insurmontable, mais nécessitera une dilatation du trajet de kystogastrostomie et l’extraction soit sous contrôle fluoroscopique (pince dents de rat, anse, ou panier) soit sous contrôle endoscopique avec introduction d’un endoscope dans la collection (dans notre expérience succès de 9/9 cas de migration intrakystique).
Récidive
En cas de drainage transmural, la récidive du PKP va dépendre de 2 facteurs principaux : la maladiesous-jacente et la durée de stenting. Avant d’ôter les prothèses transmurales, il convient donc de s’assurer :
- de la résolution complète de la collection
- de l’absence de pancréas caudal déconnecté pouvant alimenter le trajet fistuleux
- de l’absence d’anomalie canalaire obstructive pouvant aussi alimenter le site de la collection (lithiase, sténose canalaire, rupture complète).
Si une de ces anomalies anatomiques est mise en évidence, elle mérite d’être traitée avant de retirer la ou les prothèses de drainage. Il a été de plus démontré que le retrait rapide (<6 semaines) des prothèses est associé à un plus haut taux de récidive [23].Il n’y pas de recommandation univoque pour la durée de placement de ces prothèses. Au minimum 30%vont s’expulser spontanément lors de la résolution du pseudokyste. L’attitude la plus communément admise est de les retirer une fois la collection complètement résorbée, ce qui est obtenu dans les 3 mois dans la majorité des études. Mais cette décision peut ou doit être postposée s’il existe une haute probabilité de récidive (rupture pancréatique complète, sténose persistante non traitée par CPRE, antécédents de récidive après drainage,…) [23]. Dans notre expérience, certaines de ces prothèses n’ont jamais été ôtées même après un suivi de plus de 5 ans).
Quand drainer un pseudokyste?
Les indications du drainage endoscopique de pseudokyste ne dépendent plus ni de la taille ni de la durée de leur présence, mais uniquement des symptômes ou complications associées ou de l’augmentation progressive de leur taille. Les symptômes comprennent la douleur abdominale, souvent post-prandiale, la satiété précoce, le syndrome subocclusif, la perte de poids et l’ictère. Les complications comportent la rupture, l’hémorragie intrakystique ou péritonéale (hémopéritoine et chochémorragique), l’extension des collections, la fistule pancréatopleurale, l’ascite pancréatique et surtout l’infectionsecondaire, surtout dans un contexte de pancréatite aiguë et de manipulations endoscopiques [24]. Le drainage « prophylactique » des PKP peut s’envisager exceptionnellement en cas de compression de gros vaisseaux, de collection de plus de 5 cm persistant plus de 6 semaines, et dans certains cas de pancréatite chronique où il est indiqué d’y associer le traitement d’anomalies canalaire (sténose, rupture, lithiase)
En cas de suspicion d’hémorragie intrakystique, notre attitude est de confirmer le caractère actif de l’hémorragie par une angio-TDM. Si le saignement est encore actif, témoignant de la présence d’un pseudoanévrysme, un abord vasculaire par radiologie interventionnelle avec embolisation ou stenting est réalisé avant tout geste endoscopique. Si le saignement n’est pas confirmé ou n’est pas actif, le drainage endoscopique est réalisé, après avoir prévenu radiologues et /ou chirurgiens de l’éventualité d’une complication hémorragique. La mortalité liée aux pseudoanévrysmes associés aux PKP est élevée approchant les 19%.
Dans la pancréatite aiguë, la règle est de temporiser le plus longtemps possible (minimum 4-6 semaines), pour permettre d’une part au PKP de se collecter correctement et d’autre part de lui laisser la possibilité de régression spontanée qui peut dépasser 50% [4,24]. Néanmoins, la survenue d’unesurinfection peut conduire à une indication de drainage plus précoce. Ce drainagepeut alors être réalisé par voie endoscopique ou par voiepercutanée sous contrôle échographique ou tomodensitométrique, ce qui permet la miseen place de drains de diamètres importants, et donc un meilleur drainage et lapossibilité de lavage. Dans tous les cas, une évaluation écho endoscopique préthérapeutique est recommandée afin de minimiser la morbidité endoscopique.
Quel accès faut-il préférer: transpapillaire ou transmural?
Classiquement le drainage transmural s’adresse aux PKP qui réalisent un bombement dans la lumière digestive et ledrainage transpapillaire aux collections qui communiquent avec les canaux pancréatiques [13-14,25].
L’évaluation du patient, de l’anatomie canalaire et de la collection estprimordiale pour définir la stratégie thérapeutique. Une échographie, un scanner, voire une IRM avec MRCP sont indispensables avant tout geste endoscopique. Le scanner ne distingue pas la présence de nécrose ou de matériel solide au sein du PK dans la pancréatite aiguë, au contraire de l’IRM ou de l’EE.
L’échoendoscopie sera ensuite essentielle pour évaluer le risque hémorragique qui est établi par l’importance de la vascularisation pariétale, la présence d’une hypertension portale et un contenu hémorragique du pseudokyste. Elle déterminera ainsi le site idéal de ponction, évitant toute interposition vasculaire et la distance la plus courte entre la collection et la lumière digestive.
Les accès transpapillaires et transmuraux ont été comparés dans 3 études non randomisées (pancréatite chronique dans 40-92% des patients traités), montrant un taux de succès similaire (94.6 vs 89.7%) mais avec une morbidité moindre du drainage transpapillaire (1.8 vs 15.4%) [13,14]. Ces études n’ont cependant évalué que des PK de moins de 50mm.
En pratique, le drainage transmural doit être préféré pour les collections corporéocaudales de grande taille (>50mm): son efficacité de plus de 90% contraste avec la moindre efficacité de drainage et le risque infectieux associé à la pose d’une longue prothèse par voie transpapillaire. Dans notre expérience, le drainage transmural est toujours réalisé dans un premier temps dans les collections de grandes tailles développées dans la région corporéocaudale, réservant le traitement endocanalaire aux patients présentant une sténose ou une rupture canalaire pancréatique. Ceci permet aussi d’éviter de provoquer une pancréatite céphalique post CPREsi la tête du pancréas et son canal dominant ont été préservés lors de l’épisode initial de pancréatite aiguë.
Le drainage transpapillaire reste préféré dans les PKP de la tête ou de l’isthme pancréatique, en général de moins de 5 cm de diamètre. Il est un traitement de choix également, parfois combiné au drainage transmural, dans la pancréatite chronique car il permet detraiter les lésions canalaires à l’origine du kyste pancréatique, et donc, au moinsen théorie, de diminuer le risque de récidive. Il peut aussi être préféré en cas d’hypertension portale avec présence d’un réseau variqueux important en périgastrique, bien que l’abord transmural soit possible dans ces cas [26].
Pour un accès transmural, l’échoendoscopie est-elle toujours nécessaire?
Si l’échoendoscopie a démontré qu’elle permet d’accéder et donc de traiter des collections périviscérales sans bombement dans la lumière digestive, aucune étude prospective randomisée n’a définitivement prouvé la supériorité du guidage échoendoscopique dans les collections bombant dans la lumière digestive [27-29]. Deux pratiques peuvent donc être défendues :
– l’utilisation systématique de l’EED pour toute collection accessible à cette méthode : permet ainsi le diagnostic différentiel avec d’autres lésions kystiques notamment tumorales. Cette attitude vise à réduire au maximum le risque de complications notamment hémorragiques;
– l’utilisation d’algorithmesfondéssur la taille de la collection, sa localisation, son contact avec le canal pancréatique, la présence d’une hypertension portale et la certitude clinique et morphologique de se trouver face à un « vrai » pseudokyste [25]. L’EE est alors particulièrement indiquée pour les collections de plus de 5 cm, caudales, associées à une hypertension portale et non bombantes. En utilisant ce type d’algorithme, aucune différence en terme d’efficacité et de sécurité n’a pu être démontrée entre le drainage conventionnel et le drainage par EE [27], mais il est démontré que ce dernier permet le drainage de collections impossibles à traiter par endoscopie conventionnelle.
Notre recommandation reste de conseiller l’utilisation d’un guidage échoendoscopique pour tout drainage transmural.
Encadré 2
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Limites du traitement endoscopique et cas particuliers
Certaines collections peuvent s’étendre dans le médiastin et nécessiter un drainage quasi trans-cardial voire trans-oesophagien. Les prothèses dans ces cas-là devront idéalement être à double queue de cochon et dirigée de la collection médiastinale vers l’estomac. En cas d’abcès médiastinal, un drain de lavage sera utile pour accélérer la détersion et la granulation [30].
Les collections pancréatiques peuvent parfois s’étendre dans le foie : l’échoendoscopie peut être utile tant pour le diagnostic (différentiation avec une tumeur ou une métastase) que pour le drainage [31]. En cas de collections multiples, il est recommandé de traiter la collection principale dans un premier temps et de drainer les autres en cas de symptômes persistants ou de non régression lors des contrôles tomodensitométriques [32]. Enfin le drainage de collections dans un contexte d’anatomie modifiée (anse en Y, by-pass, Finsterer) restepossible par voie endoscopique. La progression de l’échoendoscope dans une anse grêle doit cependant rester prudente pour éviter la perforation.
Le drainage endoscopique est parfois impossible dans certains PKP partiellement calcifiés (paroi non ponctionnable du fait de sa dureté), parfois difficile si les collections font moins de 3 cm (une simple ponction vidange est conseillée, éventuellement associée à un traitement transpapillaire endocanalaire), ou parfois compliqué en cas d’hypertension portale très sévère (faisable mais à risque, l’indication doit alors être bien réfléchie). Enfin la présence de nécrose dans le pseudokyste implique un risque majoré de surinfection après drainage de la composante liquidienne : dans ce cas une nécrosectomie chirurgicale ou endoscopique devra être réalisée dans un second temps après dilatation (ballon 15-18mm) du trajet fistuleux laissé par les prothèses [33].
Sur le plan technique, le canal opérateur des échoendoscopes linéaires thérapeutiques reste limité à 3.7-3.8mm (vs 4.2 dans un duodénoscope) : il est donc difficile d’insérer une prothèse 10Fr dans le cal qui contient déjà un fil guide 0.035. Lors de l’utilisation de 2 fils guides, le placement de prothèses 7 ou 8.5 Fr est donc conseillé. Enfin l’abord tangentiel de la zone de ponction peut rendre la procédure parfois difficile, notamment au moment d’insérer les prothèses. Un nouvel échoendoscope à vision et canal opérateur axiaux a été développé afin de faciliter les manœuvres de drainage [34].
Conclusions
Les indications de drainage se sont affinées ces dernières années, réservant le traitement aux PKP symptomatiques et compliqués plutôt que de tenir compte de la taille et de la durée de présence du PKP. L’échoendoscopie est devenue essentielle dans la prise en charge de ces collections, depuis le diagnostic différentiel avec d’autres kystes, la détection de complications potentielles (vascularisation et pseudoanévrysmes), et le drainage transmural des PKP qu’ils soient bombant ou non dans la lumière gastrique ou intestinale. Le choix du site et de l’abord transpapillaire et/ou transmural dépend de la pancréatopathie sous-jacente, des lésions canalaires associées, de la localisation de la collection dans la tête, corps ou queue, et de sa taille supérieure ou non à 5 cm. La durée de drainage doit être aussi individualisée en fonction des lésions pancréatiques résiduelles. Enfin si le geste de drainage est devenu aisé, la gestion des complications potentielles et de la pathologie associée nécessite de l’expertise dans le choix du geste correcteur. La prise en charge des PKP doit donc rester multidisciplinaire, en y associant chirurgiens et radiologues interventionnels.
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5 Points forts
- L’histoire naturelle des pseudo kystes pancréatiques est différente dans la pancréatite aigue et chronique
- Le drainage des pseudo kystes pancréatiques dans la pancréatite aiguë doit être si possible différé en raison d’un taux de régression spontanée plus important
- Le drainage transgastrique ou transduodénal guidé par échoendoscopie est le gold standard dans les collections de plus de 5 cm
- Le traitement transpapillaire améliore les résultats du drainage endoscopique pour les pseudo kystes pancréatiques communicants associés à des anomalies canalaires
- La recherche de pseudoanévrysme associé aux pseudo kystes pancréatiques doit être faite avant toute tentative de drainage
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION
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