[Atelier] Quelles indications chirurgicales pour quelles hémorroïdes ?

Objectifs pédagogiques

  • Savoir poser une indication opératoire
  • Connaître les différentes techniques et leurs indications
  • Quelle technique proposer en fonction du terrain ?
  • Toutes les techniques ont les mêmes résultats ?

La maladie hémorroïdaire n’est pas univoque , elle concerne à la fois les hémorroides internes et les hémorroïdes externes.

Les hémorroïdes sont des structures anatomiques normales existant dès la naissance .

Les hémorroïdes internes , issues de l’artère rectale supérieure , sont situées au dessus de la ligne pectinée et distribuées en trois paquets (Latéral gauche ,antérieur droit et postérieur droit) .Elles sont maintenues par le ligament de Parks , issu de la couche longitudinale complexe .

Les hémorroïdes externes , irriguées par l’artère pudendale sont situées sous la ligne pectinée , dans l’espace sous muqueux anal , dans une zone chargée en corpuscules sensibles .

La prévalence de la maladie hémorroïdaire varie , en fonction des études et des populations, entre 4,4 et 86% .(1)

4 à 10% de la population souffre d’hémorroïdes ,seulement 1/3 des patients consultent et 3 à 8 % d’entre eux seront opérés .

Un français sur deux présente annuellement un symptome douloureux bénin (2)

La clinique elle même (rectorragies, douleurs , procidence) n’est pas toujours corrélée à la symptomatologie .(3)

Le traitement de la maladie symptomatique peut être médical ,instrumental ou chirurgical .

Ces traitements ne s’excluent pas les uns les autres et peuvent se succéder dans le temps .

La chirurie d’emblée est reservée aux prolapsus étranglés et thrombosés ,aux associations morbides hyperalgiques (fissure) ,aux hémorragies avec anémie et à la demande présent du patient arrivé au bout de toutes les options thérapeutiques

Doit être opéré celui qui a épuisé les différents traitements instrumentaux et médicaux (4) et qui demande une solution radicale et définitive .

La chirurgie a pour but d’agir sur le plan vasculaire en arrêtant le saignement et sur le plan mécanique en réduisant le prolapsus .

Sur le plan des techniques chirurgicales :

Il faut distinguer les hémorroïdectomies pédiculaires (Milligan et Morgan )(5) des hémorroïdectomies circulaires (Whitehead modifié Toupet ) rarement réalisées en France

L’anopexie circulaire selon Longo n’est pas à proprement parler une hémorroïdectomie mais elle fait définitivement partie de l’arsenal thérapeutique chirurgical de la maladie hémorroidaire .(6)

Récemment des alternatives thérapeutiques ont associé une ligature doppler guidée des artères hémorroïdales à une mucopexie .(7)

Les techniques chirurgicales sont donc nombreuses et utilisées par les proctologues en fonction de leurs préférences personnelles et de leurs habitudes de travail .

Mais il faut savoir s’adapter au terrain et donc savoir varier ses techniques , les connaître toutes pour proposer le meilleur geste possible .

L’intervention de Milligan et Morgan (1934) résèque trois paquets hémorroïdaires dépendants des trois artères hémorroïdales principales .

C‘est la technique la plus utilisée dans le monde , et connaît de nombreuses variantes : Hémorroïdectomie sous muqueuse de Parks , hémorroïdectomie à foyer fermé de Ferguson , elle a été complétée par l’école française de J. Arnous et E. Parnaud avec la description de l’anoplastie postérieure permettant l’exérèse des paquets postérieurs et la cure des fissures anales associées .

L’anopexie circulaire selon Longo resèque au dessus de la ligne pectinée une collerette muqueuse en utilisant une pince circulaire à suture automatique . Elle traite à la fois le prolapsus hémorroïdaire et le prolapsus muqueux associé .Sa supériorité par rapport aux traitements endoscopiques est acquise . (8) Elle obtient à court terme les mêmes résultats que l’hémorroidectomie pédiculaire , les résultats à long terme sont moins certains (9)

La mucopexie associé à la ligature doppler guidée des artères hémorroïdales consiste à repérer par doppler les artères hémorroïdaires et à les ligaturer puis à faufiler les redondances des différents paquets pour les ligaturer et les voir disparaître .

L’utilisation de ces différentes techniques dépend du terrain :

Devant un prolapsus circulaire hémorragique du 2° degré ,sans pathologie hémorroidaire externe , l’intervention de Longo sera privilégiée car elle assure une suture artérielle et fait disparaitre le prolapsus .

Devant une pathologie complexe , à la fois interne et externe , l’hémorroïdectomie pédiculaire de Milligan et Morgan traite l’ensemble de la pathologie .

La ligature Doppler guidée avec mucopexie trouve plus souvent sa place dans l’arsenal thérapeutiques et si cette technique était réservée au traitement des hémorroides hémorragiques du 2° degré , des publications récentes font état de plus de 80% de bons résultats dans les stades 3 et 4 . (10)

La chirurgie hémorroidaire ne concerne que 10% des patients symptomatiques ( 11)

L’efficacité de la chirurgie sur les symptomes de la maladie hémorroïdaire n’est pas de 100%.

Les résultats dépendent des séries publiées mais dans une étude comparant ,dans un stade 3 ,l’hémorroïdectomie pédiculaire aux traitements instrumentaux la chirurgie est le traitement le plus efficace .(12)

Les recommandations de la Société Américaine de Chirurgie Colo Rectale sont en accord avec les études faites sur les traitements des symptomes de la maladie hemorroidaire :

  • Thrombose externe :Thrombectomie et traitement médical
  • Thromboses à répétition :hémorroïdectomie
  • Hemorroides internes : Chirurgie après échec du traitement médical et instrumental ,en cas d’association morbide (fissure ,papille hypertrophique ,fistule) ,si le patient est demandeur ,dans les stades 3 sévères et 4 avec ou sans hémorroïdes externes (11)
  • Les patients doivent être informés des différentes modalités thérapeutiques ,des différentes techniques chirurgicales ,des suites opératoires ,des complications éventuelles et de la qualité du résultat à long terme .

Références

  1. Johanson JF, SonnenbergA. The prevalence of hemorrhoids and chronic constipation .Gastroenterology 1990 ;98 :380-6
  2. Siproudhis L . Defecation disorders : A french population survey .Dis Colon Rectum 2006 ; 49 :219_27
  3. CH. V. Devien .Colo-Proctologie Clinique 1989 . Medsi/Mc Graw-Hill 168- 205
  4. Coulom P .Traitement instrumental de la maladie hémorroïdaire .Gastro. Enterol. Clin. et Biol. : Oct 209 ,Vol 33 N° 10 -11S
  5. Milligan Etc, Morgan Cn, Jones Le, Officer R Surgical Anatomy of the anal canal and the operative treatment of haemorroids. Lancet, 1937. 233 119 – 24
  6. Longo A .Treatment of haemorrhoids desease by reduction of mucosa and haemorrhoidal prolapse with circular suturing device .In 6th World Congress of Endoscopic Surgery 1998 Rome .
  7. Doppler-Guided Hemorrhoidal Artery Ligation and Rectoanal Repair (HAL-RAR) for the Treatment of Grade IV Hemorrhoids: Long-Term Results in 100 Consecutive Patients .Dis Colon Rectum ; 2008,51 : 945-949
  8. Godeberge Ph . Traitement des hémorroides : Intervention de Longo versus traitement endoscopique. FMC HGE . Post’U2001 Paris
  9. Mehigan BJ , Monson JRT, Hartley JE . Stapling procedure for haemorrhoids versus Milligan-Morgan haemorrhoidectomy,randomised control trial . Lancet 2000 ;355 :782-5
  10. Faucheron JL , Gangnier Y . Doppler guided haemorrhoidal artery ligation for the treatement of symptomatic hemorrhoids : Early and three year follow-up results in 100 consecutive patients .Dis Colon Rectum 2008 ; 51 : 945-949
  11. Recommandations pour la pratique clinique sur le traitement de la maladie hémorroidaire .Gastroentérologie Clin.et Biol. 2001 Coordonnateur L.Abramowitz, coordonnateur du groupe traitement chirurgical D. Soudan .
  12. Lewis AA, Rogers HS ,Leighton M .Trial of maximal dilatation,cryotherapy and elastic band ligation as alternatives to hemorrhoidectomy in treatment of large prolapsinghaemorroids.Br J Surg 1983 .

LES 5 POINTS FORTS

  1. Opérer les patients après échec des différents traitements médicaux et instrumentaux (sauf urgence)
  2. Préférer les hémorroïdectomies pédiculaires en abandonnant les hémorroïdectomies circulaires qui entraînent ectropion, sténose, troubles de la continence. Eviter les sphinctérotomies.
  3. Bien poser l’indication de l’hémorroïdopexie circulaire par agrafage pour éviter ses complications.
  4. Savoir poser l’indication du HAL RAR (malades fragiles, AVK….)
  5. Savoir proposer le meilleur geste possible en s’adaptant au terrain et à la demande du patient.