Traitement chirurgical ou endoscopique du cancer colique en occlusion

Objectifs pédagogiques

  • Identifier les patients pouvant justifier de la pose d’une prothèse colique                            
  • Connaître les principes de la  mise en place d’une prothèse endoscopique : quel type de prothèse ?
  • Les trucs et astuces pour limiter les risques de perforation et de migration
  • Résultats sur la qualité de vie et la morbi-mortalité à court et à moyen terme. 

Identifier les patients pouvant justifier de la pose d’une prothèse colique

Indications de pose de prothèse colique

Les indications de pose de prothèse colique sous-entendent la conjonction de 2 évènements : la présence d’un cancer colo-rectal et le développement d’un syndrome occlusif. Ceci représente 7 à 29% des cancers coliques (1). Un cancer colique en occlusion n’est cependant pas une indication systématique à la pose d’une prothèse : Les indications respectives de l’abord chirurgical et de la pose de prothèse dépendent des éléments cliniques et du bilan réalisé.

Deux cas de figure doivent être isolés :

  • L’occlusion est inaugurale.
  • Le cancer est connu et l’occlusion en complique l’évolution.

Le premier cas de figure correspond à la découverte du cancer en urgence par le biais de l’occlusion.  Les questions qui vont se poser sont les suivantes :

  • L’occlusion colique est-elle due à un cancer ?
  • Si oui, le patient est-il opérable ?
  • Quelle est la conduite à tenir la mieux adaptée ?
    • Opérer dans l’espoir de réaliser une résection-anastomose, tout en sachant qu’une colostomie est souvent nécessaire.
    • Ou bien poser immédiatement une prothèse afin de lever l’occlusion et  d’éviter la colostomie pour permettre une résection-anastomose en un temps une dizaine de jours plus tard (prothèse en pont vers la chirurgie), si le bilan réalisé permet cette chirurgie.

Le deuxième cas de figure est celui où le cancer est déjà connu, traité. La situation du patient est le plus souvent palliative car le développement d’une occlusion sur un cancer traité signe en général un échappement à la chimiothérapie qui impose une prise en charge  palliative :

Quelle est la conduite à tenir la mieux adaptée ?

  • Réaliser une chirurgie palliative ?
  • Mettre en place une prothèse à visée palliative ?

Existe-t-il des indications ou des contre-indications en fonction de la localisation de la sténose cancéreuse ? 

Aucune des études publiées n’a rapporté d’empêchement  à la pose d’une prothèse colique qui soit directement lié à la localisation de la sténose,  tout en sachant que  plus la sténose  est proche du rectum, plus simple et rapide est le geste. De fait, la quasi-totalité des poses de prothèses concernent des cancers du rectum, du sigmoïde ou du colon gauche. Les difficultés sont liées à la situation des sténoses au niveau des angulations, en particulier celle de l’angle splénique ou de la charnière recto-sigmoïdienne. La seule vraie contre-indication est représentée par les cancers  du rectum dont le pôle inférieur est à moins de 25 mm de la marge anale : dans ce cas, l’extrémité inférieure de la prothèse ne peut se déployer sous la sténose et est source d’inconfort, voire de douleurs pour le patient. Cette situation peut constituer une raison de retrait très précoce de la prothèse.

La carcinose péritonéale influe sur les résultats immédiats et à moyen terme : doit-elle constituer une contre-indication ?

La question mérite d’être posée car dans une large série, certes rétrospective mais ayant inclus 412 patients, la présence d’une carcinose péritonéale était un facteur prédictif de mauvais résultat au même titre que la dilatation préalable et la réalisation d’une chimiothérapie (2). Si l’existence d’une carcinose péritonéale n’est pas une contre-indication absolue, elle implique de  ne pas insister si des difficultés techniques surviennent au cours du geste. Pour cette raison la détection d’une ascite au scanner doit inciter à la prudence.

Connaître les principes de la  mise en place d’une prothèse endoscopique : quel type de prothèse ?

Nous envisagerons successivement les recommandations relatives au lieu de la pose, au personnel nécessaire et au matériel utilisé.

Le lieu de la pose

La scopie  étant indispensable à un guidage optimal,  il faut travailler dans une salle de radiologie interventionnelle ou dans une salle d’endoscopie équipée d’un arceau de scopie. Qu’en est il de la pose de prothèse effectuée par les radiologues sous guidage radiologique exclusif : les résultats publiés dans la littérature ne sont comparables à ceux obtenus par l’endoscopie dans la pratique quotidienne que dans certains centres radiologiques experts, essentiellement asiatiques, avec des séries  significativement plus réduites  que les séries endoscopiques. Il faut de plus, noter que dans ces séries, les auteurs rapportent certains cas d’impossibilité de mise en place radiologique (20 sur 87 dans la série d’Athreya S et al, par exemple)  justifiant alors une combinaison radiologie-endoscopie (3-6). Il faut donc préférer une pose de prothèse endoscopique avec  guidage radiologique à une pose de prothèse exclusivement radiologique, afin d’obtenir un maximum de précision, de sécurité et d’efficacité.

Le personnel nécessaire

  • L’endoscopiste doit être aidé par un(e) assistant(e)  pour la mise en place de la prothèse. Il (elle) doit connaître le matériel et bien sûr, également son fonctionnement pour être performant(e) au moment de la libération de la prothèse. Il faut idéalement disposer de plusieurs prothèses de taille et de longueur différentes pour faire face aux différentes situations anatomiques possibles.
  • Le type de sédation dépend de l’état général du patient et des conditions de réalisation de l’endoscopie en situation d’urgence. La pose peut être faite sans aucune sédation, sous sédation intraveineuse ou sous anesthésie générale. Une importante série prospective rapporte que sur 447 patients de la « vraie vie », une sédation à base de midazolam a été réalisée dans 75,7% des cas, une anesthésie générale dans 3,6% des cas et aucune sédation , dans 20,7% des cas (7).  Cette série européenne hispano-danoise ne reflète cependant pas les modes opératoires  utilisés  en France, où la présence d’un anesthésiste   est le plus souvent possible.  En cas d’occlusion installée avec vomissements, une intubation trachéale est indipensable pour éviter une inhalation, favorisée par le décubitus dorsal et l’insufflation endoscopique. Cependant cette série prospective nous démontre que le geste peut être réalisé dans d’excellentes conditions sous  prémédication par  midazolam, ce qui peut alléger la gestion de l’acte endoscopique en urgence, dans les structures dépourvues d’anesthésistes. En l’absence d’anesthésiste, il ne faut donc pas récuser le patient au risque de trop attendre et d’induire des complications métaboliques, infectieuses ou péritonéales.
  • Le patient  est installé en décubitus latéral gauche en cas de sédation par midazolam. En cas d’anesthésie générale, le patient est placé, selon la préférence de l’opérateur  en décubitus latéral ou en décubitus dorsal . Dans mon expérience,  le décubitusdorsal facilite grandement la précision de la pose et donc les résultats immédiats autant que tardifs.

Le matériel

La prothèse est toujours de type « TTS, through- the- scope », c’est-à-dire qu’elle se pose à travers l’endoscope par le canal opérateur qui doit être de diamètre suffisant (3,8 ou 4,2 mm, ce qui correspond à des endoscopes de type interventionnel).  La technique de pose proprement dite est univoque quel que soit le type de prothèse à mettre en place. L’endoscope doit arriver au pôle inférieur de la sténose cancéreuse: un certain nombre d’échecs sont en effet dus à l’impossibilité d’accéder à la sténose ou de se positionner correctement devant cette dernière. Un coloscope est le plus souvent utilisé, mais dans certaines circonstances, un gastroscope thérapeutique ayant un canal opérateur large, plus souple, peut être plus efficace(8).  L’objectif est de faire passer le fil guide, généralement introduit dans un cathéter, à travers la sténose sans pour autant la franchir avec l’endoscope. La scopie est alors très utile Le fil guide ayant été positionné largement au-dessus de la sténose, on vérifie qu’il est effectivement dans le colon d’amont; il est  alors souhaitable d’injecter un peu de produit de contraste afin de visualiser le colon d’amont, le pôle supérieur du cancer, l’aspect de la sténose, sa longueur,  sa morphologie et son orientation. On peut également mesurer précisément la longueur de la sténose en gonflant un ballonnet extracteur au-dessus de la sténose puis en le retirant jusqu’à son pôle supérieur, puis en le dégonflant et  en mesurant à partir du dégonflage, la distance entre cette limite supérieure et son apparition dans le champ visuel sous la sténose qui est corrélée à la longueur de cathéter retiré à partir de la sortie du canal opérateur (8).

Cette étape permet de choisir les caractéristiques de la prothèse qui va être mise en place: diamètre, et surtout longueur. Dans les grandes séries, les longueurs les plus souvent utilisées sont 90 mm et 120 mm (7, 9). Il a été montré qu’un trop petit diamètre qui pourrait paraître plus sûr est source de plus de migrations (10) : il faut donc le déconseiller a priori.

La gaine de la prothèse est introduite au travers de la sténose sous contrôle fluoroscopique et sa position est précisément suivie par les repères radio-opaques dont elle est munie. Il faut noter que toutes les prothèses actuellement présentes sur le marché ne sont pas équivalentes en termes de radio-opacité ou de rigidité et que ces détails peuvent devenir critiques dans certaines conditions difficiles. On a pu ainsi montrer que les prothèses Ultraflex ® coliques (la première évolution de la  plateforme Wallflex® de Boston Scientific, ) étaient plus efficaces et plus sures que leur forme antérieure moins évoluée : les prothèses Wallstent ® (11). Si les prothèses  Colonic Wallflex® » (Boston Scientific  ) sont les plus représentées dans les travaux publiés, toutes les autres prothèses ne se valent peut-être pas : Park JK et al ont montré dans une série rétrospective de 103 patients que les  Niti-S ® (Taewoong, Corée) et les  Bonastents®  (Life Partners Europe) migraient moins que les Wallflex® : respectivement  0%, 15% et 25,9% (12) ! On peut cependant noter que dans cette série coréenne, le taux de migration présenté pour les 2 premiers types de prothèses ne correspond pas à ce qui est publié dans  les autres travaux.

Les prothèses commencent toujours à être libérées par leur extrémité distale (c’est-à-dire au-dessus du cancer). Il est conseillé de commencer leur largage assez largement au-dessus du bord supérieur du cancer pour leur permettre de se déployer librement dans la partie dilatée du colon. Le positionnement correct est ensuite ajusté au plus précis par un retrait global de l’ensemble gaine-prothèse en partie déployée, puis la libération  complète de la prothèse sera effectuée, l’endoscope étant positionné à quelques cm de distance du bord inférieur de la sténose. Il faut en effet tenir compte du raccourcissement que subissent ces prothèses au moment de leur libération, raccourcissement qui est d’autant plus important que la prothèse se trouve dans un espace libre de colon non sténosé : pour en tenir compte il suffit de garder au moins 3 cm de prothèse dans sa gaine en dessous du bord inférieur de la sténose et éviter ainsi que la collerette inférieure ne se retrouve à la fin du processus de largage, encore à l’intérieur de la sténose et non pas en dehors d’elle. Durant la manœuvre de largage, il faut être prudent, doux et surtout méticuleux pour obtenir un résultat le plus précis possible, garant d’un bon résultat clinique. Le positionnement idéal doit également tenir compte de l’axe de la sténose par rapport à celui (ou ceux) du colon au-dessus et au-dessous. Il faut bien garder à l’esprit que la prothèse qui épouse les angulations du colon au moment de sa libération, va se redresser et adopter une forme rectiligne dont l’axe sera celui de la sténose, qui est la zone la plus rigide et non pas celui du colon non pathologique, plus souple ! Ce point devient particulièrement critique lorsque la sténose se trouve au niveau d’un des angles coliques, au sein d’une angulation du sigmoïde ou, pire encore au niveau de la charnière recto-sigmoïdienne. Le risque est en effet de constituer une angulation entre l’axe de la prothèse qui s’est redressée et le colon d’amont : ce cas de figure expose à un mauvais fonctionnement de la prothèse dont l’extrémité libre ne va pas être située en face de la lumière colique (ce qui va gêner ou empêcher complètement les matières de pénétrer à l’intérieur de la prothèse) et la rendre inefficace. Le second danger est celui provoqué  par la pression ponctuelle et le frottement répété du bord supérieur de la prothèse sur le bord libre du colon d’amont  responsables d’ulcérations, elles-mêmes générant un risque de perforation secondaire  ou de phénomènes hémorragiques.

Les prothèses « TTS » peuvent être couvertes ou non-couvertes. Les premiers résultats cliniques n’étaient  pas en faveur des prothèses couvertes qui étaient très peu utilisées dans le traitement des obstructions malignes en raison de migrations trop fréquentes. La preuve définitive en a été apportée récemment par Park S et al (13) grâce à une étude prospective randomisée dans laquelle le taux de migration était de 1,8 % pour les prothèses non couvertes et de 21,1% pour les prothèses couvertes ! Ce taux inacceptable de migration  précoce ne compensait pas le plus faible taux d’occlusion secondaire par croissance tumorale (3,8 % vs 14,5%). Cette donnée a été récemment confirmée par Kim BC et al (10). 

Les trucs et astuces pour limiter les risques de perforation et de migration

Si le cathétérisme de la sténose est difficile, on peut s’aider de 2 « trucs et astuces » :

  • A la place d’un cathéter, utiliser un sphinctérotome si possible rotatif qui permet de changer l’orientation du fil guide en aval de la sténose et donc de mieux se positionner en face de son axe principal.
  • Le second « truc » est à mettre en oeuvre quand il apparait vraiment impossible de faire franchir la sténose par le fil guide : on peut alors utiliser un naso-gastroscope pour passer, sans aucune dilatation à l’intérieur de la sténose, introduire un fil guide par le canal opérateur, puis  retirer le naso-gastroscope  en laissant le fil guide en place, et enfin  remonter un coloscope sur le fil guide jusqu’au pôle inférieur de la sténose. La prothèse sera ensuite avancée à travers le canal opérateur du coloscope.

Pour limiter au maximum le risque de perforation, la première des précautions est de bannir  la dilatation préalable: ceci avait déjà été noté dans des travaux rétrospectifs plus anciens et se retrouve dans la série prospective de Meisner et al : la dilatation multiplie par un facteur 9,4 le risque de perforation, qu’elle soit faite par au moyen d’une bougie, d’un ballon hydraulique ou par les 2 associés (7).

Au cours du largage de la prothèse, le conseil est de commencer la libération largement au-dessus du cancer pour retirer la prothèse, à la demande, à travers la sténose: si au cours de cette manœuvre la prothèse est trop retirée vers le bas, il va devenir impossible de la remonter ouverte à travers la sténose. Il faut alors la recapturer, ce qui est maintenant possible avec la plupart de ces prothèses (ceci consiste à inverser le mouvement de libération, pour recouvrir à nouveau la prothèse de sa gaine) et ainsi pouvoir la remonter plus loin au-dessus de la sténose. Le positionnement doit donc être parfait, ce qui fait disparaitre en presque totalité, les risques de malposition primaire ou de migration immédiate.

Pour éviter une angulation entre l’axe de la prothèse et le colon d’amont, il faut privilégier une prothèse de plus grande longueur qui pourra épouser plus facilement les courbes anatomiques. De plus, dans les cas de prothèses palliatives définitives, il faut tenir compte de la poursuite de la croissance tumorale et donc prévoir que cette dernière va envahir les extrémités de la prothèse si cette dernière n’a pas été choisie suffisamment longue, sans marge de sécurité de 20 mm au moins, au-dessus et au-dessous de la sténose au moment de la pose. Enfin, une radio de l’abdomen sans préparation est conseillée 48 h après le geste pour vérifier le bon positionnement de la prothèse et son degré  d’expansion, dont on vient de montrer qu’il est corrélé à la durée  de sa perméabilité (14).

Résultats sur la qualité de vie et la morbi-mortalité

Résultats à court terme, pour toutes les indications de prothèses

Nous possédons 3 très larges séries rétrospectives ayant inclus 3581 patients (15-17). Quatre études randomisées sont publiées à ce jour (18-21) et  4 méta analyses ont été consacrées à ce sujet entre 2007 et en 2012, qui comportent respectivement 451, 207, 234 et 601 patients inclus dans 10, 5, 4 et 8 études comparatives (22-25).  A toutes ces séries, il faut ajouter les résultats de dizaines d’études publiées dans un grand nombre de pays et de la première large série prospective Hispano-danoise portant sur 447 patients, donnant les résultats de « la vraie vie » dans des hôpitaux généraux de ces 2 pays (7). Les performances des prothèses coliques posées par voie endoscopique  en cas de cancer colorectal en occlusion sont donc parfaitement connus et apparaissent vraiment reproductibles à quelques exceptions près, où les résultats  sont très discordants   .

Pour un maximum de clarté, il faut d’abord envisager les résultats initiaux (le plus souvent estimés après les 48 premières heures ou à la première semaine) : ils vont décrire les succès et les complications dues à la pose des prothèses et concernent tous les patients prothésés, qu’ils le soient de manière palliative définitive ou de manière transitoire en attendant la chirurgie. Ces résultats sont quelquefois décrits à 30 jours et correspondent aux débuts des résultats à long terme qui vont concerner uniquement les prothèses palliatives définitives. Pour répondre aux questions que nous nous sommes posées dans le premier chapitre, on tiendra compte des comparaisons des résultats qui se feront à 2 niveaux différents: résultats de la chirurgie en urgence comparés à ceux obtenus par la prothèse «en pont vers la chirurgie», d’une part et d’autre part, comparaison des résultats à long terme des prothèses palliatives définitives avec ceux de la chirurgie classique de dérivation palliative. Cette comparaison doit de plus, s’envisager en termes de résultats immédiats qui concernent le taux de mortalité, de colostomies, de séjours hospitaliers et de résection en 1 seul temps, tandis qu’à plus long terme c’est l’influence éventuelle de la prothèse sur le pronostic du cancer qui doit être analysé.

De cette masse très importante de données, on peut retenir que les localisations les plus fréquemment en cause pour la pose d’une prothèse  sont le sigmoïde (50-70%), le rectum (12-18%), le colon gauche (9-15%) et plus rarement le transverse ou le colon droit.

La sécurité de pose est excellente avec des taux de mortalité immédiate qui sont pratiquement nuls dans toutes les séries : entre 0% et 1%, en moyenne à 0,58 % (0% dans la large série prospective de 447 patients [7]).  Les succès techniques se situent entre 92 et 98,2%, en moyenne à 96,2 % alors que les taux de succès clinique se situent aux alentours de 92%, ce qui signifie clairement que 2 à 4 % des prothèses, pourtant posées correctement ne vont pas fonctionner suffisamment bien pour lever l’obstacle colique (15-17). Il est ainsi surprenant (mais sans doute du à la pose surtout radiologique des prothèses) de noter que dans l’étude Montpelliéraine,  le taux de succès technique n’est que de 46,7%(19), alors que les résultats publiés les moins satisfaisants  le situent aux environs de 70% (21).

Les complications immédiates sont représentées par la perforation, la migration et à un moindre degré par l’hémorragie : les perforations immédiates  sont notées  entre 0,8 et 4,5%, 3,7% en moyenne  (1,3% pour la série prospective [7]). Là encore, le taux de perforation de la série française   (19) qui se trouve à 10%  sort complètement de ce qui est considéré comme acceptable pour des équipes endoscopiques ! Les migrations sont notées entre 0 et 13%  (1,8% pour la série prospective [7]), et les hémorragies  entre 0,9 et 1,8 % (04% [7]). Il faut noter que les 2 dernières complications conduisent le plus souvent à des reprises endoscopiques tandis que les perforations sont une indication opératopire et sont la source quasi exclusive de la mortalité immédiate.

Résultats à long  terme, pour les prothèses palliatives définitives

Nous disposons  des résultats à 30 j de la série prospective hispano-danoise et  de données  moins  précises sur la date du recueil des données par rapport à la pose de la prothèse (7, 9, 27). La mortalité  concernant ces patients en mauvais état général, est de 9%, mais   liée à l’évolution   du cancer dans la moitié des cas ! Les complications concernent de 16 à 31% des patients (2, 10, 27). Les perforations peuvent se développer à distance de la pose avec une fréquence de 1 à 7 % avec une moyenne de 3,9%, ces perforations étant reliées au type de prothèse (longueur, diamètre, type de collerette) à la présence associée d’une carcinose péritonéale ou à l’administration d’une chimiothérapie comprenant du Bévacizumab (2,10). Il faut donc tenir compte de ce risque accru de perforation  chez les patients pour lesquels la chimiothérapie pourrait se discuter après la pose  d’une prothèse. Les prothèses peuvent  migrer secondairement (ce taux varie de 1,8% pour  les prothèses de type Wallflex®),  à 12,3 % pour les prothèses couvertes,  et même  22% dans la série de Frenandez-Esparrach et al (9). L’obstruction par croissance tumorale à travers ou au-dessus des mailles varie de 3,3% pour les prothèses couvertes à 22,3% pour les prothèses non couvertes. Cette  complication augmente de manière inéluctable avec la survie des patients :  la durée médiane de perméabilité prothétique est   d’une centaine de jours (10, 27). Il faut noter que cette complication est traitable endoscopiquement par la pose d’une deuxième prothèse à l’intérieur de la première,  doublant la durée de perméabilité prothétique à plus de 200 jours (27).  Des hémorragies  sont rarement observées (< 1 %), et sont le plus souvent accessibles à un traitement endoscopique (7, 9, 27).

La prothèse fait-elle mieux ou moins bien que la chirurgie dans ces 2 circonstances ?

Il existe dans la littérature, des données abondantes qui ont comparé les résultats de la prothèse en « pont vers la chirurgie » (c’est à dire la prothèse posée en urgence et suivie 5 à 10 jours plus tard, selon les données du bilan d’extension, par la chirurgie de résection carcinologique conventionnelle en un seul temps, idéalement sans colostomie transitoire) à ceux de la chirurgie en urgence, suivie éventuellement d’un 2ème temps de chirurgie carcinologique (18-26). On a vu que les résultats des prothèses sont satisfaisants. Quels sont ceux de la chirurgie en urgence ? Ils ne sont pas excellents: En cas d’occlusion colorectale révélant un cancer, la colostomie-résection  protégée réalisée en urgence concerne 50% des patients opérés (28)).  Cette  chirurgie est associée à  une mortalité et  une morbidité élevée: respectivement  5 à 20% et  45 à 50% (1, 29).

Un certain nombre de publications apparaissent très défavorables à la prothèse première dans  une méta-analyse  qui a inclus 234 patients à partir de 4 études, dont 3 ont du être arrêtées du fait d’un nombre trop élevé de complications dans le bras endoscopique (24) ! Cette méta-analyse cumule des records d’inefficacité: succès technique bas (71%) et taux étonnamment élevé de perforations (16,4%). Elle inclue également les résultats de la courte série prospective, randomisée contrôlée hollandaise  prématurément arrêtée en raison de 4 perforations sur 11 patients (36,4%) ayant entrainé 3 décès, dont il faut noter que 2 recevaient des chimiothérapies (26).

Les 3 autres méta-analyses ont été réalisées à partir de 23 études et portent sur 1259 patients et elles montrent beaucoup d’avantages à l’attitude endoscopique première (21-23): arrêt plus rapide de l’occlusion (0,7 versus 3,6 jours), séjour hospitalier raccourci de 7,8 jours, diminution de 56 % du nombre de passages en réanimation, mortalité à 30 jours soit identique, soit significativement plus faible avec moins de complications médicales, moins de colostomies de nécessité, un temps opératoire raccourci de 144 à 114 minutes et des pertes sanguines réduites de 250 à 50 ml. Sur le plan chirurgical, on note 2 à 3 fois moins de colostomies dans les groupes de patients traités par prothèses. On peut conclure que c’est l’efficacité des équipes endoscopiques qui influe directement sur la conclusion en faveur ou en défaveur des prothèses par rapport à la chirurgie en urgence. Par ailleurs, comme on connaît grâce à de très grandes séries ce qu’on doit attendre d’une prothèse posée en urgence, on peut raisonnablement conclure que les études comparatives qui démontrent un bénéfice de la chirurgie en urgence  s’appuient sur des comparatifs endoscopiques  non optimaux.

En est-il de même pour la comparaison des résultats de la chirurgie palliative par rapport à ceux des prothèses palliatives définitives ?  On peut se baser sur 3 études comparatives ayant inclus 55, 144 et 122 patients (30-32). Dans la première, on retrouve dans le groupe endoscopie, moins de complications (malgré 13,7% de patients ayant nécessité une chirurgie pour perforation, obstruction ou ténesme insupportable dans le groupe traité par prothèses), un séjour hospitalier plus court, moins de colostomies et  une survie globale identique (14 et 11mois). Les obstructions secondaires de prothèses qui surviennent systématiquement chez les patients qui survivent longtemps, ont été traitées par la pose d’une deuxième prothèse chez 10% d’entre eux (30). Les 2 autres études plus importantes quantitativement montrent également des plus faibles taux de complications immédiates avec moins de colostomies dans le groupe endoscopique, la survie globale étant encore identique. On note un taux de complications tardives plus important dans le groupe endoscopie, mais presque toutes ces complications sont gérées par endoscopie : au final, les patients décèdent moins souvent des  complications endoscopiques que chirurgicales (31). Il faut enfin noter que la mise en place d’une prothèse par voie endoscopique permet une chirurgie plus facile, réalisable par voie laparoscopique, comme l’ont montré Dulucq et al sur 14 patients avec de très bons résultats immédiats mais également plus tardifs à 11 mois (32).

Quels sont les résultats oncologiques à plus long terme ?

Kim JS et al ont montré que la survie à moyen terme de 45 patients prothésés  en urgence puis opérés secondairement était moins bonne que celle de 350 patients contrôles ayant un cancer du colon gauche opéré sans occlusion: survie à 5 ans de 38,4% contre 65,6% et survie sans récidive  de 48, 5% contre 75,5% (33). Cette constatation a interpellé nos collègues oncologues alors qu’aucune démonstration réelle du rôle délétère de la prothèse n’était apportée, la différence de pronostic étant vraisemblablement reliée  à la comparaison des cancers non compliqués à des cancers compliqués d’une occlusion inaugurale. De fait, Saida et al  on montré que les survies de 40 patients opérés en urgence pour occlusion et de 44 patients prothésés  sont  équivalentes (34).

Dans la pratique, on peut considérer que la pose d’une prothèse reste la meilleure solution     chez les patients ayant un  cancer colo-rectal en occlusion. Cette prothèse va permettre de lever l’obstacle sans avoir à réaliser une colostomie de décharge. Elle va donner le temps d’améliorer l’état général de ces patients  (réhydratation , correction d’une insuffisance rénale fonctionnelle…), et de réaliser un bilan d’extension complet incluant un scanner injecté,  autorisant un choix thérapeutique adapté d’exérèse chirurgicale (prothèse en pont vers la chirurgie) ou  de traitement palliatif ( prothèse palliative définitive).

En situation de rechute   responsable d’une occlusion,  l’état général,l’ état loco-régional, l’existence ou l’absence de métastases est habituellement correctement évalué par la surveillance mise en ouvre jusque là : Le choixd’une prothèse « palliative définitive » n’est proposé  qu’à condition qu’une chimiothérapie comprenant en particulier des anti-VEGF ne soit pas envisagée.   Les résultats publiés semblent  plus favorables à la prothèse qu’à la chirurgie palliative  chez ces patients dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques mois.  .

Conclusions

Le cancer colique en occlusion pose un problème fréquent. La sténose est le plus souvent située sur le rectum, le sigmoïde ou le colon gauche. La position trop basse de la sténose rectale, des difficultés technique de pose en présence d’une carcinose péritonéale doivent être considérées comme des contre indications à la pose d’une prothèse endoscopique, de même que l’éventualité d’avoir à utiliser des anti-VEGF ultérieurement.

Sur le plan technique, il faut privilégier une pose endoscopique, sous scopie, sous anesthésie générale. L’intubation trachéale est nécessaire si le patient est placé en décubitusdorsal.  Il faut utiliser une prothèse passant au travers du canal opérateur de l’endoscope, sans chercher à franchir la sténose ni la dilater, mais après l’avoir étudiée et visualisée par une injection de produit de contraste visualisant également le colon d’amont.

La sécurité immédiate de la pose endoscopique de la prothèse est excellente avec une mortalité pratiquement  nulle, une efficacité technique évaluée à 96% et une efficacité clinique à 92%. Les taux de complications précoces  rapportées dans les plus grandes séries sont en moyenne de 3,7%, 1,8% et 0,4% pour les perforations les migrations et les hémorragies. Seules les perforations  impliquent un geste chirurgical.

A plus long terme, la mortalité aux alentours de 9% est due une fois sur 2 à l’évolution du cancer. Le taux de complications après pose de prothèse endoscopique à visée palliative augmente avec le temps, mais celles-ci peuvent souvent être traitées endoscopiquement.

De la littérature, il ressort que devant un cancer colo-rectal en occlusion, la pose de  prothèse par voie endoscopique réalisée en urgence semble plus efficace et moins dangereuse que la chirurgie réalisée en urgence. En palliatif définitif, le traitement endoscopique génère moins de complications immédiates mais plus de complications tardives, en fin de vie , le plus souvent traitables par voie endoscopique.

La survie oncologique des patients traités endoscopiquement ne semble pas  différente de celle observée après chirurgie, contrairement à ce qu’avait laissé penser un travail initial.

Bibliographie

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Les  4 points forts

  • La pose de prothèse endoscopique est un geste sûre à condition d’être réalisé sous contrôle fluoroscopique par un médecin entrainé..
  • Un certain nombre de principes techniques doivent être appliqués : pas de dilatation, pas de franchissement par l’endoscope, prothèse large, non couverte, dépassant  la sténose d’au moins 25 mm au-dessus et au-dessous.
  • L’étude de la littérature montre une supériorité  sur le traitement chirurgical pour les lésions gauches lorsque les prothèses modernes posées Trough The Scope sont utilisées.
  • La pose d’une prothèse définitive n’est pas recommandée chez les patients susceptibles de recevoir des biothérapies.