MICI chez l’enfant : particularités de la prise en charge et transition de l’adolescence à l’âge adulte

POST’U 2019

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les spécificités de la démarche diagnostique chez l’enfant et l’adolescent en cas de suspicion clinique de MICI
  • Connaître l’impact d’une MICI sur le développement physique et psycho-social
  • Connaître les particularités de la prise en charge thérapeutique
  • Savoir organiser la transition de la médecine pédiatrique à la médecine adulte

Les 5 points forts

  1. Le diagnostic de MICI chez l’enfant et l’adolescent doit être évoqué devant des symptômes chroniques (diarrhée, rectorragies, douleurs abdominales, fatigue, anémie) et/ou une cassure de la courbe staturo- pondérale.
  2. Le retentissement sur la croissance staturo-pondérale est une des spécificités des MICI chez l’enfant (en particulier dans la maladie de Crohn).
  3. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte des particularités liées à l’âge (dosage des médicaments, adolescence et compliance, scolarité) avec une attention particulière sur la croissance staturo-pondérale.
  4. L’évolution est marquée par une sévérité plus importante de la maladie chez les patients pédiatriques.
  5. La transition est un moment clé dans le suivi des patients pédiatriques atteints de MICI et doit être organisée.

Spécificités diagnostiques chez l’enfant et l’adolescent en cas de suspicion de MICI

Depuis plusieurs décennies, l’incidence des MICI pédiatriques augmente dans les pays développés [1]. Les principaux symptômes sont analogues à ceux observés chez l’adulte. Néanmoins, dans la maladie de Crohn (MC) les tableaux cliniques révélateurs sont très divers allant du retard de croissance isolé à une lésion ano-périnéale sévère. La grande « banalité » des douleurs abdominales chez l’enfant explique le délai diagnostique relativement long dans la MC pédiatrique. Chez l’enfant et l’adolescent, la MC s’accompagne souvent d’une stagnation ou d’une perte pondérale, puis d’un ralentissement de la croissance staturale. Parfois, dans les formes insidieuses, aucun symptôme digestif n’est rapporté et seul l’infléchissement de la croissance staturo-pondérale est l’unique symptôme de la maladie durant plusieurs mois ou années. Dans la rectocolite hémorragique (RCH), les principaux symptômes sont identiques à ceux chez l’adulte. La confirmation diagnostique de la MICI et de son type repose sur un faisceau d’arguments (cliniques, biologiques, radiologiques, endoscopiques et anatomo-pathologiques), le bilan étant le plus souvent réalisé en milieu spécialisé. Les modalités de diagnostic ont fait l’objet d’une conférence de consensus [2].

Impact d’une MICI sur le développement physique et psycho-social de l’enfant

Une des particularités des MICI pédiatriques est leur retentissement staturo-pondéral. Le retard staturo- pondéral observé est indépendant de la topographie et de l’extension des lésions, mais il est d’autant plus marqué que la maladie débute tôt dans la vie. La surveillance très régulière de la croissance, la notification des points dans le carnet de santé et leur report sur des courbes de croissance staturale et pondérale garantissent le dépistage précoce d’un retard de croissance et l’évaluation du traitement [3]. Le suivi de la croissance est tellement important dans les MICI pédiatriques qu’il a été inclus dans la classification de Paris des MC pédiatriques [4]. L’évaluation régulière du stade pubertaire est aussi nécessaire en le corrélant à la croissance staturale. La RCH affecte peu la croissance et les données anthropométriques des malades à l’âge adulte sont comparables à celles de la population générale.

Une prise en charge psychologique doit être systématiquement proposée, l’annonce d’une maladie chronique dans l’enfance ou l’adolescence pouvant avoir des répercussions importantes sur les interactions sociales, le déroulement de la scolarité. La morbidité des MICI et surtout de la MC est importante chez l’enfant. La prise en charge diffère de l’adulte avec un taux d’hospitalisations plus élevé surtout en raison des traitements nutritionnels plus souvent utilisés. Mais malgré une maladie plus sévère et plus invalidante, les patients avec une MICI à début pédiatrique ont un statut professionnel identique aux patients avec une MICI débutant à l’âge adulte .

Particularités de la prise en charge thérapeutique

La stratégie thérapeutique est identique à celle de l’adulte, visant à obtenir la rémission clinique et biologique ainsi que la cicatrisation muqueuse, témoin d’une rémission profonde. Comme chez l’adulte, le choix du traitement dépend de la localisation des lésions, de l’âge, de l’évolutivité de la maladie, des complications, etc. Il ne faut cependant pas oublier un objectif supplémentaire essentiel en pédiatrie : la restauration ou le maintien d’une croissance et d’un développement pubertaire normaux. Par ailleurs, la galénique des médicaments disponibles n’est pas toujours adaptée au jeune enfant et une bonne compréhension et coopération des parents sont fondamentales pour l’acceptation et l’observance du traitement. La décision thérapeutique est donc souvent complexe avec un traitement très personnalisé.

Les modalités de prise en charge thérapeutique ont aussi fait l’objet de recommandations [6,7]. Parmi les spécificités thérapeutiques pédiatriques, l’utilisation de l’assistance nutritionnelle dans la MC est proba- blement le point le plus important. Chez l’enfant, plusieurs études et une méta-analyse ont démontré son efficacité, équivalente à celle des corticoïdes dans le traitement de la poussée de la MC pédiatrique [8].

Transition de la médecine pédiatrique à la médecine adulte

La transition est un processus dynamique visant à assurer la bonne continuité des soins. La question du transfert en milieu adulte doit être abordée en amont avec l’adolescent et ses parents par le pédiatre référent, en général à partir de l’âge de 15-16 ans. Il faut adapter l’âge du transfert en milieu adulte à la situation du patient pour trouver le bon moment avec au mieux : une maladie en rémission, un traitement stable depuis plusieurs mois et une vie personnelle et professionnelle stable. Cette transition a récemment fait l’objet de recommandations européennes [9]. Le transfert doit être organisé en amont avec au minimum un résumé du dossier à transmettre au gastroentérologue adulte, au mieux avec une (ou plusieurs) consultation(s) conjointe(s) (gastroentérologues pédiatrique et adulte). Ces recommandations soulignent l’intérêt d’un programme de transition structuré, de l’éducation thérapeutique chez l’adolescent pendant la transition et d’une prise en charge pluridisciplinaire. L’expérience de l’équipe de Rennes met également en avant le ressenti positif des patients concernant la consultation conjointe [10]. Un intérêt tout particulier devrait être porté sur le déroulement de cette période de transition. En effet, une transition « ratée » augmente le risque de perte de vue, de non compliance au traitement et d’aggravation et/ou de rechute de la maladie.

Références

  1. Ghione S, Sarter H, Fumery M, Armengol-Debeir L, Savoye G, Ley D, Spyckerelle C, Pariente B, Peyrin-Biroulet L, Turck D et al: Dramatic Increase in Incidence of Ulcerative Colitis and Crohn’s Disease (1988-2011): A Population-Based Study of French Adolescents. Am J Gastroenterol 2018, 113(2):265-272.
  2. Levine A, Koletzko S, Turner D, Escher JC, Cucchiara S, de Ridder L, Kolho KL, Veres G, Russell RK, Paerregaard A et al: ESPGHAN revised porto criteria for the diagnosis of inflammatory bowel disease in children and adolescents. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2014, 58(6):795-806.
  1. Sentongo TA, Semeao EJ, Piccoli DA, Stallings VA, Zemel BS: Growth, body composition, and nutritional status in children and adolescents with Crohn’s disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000, 31(1):33-40.
  2. Levine A, Griffiths A, Markowitz J, Wilson DC, Turner D, Russell RK, Fell J, Ruemmele FM, Walters T, Sherlock M et al: Pediatric modification of the Montreal classification for inflammatory bowel disease: the Paris classification. Inflamm Bowel Dis 2011, 17(6):1314-1321.
  3. Pigneur B, Seksik P, Viola S, Viala J, Beaugerie L, Girardet JP, Ruemmele FM, Cosnes J: Natural history of Crohn’s disease: comparison between childhood- and adult-onset disease. Inflamm Bowel Dis 2010, 16(6):953-961.
  4. Ruemmele FM, Veres G, Kolho KL, Griffiths A, Levine A, Escher JC, Amil Dias J, Barabino A, Braegger CP, Bronsky J et al: Consensus guidelines of ECCO/ESPGHAN on the medical management of pediatric Crohn’s disease. J Crohns Colitis 2014, 8(10):1179-1207.
  5. Turner D, Ruemmele FM, Orlanski-Meyer E, Griffiths AM, de Carpi JM, Bronsky J, Veres G, Aloi M, Strisciuglio C, Braegger CP et al: Management of Paediatric Ulcerative Colitis, Part 1: Ambulatory Care-An Evidence-based Guideline From European Crohn’s and Colitis Organization and European Society of Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2018, 67(2):257-291.
  6. Heuschkel RB, Menache CC, Megerian JT, Baird AE: Enteral nutrition and corticosteroids in the treatment of acute Crohn’s disease in children. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000, 31(1):8-15.
  7. van Rheenen PF, Aloi M, Biron IA, Carlsen K, Cooney R, Cucchiara S, Cullen G, Escher JC, Kierkus J, Lindsay JO et al: European Crohn’s and Colitis Organisation Topical Review on Transitional Care in Inflammatory Bowel Disease. J Crohns Colitis 2017, 11(9):1032-1038.
  8. Gerfaud A, Bridoux-Henno L, Bretagne JF, Siproudhis L, Bouguen G, Dabadie A: [Children with inflammatory bowel disease: Assessment of the transition from the pediatric to the adult care unit]. Arch Pediatr 2017, 24(6):534-541.