La pullulation microbienne intestinale (SIBO) : mythe ou réalité ?

POST'U 2022

Gastro-entérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître l’épidémiologie du SIBO
  • Connaître les facteurs de risques et les symptômes évocateurs
  • Connaître les modalités du diagnostic
  • Connaître les modalités du traitement et de la surveillance

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LIEN D’INTÉRÊTS

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MOTS-CLÉS

Microbiote ; ballonnement ; diarrhée chronique

ABRÉVIATIONS

SIBO: Small Intestine Bacterial Overgrowth

MICI: maladies inflammatoires chroniques de l’intestin RGO: reflux gastro-oesophagien

IPP: inhibiteur de la pompe à protons

POIC: pseudo-obstruction intestinale chronique

FODMAP: Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols ppm: partie par million

Introduction

Le terme pullulation microbienne intestinale (small (bowel) intestinal bacterial overgrowth, SIBO) est apparu dans la littérature anglo-saxonne à la fin des années 1970 (1).

Dès le début des années 1960, Dawson & Isselbacher suggéraient que la stéatorrhée présente chez des patients après chirurgie digestive avec création d’une anse borgne était due à une prolifération bactérienne capable d’hydrolyser les sels biliaires et d’entraîner une malabsorption des graisses (2).

La mise en culture de liquide d’aspiration du jéjunum proximal avait permis de mettre en évidence une prolifération de bactéries anaérobies gram- négatif (essentiellement des Bacteroïdes), similaire en composition au microbiote fécal et capable d’hydrolyser les sels biliaires, chez des patients avec fistules jéjuno-coliques, diverticules duodéno-jéjunaux, après gastrectomie partielle ou résections intestinales avec anse borgne (3).

La pratique de l’intubation du jéjunum proximal avec mise en culture des aspirats permit d’établir le seuil de 105 bactéries/mL pour le diagnostic de SIBO (4). La diffusion de cet examen a été cependant limitée par son caractère invasif, les difficultés de la culture bactérienne et les contaminations.

La littérature sur le SIBO devint beaucoup plus abondante avec le développement des tests respiratoires aux hydrates de carbone avec mesure de l’hydrogène dans les gaz expirés. Levitt indiquait que la présence d’hydrogène dans les gaz expirés était exclusivement liée à la fermentation bactérienne des hydrates de carbone, et les tests se sont ensuite progressivement développés dans les années 1970 et suivantes (5). Leur simplicité de réalisation, leur caractère non invasif a grandement facilité leur diffusion, mais l’interprétation des résultats reste sujette à caution, du fait du caractère indirect et des biais possibles de ces tests.

De façon assez surprenante, alors que les travaux modernes se multiplient sur le microbiote, aux moyens d’outils de biologie moléculaire et statistiques de plus en plus pointus, l’intérêt sur l’utilisation des tests respiratoires et le diagnostic de SIBO n’a jamais été aussi élevé qu’à l’heure actuelle, avec 2 recommandations récentes américaines sur le SIBO (6,7), et des recommandations américaines et européennes sur la pratiques des tests respiratoires à l’hydrogène (et au méthane) (8,9).

La recherche du terme SIBO sur Google montre un engouement très important ces dernières années de la presse féminine et santé grand public  pour le SIBO (ainsi que la candidose digestive), et les naturopathes et autres thérapeutes « complémentaires » se sont emparés de la prise en charge du SIBO, avec des explorations plus ou moins ésotériques, des formations et des traitements « naturels » comprenant régimes divers et variés et compléments alimentaires. La validité de ces concepts reste bien fragile (10).

D’un point de vue scientifique, le futur de la prise en charge des troubles fonctionnels intestinaux appartient plutôt à une approche intégrée associant l’analyse des symptômes cliniques, l’étude des perturbations de la physiologie digestive, l’analyse détaillée du microbiote intestinal mais également du métabolome bactérien et des interactions avec la génétique de l’hôte, de l’analyse des interactions avec l’alimentation et les polluants (exposome) (11).

Pathologies associées au SIBO : approche physiopathologique

Toutes les anomalies anatomiques (spontanées ou post-chirurgicales) de l’intestin grêle peuvent favoriser une prolifération bactérienne intestinale : diverticules du duodénum ou de l’intestin grêle, sténoses (maladie de Crohn, entérite radique), fistules gastro-coliques ou jéjuno-coliques, résection iléo-cæcale, gastrectomie partielle ou totale, bypass gastrique, anastomoses termino- ou latéro-latérales… (table 1).

 

Perturbations anatomiques Tumeur du grêle, diverticulose du grêle
VolvulusPost-chirurgicales (bypass, anses borgnes)
Troubles de la motricité digestive POIC, gastroparésie, neuropathie diabétique, hypothyroïdie Sclérodermie
Traitement opiacé au long cours
Maldigestion/malabsorption Insuffisance pancréatique Insuffisance hépatique (sels biliaires)
Maladie cœliaque et autres atrophies muqueuses Achlorhydrie (gastrectomie, gastrite atrophique, IPP) mucoviscidose
Déficit immunitaire HIV
Déficit immunitaire commun variable Déficit en IgA
Grand âge
Autres situations Syndrome de l’intestin irritable, cystite interstitielle, RGO Fatigue chronique, fibromyalgie, obésité morbide Parkinson

 

Table 1 : Situations cliniques pouvant être associées à une pullulation microbienne intestinale (SIBO)

L’achlorhydrie de la gastrite atrophique ou après gastrectomie, ou l’inhibition prolongée de la sécrétion acide gastrique par les IPP peuvent également favoriser la prolifération bactérienne intestinale.

Les troubles de la motricité intestinale (neuropathie diabétique, sclérodermie, amylose digestive, pseudo-obstruction intestinale chronique, gastroparésie, hypothyroïdie, acromégalie, traitement opiacé au long cours) peuvent aussi être retenus comme facteurs favorisant le SIBO, notamment en cas d’altération ou de disparition des phases III du complexe moteur migrant, contractions régulières et propagées caractéristiques de la motricité intestinale à jeun, et qui permettent le « nettoyage » régulier de l’intestin (12,13).

Un déficit immunitaire constitutionnel (déficit immunitaire commun variable par exemple) ou acquis (dénutrition sévère, SIDA) peut également favoriser ce phénomène. Certaines pathologies peuvent être associées à un SIBO, en lien avec plusieurs mécanismes : pancréatite chronique, maladie cœliaque, obésité, cirrhose, MICI, sprue tropicale, entérite radique, mucoviscidose, grand âge (6,14,15).

Enfin, la relation entre le SIBO et certaines pathologies reste très incertaine, et pourtant c’est probablement dans ce groupe de pathologies que la recherche du SIBO est le plus souvent effectuée : syndrome de l’intestin irritable (SII) et autres troubles fonctionnels intestinaux (douleur, ballonnement), RGO, cystite interstitielle, fatigue chronique et fibromyalgie, obésité morbide, maladie de Parkinson… (6,7,16).

Symptômes évocateurs

Initialement, la recherche de pullulation microbienne était considérée dans les situations de malabsorption avec perte pondérale, diarrhée ou stéatorrhée, lésions muqueuses intestinales en l’absence d’autres pathologies avérées du tube digestif. Il s’agit de manifestations extrêmes du SIBO, retrouvées, par exemple, dans les formes sévères de sclérodermie ou en cas d’anse borgne post-chirurgicale.

Les autres symptômes digestifs compatibles avec un SIBO sont nombreux, non spécifiques, en lien avec une potentielle fermentation d’aliments dans l’intestin grêle : nausées, ballonnement, distension abdominale, flatulences, douleurs ou crampes abdominales, diarrhée voire constipation ou transit irrégulier.

D’autres symptômes tels que fatigue, défaut de concentration, troubles du sommeil pourraient également être associés.

Comme on peut le voir, ces symptômes sont similaires à ceux de très nombreuses pathologies digestives, fonctionnelles (SII, dyspepsie…) ou organiques (insuffisance pancréatique exocrine, MICI…).

Enfin, nous verrons plus loin que le concept s’est étendu, avec le développement des tests respiratoires, aux patients présentant une constipation avec ballonnement et flatulences. Le diagnostic putatif de pullulation d’agents méthano-producteurs (bactéries et surtout archées) est basé sur la présence d’une augmentation de la teneur en méthane dans les gaz expirés.

Situations cliniques indiquées pour la recherche d’un SIBO

Le Collège Américain de Gastroentérologie (ACG) a récemment publié des recommandations concernant le SIBO (6). Les situations cliniques pour lesquelles la recherche de SIBO peut être envisagée sont les suivantes : suspicion de troubles moteurs intestinaux (sclérodermie, POIC…), en cas de ballonnement, douleurs abdominales et/ou diarrhée chez des patients aux antécédents de chirurgie digestive (chirurgie bariatrique par exemple), et également dans le contexte du SII. Dans tous les cas, il s’agit de recommandations conditionnelles avec un niveau d’évidence faible.

L’utilisation de tests respiratoires (avec mesure du méthane expiré) est également recommandée chez les patients avec constipation. Enfin, l’ACG s’est prononcée contre la recherche de SIBO chez les patients asymptomatiques sous IPP au long cours.

Méthodes diagnostiques

Comme on l’a vu, le gold standard pour le diagnostic de SIBO est l’aspiration de fluide intestinal (duodéno-jéjunal) et sa mise en culture. Le seuil de positivité du test se situe à 105 unités formant des colonies (UCF)/mL, avec une zone intermédiaire (ou grise) entre 103 et 105 UCF/mL (9). La technique est relativement simple, mais il n’y a pas vraiment de standardisation de la procédure, qui implique de prendre des mesures pour éviter la contamination du prélèvement (3-5 ml suffisent), le transfert rapide en bactériologie et la mise en culture aérobie et anaérobie.

Figure 1 : Version française validée du questionnaire aCPQ (adult CarboPerception Questionnaire), évaluant les symptômes gastro-intestinaux déclenchés par l’ingestion d’hydrates de carbone

Figure 1 : Version française validée du questionnaire aCPQ (adult CarboPerception Questionnaire), évaluant les symptômes gastro-intestinaux déclenchés par l’ingestion d’hydrates de carbone

Le séquençage de l’ARN ribosomal 16s a été plus récemment pratiqué sur des prélèvements de liquide duodéno-jéjunal, avec des données potentiellement intéressantes montrant des différences de composition de microbiote entre les sujets présentant des troubles fonctionnels intestinaux et les contrôles (17). Ce travail montrait également l’absence de corrélation entre ces résultats de biologie moléculaire et l’existence d’une prolifération bactérienne intestinale. Ces résultats demandent confirmation, mais il est clair qu’une analyse simple et rapide du microbiote duodéno- jéjunal pourrait avoir des conséquences thérapeutiques décisives dès que lors que l’on sera capable de modifier de façon ciblée le microbiote.

Les tests respiratoires aux hydrates de carbone et avec mesure de l’hydrogène (et du méthane) dans les gaz expirés restent l’outil principal du diagnostic de SIBO.

Ces tests reposent sur le principe que l’hydrogène ou le méthane présents dans les gaz expirés proviennent exclusivement de l’activité métabolique de fermentation du microbiote intestinal, exercée sur les hydrates de carbone apportés par l’alimentation (5).

On administre donc par voir orale une solution d’hydrate de carbone, et on réalise des prélèvements itératifs de gaz expirés, avant et toutes les 15 à 30 minutes après l’ingestion du sucre pendant 2 à 3 heures, pour détecter des variations significatives de l’hydrogène. On considère un test positif dès lors que l’on mesure une augmentation de l’hydrogène supérieure à 20 ppm par rapport aux valeurs basales dans les 2 heures qui suivent l’ingestion  du sucre (8,9).

Les résultats peuvent être faussés par des taux élevés d’hydrogène en situation basale, avant l’ingestion du sucre : il est donc particulièrement important que les patients suivent scrupuleusement un régime pauvre en sucres fermentables la veille du test (pas de fruit ni légume, pas de graine, pas de pomme de terre, pas de produits laitiers frais), et un jeûne de plus de 8 heures est également indispensable.

La prise d’un traitement antibiotique dans les 4 semaines précédant la réalisation d’un test respiratoire à la recherche d’un SIBO doit conduire au report du test à une date ultérieure.

Il est également recommandé d’enregistrer les symptômes digestifs (ou autres) pendant le test mais également dans les heures qui suivent, si possible au moyen d’un questionnaire standardisé (figure 1) (18).

La qualité des prélèvements de gaz expirés doit également être surveillée : la mesure simultanée du dioxyde de carbone permet de s’assurer que le mélange gazeux analysé correspond bien au mélange gazeux alvéolaire. La mesure du méthane est également conseillée : la présence d’une flore méthano-productrice (notamment la présence d’archées, microorganismes unicellulaires procaryotes génétiquement distincts des bactéries) (figure 2) peut être responsable de taux bas d’hydrogène dans les gaz expirés, ces archées utilisant l’hydrogène pour fabriquer du méthane (figure 3).

Figure 2 : Arbre phylogénétique distinguant, sur l’analyse de l’ARNr, bactéries, archées et eucaryotes (Wikipédia)

Figure 2 : Arbre phylogénétique distinguant, sur l’analyse de l’ARNr, bactéries, archées et eucaryotes (Wikipédia)

Figure 3 : Fermentation des hydrates de carbone et utilisation de l’hydrogène par le microbiote intestinal (d’après Pimentel et al. Référence 6)

Figure 3 : Fermentation des hydrates de carbone et utilisation de l’hydrogène par le microbiote intestinal (d’après Pimentel et al. Référence 6)

Cependant, l’interprétation des niveaux de méthane dans les gaz expirés ne fait pas consensus : certains auteurs considèrent que toute valeur (y compris à l’état basal, avant ingestion de sucre) supérieure à 10 ppm a une valeur diagnostique positive pour le SIBO (ou plutôt pour l’IMO (intestinal methanogen overgowth), comme proposé par le consensus nord-américain), alors que d’autres considèrent qu’il faut une augmentation de + 10 ppm par rapport à la valeur basale pour un résultat positif.

La détection du sulfure d’hydrogène pourrait aussi être intéressante, dans la mesure où l’hydrogène produit peut être consommé pour produire ce gaz par certaines bactéries sulfato-réductrices (figure 3). Cette analyse n’est cependant pas réalisée en routine par les systèmes actuels de chromatographie gazeuse utilisés en clinique (19).

Deux tests sont recommandés par les instances européennes et américaines : les tests respiratoires au glucose et au lactulose. Chacun a ses avantages et ses limites qu’il faut bien connaître.

Le glucose est un monosaccharide absorbé par le tube digestif humain (transporteurs spécifiques couplés au sodium). En situation physiologique, l’absorption est complète dans le jéjunum, et n‘entraîne donc pas d’augmentation significative de l’hydrogène dans les gaz expirés. Si l’on observe une augmentation significative de l’hydrogène présent dans les gaz expirés au cours des 2 heures qui suivent l’ingestion de glucose (50 grammes ou 75 grammes selon les recommandations, dissous dans 250 mg d’eau), c’est que le sucre aura été fermenté avant son absorption par des bactéries présentes en quantité excessive au niveau de l’intestin grêle. Des faux positifs peuvent être observés en cas de transit intestinal très rapide, par exemple après un bypass gastrique : le glucose n’a alors pas le temps d’être absorbé avant d’arriver dans le côlon, où il sera fermenté par le microbiote colique, avec production d’hydrogène. Il a bien été démontré que les résultats du test au glucose étaient plus souvent positifs chez les patients avec des antécédents de chirurgie bariatrique, mais qu’il était alors difficile de distinguer entre pullulation microbienne intestinale et malabsorption du glucose par court-circuit intestinal (20). Il a également été suggéré que des faux négatifs pour le diagnostic de SIBO étaient possibles, en cas de pullulation microbienne prédominant dans l’intestin grêle distal. Enfin, la tolérance clinique n’est pas toujours parfaite (la dose ingérée de glucose étant identique à celle d’un test de tolérance au glucose), notamment dans le cadre de la chirurgie bariatrique ou en cas de grêle court. L’administration du glucose est également plus compliquée chez les diabétiques.

Le lactulose est un sucre non absorbé par le tube digestif humain, utilisé à ce titre comme laxatif osmotique dans le traitement de la constipation. L’augmentation de l’hydrogène dans les gaz expirés après ingestion de lactulose (10 grammes mélangé à 250 ml d’eau) peut donc traduire soit une pullulation microbienne intestinale, soit tout simplement l’arrivée du lactulose dans le côlon (temps de transit oro-cæcal). La distinction entre les 2 reste évidemment difficile, des études récentes suggèrent qu’en l’absence d’augmentation significative de l’hydrogène (> 20 ppm) dans les 90 minutes qui suivent l’ingestion du lactulose, le test peut être considéré comme négatif (21).

Globalement, la prévalence du SIBO dans les populations étudiées semble plus élevée lorsque l’on utilise le lactulose plutôt que le glucose comme substrat, ce qui peut indiquer des diagnostics par excès avec ce sucre, du fait de la difficulté de distinguer de façon fiable pullulation microbienne intestinale et transit oro-cæcal accéléré.

D’autres sucres peuvent également être utilisés comme substrat pour ces tests respiratoires : fructose, lactose, saccharose… On utilise classiquement ces tests pour rechercher soit une malabsorption (fructose) soit une maldigestion (lactose, saccharose) de disaccharides qui doivent être hydrolysés avant de pouvoir être absorbés. Il faut bien évidemment être conscient, lorsque l’on demande ces tests, que la présence d’une pullulation microbienne intestinale sera potentiellement à l’origine de faux positifs (le lactose par exemple étant fermenté dans le grêle avant même que son hydrolyse intestinale par la lactase ait pu avoir lieu). À ce titre, l’administration de fructose (25 grammes) a pu être proposée à la place du glucose pour détecter un SIBO chez les patients diabétiques.

Pour l’avenir, on assiste au développement de capsules qui permettraient l’analyse de gaz ou de microbiote intestinal in situ, à différents endroits du tube digestif (6).

Des analyses plus fines des composés organiques présents dans les gaz expirés, traduisant entre autres la production des métabolites du microbiote intestinal (signature métabolomique), pourraient également s’avérer intéressantes (22).

Options thérapeutiques

La première considération en présence d’un SIBO avéré est d’identifier la ou les causes potentielles et leur correction possible. Les éventuels désordres nutritionnels associés doivent être corrigés (7).

La prescription d’antibiotiques représente la base du traitement du SIBO. Des traitements empiriques ont pu être proposés chez des patients avec des symptômes évocateurs de SIBO et des situations pathologiques fréquemment associées (POIC, anses borgnes digestives par exemple). Il est clair   que ces prescriptions doivent être mesurées à l’aune du développement de la résistance aux antibiotiques, et du risque d’infections opportunistes (candidose, clostridium). Les travaux les plus récents ont porté sur l’étude de la rifaximine, antibiotique faiblement absorbé par le tube digestif, pour le traitement du SIBO (23). L’efficacité clinique est estimée aux alentours de 70 %, mais ce médicament n’est pas disponible en France dans cette indication. De nombreux autres antibiotiques ont été testés avec une efficacité variable : la rechute n’est pas exceptionnelle et le retraitement par le même antibiotique ou un autre est assez fréquemment proposé. Une étude parisienne randomisée contre placebo montrait l’efficacité de la norfloxacine et de l’amoxicilline/ acide clavulanique sur les diarrhées liées au SIBO (24). Les recommandations actuelles reposent cependant essentiellement sur des avis d’experts (6,7,16). Une étude rétrospective récente de l’équipe de Rouen comparait l’efficacité de 3 cures du même antibiotique sur 3 mois (métronidazole ou quinolone) à celle de 3 cures d’antibiotiques successifs (métronidazole puis quinolone), avec un résultat plutôt en faveur des cures d’antibiotiques successifs (25).

Dans les situations où il existe un trouble de la motricité intestinale, les prokinétiques digestifs peuvent être essayés pour traiter une pullulation bactérienne intestinale avec des symptômes invalidants (pyridostigmine, erythromcyine, octréotide), même si les données de la littérature sont extrêmement pauvres (26).

Concernant les alternatives non médicamenteuses, les preuves de leur intérêt pour traiter le SIBO sont faibles, comme indiqué dans une revue systématique récente (27).

Pour diminuer la fermentation bactérienne en présence d’un SIBO et les symptômes cliniques liés à cette fermentation, la réduction de l’apport en sucres fermentables (FODMAPS) représente sans doute la meilleure approche, même si les preuves restent faibles dans ce domaine.

De nombreux régimes sont proposés par les naturopathes pour aider à contrôler le SIBO : l’évidence scientifique derrière ces concepts est malheureusement absente.

La place des probiotiques pour le traitement du SIBO reste sujette à caution : certaines études, menées sur de petits effectifs, sont positives. Une étude plus récente suggérait même que les probiotiques pouvaient être responsables d’un tableau clinique associant ballonnement, flatulences, et « brouillard cérébral ». La présence d’un SIBO était attesté par un test respiratoire au glucose positif, avec une amélioration des symptômes à l’arrêt des probiotiques et une cure d’antibiotiques (28). Cet article a fait l’objet de controverses furieuses entre les experts américains du SIBO !

Enfin, la place de la transplantation de microbiote fécal (TMF) pour le traitement du SIBO reste incertaine : un petit essai randomisé chinois récent suggère l’efficacité de la TMF pour le traitement du SIBO (29), alors que des auteurs américains suggéraient qu’il faudrait faire un dépistage du SIBO chez les donneurs, pour limiter les symptômes digestifs post-greffe fécale (30).

En conclusion, la pullulation microbienne intestinale existe, notamment en cas de stase intestinale en lien avec des troubles moteurs ou des perturbations anatomiques digestives notamment post-chirurgicales. Le diagnostic repose à l’heure actuelle sur les tests respiratoires au glucose ou au lactulose, qui sont malheureusement des tests indirects, avec une sensibilité et spécificité insuffisantes. De nouvelles méthodes diagnostiques aideront sans doute à préciser cette entité.

Références

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