Diagnostic actuel du RGO

Liens d’intérêts

Frank Zerbib : fourniture de matériel à des fins de recherche : Medtronic, Sandhill Scientific ; Consultant : Allergan, Reckitt-Benckiser; Orateur : Ipsen Pharma, Biocodex, Coloplast, Takeda, Vifor Pharma, Mayoly Spindler.

En pratique clinique, le RGO est souvent diagnostiqué et traité de façon empirique en se basant sur l’interrogatoire et la spécificité des signes tels que le pyrosis et les régurgitations acides. Les explorations en cas de RGO sont essentiellement utiles en cas d’échec du traitement médical (symptômes typiques de RGO réfractaire) ou d’incertitude diagnostique (symptômes atypiques).

Diagnostic clinique

Le diagnostic de RGO est le plus souvent clinique, en particulier en présence de signes typiques que sont le pyrosis, les régurgitations acides et le syndrome postural. Le pyrosis est défini comme une brûlure rétro-sternale ascendante, il a une spécificité de 90 % pour le diagnostic de RGO. C’est en cas de symptômes atypiques que les examens complémentaires peuvent être utiles. On peut retrouver des brûlures épigastriques, des douleurs thoraciques rétro-sternales, une toux chronique, un asthme difficile à contrôler, des symptômes ORL comme un enrouement, une laryngite chronique. Cependant, l’imputabilité du RGO dans ces symptômes pulmonaires ou ORL reste discutée et a été très surestimée, surtout en l’absence de symptômes typiques.

Devant des signes typiques et en l’absence de signes d’alarme, le diagnostic de RGO est clinique et ne nécessite aucun examen complémentaire.

L’endoscopie digestive haute

La fibroscopie œso-gastro-duodénale (FOGD) permet de rechercher un diagnostic différentiel ou des complications. Les indications de la FOGD sont les suivants : symptômes atypiques isolés ; signes d’alarme (perte de poids, anémie, dysphagie, hémorragie digestive) ; âge > 50 ans ; résistance au traitement initial ou rechute précoce à l’arrêt du traitement. D’après les consensus de Lyon, le diagnostic de RGO est confirmé en cas d’œsophagite grade C ou D de la classification de Los Angeles (grades A et B peuvent être présents chez des sujets asymptomatiques), d’endobrachyœsophage d’au moins 1 cm ou de sténose peptique. Les biopsies œsophagiennes permettent d’éliminer une éventuelle œsophagite à éosinophiles.

La pHmétrie œsophagienne

La pH-métrie établit le diagnostic positif du RGO en détectant et quantifiant les épisodes de reflux, elle n’est donc pas nécessaire si les symptômes sont typiques ou s’il existe une œsophagite significative à la FOGD. Elle est indiquée si les symptômes sont atypiques et la FOGD normale, ou si les symptômes résistent à un traitement bien conduit. Elle peut être filaire ou sans fil (permettant des enregistrements jusqu’à 96 h, augmentant ainsi la sensibilité de l’examen). Simultanément, le patient signale ses symptômes au niveau du boîtier, pour permettre d’analyser la concordance entre les symptômes ressentis et les épisodes de reflux. Le Consensus de Lyon considère que le reflux est prouvé si l’exposition acide œsophagienne est supérieure à 6 %. L’examen est négatif si elle est inférieure à 4 %.

La pH-impédancemétrie œsophagienne

La pH-impédancemétrie indique, en plus du pH, la nature liquide ou gazeuse du contenu de l’œsophage, ajoutant la détection de reflux non-acides ou peu acides à celle des reflux acides. Elle est donc particulièrement indiquée chez les patients explorés sous IPP. Le dispositif est le même que pour une pH-métrie filaire. En plus de l’exposition acide, elle fournit le nombre total de reflux (acides et non acides). La présence de moins de 40 reflux totaux et d’une exposition acide < 4 % permet d’éliminer un RGO pathologique. Chez 1 patient sur 10 restant symptomatiques sous IPP, elle permet de mettre en évidence un reflux acide persistant et chez 1 patient sur 3, de relier les symptômes à des reflux non ou peu-acides. Mais plus d’une fois sur deux, les symptômes non soulagés par les IPP ne peuvent être attribués à un reflux, acide ou non. D’où l’importance de pratiquer ces examens avant d’envisager un traitement chirurgical, ou de poursuivre inutilement un traitement par IPP au long cours.

Autres investigations

Il existe des situations dans lesquelles il est difficile de conclure : exposition acide entre 4 et 6 %, œsophagite de bas grade, nombre de reflux entre 40 et 80. D’autres paramètres peuvent aider au diagnostic de reflux : l’impédance basale nocturne et l’index PSPW (« Postreflux swallow-induced peristaltic wave ») (mesurés sur les tracés impédancemétrie), l’histologie œsophagienne, la dilatation des espaces intercellulaires en microscopie électronique ou la présence en manométrie d’une hernie hiatale, d’une hypotonie de la jonction œsogastrique et/ou des ondes œsophagiennes (motricité œsophagienne inefficace). Ces paramètres sont tous intéressants, mais ont des performances diagnostiques moins bonnes (spécificité et sensibilité) et/ou non applicables en pratique (microscopie électronique, anatomo-pathologiste capable de chiffrer les lésions imputables au reflux). L’impédance basale nocturne est probablement la variable la plus intéressante, car basse, elle reflète indirectement les dommages épithéliaux liés au reflux.

Stratégie d’investigations

En cas de suspicion clinique et en cas d’échec d’un traitement empirique, l’endoscopie est l’examen de première intention. En cas de FOGD normale ou avec œsophagite de faible grade, le RGO n’est pas démontré, une pHmétrie (ou pH-impédancemétrie) doit être réalisée après arrêt des IPP. En cas de RGO déjà authentifié à la FOGD ou une précédente pH-métrie, et en cas d’échec du traitement, l’examen sera réalisé sous IPP double dose et il est donc nécessaire d’avoir recours à la pH-impédancemétrie puisque les épisodes de reflux sous IPP sont le plus souvent faiblement acides ou non acides (non détectés en pHmétrie).

Au terme des explorations du reflux, les patients pourront être classés en plusieurs entités nosologiques qui guideront le traitement :

  • RGO pathologique érosif : présence de lésions œsophagiennes significatives (œsophagite grade C ou D, endobrachyœsophage, sténose peptique).
  • RGO pathologique non érosif (« NERD ») : FOGD normale et exposition acide totale œsophagienne augmentée au cours de la pH-métrie sans traitement ou de la pH-impédancemétrie sous traitement (> 6 %).
  • Hypersensibilité au reflux : absence d’anomalie à la FOGD avec exposition acide œsophagienne normale (< 4 %) mais une bonne concordance temporelle entre la survenue d’épisodes de reflux (acides ou faiblement acides) et la survenue de symptômes à la pH-métrie ou pH-impédancemétrie (Index Symptomatique > 50 % et/ou Probabilité d’association Symptomatique > 95 %). Il s’agit d’une hypersensibilité œsophagienne, certains patients vont répondre à une prise en charge de RGO classique et d’autres plutôt à des traitements visant l’hypersensibilité viscérale.
  • Pyrosis fonctionnel : présence d’un pyrosis non soulagé par les IPP sans exposition acide pathologique (< 4 %) ni corrélation symptômes reflux en pHmétrie ou pH-impédancemétrie (IS < 50 % et PAS < 95 %), que l’examen soit effectué avec ou sans IPP et sans trouble moteur œsophagien majeur à la manométrie.

Il est important de garder en mémoire que les troubles fonctionnels œsophagiens (hypersensibilité au reflux ou pyrosis fonctionnel) peuvent coexister avec un authentique reflux pathologique. Ainsi un patient avec œsophagite significative peut garder des symptômes malgré le traitement alors que l’œsophagite a cicatrisé et que la pH-impédancemétrie est strictement normale. Ce « chevauchement » entre pathologies organiques et fonctionnelles est bien connu chez les patients avec MICI qui peuvent avoir des symptômes d’origine fonctionnelle, sans lien direct avec une quelconque activité inflammatoire.

Références bibliographiques utiles

  1. Gyawali CP, Kahrilas PJ, Savarino E, Zerbib F, Mion F, Smout AJPM et Modern diagnosis of GERD: the Lyon Consensus. Gut. 2018 Jul;67(7):1351–62.
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