Gastroentérologie générale et nutrition

L’édition 2014 de l’UEGW s’est montrée parfois décevante en gastroentérologie générale par rapport aux autres thématiques comme les MICI ou l’endoscopie, il est vrai que nos congrès français sont d’excellente qualité.

Cette mise au point a donc pour objectif de présenter les actualités les plus marquantes sur la surveillance du Barrett, la maladie ulcéreuse et la nutrition. Les présentations sur l’œsophagite à Eosinophiles n’ont pas apporté d’éléments suffisamment nouveaux pour être rapportées.

Œsophage de Barrett

Cette session 2014 a été riche en productions concernant l’œsophage de Barrett. L’étude anglaise BEST-2, pré-sentée de façon remarquable par Rebecca Fitzgerald, concernait un nouvel outil de dépistage de la métaplasie intestinale et de la dysplasie sur Barrett : la Cytosponge® couplée au marquage du Trefoil Factor 3 (TFF3) spéci-fique de la métaplasie intestinale (Loa-Sirieix, Gut 2009). Ce dispositif a déjà fait l’objet d’études d’acceptabilité et de rentabilité en 2010 et 2012. Il s’agit d’une petite éponge en poly-uréthane présentée dans une gélule accrochée à un fil. Une fois ingérée, la capsule se dissout avec les sucs gastriques, libérant l’éponge qui lors de son retrait va réaliser des prélèvements sur toute la longueur de l’œsophage. BEST-2 est une étude prospective, multicen-trique, ouverte qui a inclus 647 patients avec pour objectifs principaux d’évaluer la performance et l’efficacité de la Cytosponge® dans le dépistage de la métaplasie intestinale par rapport à l’endoscopie. La sensibilité globale de la méthode est de 79,9 % avec des valeurs plus importantes selon la taille de l’endobrachysophage (EBO ≥ C2 : 83,9 % ; ≥ C3 : 87,2 % ; selon la classification de Prague). La sensibilité du test est meilleure pour les dysplasies de haut grade (84,2 %) que pour l’EBO non dysplasique (79 %), et lors de la répétition des tests (89 % pour 2 essais). Sa spécificité est de 92,4 %. Cette technique non invasive pourrait être également proposée à titre de dépistage chez des patients à risque (symptômes anciens de RGO par exemple).

L’ablation de l’EBO a fait ses preuves dans la prévention du cancer de l’œsophage. Les techniques sont de plus en plus maîtrisées permettant une réduction de la progression néoplasique d’un EBO de 26,5 à 1,5 % avec un nombre limité de complication (environ 10 %, selon Bulsiewicz) et des taux de récidive minimes. Cependant, en cas d’EBO non dysplasique, la morbidité associée à ces gestes n’est pas nulle, comparée au risque de cancérisa-tion annuel évalué à 0,5 % : il faut traiter 200 patients pour éviter un cancer.

Les modalités de surveillance endoscopique ultérieure restent à préciser sachant que l’équipe de Titi et al. en 2012, a rapporté un risque de récurrence de 33 % dans les 2 ans et surtout un risque de développer au-dessous du néo-épithélium, de la dysplasie de haut grade ou un adénocarcinome sous-squameux après une ablation par RF. Il reste également à définir le rapport coût/bénéfice de ces techniques d’ablation de l’œsophage de Barrett non dysplasique.

Helicobacter pylori

Hak-kan Lan de Hong-Kong s’est intéressé au lien entre les particules polluantes de l’air (PM 2,5 soit de diamètre inférieur à 2,5 µm) et ulcères gastroduodénaux au sein d’une cohorte de 60 273 sujets volontaires recrutés dans les centres médicaux gouvernementaux. Grâce à un modèle de Cox, ils ont montré une association entre maladies chroniques digestives et une exposition aux PM 2,5 (HR 1,18 [1,02-1,35]), l’âge, le sexe masculin, un BMI élevé, un tabagisme actif, un niveau socio-économique bas. L’analyse de sous-groupe a identifié une association significa-tive entre les PM 2,5 et les ulcères de localisation gastrique HR 1,28 [1,08-1 ,52], mais pas d’association pour les ulcères duodénaux.

Une étude espagnole réalisée par Adrian McNicholl a développé un système de « network méta-analyse » permet-tant de pooler les données de comparaison entre le traitement séquentiel (SEQ) d’éradication d’Helicobacter Pylori, le traitement concomitant (CON : Amoxicilline + Clarithromycine + Métronidazole + IPP 10 jours, non utilisé en France) ou la trithérapie standard (STT). Vingt-six essais ont été utilisés (13 comparant SEQ vs STT ; 8 CON vs STT et 5 CON vs SEQ), soit 3 648 patients au total. La trithérapie standard donne de moins bons résultats que le traitement séquentiel (OR = 1,74 ; IC 95 = 1,27-2,38) ou que le concomitant (OR = 2,57 ; IC 95 % = 1,85-3,58). Le traitement concomitant est plus efficace que le traitement séquentiel (OR = 1,47 ; IC 95 % = 1,02-2,12). Les compa-raisons indirectes ont confirmé ces résultats. En séance, M. McNicholl a présenté des analyses étendues à la thé-rapie bismuthée qui était supérieure à la thérapie concomitante (OR = 1,3, IC 95 % 0,9-2,0) mais équivalente à la thérapie séquentielle. Il reste à comparer la thérapie bismuthée et la concomitante.

Nutrition

Un des gros challenges en nutrition est la prise en charge de la défaillance intestinale associée au syndrome du grêle court (SGC). Même si cette pathologie est rare (incidence 1/100 000 habitants) et potentiellement réversible la survie des patients, même suivis en centre spécialisé, est dégradée (94 % et 73 % à 1 et 5 ans).

Le traitement de référence du SGC est la nutrition parentérale (NPE) précoce, permettant le rétablissement rapide des fonctions protéiques, musculaires et respiratoires. Les perfusions sont adaptées à la capacité d’autonomie orale du patient et au débit de la stomie. La gestion des symptômes du SGC et notamment la diarrhée, est pure-ment symptomatique, l’efficacité des ralentisseurs du transit (Lopéramide, Codéine), des anti-sécrétoires, des analogues de la somatostatine (Ocréotide) étant transitoire, au prix d’effets secondaires qui peuvent être impor-tants.

De nouvelles thérapeutiques doivent être envisagées, avec des résultats encourageants pour le TEDUGLUTIDE (TED), un analogue du glucagon-like peptide-2 (GLP-2) injectable en sous-cutané, testé par des équipes danoises et américaines dans le cadre des études STEPS.

Cette étude pilote a montré qu’il permettait une réduction significative du support parentéral de 20 à 100 % après 24 semaines de traitement par rapport à un placebo (30 %) chez 63 % des malades avec un SGC.

L’étude STEPS-2 a évalué l’efficacité et la tolérance du TED chez 65 patients présentant un syndrome du grêle court dont certains avaient participé à l’étude pilote (groupe TED/TED et placebo PBO/TED) et d’autres non (NT/TED), après un traitement de 2 ans. La réduction du support entéral a été obtenue pour 93 % des malades TED/TED, 55 % des PBO/TED, 67 % des NT/TED, avec des débits de NPE diminués de 3 à 7,6 L/semaine. Vingt-cinq patients ont pu avoir une NPE discontinue avec 3 jours ou plus d’arrêt/semaine (18 TED/TED, 5 PBO/TED, 2 NT/TED) et 13 d’entre eux ont pu se sevrer après les 2 ans de traitement. La tolérance du TED était généralement bonne. Les effets indésirables les plus fréquents ont été les douleurs abdominales (34 %), les nausées (19 %), les sepsis sur cathéter (28 %). Parmi les effets secondaires sévères, 10 % ont été attribués au TED, avec deux décès dont un par cancer.

L’étude STEPS-3, extension de l’étude STEPS-2 pour un an de TED en plus, a confirmé l’efficacité du TED dans la réduction du support entéral, des fréquences d’apport par semaine avec deux nouveaux sevrages globaux. Les principaux effets secondaires rapportés étaient de la fatigue et de la diarrhée.

Ces résultats séduisants sont nuancés par le prix du TED (plus de 1 000 euros l’injection). D’autres molécules (in-hibiteurs des Dipeptidyl-peptidases IV, Peptide YY, Neurotensine, et facteurs de croissance) pourraient être éva-luées dans cette indication.

Une revue des différentes techniques endoscopiques proposées pour la prise en charge de l’obésité a été présen-tée par le Pr Deviere. Il a rappelé les 5 types de prise en charge endoscopique : les dispositifs occupant l’espace, les techniques de réversion externe ou duo-dénale, la réduction gastrique et les anastomoses.

Le premier type est le seul dispositif disponible en routine et correspond aux ballons intragastriques. Une nouvelle génération de ballon (« Spatz adjustable balloon system ») avec un volume ajustable a été testé par Machytka et al., permettant une perte de poids additionnelle chez des patients ayant atteint une phase de plateau : une aug-mentation de la durée de positionnement intragastrique est proposée chez des malades intolérants à un diamètre de ballon trop important.

Dans la réduction gastrique, de multiples dispositifs de triangulation endoluminaux sont développés, mais peu arrivent sur le marché car ils nécessitent des endoscopes complexes et coûteux. L’avenir est peut-être à l’« Endomina », développé en Belgique, dans lequel se glisse n’importe quel endoscope pour faire des sutures simples de la muqueuse.

L’avenir de l’endoscopie bariatrique tient possiblement à la création d’anastomoses, grâce aux dispositifs magné-tiques comme ceux présentés par le Dr Chopita dans l’occlusion gastrique maligne, qui permettent la création de fistule par les phénomènes d’ischémie et de frottements induits par deux plaques magnétiques positionnables. Tous ces dispositifs restent expérimentaux et doivent être évalués dans la gestion de l’obésité.

En conclusion

L’édition 2014 de l’UEGW s’est montrée parfois décevante en gastroentérologie générale par rapport aux autres thématiques comme les MICI ou l’endoscopie, avec quelques lacunes surprenantes comme l’absence d’études comparatives de la quadrithérapie bismuthée dans l’éradication de l’infection à Hélicobacter. Nous sommes habi-tués à des congrès nationaux de grande qualité et cela peut expliquer notre sens critique, mais ce congrès euro-péen reste incontournable pour la spécialité.