Nouvelles recommandations sur la prise en charge des patients infectés par Helicobacter pylori

Objectifs pédagogiques

  • Connaîtrel’épidémiologiedel’infection à H. pylori en France
  • Identifier les facteurs de risque de développement des pathologies en lien avec la gastrite à H. pylori
  • Rechercher une infection à H. pylori dans les situations appropriées
  • Choisirlaméthodediagnostiquede l’infection à H. pylori
  • Prescrireuntraitementd’éradication de H. pylori et assurer le suivi du patient

Introduction

L’infection gastrique par Helicobacter pylori (H. pylori), découverte de 1982 couronnée par le prix Nobel en 2005, reste d’actualité en raison des données scientifiques évolutives concernant sa physiopathologie, les maladies et pathologies concernées maintenant au-delà de la sphère gastrique ou digestive et les modalités thérapeutiques confrontées au développement de la résistance aux antibiotiques. Les dernières recommandations européennes (EHSG) [1] et françaises (GEFH et SNFGE) [2] datent de 2012 et sont en cours d’actualisation (Maastricht V, octobre 2015). Cet article s’appuie sur les recommandations actuelles enrichies des publications récentes.

Données épidémiologiques

C’est l’infection bactérienne chronique la plus répandue et la première cause de cancer dans le monde [3]. Elle s’acquiert essentiellement pendant l’enfance, principalement au sein de la famille en relation avec des conditions d’hygiène et de promiscuité défavorables, ce qui explique son déclin progressif dans les pays à haut niveau de vie, mais sa persistance chez les sujets âgés et dans les populations immigrés des pays en voie de développement de première ou deuxième génération [3]. Une fois installée, l’infection persiste toute la vie en l’absence de traitement. Après éradication, le risque de réinfestation à l’âge adulte, à ne pas confondre avec la rechute habituellement dans l’année suivant un traitement insuffisant, est très faible dans les pays développés (1,45 % annuel) et plus élevé dans les pays en voie de développement (12 % annuel) [4]. Ces données influent sur la prévalence dans les différentes populations que le gastroentérologue prend en charge, modifiant la prévalence des maladies en rapport avec la présentation symptomatique (dyspepsie, épigastralgies…) et la conduite à tenir diagnostique (dépistage de l’infection, indications de la gastroscopie) et thérapeutique (risque de réinfestation).

La gastrite à H. pylori, pathologie frontière

Rappelons que H. pylori est une bactérie à Gram négatif, colonisant spécifiquement la muqueuse gastrique, avec comme conséquence habituelle une inflammation aiguë brève puis un passage à la chronicité. C’est la principale cause des gastrites chroniques (Tableau I), dont la nomenclature est en cours de révision. La réunion de consensus récente de Kyoto considère que la gastrite à H. pylori est une maladie infectieuse, même chez les patients asymptomatiques et indépendamment du développement de maladies associées (ulcères gastroduodénaux, cancer gastrique…) [5]. Les expressions variables de l’infection, anatomopathologiques et cliniques, dépendent de l’interaction entre la virulence de la bactérie, la réponse inflammatoire et immunitaire de l’hôte et de facteurs environnementaux [6].

Relations entre gastrite à H. pylori et maladies digestives

La gastrite chronique infectieuse occupe une place plus ou moins importante dans la physiopathologie des maladies associées, ce qui explique que leurs histoires naturelles soient modifiées de façon variable après éradication de H. pylori, imposant un suivi adapté [1, 2, 6]. Les modalités évolutives des maladies gastroduodénales dépendent étroitement des conséquences de la gastrite sur la sécrétion acide et du développement ou non d’une atrophie gastrique : ulcère gastrique (pan gastrite non atrophique avec sécrétion acide conservée), ulcère duodénal (gastrite antrale prédominante avec sécrétion acide augmentée), dyspepsie fonctionnelle (profil variable), adénocarcinome gastrique de type diffus (rare) ou intestinal (par le biais de l’atrophie et de la métaplasie intestinale), lymphome du MALT gastrique (mode évolutif particulier de la gastrite chronique, folliculaire ?) [6]. Pour les autres affections digestives en cours de démembrement, l’inflammation locale et l’interaction avec le microbiote notamment, pourraient jouer un rôle (Tableau II). Ainsi, l’infection pourrait favoriser l’adénocarcinome colique et les cancers hépatobiliaires (résultats variables selon les populations) [7, 8], ou jouer un rôle protecteur dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [9].

Classification étiologique des gastrites

Relations entre gastrite à H. pylori et maladies extradigestives

Les travaux de ces 15 dernières années ont impliqué H. pylori dans certaines maladies non digestives, mais avec un niveau de preuve variable [1, 2, 9, 10]. Les mécanismes supposés sont l’inflammation chronique et l’atrophie fundique gastrique (achlorhydrie favorisant la malabsorption du fer et de la vitamine B12 [6, 11] et de certains médicaments comme la L-Dopa [12]), ou une réaction à distance à préciser impliquant des processus inflammatoires et dysimmunitaires (mimétisme moléculaire…) dans le purpura thrombopénique immunologique [13], l’athérothrombose coronarienne et cérébrale, des affections dermatologiques (urticaire chronique, rosacée), la dénutrition et les démences (Tableau II) [9, 10].

Tableau II. Infection à H. pylori et maladies en cours d’évaluation, sans recommandation actuelle de recherche et d’éradication de l’infection

Lésions prénéoplasiques gastriques

Le typage de la gastrite paraît essentiel, afin de préciser la disposition et l’extension des lésions prénéoplasiques gastriques que sont l’atrophie et la métaplasie intestinale [6]. L’évaluation anatomopathologique, basée sur le système de Sydney, permet de coter l’atrophie et/ou la métaplasie intestinale et de classifier à l’aide des nouveaux systèmes OLGA (atrophie) ou OLGIM (métaplasie intestinale) les lésions antrales et fundiques, suivant le risque de développement d’adénocarcinome de type intestinal (Tableau III) [6, 14]. Le consensus international de Kyoto valide cette démarche en recommandant l’adoption des systèmes d’évaluation des lésions prénéoplasiques pour la stratification gastrique de risque de cancer [5].

Les preuves s’accumulent en faveur de la prévention de l’adénocarcinome gastrique par l’éradication de H. pylori, principalement dans les pays à forte incidence de cancer et, en l’absence de lésions prénéoplasiques [7, 15], dont la présence nécessite une surveillance gastroscopique des patients (Fig. 1) [6, 16]. La réunion de consensus de Kyoto recommande d’éradiquer H. pylori avant que les changements prénéoplasiques se développent, afin de réduire au minimum le risque des complications plus sérieuses de l’infection [5].

Tableau III. Classification OLGA des lésions d’atrophie gastrique prénéoplasiques [14]

Figure 1. Surveillance de la gastrite chronique atrophique et de ses lésions [16]
MI : métaplasie intestinale ; DBG : dysplasie de bas grade ; DHG : dysplasie de haut grade.

Recommandations d’éradication de l’infection à H. pylori

Tableau IV. Recommandations de recherche et d’éradication de H. pylori

AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien ; IPP : inhibiteur de la pompe à protons.

On ne dispose pas actuellement de critères pertinents de prédiction de l’évolution de la gastrite chronique vers une forme plus sévère (lésions prénéoplasiques, cancer, ulcère gastroduodénal…) [5, 6]. Le dépistage en population générale n’est pas recommandé, la majorité des patients infectés présentant une gastrite chronique isolée et asymptomatique, dont le rôle éventuellement protecteur de certaines maladies (allergies…) est discuté [5]. La recherche de H. pylori et son éradication sont actuellement réservées aux patients présentant des troubles significativement améliorés, ou des risques graves prévenus, par la guérison de la gastrite infectieuse.

Maladies digestives

La recherche systématique et l’éradication de H. pylori restent bien sûr d’actualité en cas d’ulcère gastrique ou duodénal associé ou non à la prise d’AINS ou d’aspirine (cicatrisation et quasi disparition des récidives ulcéreuses), de lymphome gastrique du MALT (guérison de la majorité des lymphomes de bas grade et de certains lymphomes de haut grade) (Tableau IV) [1, 2, 17]. Cela concerne particulièrement les ulcères gastroduodénaux compliqués et notamment les ulcères perforés, dont la récidive après simple suture est significativement diminuée par l’éradication de H. pylori (métaanalyse des essais randomisés) [18]. Néanmoins, on observe une diminution de l’effet entre 8 semaines et 1 an, témoignant de l’action d’autres facteurs (tabagisme…).

L’intérêt d’éradiquer H. pylori avant un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), pour prévenir les ulcères gastroduodénaux (et pas seulement en cas d’antécédent ulcéreux), est renforcé par une métaanalyse (Odds Ratio=0,26 ; IC 95 % : 0,14-0,49, p<0,0001) [19], mais sa mise en œuvre échappe le plus souvent au gastroentérologue. En cardiologie, il est toujours recommandé d’éradiquer H. pylori en cas de traitement antiplaquettaire par aspirine à faible dose chez les patients avec antécédent d’ulcère gastroduodénal [20].

L’indication concernant la dyspepsie fonctionnelle est confirmée dans une métanalyse (amélioration des symptômes notamment chez les Européens, Odds Ratio = 1,49 ; IC 95 % : 1,10-2,02, p < 0,0001) [21]. L’infection à H. pylori est reconnue comme nouvelle cause de dyspepsie chronique, le traitement d’éradication devant être la première mesure thérapeutique en cas de dyspepsie associée à H. pylori sans autre cause notamment à la gastroscopie, avec réévaluation clinique à 6-12 mois (Fig. 2) [5]. En revanche, peu de données nouvelles pour la dyspepsie chronique non explorée, sans signes d’alarme, pour la recherche non invasive de H. pylori avant gastroscopie en alternative au traitement symptomatique par inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Cette mesure reste valable en cas de prévalence élevée de l’infection à

H. pylori (plus de 30 %), ce qui est rare en France chez le sujet jeune, sauf dans certaines populations immigrées [1, 17].

La recherche de H. pylori et son éradication devraient être systématiques lors du bilan endoscopique des patients avec RGO, particulièrement en cas d’œsophagite peptique nécessitant un traitement prolongé par IPP. Mesure justifiée aussi bien en raison du risque de développement d’une atrophie du corps gastrique sous IPP [1, 5, 6, 17], que d’une possible amélioration du RGO, sans preuve d’aggravation du RGO avec ou sans œsophagite, d’après les résultats d’une méta-analyse [22]. Rappelons qu’il n’y a pas sur le plan clinique de diminution significative de l’efficacité antisécrétoire des IPP, après éradication de H. pylori [1, 2, 17].

Sont toujours concernés les patients infectés avec risque élevé de cancer gastrique : antécédents familiaux au premier degré (méta-analyse confirmant le plus grand risque de développer un cancer gastrique, avec prévalence plus élevée de H. pylori, d’atrophie gastrique et de métaplasie intestinale [23]), syndrome de Lynch, résection gastrique partielle pour cancer, atrophie/métaplasie intestinale selon la disposition et l’extension dans la muqueuse gastrique [1, 2, 5, 7]. Pour identifier les individus à risque de développer un cancer gastrique sont maintenant recommandés les tests

sérologiques combinant le dosage du pepsinogène I, II, I/II, et la détection des anticorps anti-H. pylori [5], mais leur disponibilité est encore limitée en France. Bien que ces tests sérologiques et les méthodes endoscopiques (NBI…) aient été évalués favorablement pour détecter une atrophie ou une métaplasie intestinale, il reste à trouver un étalon or pour la sélection des personnes à haut risque de cancer gastrique [24]. Une méta-analyse apporte des preuves limitées de la diminution de l’incidence du cancer gastrique chez les personnes asiatiques infectées asymptomatiques en bonne santé, mais sans démonstration de l’intérêt de l’éradication de H. pylori dans d’autres populations (nombre de patients à traiter de 15 pour les hommes chinois et de 245 pour les femmes américaines) [25].

Concernant la chirurgie bariatrique (by-pass gastrique), indication de principe avec un faible niveau de preuve pour prévenir la survenue ultérieure de complications de l’infection gastrique. La persistance de H. pylori n’est pas associée à une augmentation des complications ulcéreuses anastomotiques [26] et le taux d’éradication n’est pas optimal au Portugal après quadrithérapie concomitante de 2 semaines (65-72 %) [27].

Figure 2. Algorithme de prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle et de l’infection à H. pylori [5]

Figure 2. Algorithme de prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle et de l’infection à H. pylori [5]

Maladies extradigestives

Des indications optionnelles, reposant sur un moindre niveau de preuve, s’appliquent aux anémies ferriprives (correction du déficit en fer, particulièrement chez l’enfant et la femme jeune) [11, 17, 28] et au déficit en vitamine B12 inexpliqués, au purpura thrombopénique immunologique (PTI où l’infection HP est un cofacteur possible dans les formes modérées avec régression de la thrombopénie dans la moitié des cas après éradication) [13] (Tableau IV).

Choix de la méthode diagnostique

Méthodes diagnostiques

De nombreuses méthodes diagnostiques sont validées, les avantages et inconvénients des plus utilisables en France étant mentionnés dans le Tableau V [17].

Tableau V. Principales méthodes diagnostiques de l’infection à H. pylori

Performances : ++ (bonnes), +++ : (excellentes).

Les tests sur biopsies gastriques comportent l’examen anatomopathologique, la culture, l’amplification génique (PCR) et le test rapide de l’uréase :

le test de l’uréase (kits commercialisés) a une sensibilité moyenne (couplage nécessaire avec un autre test), mais une bonne spécificité (lecture en moins d’une heure). Il est surtout intéressant pour un diagnostic rapide, permettant de délivrer le traitement d’éradication à la sortie du patient. Il est peu utilisé, n’étant pas remboursé ;

l’examen anatomopathologique est la méthode habituelle. Cinq biopsies sont recommandées à la fois pour garantir les performances diagnostiques de l’infection et pour typer les lésions de gastrite avec recherche des lésions prénéoplasiques : angle de la petite courbure, petite et grande courbure antrales dans un pot, petite et grande courbure du corps dans un autre pot [2, 17]. Ses performances dépendent de l’attention du pathologiste en cas de faible population bactérienne (contrôle d’éradication) en s’aidant de diverses colorations, l’immunohistochimie ayant une bonne spécificité. Le risque de confondre H. pylori avec d’autres bactéries colonisant la surface de la muqueuse est très faible (H. Heilmannii) ;

la culture et la PCR sont les seuls tests permettant à la fois de détecter l’infection et de déterminer la sensibilité aux antibiotiques [2, 17]. La culture permet de tester tous les antibiotiques (antibiogramme) mais

reste peu accessible car délicate et difficile en raison des exigences de transport des biopsies, de la croissance lente et des conditions de culture spécifiques (peu de centres expérimentés). La PCR est bien moins délicate que la culture et ne nécessite pas de milieu de transport des biopsies, avec des performances supérieures, mais détecte seulement les principales mutations conférant la résistance à la clarithromycine et partiellement aux quinolones pour certaines techniques [17]. La cotation des PCR à la nomenclature et leur remboursement permettraient une large diffusion.

Les méthodes globales non invasives ne sont pas limitées par l’échantillonnage des biopsies. Il s’agit de la sérologie, du test respiratoire et de la détection antigénique des selles, ces deux dernières détectant une infection active :

la sérologie doit être réalisée avec des kits ELISA (IgG) dont les performances sont supérieures à 90 % [17, 29]. Elle est facilement disponible et son coût est faible. Elle n’est pas affectée par la diminution de la charge bactérienne, mais n’est pas adaptée au contrôle post thérapeutique, en raison d’une baisse lente et inconstante du titre des anticorps sériques après éradication de H. pylori [1, 2, 17] ;

le test respiratoire à l’urée 13C est le test le plus performant pour le diagnostic et le contrôle d’éradication (remboursé par l’assurance maladie). Plusieurs kits, ne nécessitant pas de repas test, sont commercialisés pour un emploi chez l’adulte et l’enfant [2, 17] ;

la détection antigénique dans les selles est performante, avant et après traitement, par la méthode ELISA avec un anticorps monoclonal dirigé contre H. pylori [2, 17]. La nécessité de recueillir et de manipuler les selles puis de conserver le prélèvement au frais avant son analyse en limite l’utilisation, de même qu’en France les problèmes de nomenclature et de tarification ; elle peut être intéressante quand le test respiratoire n’est pas utilisable (performances comparables) et chez le jeune enfant [2, 17].

Diagnostic avant traitement

Le choix des méthodes globales ou sur biopsies dépend de leurs conditions d’utilisation et de la situation clinique (Tableau V). En cas de diminution de la charge bactérienne (traitement récent par antibiotiques ou par IPP, hémorragie gastroduodénale, atrophie gastrique sévère), existe un risque de faux négatifs, sauf pour la sérologie, qui est donc à réaliser à la place des autres méthodes ou en combinaison. Une sérologie positive avec un kit performant est suffisante en cas d’ulcère gastroduodénal [17]. L’optimisation diagnostique passe par la combinaison des méthodes globales et sur biopsies, notamment en cas d’hémorragie ulcéreuse ou de lymphome du MALT gastrique (éradication bactérienne primordiale).

Jusqu’à présent, l’identification des facteurs de virulence de H. pylori, que ce soit au niveau de la bactérie ou indirectement par la réponse immunitaire (anticorps anti-CagA…), n’est pas suffisamment performante pour identifier les patients à risque des maladies associées notamment le cancer gastrique [1, 2, 17].

Si une gastroscopie est réalisée

(patient symptomatique ou sous traitement prolongé par AINS ou aspirine, antécédent familial de cancer gastrique au premier degré, anémie ferriprive ou par carence en vitamine B12, PTI sans thrombopénie sévère, bilan avant chirurgie bariatrique, suivi d’ulcère gastrique, de lésions prénéoplasiques, de lymphome du MALT…), l’examen anatomopathologique doit être systématique [1, 2, 17]. La culture avec antibiogramme reste optionnelle, en raison de l’efficacité des quadrithérapies actuelles et de la difficulté de sa réalisation, mais garde sa place pour guider le choix des antibiotiques [17]. La combinaison de deux méthodes sur biopsies (anatomie pathologique, test rapide de l’uréase, culture) améliore la sensibilité diagnostique [2, 17]. L’absence de bactérie détectable n’exclut pas l’infection. Ainsi, la présence d’une gastrite chronique active (présence de polynucléaires dans la muqueuse) en est un signe indirect et justifie l’emploi d’un autre test comme la sérologie ou le test respiratoire [17].

Quand la gastroscopie n’est pas nécessaire (notamment en cas d’antécédent d’ulcère ou de pathologies extradigestives chez un sujet asymptomatique), le test respiratoire reste la méthode de choix, ou à défaut la détection antigénique dans les selles [1, 2, 17]. Dans des indications particulières, chez le sujet asymptomatique sur le plan digestif, le dépistage par sérologie est coûtefficace : antécédents d’ulcère gastroduodénal personnel ou de cancer gastrique familial (si faible risque de lésions prénéoplasiques installées, en règle générale avant 40 ans) ; indications non gastroentérologiques : avant traitement par AINS ou aspirine faible dose, PTI, déficits en fer et en vitamine B12 (en complément des biopsies gastriques en raison du risque d’atrophie), comorbidités… [2, 17].

Diagnostic après traitement

Les méthodes recommandées sont : l’anatomie pathologique, la culture, le test respiratoire et la détection antigénique dans les selles [2, 17]. Toutes ces méthodes nécessitent d’être réalisées à distance des traitements par IPP (au moins 2 semaines) ou par antibiotique (au moins 4 semaines) [1, 2, 17]. La culture est recommandée en cas d’échec d’éradication, actuellement après 2 lignes de quadrithérapie, pour réaliser un antibiogramme ; la PCR étant une alternative pour détecter la résistance aux macrolides [2, 17]. Le test respiratoire est la méthode de choix quand l’endoscopie n’est pas nécessaire (ulcère duodénal non compliqué…).

Choix du traitement d’éradication

Protocoles de traitement

La bithérapie

La bithérapie est l’association d’un IPP et de l’amoxicilline. Elle fait un retour remarqué ces dernières années, après son abandon dans les années 90 au profit des trithérapies. La nouveauté réside dans une meilleure efficacité, probablement en raison de l’optimisation du traitement par la durée de 14 jours, l’augmentation des doses d’IPP et la répartition des doses d’amoxicilline, plus en accord avec sa pharmacocinétique [30]. Un essai randomisé multicentrique chinois chez des patients naïfs a montré qu’une bithérapie à fortes doses (rabéprazole 20 mg et amoxicilline 750 mg, 4 fois par jour, pendant 14 jours), avait une efficacité supérieure (95,3 % en ITT), par rapport au traitement séquentiel de 10 jours (85,3 %) et à la trithérapie standard de 7 jours (80,7 %) [31]. Cette bithérapie était également plus efficace chez les patients ayant déjà eu un traitement d’éradication [31]. Un essai randomisé avec l’amoxicilline (3 fois 1000 mg/j) montre la supériorité du doublement de la dose d’IPP (rabéprazole 20 mg versus 10 mg, matin et soir, 89,8 %/75,9 % en ITT, p < 0,05) [32]. Dans la dernière étude randomisée, réalisée en Turquie avec le rabéprazole (20 mgX2/j) et l’amoxicilline (3 fois 750 mg/j), la bithérapie n’était pas inférieure (84,9 %/87,8 %) à la quadrithérapie (bismuth-tétracycline-métronidazole avec la même dose d’IPP) [33]. De plus, les effets secondaires étaient significativement plus nombreux avec la quadrithérapie bismuthée (nausées, dysgueusie, diarrhée, selles noires, céphalées et douleurs abdominales) [33].

Les trithérapies

La trithérapie standard de 7 jours (IPP, clarithromycine, amoxicilline) est moins efficace depuis les années 2000 particulièrement en Europe (≤ 70 %), l’allongement de la durée à 14 jours apportant un gain d’environ 10 %. Son efficacité dépend de la résistance aux macrolides, avec des variations importantes selon les pays et l’usage des antibiotiques toutes infections confondues [2, 17, 30, 34]. En France, le taux de résistance étant élevé (2030 %), cette trithérapie (y compris en cas de remplacement de l’amoxicilline par le métronidazole), ne doit plus être employée qu’après vérification de la sensibilité à la clarithromycine, qui garantit une bonne efficacité, notamment dans une étude multicentrique française en cours de publication (traitement guidé par la PCR plus efficace que trithérapie empirique) [17, 35].

L’adjonction de probiotiques (Lacto­ bacillus, Bifidobacterium…) semble optimiser les trithérapies de 10 ou 14 jours et réduire les effets secondaires digestifs [30, 34, 36, 37].

Les trithérapies utilisant la lévofloxacine à la place de la clarithromycine ont une efficacité variable en première ligne, probablement en fonction des résistances aux quinolones [30]. Il paraît préférable de réserver cet antibiotique, de même que la rifabutine, aux traitements de recours en cas d’échec des quadrithérapies, après réalisation de l’antibiogramme [2, 17]. En traitement de recours en Chine, après échec de la trithérapie standard, la trithérapie avec lévofloxacine (500 mg/j) était significativement plus efficace en combinaison avec l’amoxicilline (1gX2/j) et l’ésoméprazole (40 mgX2/j) pendant une durée de 14 jours (84,8 % en ITT) par rapport à 10 jours (67,1 %) [38].

Les quadrithérapies

Ces traitements probabilistes de 10 à 14 jours combinent, soit un IPP avec 3 antibiotiques (habituellement amoxicilline, clarithromycine, et métronidazole), soit un IPP avec le subcitrate de Bismuth et 2 antibiotiques (tétracycline et métronidazole) [1, 2, 17].

La quadrithérapie « séquentielle » habituelle comporte 5 jours d’amoxicilline (1 gx2/j), puis 5 jours de clarithromycine (500 mgx2/j) et de métronidazole (500 mgx2/j) en association avec l’IPP pendant la durée du traitement [30, 36, 39]. Deux méta-analyses récentes indiquent une efficacité globale de 84 % du traitement séquentiel de 10 jours, actuellement recommandé en France et en Europe, supérieure à celle de la trithérapie standard de 7 jours (gain de 20 %) et 10 jours (gain de 10 %) mais pas de 14 jours [36, 39]. En cas de souches résistantes à la clarithromycine, le taux d’éradication était de 72,8 % [39].

Le traitement « concomitant » combine les 3 antibiotiques et l’IPP pendant toute la durée du traitement de 10 ou 14 jours [32, 36]. Sa supériorité par rapport aux 2 autres quadrithérapies séquentielle ou hybride, n’est pas démontrée, et il a l’inconvénient d’être plus onéreux [30]. En Espagne, a été testé le traitement « optimisé » consistant à doubler la dose d’ésoméprazole (40 mgX2/j). Ila permis d’améliorer le taux d’éradication, en maintenant un avantage à la quadrithérapie concomitante par rapport à la trithérapie (90,4 %/81,3 % en ITT, p < 0,001) [40].

Dans le traitement « hybride », l’amoxicilline est continuée pendant la deuxième phase du traitement séquentiel en combinaison avec la clarithromycine et le métronidazole. C’est une alternative au traitement « concomitant », permettant de réduire la durée des antibiotiques. Une métaanalyse comparant le traitement hybride au traitement séquentiel ou au traitement concomitant n’a pas montré de différence [41]. Deux essais randomisés montrent une supériorité du traitement hybride (14 jours) par rapport au traitement séquentiel de 10 jours, avec des taux d’éradication voisins de 90 %, et des arguments pour une meilleure efficacité en cas de souches résistantes à la clarithromycine [42, 43].

Globalement, les essais randomisés et les méta-analyses publiés ces 3 dernières années confirment la meilleure efficacité des quadrithérapies sans bismuth (80-95 % d’éradication) que la trithérapie standard de 7 jours en traitement probabiliste, les 2 modalités nouvelles « concomitante » ou « hybride » montrant un petit avantage sur le traitement « séquentiel » avec

une durée de 14 jours et le doublement de la dose d’IPP (traitement concomitant), tout en ayant une tolérance similaire dans les essais cliniques [34].

Les quadrithérapies avec le bismuth sont difficiles à évaluer en raison de posologies différentes du bismuth, de la tétracycline et du métronidazole et de durée de traitement variant de 7 jours (insuffisante) à 14 jours [30]. Nous ne disposons en France que d’une seule spécialité « tout en un », PYLERA® (sous-citrate de bismuth potassique 140 mg, métronidazole 125 mg et chlorhydrate de tétracycline 125 mg), mais nécessitant la prise de 3 gélules 4 fois par jour, pendant 10 jours, en plus des 2 gélules quotidiennes d’oméprazole [1, 2, 17]. Sa supériorité a été démontrée en première ligne par rapport à la trithérapie standard de 10 jours, avec un taux d’éradication supérieur à 90 % (en per protocole), lui permettant d‘obtenir une AMM spécifique en Europe et aux USA [1, 2, 17]. La tolérance était similaire avec la trithérapie dans les essais randomisés, mais les effets secondaires semblent plus fréquents bien que sans gravité, affectant 67 % des patients dans un essai multicentrique européen non contrôlé avec PYLERA®, après échec de la trithérapie standard (éradication de plus de 90 % en 2e ligne) [44].

Traitements empiriques de 1re et 2e ligne

Figure 3. Algorithme de traitement de l’infection à H. pylori

Figure 3. Algorithme de traitement de l’infection à H. pylori :
2 quadrithérapies interchangeables en 1re et 2e lignes,
avec le traitement concomitant ou la quadrithérapie avec bismuth

Pour garantir des taux d’éradication supérieurs à 80 %, sont recommandées, depuis la fin des années 2000, les

quadrithérapies [1, 2]. Une métaanalyse récente ne retient pas les quadrithérapies de 10 à 14 jours avec le bismuth, bien que plus efficaces que la trithérapie de 7 jours, en raison d’un profil d’efficacité/tolérance moins bon que les autres combinaisons recommandées : quadrithérapies séquentielle ou concomitante de 10 ou 14 jours ou hybride (14 jours), trithérapie associée à un probiotique (10 ou 14 jours) [34]. Cette attitude est probablement à nuancer, les protocoles de traitements avec bismuth étant hétérogènes (doses, antibiotiques, nombre de prises par jour).

La tendance actuelle est d’allonger la durée de traitement à 14 jours en augmentant la dose d’IPP, pour garantir un taux d’éradication d’au moins 90 % (traitement concomitant). Les schémas d’éradication de H. pylori recommandés en France conservent 2 lignes de traitement probabilistes, les quadrithérapies avec ou sans bismuth, en remplaçant l’une par l’autre en cas d’échec d’éradication [2, 17]. La tendance actuelle est de privilégier le traitement concomitant de 14 jours « optimisé », qui semble garantir une efficacité de 90 % (étude OPTRICON [40]) (Fig. 3). Cette stratégie de 2 lignes interchangeables permet des combinaisons d’antibiotiques différents, peu inducteurs de résistance comme l’amoxicilline et la tétracycline, et d’éviter le réemploi de la clarithromycine (résistance fréquente, mais dont l’effet est réduit en quadrithérapie) [2, 17, 39]. La reprise du métronidazole est moins gênante, sa résistance in vitro favorisant moins l’échec du traitement qu’avec les autres antibiotiques [20]. À Hong Kong, un essai randomisé en cross over avec ce type de schéma a permis d’obtenir 100 % d’éradication au final [45].

En cas d’allergie ou d’intolérance à l’amoxicilline, on peut la remplacer par la lévofloxacine ou privilégier la quadrithérapie bismuthée. Le remplacement de la clarithromycine par la moxifloxacine semble également intéressant, mais expose aussi à un risque de résistance de H. pylori, comme avec les autres quinolones [46].

Le débat n’est pas tranché concernant le choix de première ligne entre les 2 quadrithérapies avec ou sans bismuth. L’une ou l’autre peuvent être privilégiées suivant leurs avantages et leurs inconvénients, sachant que l’on ne dispose pas d’essais contrôlés les comparant directement en ce qui concerne le PYLERA®. L’essai randomisé de Liu et al. [45] ne montrait pas de différence d’efficacité entre ces 2 quadrithérapies de 10 jours (ésoméprazole comme IPP) en première ligne avec des taux d’éradication élevés : 92,4 % avec bismuth-tétracycline-métronidazole et 89,4 % pour le traitement séquentiel (résistance à la clarithromycine non évaluée). Les effets secondaires étaient plus nombreux avec la quadrithérapie bismuthée (16,7 % versus 8,1 %, p = 0,032). PYLERA® possède l’avantage d’associer des antibiotiques peu ou pas utilisés en France, mais impose la prise d’un grand nombre de gélules plusieurs fois par jour (140 gélules en 10 jours !), avec un coût plus élevé que la quadrithérapie sans bismuth. Les tenants de l’écologie microbienne, soucieux d’éviter la pression de sélection induite par des antibiotiques fréquemment prescrits (clarithromycine et amoxicilline), choisiront la quadrithérapie bismuthée en première ligne, à l’instar de La Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (Info­ antibio n° 40, novembre 2013). À l’inverse, ceux qui craignent le développement d’une encéphalopathie au bismuth, dont le risque actuel semble faible eu égard à la durée de traitement (10 jours non renouvelables) et à la faible quantité de bismuth ingérée (expérience américaine rassurante, quelques cas mineurs notifiés en Europe, programme de gestion des risques en France depuis la commercialisation sans actuellement de restriction de prescription), préfèreront prescrire la quadrithérapie sans bismuth en première intention.

Dans les 2 cas, il importe d’obtenir la pleine adhésion des patients et de bien les motiver en les informant du risque d’effets secondaires fréquents mais mineurs, pour limiter le défaut d’observance qui est l’autre facteur important d’échec.

Traitements de 3e ligne

Après 2 échecs successifs, la détection de la résistance aux antibiotiques (clarithromycine, lévofloxacine, tétracycline, métronidazole, rifabutine) reste fortement recommandée pour guider la thérapie de recours (trithérapies de 14 jours en remplaçant les antibiotiques inducteurs de résistance) (Fig. 3) [2, 17]. Il reste à préciser la place des bithérapies avec fortes doses d’amoxicilline et d’IPP, qui sont en cours d’évaluation, et pourraient constituer une troisième ligne probabiliste intéressante, la résistance à l’amoxicilline étant exceptionnelle en France [31].

Il n’est donc pas utopique, en 2015, de pouvoir éradiquer H. pylori dans pratiquement tous les cas, mais au prix parfois de plusieurs lignes de traitement avec un coût et des contraintes nombreuses (effets secondaires, polyantibiothérapie…). La recherche de traitements plus simples et efficaces, avec de nouveaux anti-infectieux reste d’actualité, de même que la mise au point d’un vaccin qui, malgré les difficultés rencontrées, paraît envisageable à moyen terme [47].

Mise en œuvre des recommandations

Force est de constater que la prise en compte des données de la science reste imparfaite en pratique clinique et pas uniquement en France, probablement en raison de l’étendue du sujet, d’une production scientifique abondante et parfois contradictoire, du contexte clinique et de la complexité du diagnostic et du traitement [48-50]. Si le gastroentérologue reste au centre de la prise en charge, l’implication des médecins généralistes est une nécessité en raison de l’extension des indications non digestives et du suivi du patient. Cela passe par une réappropriation des recommandations appliquées dans le contexte des soins primaires et par une collaboration étroite entre gastroenté-

rologue et médecin traitant pour la mise en œuvre du traitement et le contrôle d’éradication [50]. Le médecin généraliste étant dans l’ensemble peu sollicité dans sa pratique par la problématique H. pylori, le gastroentérologue doit prendre l’initiative dès la gastroscopie, décrire la feuille de route avec les différentes étapes diagnostique, thérapeutique et la mise en œuvre du suivi (endoscopique…) [50]. Des supports divers ont été proposés, notamment la fiche synthétique des recommandations par le GEFH (www.helicobacter. fr), et des initiatives permettent d’optimiser la collaboration entre médecins généralistes et gastroentérologues pour la prise en charge thérapeutique [50].

Conclusion

L’infection gastrique à H. pylori reste fréquente en France, notamment chez la personne âgée et dans les populations immigrées de zones de forte endémie. De nombreux facteurs dépendant de l’hôte, de la bactérie infectante et de l’environnement influent sur l’évolution de la gastrite chronique provoquée par H. pylori et le développement de maladies digestives et extradigestives. Les données scientifiques et leur répercussion sur la pratique médicale sont régulièrement actualisées : bilan diagnostique, choix de la méthode de détection et du traitement d’éradication de H. pylori, gestion des échecs thérapeutiques et suivi du patient. La prise en charge des patients infectés par H. pylori reste complexe et encore imparfaite, le gastroentérologue ayant un rôle essentiel. Pour l’améliorer, il importe d’appliquer, dans le contexte de sa pratique, les modalités « universelles » de recherche et d’éradication de cette bactérie, en évitant les traitements injustifiés dans leurs indications ou leurs protocoles et en veillant à une bonne participation du patient et de son médecin traitant.

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Les cinq points forts

En cas d’antécédent familial au premier degré de cancer gastrique chez un patient asymptomatique, il faut rechercher H. pylori par sérologie ou test respiratoire avant 40 ans et par l’examen anatomopathologique sur biopsies gastriques après 40 ans.

Au cours de la gastroscopie, cinq biopsies (2 dans l’antre, 1 dans l’angle dans un premier pot, 2 dans le corps dans un second pot) pour l’examen anatomopathologique sont indiquées pour rechercher H. pylori et pour évaluer le risque de cancer gastrique (atrophie et/ou métaplasie intestinale).

H. pylori pourrait être à l’origine d’une dyspepsie chronique par le biais de la gastrite chronique.

Avant traitement d’éradication, la sérologie est performante, y compris en cas de traitement par IPP qui diminue la sensibilité des autres techniques diagnostiques nécessitant l’arrêt des IPP pendant au moins 2 semaines.

Actuellement, les traitements probabilistes de 1re et de 2e ligne de l’infection à H. pylori sont la quadrithérapie séquentielle concomitante optimisée à 14 jours ou la quadrithérapie bismuthée de 10 jours. La culture avec antibiogramme est nécessaire en cas d’échec pour guider le choix des antibiotiques dans les trithérapies de troisième ligne de recours. Le succès du traitement repose sur l’information du patient et la collaboration active entre le gastroentérologue et le médecin traitant.