Transplantation et carcinome hépatocellulaire

Objectifs pédagogiques

  • Connaître l’épidémiologie de la TH pour CHC
  • Connaître les indications et contre-indications à la transplantation hépatique (TH) pour carcinome hépato cellulaire (CHC)
  • Connaître les principes de l’attribution des greffons pour CHC
  • Connaître les principes de la prise en charge du CHC pendant la phase d’attente
  • Connaître les résultats de la transplantation hépatique pour CHC
  • Connaître les principes de la prise en charge en cas de récidive tumorale post-transplantation

Introduction

Le carcinome hépato-cellulaire est la plus fréquente des tumeurs hépatiques primitives. Il survient dans plus de 85 % des cas sur un foie cirrhotique et est responsable en France de plus de 5 000 décès par an.

La transplantation hépatique (TH) est le traitement le plus approprié du carcinome hépato-cellulaire car elle réalise une hépatectomie totale, carcinologiquement satisfaisante, et permet de traiter, contrairement aux autres thérapeutiques curatrices (destruction percutanée, résection chirurgicale) la cirrhose adjacente à la tumeur qui est un facteur majeur de récidive du CHC.

L’expérience accumulée au cours des 30 dernières années a cependant permis d’identifier plusieurs limites à la transplantation pour CHC. Celles-ci tiennent à deux facteurs : 1. le risque de récidive tumorale après la greffe, dont le pronostic est catastrophique aboutissant au décès dans plus de 90 % des cas et 2. la pénurie d’organes. La gestion de la pénurie, c’est-à-dire la gestion d’une situation où la demande de TH est supérieure au nombre de greffons disponibles, impose des contraintes en terme d’indications et de résultats afin d’éviter des transplantations futiles associées à un risque de récidive et de décès trop élevé. Ainsi en France, le nombre de candidats pour un greffon disponible est de 2,4 [1]. La pénurie engendre des temps d’attente prolongés et une compétition entre les différentes indications de TH qui rendent nécessaires le recours à des traitements loco régionaux pendant la phase d’attente pour contrôler la croissance tumorale ainsi qu’à des règles strictes d’attribution des greffons.

Données épidémiologiques

Le CHC est actuellement la 1re indication de TH en France, représentant 30,5 % des inscriptions en liste d’attente, soit 545 patients (Fig. 1) inscrits en 2014 pour CHC [1], et 25 % des transplantations réalisées. Un tiers des patients inscrits en liste l’est donc actuellement pour CHC contre 13 % au début des années 2000. Une augmentation de 24 % de l’inscription pour CHC a de plus été observée au cours des 3 dernières années (Fig. 1). Cette évolution, fortement liée à l’épidémiologie de l’infection virale C, est observée partout dans le monde et est particulièrement prononcée dans les pays à forte prévalence d’infection virale C, USA et pays méditerranéens notamment.

Augmentation du nombre d’indications de transplantation pour CHC au cours du temps en France

Figure 1. Augmentation du nombre d’indications de transplantation pour CHC au cours du temps en France
Hausse significative de 24% du nombre de greffes pour les malades de la composante CHC
Baisse de 17% des greffes via la composante CHC

Indications et contre-indications à la transplantation hépatique pour CHC

Indications

Compte-tenu de la pénurie d’organes, il existe un consensus général selon lequel une indication de TH pour être valide doit s’associer à une survie à 5 ans > 50 %. Du fait de son extrême prévalence, on considère que l’indication de TH pour CHC doit s’associer à une survie attendue similaire à celle des TH pour maladie bénigne soit 70 % à 5 ans.

La mortalité par récidive tumorale est responsable plus de 50 % dans la mortalité post-greffe pour CHC. Pour obtenir une survie à 5 ans > 70 % il est donc essentiel d’identifier les patients ayant un risque de récidive < 15 %.

Les critères de Milan [2], 1 tumeur unique de diamètre maximal 5 cm ou 3 tumeurs maximum d’un diamètre maximal de 3 cm, s’associent à un risque de récidive de 8 à 15 % dans la littérature et ont été adoptés dès le début des années 2000 comme critères de sélection par de nombreux programmes, aux USA notamment.

Néanmoins, les critères de Milan sont jugés depuis plusieurs années trop restrictifs puisque de nombreux malades transplantés avec des caractéristiques tumorales en dehors de ces critères peuvent survivre sans récidive après greffe. La conférence de Consensus internationale 2010 sur la TH pour CHC [3] a donc laissé la possibilité de recourir à des critères élargis sous réserve que ces critères fassent la preuve d’une meilleure précision prédictive que les critères de Milan et que leur adoption n’impacte pas significativement l’accès à la greffe des patients inscrits pour autre indication.

Sur cette base l’Agence de la Bio­médecine a adopté en janvier 2013 un score pronostique développé par le groupe français d’étude de la TH pour CHC [4] qui intègre outre la taille et le nombre de lésions tumorales, 3 niveaux d’ alfa-fœto protéine, <100, ]100-1 000] et > 1 000 ng/mL. Ce score est désigné sous le nom de score AFP (Tableau I).

L’AFP est un marqueur pronostique péjoratif du CHC qui est associé à 2 critères d’agressivité tumorale, l’invasion vasculaire et la mauvaise différenciation tumorale.

L’utilisation de l’AFP permet d’améliorer la prédiction de la récidive, qui est élevée pour les malades dans les critères de Milan avec AFP > 1 000 et faible pour les malades en dehors des critères de Milan avec AFP normale ou < 100. La combinaison des valeurs associées à chaque paramètre du score AFP (taille, nombre et AFP) permet de définir des malades à faible risque de récidive (8-13 %) quand le score AFP est ≤ 2 et des malades à fort risque de récidive (> 45 %) quand le score AFP est > 2 (Fig.  2). Ce score a été validé dans plusieurs séries, italienne, anglaise, sud-américaine, confirmant sa robustesse et permet de transplanter des patients à faible risque de récidive sans prendre en compte les critères de Milan.

Les règles d’indication de TH pour CHC en France, en relation avec les caractéristiques tumorales, sont donc les suivantes (Fig. 3) :

  • Les très petits CHC (1 lésion unique ≤ 2 cm diamètre, = TNM1) n’ont pas d’accès à la greffe et un traitement curatif conservateur (destruction per cutanée ou résection chirurgicale) doit être privilégié, sauf non faisabilité démontrée d’un tel traitement.
  • Pour les autres CHC (≥ TNM2 sans invasion vasculaire macroscopique), le calcul du score AFP est impératif.
    • Les patients avec un score AFP ≤ 2 sont éligibles pour inscription sur la liste nationale d’attente et passage au score national foie (cf. infra) avec un greffon conventionnel.
      Pour ces patients, la réévaluation et le renseignement trimestriel, validé en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), du score AFP sur le logiciel Cristal de l’ABM est impératif. Si le score progresse au-delà de 2 pendant la phase d’attente, le patient devient inéligible pour la greffe (drop out ou sortie de liste pour aggravation).
    • Les patients avec un score AFP > 2 sont considérés comme contre indiqués pour la TH à 2 exceptions :
      1. L’équipe de transplantation avec l’accord du patient accepte d’utiliser un greffon dit hors tour, refusé par 5 équipes successives, ou un autre type de greffon marginal (domino, critères étendus, etc.).
      2. Le score AFP devient ≤ 2 après un traitement loco-régional du CHC (down-staging) et reste ≤ 2 après 3 mois d’observation. Le patient peut alors être inscrit sur liste nationale de façon conventionnelle.
Figure 2. Le score AFP utilisé pour sélectionner les patients évalués pour CHC en vue d’une transplantation et probabilités correspondantes de récidive et de survie post-greffe

Figure 2. Le score AFP utilisé pour sélectionner les patients évalués
pour CHC en vue d’une transplantation et probabilités correspondantes
de récidive et de survie post-greffe

Figure 3. Algorithme de prise en charge des candidats à la greffe hépatique pour CHC selon le score AFP après adoption au plan national Conseil Médical et Scientifique ABM juillet 2012. Opérationnel en janvier 2013

Figure 3. Algorithme de prise en charge des candidats à la greffe hépatique pour CHC selon le score AFP après adoption au plan national Conseil Médical et Scientifique ABM juillet 2012. Opérationnel en janvier 2013

Tableau I. Version simplifiée du score AFP
Le score est calculé en additionnant les points correspondant à chaque variable du score.
Après addition des points, le seuil de 2 sépare les patients à haut et faible risque de récidive avec un risque de récidive compris entre 10 et 13 % si le score est ≤ 2 et ≥ 45 % si le score est > 2.

Variables b coefficient Hazard ratio Points
Largest diameter

  • ≤ 3 cm
  • 3-6 cm
  • > 6 cm
  • 0
  • 0.272
  • 1.347
  • 1
  • 1.31
  • 3.84
  • 0
  • 1
  • 4
Number of nodules

  • 1-3
  • 4 and more
  • 0
  • 0.696
  • 1
  • 2.01
  • 0
  • 2
AFP level (ng/mL)

  • ≤ 100
  • ]100-1 000]
  • > 1 000
  • 0
  • 0.668
  • 0.945
  • 1
  • 1.95
  • 2.57
  • 0
  • 2
  • 3

In Duvoux et al. Gastroenterology 2012 [4].

Contre-indications

Les contre-indications à la TH, en relation avec les caractéristiques tumorales, sont les suivantes :

  • mise en évidence d’une invasion veineuse (portale ou hépatique) tumorale, tronculaire, segmentaire ou sous-segmentaire ;
  • score AFP > 2 aux réserves susmentionnées ;
  • bilan d’extension montrant des lésions secondaires extra-hépatiques du CHC.

Le bilan d’évaluation d’un candidat à la greffe pour CHC doit donc compor­ter systématiquement un dosage d’alfa-fœto protéine, un scanner thoraco-abdominal injecté, complété si possible par une IRM hépatique et un examen isotopique à la recherche de métastases extra-hépatiques. Le TEP scanner au 18 FDG tend de plus en plus à se substituer à la scintigraphie osseuse car il permet d’apporter des informations pronostiques complémentaires (une fixation tumorale au 18 FDG reflète une tumeur agressive de mauvais pronostic) [5-6].

À côté des contre-indications d’ordre tumoral à la TH, le bilan pre-TH ­complet doit également éliminer les comorbidités non spécifiques, cardiaques et respiratoires, susceptibles d’augmenter significativement le risque opératoire, et les contre-­indications d’ordre comportemental et social.

Traitement du carcinome hépato-cellulaire pendant la phase d’attente

Du fait des systèmes d’attribution des greffons fondé dans la majorité des programmes de TH sur la gravité de la cirrhose évaluée par le score MELD, les patients inscrits pour CHC sont généralement desservis avec des difficultés d’accès à la greffe car le score MELD de ces patients est faible, 12 à 13 en moyenne. La plupart des programmes ont donc mis en place des systèmes de compensation partielle pour assurer une relative équité d’accès à la TH avec les malades ayant une cirrhose décompensée. Les temps d’attente restent prolongés pour les malades avec CHC, 15 mois en moyenne en France (Fig. 4) pour les CHC avec MELD < 15.

  • Malgré un niveau de preuve faible, il existe un consensus pour traiter les patients inscrits pour CHC pendant la phase d’attente lorsque le temps d’attente escompté est > 6 mois [3].
  • Le choix du traitement est fonction de la localisation, du nombre de tumeurs, de la fonction hépatique et de l’hypertension portale sous-jacentes et doit être défini en RCP.
    • Les tumeurs de petite taille ≤ 3 cm et peu nombreuses (< 3) sans trouble significatif de l’hémostase peuvent être traitées par radio-fréquence unique ou multiple.
    • Les tumeurs uniques peuvent être discutées pour une chirurgie de résection selon les critères classiques.
    • Pour les tumeurs multiples à fonction hépatique conservée sans ascite, la chimioembolisation est la technique la plus employée.
    • Plus rarement, avec une expérience encore limitée sont parfois envisagées radiofréquence multi­polaire, radioembolisation, radio­thérapie stéréotaxique voire le sorafenib.
  • L’impact de ces traitements sur la ­faisabilité de la transplantation doit être une préoccupation permanente lors du choix thérapeutique. Les techniques susceptibles de compliquer la chirurgie doivent être évitées ou retenues seulement après accord du centre de transplantation.

Les procédures de traitement pré-TH sont suivies d’une réévaluation morphologique utilisant une technique d’imagerie avec injection de produit de contraste. Le nombre et la taille des lésions actives après traitement doivent être renseignés selon les critères m-RECIST lors de l’évaluation trimestrielle ABM.

La progression sous traitement doit rendre prudent le maintien de l’indication de greffe car ceci a été montré comme étant un facteur de récidive post-greffe notamment après chimio­embolisation [7].

À l’inverse, la destruction en une seule séance d’une lésion unique < 30 mm par un traitement loco-régional s’associe à une très faible probabilité de sortie de liste pour progression tumorale pendant la phase d’attente (< 2 % à 24 mois) [8]. Des temps d’attente prolongés peuvent donc être envi­sagés raisonnablement chez ces patients.

Cinétique d’accès à la greffe des CHC en fonction du score MELD

Figure 4. Cinétique d’accès à la greffe des CHC en fonction du score MELD
> 70% des patients inscrits pour CHC ont un score MELD <15

Le nouveau système d’attribution des greffons pour CHC

Plus de trois mille candidats sont actuel­lement inscrits sur liste nationale ­d’attente pour TH et seules 1 200 TH sont réalisées annuellement.

Il existe donc une forme de compétition inter et intra-indications pour accéder au greffon qui doit être régulée en prenant en compte 2 principes :

  • Le principe d’utilité, qui consiste à attribuer au patient qui en a un besoin le plus immédiat le greffon le plus rapidement avec cependant une probabilité raisonnable de survie post-greffe. Pour les cirrhoses décompensées, c’est le score MELD non pondéré par le temps, converti en France sur une échelle dite de « score national foie » de 0 à 1 000 points (Fig. 5) qui permet de hiérarchiser l’accès des patients à la greffe : les patients avec le score le plus élevé ont accès à la greffe le plus rapidement.
  • Le principe d’équité, selon lequel les chances d’accéder à la greffe doivent être équivalentes pour toute indication ou, en d’autres termes, selon lequel les probabilités de sortie de liste pour décès ou aggravation pendant la phase d’attente doivent être non statistiquement différentes d’une indication à l’autre. Pour les indications desservies par le score MELD comme le CHC, un système de compensation existe en France, qui permet de gagner progressivement des points de score national foie en fonction du temps pour atteindre une priorité et une chance d’accès maximale après > 12 mois d’attente (Fig. 5). Dans ce système un patient inscrit pour CHC atteint un score national foie de 800 pts en 1 an environ et entre en compétition directe avec des cirrhoses décompensées sévères de MELD compris entre 25 et 30.
Figure 5. Attribution des greffons hépatiques selon le Score national foie initial : cohabitation de logiques différentes en fonction des indications

Figure 5. Attribution des greffons hépatiques selon le Score national foie initial :
cohabitation de logiques différentes en fonction des indications

L’analyse régulière des données de l’ABM a cependant permis d’identifier 2 facteurs source d’un déséquilibre dans le principe d’équité :

  • Du fait de l’augmentation des inscriptions en liste des candidats à la greffe pour CHC, la compétition de ces patients avec les patients inscrits pour cirrhose décompensée induisait un excès de mortalité des patients inscrits en liste pour cirrhose décompensée avec des MELD entre 25 et 29, voire entre 21 et 29, allant jusqu’à 20-25 % de risque de décès en liste dans ces catégories [1].
  • Dans le système initial d’attribution, la gravité intrinsèque du CHC n’était pas prise en compte pour l’accès au greffon si bien que des patients ayant un CHC efficacement traité pendant la phase d’attente, voire réséqué sans tumeur en place, avait une probabilité identique d’accès à la TH qu’un CHC sans possibilité ­thérapeutique pendant la phase d’attente.
  • Pour corriger cette tendance, le ­principe d’utilité dans l’indication de TH pour CHC a été renforcé et les mesures suivantes ont été adoptées en juillet 2015 par l’ABM (Fig. 6) :
    • Les patients inscrits pour CHC et traités efficacement par une technique curatrice (destruction per cutanée ou résection chirurgicale) sans tumeur active décelable post traitement sont placés en contre-indication temporaire jusqu’à récidive ou laissés actifs avec un score national foie en relation avec le score MELD donc bas. En cas de récidive ces patients sont priorisés pour accéder à la greffe en 6 mois. Cette situation concerne environ un 1/4 des patients inscrits en liste pour CHC.
    • Les patients inscrits pour CHC et traités par chimio-embolisation conservent l’accès à la greffe selon le système déjà en place
    • Les rares patients avec un MELD < 15 et pour lesquels aucun traitement pré TH du CHC n’est réalisable, en raison d’une topographie particulière ou de la fonction hépatique sous-jacente, peuvent bénéficier d’un accès à la greffe en 6 mois après accord de 2 experts indépendants.
  • Ces mesures, résumées dans la figure 6, permettent de retarder l’accès à la greffe des patients qui n’en ont pas un besoin immédiatement urgent et de ne pas transplanter par excès les 20 % de patients qui ne récidivent pas, tout en ventilant les greffons ainsi rendus disponibles vers les patients ayant des cirrhoses décompensées graves, ou des CHC plus évolués, mais restant dans les indications de TH c’est-à-dire avec un score AFP ≤ 2.
Algorithme de prise en charge des candidats à la greffe hépatique pour carcinome hépato-cellulaire pendant la phase d’attente : principes généraux

Figure 6. Algorithme de prise en charge des candidats à la greffe hépatique pour carcinome hépato-cellulaire pendant la phase d’attente : principes généraux

Résultats de la transplantation pour CHC et problématique de la récidive du CHC post-greffe

Sur la base des règles d’attribution et des critères de sélection sus mentionnés, les résultats de la TH pour CHC en France sont les suivants (Fig. 7) :

  • Le taux de sortie de liste pour décès ou aggravation après inscription est de 18 % à 1 an [1]. Ce chiffre élevé, observé sur la période 2013-2014 [1], correspond à la période de mise en place du score AFP qui pour la 1re fois rend nécessaire la sortie de liste des patients dont le score AFP devient > 2 pendant la phase d’attente en raison d’un risque de récidive tumoral post-greffe voisin de 50 %.
  • Le taux de survie à 5 ans avant mise en place du score AFP était de 68 % [1]. La mise en place du score a correspondu à une période durant laquelle l’indication de TH pour CHC non régulée jusqu’en 2013 devenait de plus en plus flexible, avec une augmentation du nombre de TH chez des sujets à haut risque de récidive. Une survie à 5 ans voisine de 70 % devrait logiquement être maintenue dans les années à venir du fait de l’implémentation du score.

La récidive tumorale est la cause ­principale de mortalité après TH pour CHC. La majorité des récidives surviennent dans les 2 premières années post-greffe avec une médiane de survie de 6 mois après récidive et une probabilité de survie quasi nulle à 2 ans dans les séries historiques.

La récidive tumorale est donc un événement catastrophique qui rend la TH futile et dont le pronostic doit impé­rativement être amélioré. Les facteurs permettant de limiter la récidive sont l’identification des facteurs de mauvais pronostic avant TH (AFP, fixation TEP scan), l’analyse de l’explant hépatique (mauvaise différenciation, micro invasion vas­culaire, nodules satellites, contingent de cholangiocarcinome) et l’immuno­suppression post-opératoire. En effet, une immunosuppression par anticorps antilymphocytaires et une forte exposition aux anti-calcineurines (ciclosporine, tacrolimus) sont des ­facteurs facilitant la récidive.

  • Les principes de la prise en charge de la récidive sont les suivants :
    • La prévention primaire : elle repose sur l’identification des patients à haut risque de récidive qui ne doivent pas être inscrits sur liste et la reconnaissance des patients dont la progression tumorale pendant la phase d’attente les rend ­inéligibles.
    • La prévention secondaire : lorsque l’analyse de l’explant hépatique met en évidence des facteurs histo-pathologiques d’agressivité tumorale exposant à un risque initialement sous-évalué de récidive , des données expérimentales et cliniques de niveau de preuve modéré suggèrent que la minimisation de l’immunosuppression par anticalcineurines, voire l’arrêt de celle-ci et son remplacement par une immunosuppression à base d’inhibiteurs de mTOR, pourrait limiter le risque de récidive ou ralentir son apparition. Aucun traitement adjuvant n’a fait la preuve de son efficacité.
    • Le dépistage de la récidive :
      Il doit être adapté au risque de récidive et ciblé pour permettre un diagnostic et une prise en charge précoce ; il n’y pas de recommandation ferme mais l’attitude suivante peut être proposée raisonnablement (avis d’expert) :
    • l’évaluation du risque de récidive à partir de l’explant doit être standardisée aux moyens de scores prédictifs [7] et systématiquement effectuée ;
    • faible risque de récidive pré-opé­ratoire confirmé par l’analyse de l’explant : scanner thoraco abdominal et AFP semestriels pendant 3 ans puis 1 fois par an jusqu’ à 5 ans ;
    • risque élevé de récidive sur l’explant : scanner thoraco abdominal et AFP trimestriels pendant 2 ans, puis semestriel jusqu’ à 5 ans ;
    • si possible confirmation histologique de la récidive en cas de suspicion morphologique.
    • Traitement de la récidive : il doit être défini en RCP spécialisée :
    • récidive localisée : c’est le cas d’une métastase unique, pulmonaire ou intra hépatique par exemple. Le traitement radical chirurgical doit être proposé car c’est la seule situation où des survies prolongées peuvent être obtenues. La re-transplantation n’est pas indiquée ;
    • récidive généralisée : métastases viscérales, ganglionnaires ou osseuses multiples : la base de la prise en charge consiste en l’arrêt des anti­calcineurines avec introduction d’un inhibiteur de mTOR et si possible introduction du sorafenib dont la tolérance est souvent difficile. La place des chimiothérapies conventionnelles n’est pas bien évaluée mais peut être envisagée en seconde ligne.
Stratégie adoptée par l’ABM pour la prise en charge pendant la phase d’attente des patients inscrits pour CHC

Figure 7. Stratégie adoptée par l’ABM pour la prise en charge pendant la phase d’attente des patients inscrits pour CHC
Source Agence de la Biomédecine; par courtoisie du Dr Corinne Antoine

Conclusion

Le carcinome hépato-cellulaire est la seule tumeur accessible à un traitement par transplantation d’un organe solide. Les indications de TH pour CHC telles qu’actuellement définies permettent d’obtenir une survie à 5 ans de l’ordre de 70 % pour des tumeurs relativement évoluées. Cependant, l’épi­démiologie du CHC en France et dans le monde a fait du CHC une indication majeure de transplantation qui, compte-tenu de la pénurie d’organes et de la compétition avec d’autres indi­cations de greffe hépatique, doit être encadrée par des règles spécifiques de sélection des candidats et d’attribution des greffons. La bonne connaissance de ces règles est indispensable au praticien pour envisager au bon moment la transplantation et comprendre les déterminismes qui guident la prise en charge du patient pendant la phase d’attente et après la transplantation.

Références

  1. Le Rapport médical et scientifique de l’Agence de la Biomédecine 2014.
    www.agence-biomedecine.fr, espace professionnel.
  2. Mazzaferro VV, Regalia EE, Doci RR, Andreola SS, Pulvirenti AA, Bozzetti FF, et al. Liver transplantation for the treatment of small hepatocellular carcinomas in patients with cirrhosis. N Engl J Med. 1996;334:
    693–9.
  3. Clavien PA, Lesurtel M, Bossuyt PM, et al. Recommendations for liver transplantation for hepatocellular carcinoma: an international consensus conference report. Lancet Oncol 2012;13:e11–e22.
  4. Duvoux C, Thoraval FR, Decaens T, Pessione F, Badran H, Piardi T, et al. Liver Transplantation for Hepatocellular Carcinoma : A Model Including α-Fetoprotein Improves the Performance of Milan Criteria. Gastroenterology. 2012;143:986–994.e3.
  5. Lee JW, Paeng JC, Kang KW, Kwon HW, Suh KS, Chung JK, et al. Prediction of tumor recurrence by 18F-FDG PET in liver transplantation for hepatocellular carcinoma. J Nucl Med 2009;50:682-7.
  6. Kornberg A, Freesmeyer M, Barthel E, Jandt K, Katenkamp K, Steenbeck J, et al. 18F-FDG-uptake of hepatocellular carcinoma on PET predicts microvascular tumor invasion in liver transplant patients. Am J Transplant 2009;9:592-600.
  7. Otto G, Schuchmann M, Hoppe-Lotichius M, Heise M, Weinmann A,HansenTorsten, Pitton. How to decide about liver transplantation in patients with hepatocellular carcinoma: Size and number of lesions or response to TACE? J Hepatol 2013; 59:279–84.
  8. Mehta N, Dodge JL, Goel A, Roberts JP, Hirose R, Yao FY. Identification of liver transplant candidates with hepatocellular carcinoma and a very low dropout risk: implications for the current organ allocation policy. Liver Transpl 2013;19:1343-53.
  9. Costentin C, Amaddeo G, Duvoux C, Calderaro J, Luciani A, Laurent A, Roudot-Thoraval F for the French study group for LT and HCC. A New Score based on explant pathology allows an individualized prediction of HCC-recurrence after liver transplantation. Paris, ILCA 2015.

 

Les Cinq points forts

  1. La transplantation hépatique pour CHC est actuellement la 1re indication de transplantation hépatique en France avec plus de 30 % des ­inscriptions en liste nationale et 25 % des transplantations.
  2. L’indication repose en France sur un score AFP ≤ 2 qui permet d’identifier les candidats ayant une probabilité de survie sans récidive de 70 % à 5 ans.
  3. Le score AFP comporte 3 paramètres, le nombre de CHC, la taille de la plus volumineuse lésion et le taux d’alfa-fœto protéine. Il doit être calculé à l’inscription puis tous les 3 mois pendant la phase d’attente.
  4. Pendant la phase d’attente, les patients pour lesquels un traitement à visée curative (résection chirurgicale ou destruction per cutanée) permet une inactivation complète de la ou des lésions ont un accès retardé à la greffe jusqu’à récidive pour permettre aux patients dont la croissance tumorale n’est que partiellement contrôlée d’être transplantés prioritairement.
  5. Après la transplantation, le risque de récidive doit être réévalué à partir des données histo-pathologiques de l’explant hépatique. Chez les patients dont le risque de récidive a été sous-estimé en pré-opératoire, un protocole renforcé de surveillance de la récidive et un ajustement du traitement immunosuppresseur peuvent être proposés.