Quand débuter un traitement anti-TNF ?

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications d’un traitement précoce par anti-TNF à la phase inaugurale de la maladie pour la maladie de Crohn et la RCH
  • Connaître les critères d’échec d’une corticothérapie, d’une thérapie immunosuppressive devant conduire à un traitement par anti-TNF
  • Connaître les manifestations extra-digestives des MICI pouvant indiquer en soi un traitement anti-TNF

Introduction

Les molécules anti-Tumour Necrosis Factor (TNF) sont les molécules les plus puissantes à notre disposition pour traiter les patients atteints de maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI). En 2014, 3 anti-TNF ont une AMM en France dans les MICI : l’infliximab (maladie de Crohn luminale et fistulisante et RCH), l’adalimumab (maladie de Crohn luminale et RCH) et le golimumab (RCH).

Une question se pose donc fréquemment dans notre pratique quotidienne : quand faut-il débuter un traitement par anti-TNF dans la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH) ? Actuellement, on peut distinguer trois types de situations : les indications selon le libellé de l’AMM de chaque anti-TNF, les indications qui ne se discutent pas (ou plus) et qui correspondent aux recommandations actuelles (principalement ECCO), et celles qui reposent plus sur l’expérience clinique que sur des preuves scientifiques. Nous discuterons également de nouvelles indications des anti-TNF que sont les manifestations extra-intestinales des MICI.

 Indications des anti-TNF selon le libellé de l’AMM

Maladie de Crohn

L’infliximab (Rémicade®) et l’adalimumab (Humira®) sont indiqués dans le traitement de la maladie de Crohn active, sévère, chez les patients qui n’ont pas répondu malgré un traitement approprié et bien conduit par un corticoïde et/ou un immunosuppresseur ou chez lesquels ce traitement est contre-indiqué ou mal toléré.

L’infliximab (Rémicade®) est indiqué dans le traitement de la maladie de Crohn active fistulisée, chez les patients qui n’ont pas répondu malgré un traitement conventionnel approprié et bien conduit (comprenant antibiotiques, drainage et thérapie immunosuppressive).

Rectocolite hémorragique

L’infliximab (Rémicade®), l’adalimumab (Humira®) et le golimumab (Simponi®) sont indiqués dans le traitement de la rectocolite hémorragique active, modérée à sévère chez les patients qui n’ont pas répondu de manière adéquate à un traitement conventionnel comprenant les corticoïdes et l’azathioprine ou la 6-mercaptopurine, ou chez lesquels ce traitement est mal toléré ou contre-indiqué.

Questions soulevées par le libellé des AMM

Qu’est-ce qu’une MICI légère, modérée ou sévère ?

Un des problèmes majeurs lorsque l’on suit à la lettre le libellé de l’AMM est de définir la sévérité d’une MICI. Le libellé de l’AMM se base en fait sur les essais cliniques internationaux ayant démontré l’efficacité des anti-TNF dans la maladie de Crohn (essais de Targan et al., Present et al., et essais ACCENT 1 et 2 pour l’infliximab ; essais CLASSIC 1 et CHARM pour l’adalimumab) et la RCH (essais ACT 1 et 2 pour l’infliximab ; essais ULTRA 1 et 2 pour l’adalimumab ; essais PURSUIT pour le golimumab).

Pour la maladie de Crohn, le critère d’inclusion est en général une maladie active modérée à sévère définie par un CDAI entre 220 (ou 250) et 450, les formes sévères par un CDAI supérieur à 300. Toutefois, le CDAI n’est pas calculé systématiquement en pratique clinique, même si certains centres utilisent l’index d’Harvey et Bradshaw qui est bien corrélé au CDAI. Par ailleurs, cette définition ne prend pas en compte le fait qu’une maladie sévère peut être définie par une évolution sévère au cours du temps et que, dans ce cas, il faut également prendre en compte les facteurs de mauvais pronostic (tels qu’un âge jeune au diagnostic ou des lésions endoscopiques sévères) comme cela est le cas dans le consensus européen ECCO [1] (cf. prochain chapitre). Enfin, il est désormais clairement établi que, pour évaluer l’activité de la maladie de Crohn, il ne faut plus se baser uniquement sur les symptômes (qui représentent une part très importante du CDAI et qui sont par définition très subjectifs) mais également prendre en compte des signes objectifs d’inflammation tels que la protéine-C réactive, la calprotectine fécale, l’activité observée sur l’imagerie en coupes (IRM principalement) et/ou l’activité endoscopique. En effet, -environ un patient sur deux avec une maladie de Crohn a des ulcérations muqueuses endoscopiques sans syndrome inflammatoire biologique [2]. Définir une maladie de Crohn sévère repose donc sur un faisceau d’arguments (activité clinique, signes objectifs d’inflammation et critères pronostiques).

Concernant la RCH, la situation est différente, une maladie active, modérée à sévère était définie par un score Mayo entre 6 et 12 avec un sous-score endoscopique supérieur ou égal à 2 dans les essais randomisés contre placebo testant l’efficacité des anti-TNF. Étant donné que l’objectif thérapeutique dans la RCH en 2014 est une rémission clinique et endoscopique [3] et que tout patient débutant un traitement par anti-TNF doit avoir une évaluation endoscopique initiale, on peut considérer que les critères d’inclusion utilisés dans les essais sur les anti-TNF dans la RCH sont transposables à notre pratique clinique et reflètent la vraie vie.

Qu’est-ce qu’une réponse non adéquate à un traitement conventionnel (corticoïdes, immunosuppresseurs) ?

Trois paramètres doivent être pris en compte pour définir l’échec d’un traitement conventionnel : la dose et la durée du traitement ainsi que l’objectif thérapeutique que l’on s’est fixé lors de l’initiation du traitement. Pour les -corticoïdes, leur efficacité doit être jugée entre 2 et 4 semaines [4]. Habituellement, l’absence de réponse clinique après deux semaines de traitement est suffisante pour définir l’échec dans la maladie de Crohn et le traitement par corticoïdes systémiques peut être interrompu. Dans la RCH, une durée de traitement de 5 à 7 jours, particulièrement en cas de poussée sévère, est suffisante pour définir l’échec de la corticothérapie. Une dose de 40 mg de prednisone par jour quel que soit le poids du patient (même si chez le patient obèse, une dose de 60 mg/j est souvent utilisée) est recommandée en pratique clinique. Il est inutile voire dangereux de poursuivre une corticothérapie systémique au-delà de 4 semaines à cette dose. Pour les thiopurines, il est important de rappeler ici qu’il existe une efficacité dose-dépendante. La dose recommandée est de 2,5 mg/kg/j pour l’azathioprine et de 1,5 mg/kg/j pour la 6-mercaptopurine. Si la posologie utilisée est inférieure à ces recommandations, on ne peut pas parler d’échec des thiopurines [4]. Concernant la durée des thiopurines nécessaire avant d’observer une efficacité maximale, celle-ci s’est raccourcie au fil des années. Alors que traditionnellement une durée de 6 à 12 mois était considérée comme la règle, les données provenant des études les plus récentes et les données pharmacocinétiques indiquent qu’une durée de 3 mois est probablement suffisante. En pratique clinique, une durée de 3 à 6 mois est jugée suffisante avant de parler d’échec thérapeutique [4]. Concernant le méthotrexate, une dose de 25 mg par semaine pendant 16 semaines en traitement d’attaque, avec par la suite une dose de 15 mg par semaine jusqu’à la semaine 40 étaient utilisées dans les deux essais cliniques contre placebo qui ont démontré l’efficacité de cette molécule dans la maladie de Crohn. La voie intra-musculaire qui était utilisée dans ces deux essais cliniques est le plus souvent remplacée par la voie sous-cutanée profonde en pratique clinique. Comme pour les thiopurines, une durée de traitement de 3 mois minimum et de 6 mois maximum est nécessaire avant de pouvoir parler d’échec thérapeutique [4].

Quels sont les objectifs thérapeutiques actuels dans les MICI ?

Dans la maladie de Crohn, comme discuté plus haut, il existe une dissociation entre les symptômes et les lésions endoscopiques. Plusieurs études ont démontré qu’une cicatrisation muqueuse était associée à une meilleure évolution (moindre recours à la chirurgie et aux hospitalisations, taux de rechutes plus bas etc.) [5]. Comme pour la RCH, l’obtention et le maintien d’une cicatrisation muqueuse endoscopique représentent donc un objectif thérapeutique majeur dans les MICI en 2014 [5, 6]. Même si la définition de la rémission endoscopique continue d’alimenter les débats et qu’il n’existe toujours pas d’études d’intervention montrant qu’une stratégie thérapeutique basée sur le traitement des symptômes était moins efficace qu’une approche visant à cicatriser la muqueuse, on peut estimer qu’à l’heure actuelle la présence de lésions endoscopiques sévères (ulcères larges et profonds pour la maladie de Crohn et sous-score endoscopique de la MAYO > 1 pour la RCH) chez un patient avec une MICI doit faire considérer une escalade thérapeutique et donc les anti-TNF si le patient est déjà sous immunosuppresseurs. C’est ce que l’on appelle une escalade thérapeutique rapide.

 Indications des anti-TNF selon ECCO

Maladie de Crohn [1]

La mise à jour du consensus ECCO pour la maladie de Crohn s’est achevée fin 2013 mais la publication ne sera disponible que courant 2014 ; si elle est publiée in extenso avant les JFHOD 2014, les résultats seront alors présentés à cette occasion. En attendant, la dernière mise à jour disponible du consensus ECCO publiée en 2010 préconisait déjà une utilisation plus large et plus précoce des anti-TNF. C’est ainsi que les experts recommandaient de considérer les anti-TNF en cas de maladie cortico-résistante ou cortico-dépendante et d’intolérance à la corticothérapie. La nouveauté par rapport au libellé de l’AMM est principalement la possibilité de débuter un anti-TNF en cas de cortico-dépendance. Ceci s’explique par le fait que les anti-TNF ont une efficacité en traitement d’attaque et d’entretien dans les MICI et que, dans certaines de ces situations (signes d’imprégnation cortisonique, complications cortico-induites, maladie sévère et/ou invalidante), il n’est pas possible d’attendre 3 mois l’efficacité d’un immunosuppresseur (thiopurines ou méthotrexate). Une introduction précoce des anti-TNF doit également être discutée en cas de facteurs de mauvais pronostic (atteinte digestive haute, âge jeune au diagnostic, atteinte étendue du grêle, atteinte ano-périnéale, tabagisme actif, ulcérations coliques creusantes, etc.). Le fait que le consensus ECCO propose de débuter par une thiopurine en cas de fistule ano-périnéale est plus surprenant car le niveau de preuves est faible et les anti-TNF sont depuis plusieurs années la pierre angulaire du traitement de ces patients.

Rectocolite hémorragique [3]

Le consensus ECCO a été mis à jour et publié en 2012. Il y a très peu de modifications par rapport à la version de 2008. Les indications des anti-TNF restent classiques : maladie cortico-résistante ou échec des thiopurines. En cas de cortico-dépendance, il faut systématiquement passer par la case « thiopurines » avant de discuter les anti-TNF. Une modification n’a pu être effectuée lors de cette mise à jour, elle concerne la colite aiguë grave ; en effet, les résultats de l’essai CYSIF du GETAID ne montrant pas de différence entre la ciclosporine et l’infliximab ont été publiés après la dernière réunion du consensus. Progressivement, l’infliximab a remplacé la ciclosporine dans cette indication en raison de la maniabilité et du profil de tolérance plus en faveur de l’infliximab.

 Indications des anti-TNF en 2014 : de la théorie à la pratique

Le libellé des AMM et les recommandations des sociétés savantes sont utiles lorsque l’on veut pratiquer une médecine uniquement fondée sur les preuves mais ceci n’est malheureusement pas toujours le cas en pratique clinique puisque seul un tiers des patients inclus dans les essais cliniques randomisés ayant conduit à l’AMM des anti-TNF dans les MICI reflètent la vraie vie.

Ne débuter un anti-TNF qu’en présence de signes objectifs d’inflammation

Un des éléments importants à prendre en compte lorsque l’on débute un traitement anti-TNF pour un patient avec une MICI est la nécessité de réaliser une endoscopie avant la première perfusion ou injection d’anti-TNF. En effet, un des enseignements tirés de l’essai SONIC est le fait que l’infliximab est inefficace en l’absence de lésions endoscopiques [7]. On s’en serait douté mais encore fallait-il le démontrer ! En résumé, il faut que le patient avec une maladie de Crohn ou une RCH ait des signes inflammatoires objectifs et pas seulement des symptômes avant d’instaurer au traitement anti-TNF.

Le traitement précoce de la maladie de Crohn par l’azathioprine est-il efficace ?

La place des anti-TNF dans la maladie de Crohn précoce pourrait changer grandement avec la publication des résultats de deux essais contrôlés qui ont comparé une introduction systématique de l’azathioprine chez des patients avec une maladie de Crohn nouvellement diagnostiquée, les essais AZTEC (essai multicentrique espagnol) et RAPID (essai du GETAID) [8, 9]. De ces deux essais, on peut retenir que globalement, il n’y a pas d’intérêt à introduire systématiquement de l’azathioprine chez les patients avec une maladie de diagnostic récent puisqu’une attitude attentiste reposant sur une escalade thérapeutique progressive donne les mêmes résultats. Le pourcentage de trimestres passés en rémission clinique sans corticoïdes et sans anti-TNF pendant les 3 ans suivant l’inclusion dans l’essai (objectif principal de l’essai RAPID) et les taux de rémission sans corticoïdes pendant les 76 semaines suivant l’inclusion dans l’essai (objectif principal de l’essai AZTEC) ne différaient pas entre les deux bras. Les résultats de ces deux essais ne doivent pas être mal interprétés. Globalement, ils permettent de revoir à la baisse l’efficacité de l’azathioprine dans un contexte où les effets secondaires des thiopurines mis en avant dans l’étude CESAME (risques de lymphome, de cancers cutanés non mélanocytaires, de syndromes myéloprolifératifs etc.) doivent également être pris en compte lorsque l’on souhaite débuter un traitement par thiopurine. Par ailleurs, plusieurs études dont la Nancy IBD cohort ont montré que la prescription précoce d’azathioprine était associée à un moindre recours à la chirurgie dans la maladie de Crohn. Quelles sont les raisons qui pourraient expliquer les résultats négatifs de ces deux essais ? Premièrement, l’absence de facteurs de mauvais pronostic validés qui auraient pu être pris comme critères d’inclusion pose un réel problème dans l’interprétation de ces résultats. Par exemple, on sait depuis longtemps que 10 à 20 % des patients avec une maladie de Crohn vont avoir une évolution bénigne, avec une maladie quiescente en l’absence de traitement. Malheureusement, aucun facteur de mauvais pronostic n’est actuellement assez discriminant pour identifier les patients avec une évolution péjorative. Ceci est particulièrement net dans l’étude AZTEC où 30 % des patients à l’inclusion avaient une maladie inactive sans corticoïdes et où 43 % des patients du groupe placebo sont en rémission sans corticoïdes à un an. Enfin, ces études ont utilisé les symptômes pour définir une rémission alors que l’évolution des lésions endoscopiques aurait permis de fournir des données plus précises sur la réelle efficacité de l’azathioprine dans ce contexte. Enfin, deux essais cliniques randomisés ont comparé directement l’azathioprine à l’infliximab, l’essai SONIC dans la maladie de Crohn et l’essai SUCCESS dans la RCH [7, 10]. Lorsque l’on prend en compte les résultats en termes de cicatrisation muqueuse, une stratégie incluant un anti-TNF est toujours significativement supérieure à l’azathioprine.

Est-ce pour autant la fin de l’azathioprine dans les MICI ? Certains commencent à le penser et cette question sera au cœur des débats en 2014. Rendez-vous fin 2014 pour faire le point sur les nouvelles recommandations ECCO !

Y a-t-il une place pour les thiopurines dans les fistules ano-périnéales de la maladie de Crohn ?

D’après ECCO et plusieurs sociétés savantes, un traitement par thiopurine doit (ou peut) être tenté chez les patients avec une fistule ano-périnéale compliquant une maladie de Crohn alors que le niveau de preuve reste faible (analyse de sous-groupe d’une méta-analyse et d’un essai contrôlé avec la 6-mercaptopurine ayant inclus un faible nombre de patients [11, 12]). Ces recommandations paraissent d’autant plus surprenantes que cette atteinte a un impact pronostique majeur, que le pronostic fonctionnel est en jeu (risque d’incontinence anale) et qu’elle altère fortement la qualité de vie des patients. Un traitement par thiopurine est en fait encore utilisé en première ligne dans certains pays pour des raisons de coût. En France, l’immense majorité des fistules ano-périnéales sont traitées par anti-TNF, ceci reposant sur des données robustes provenant de deux essais cliniques randomisés avec l’infliximab, les essais de Present et al. et ACCENT 2 [13, 14].

Place des anti-TNF dans les MICI en 2014 : proposition d’algorithmes de traitement

Récemment, deux algorithmes ont été proposés dans la maladie de Crohn et la RCH prenant en compte le libellé des AMM, les recommandations émanant des sociétés savantes mais aussi l’expérience clinique des auteurs puisque les données des essais cliniques ne permettent pas de couvrir toutes les situations que nous rencontrons en pratique clinique.

Maladie de Crohn (Fig. 1) [15]

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Figure 1. Proposition d’un algorithme de traitement de la maladie de Crohn
(d’après Peyrin-Biroulet et al. [5])

Les anti-TNF (infliximab, adalimumab) doivent être débutés en cas de maladie de Crohn modérée, sans facteurs de mauvais pronostic, sans destruction de la paroi intestinale, après échec des immunosupresseurs (thiopurines ou méthotrexate). En cas de maladie sévère (lésions endoscopiques profondes etc.), de fistule ou abcès ano-périnéal, de facteurs de mauvais pronostic et/ou de destruction de la paroi intestinale (fistules, abcès et/ou sténoses), les anti-TNF sont recommandés en première ligne.

Rectocolite hémorragique (Fig. 2) [6]

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Figure 2. Proposition d’un algorithme de traitement de la RCH
(d’après Danese et al. [6])

En cas de RCH cortico-résistante, il y a une indication formelle à débuter un anti-TNF. En cas d’échec d’un traitement pas aminosalicylés bien conduit (qui reste le traitement de référence des formes légères à modérées), il faut passer par les corticoïdes et les thiopurines. Le débat à l’heure actuelle concerne la RCH cortico-dépendante. Les thiopurines ont un long délai d’action. En cas de signes d’hypercorticisme, de maladie invalidante et/ou de forme sévère, il n’est pas possible -d’attendre l’efficacité des thiopurines et un traitement par anti-TNF est de plus en plus souvent débuté dans cette situation.

 Indications des anti-TNF pour les manifestations extra-intestinales

Les MICI sont des maladies systémiques et les atteintes extra-intestinales sont fréquentes. Elles concernent ou concerneront environ un tiers des patients avec une MICI. Ces manifestations extra-intestinales représentent donc une nouvelle indication des anti-TNF pour lesquelles il n’existe le plus souvent pas d’essai contrôlé. Malheureusement, le niveau de preuve est généralement assez faible et repose sur des observations cliniques isolées ou de petites séries de patients. Il faut donc agir au cas par cas. Concernant les « arthrites » associées aux MICI, une prise en charge par un rhumatologue est recommandée sachant que la règle à respecter est la prescription d’un anti-TNF qui sera efficace à la fois sur l’atteinte digestive et rhumatologique comme le sont l’infliximab, l’adalimumab et le golimumab.

Les anti-TNF peuvent notamment être efficaces sur les complications ophtalmologiques (uvéite, kératite, etc.) et cutanées (pyoderma gangrenosum, érythème noueux, etc.). Le pyoderma gangrenosum est probablement la manifestation extra-intestinale pour laquelle nous disposons le plus de données puisqu’il s’agit d’une localisation invalidante pour le patient. Un essai randomisé contre placebo ayant inclus 30 patients avec un pyoderma gangrenosum qui était associé à une MICI chez 19 d’entre eux [16]. À deux semaines, le taux de réponse était de 46 % après une perfusion d’infliximab contre seulement 6 % dans le groupe placebo. À partir de la semaine 2, un traitement par infliximab était proposé à tous les patients. Une cicatrisation complète des lésions était observée chez 21 % des patients sous infliximab à la semaine 6. La présence ou non d’une MICI n’influençait pas les résultats. Dans une revue de la littérature publiée récemment ayant repris les données de 36 patients traités par infliximab et/ou adalimumab pour un pyoderma gangrenosum compliquant une MICI, le taux de réponse clinique était de 92 % (33/36) [17]. Alors que les anti-TNF étaient jusqu’ici recommandés en cas d’échec des corticoïdes et/ou de la ciclosporine, étant donné leur profil d’efficacité et de tolérance, ils sont désormais le plus souvent utilisés en première ligne chez ces patients.

Un grand essai ouvert multicentrique ayant inclus 945 patients avec une maladie de Crohn active traitée par adalimumab a démontré que parmi les 497 patients avec une ou plusieurs manifestations extra-intestinales, la disparition d’au moins une manifestation extra-intestinale était notée dans 79 % des cas et une disparition complète de l’ensemble des manifestations extra-intestinales dans un cas sur deux [18]. L’ensemble de ces données met en avant la place grandissante des anti-TNF dans le traitement des manifestations extra-intestinales associées aux MICI.

 Références

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  2. Peyrin-Biroulet L, Reinisch W, Colombel JF, Mantzaris GJ, Kornbluth A, Diamond R, Rutgeerts P, Tang LK, Cornillie FJ, Sandborn WJ. Clinical disease activity, C-reactive protein normalisation and mucosal healing in Crohn’s disease in the SONIC trial. Gut 2014;63:88-95.
  3. Dignass A, Lindsay JO, Sturm A, Windsor A, Colombel JF, Allez M, D’Haens G, D’Hoore A, Mantzaris G, Novacek G, Oresland T, Reinisch W, Sans M, Stange E, Vermeire S, Travis S, Van Assche G. Second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of ulcerative colitis part 2: current management. J Crohns Colitis 2012;6:991-1030.
  4. Papay P, Ignjatovic A, Karmiris K, Amarante H, Milheller P, Feagan B, D’Haens G, Marteau P, Reinisch W, Sturm A, Steinwurz F, Egan L, Panés J, Louis E, Colombel JF, Panaccione R. Optimising monitoring in the management of Crohn’s disease: a physician’s perspective. J Crohns Colitis 2013;7:653-69.
  5. Peyrin-Biroulet L, Ferrante M, Magro F, Campbell S, Franchimont D, Fidder H, Strid H, Ardizzone S, Veereman-Wauters G, Chevaux JB, Allez M, Danese S, Sturm A; Scientific Committee of the European Crohn’s and Colitis Organization. Results from the 2nd Scientific Workshop of the ECCO. I: Impact of mucosal healing on the course of inflammatory bowel disease. J Crohns Colitis 2011;5:477-83.
  6. Danese S, Colombel JF, Peyrin-Biroulet L, Rutgeerts P, Reinisch W. Review article: the role of anti-TNF in the management of ulcerative colitis – past, present and future. Aliment Pharmacol Ther 2013;37:855-66.
  7. Colombel JF, Sandborn WJ, Reinisch W, Mantzaris GJ, Kornbluth A, Rachmilewitz D, Lichtiger S, D’Haens G, Diamond RH, Broussard DL, Tang KL, van der Woude CJ, Rutgeerts P; SONIC Study Group. Infliximab, azathioprine, or combination therapy for Crohn’s disease. N Engl J Med 2010;362: 1383-95.
  8. Cosnes J, Bourrier A, Laharie D, Nahon S, Bouhnik Y, Carbonnel F, Allez M, Dupas JL, Reimund JM, Savoye G, Jouet P, Moreau J, Mary JY, Colombel JF; Groupe d’Étude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube Digestif (GETAID). Early administration of azathioprine vs conventional management of Crohn’s Disease: a randomized controlled trial. Gastroenterology 2013;14: 758-65.
  9. Panés J, López-Sanromán A, Bermejo F, García-Sánchez V, Esteve M, Torres Y, Domènech E, Piqueras M, Gomez-García M, Gutiérrez A, Taxonera C, Sans M; AZTEC Study Group. Early azathioprine therapy is no more effective than placebo for newly diagnosed Crohn’s disease. Gastroenterology 2013;145:766-74.
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