Pourquoi et comment caractériser les polypes colorectaux ?

Objectifs pédagogiques

  • Pourquoi et comment caractériser les polypes colorectaux ?
  • Savoir justifier l’intérêt de la caractérisation des polypes colorectaux et en connaître les limites
  • Connaître la meilleure méthode de caractérisation des polypes colorectaux
  • Savoir distinguer un polype hyperplasique d’un polype adénomateux
  • Connaître les caractéristiques endoscopiques d’une lésion festonnée ¬sessile

La caractérisation des polypes colorectaux repose sur l’analyse de leur structure de surface et de leur vascularisation. Les outils techniques dont nous disposons aujourd’hui permettent une visualisation fine des reliefs superficiels et des vaisseaux sanguins sous-jacents. Les auteurs japonais ont établi au cours des années 2000 une sémiologie nouvelle, basée sur la description des cryptes glandulaires et la morphologie des vaisseaux sous-muqueux. Ces techniques restent pourtant sous-­utilisées dans les pays occidentaux. Chronophages, elles demandent un apprentissage minutieux. Leur profusion a pu également induire une confusion dans leurs indications respectives. Elles sont pourtant souvent complémentaires : chromoendoscopie, colorations électroniques, endomicroscopie confocale, endocytoscopie nous montrent la paroi digestive et ses anomalies sous des aspects différents. Parallèlement aux progrès diagnostiques, l’endoscopie thérapeutique a évolué. Si tous les polypes doivent être réséqués, ils peuvent l’être selon des modalités différentes, de l’anse froide à la dissection sous-muqueuse. Chaque technique représente un compromis entre le degré d’exigence thérapeutique et la complexité de la procédure, son coût, son risque de complication. La caractérisation endoscopique des polypes colorectaux permet d’adapter immédiatement la réponse thérapeutique aux problèmes posés par leur dépistage.

Pourquoi caractériser les polypes colorectaux ?

La possibilité de laisser en place les petits polypes distaux d’aspect bénin ou de les réséquer sans demander d’analyse anatomopathologique est débattue dans la littérature anglo-saxonne [1]. Cette attitude nécessite cependant une caractérisation optique fiable avec une valeur prédictive ­négative pour le diagnostic d’adénome supérieure à 90 %. Elle est recommandée par l’ASGE pour les polypes recto-sigmoïdiens de moins de 5 mm [2].

Les polypes les plus volumineux posent des problèmes différents. La plupart d’entre eux peut être réséquée par mucosectomie, au prix d’un fractionnement de la pièce opératoire pour les lésions de plus de 20 mm. La dissection sous-muqueuse (ESD) permet d’obtenir un taux plus important de résections en bloc, avec analyse anatomopathologique d’une pièce intacte statuant sur le caractère complet (R0) de l’exérèse endoscopique [3]. Néanmoins, la pratique de l’ESD reste limitée dans les pays occidentaux du fait de ses difficultés techniques et d’apprentissage, de son coût et d’un taux plus élevé de complications [4]. Le choix entre mucosectomie et ESD dépend du risque de dégénérescence focale de la lésion et repose donc sur sa caractérisation pré-thérapeutique.

Comment caractériser les polypes colorectaux ?

La caractérisation endoscopique des polypes colorectaux repose en grande partie sur l’analyse de la morphologie de leurs cryptes glandulaires superficielles. La classification de Kudo comporte 5 types principaux et permet de prédire la nature histologique de ces lésions [5]. D’autres critères macroscopiques doivent également être pris en compte, notamment la morphologie globale de ces polypes et leur vascularisation.

La chromoendoscopie, réalisée le plus souvent à l’indigo-carmin, permet d’accentuer les reliefs de surface et d’améliorer leur visualisation. Avec des endoscopes de haute définition, cette technique permet de distinguer les polypes néoplasiques des lésions non-néoplasiques avec une précision diagnostique de l’ordre de 87 à 92 % [6]. Ces chiffres sont proches de 100 % lorsque la chromoendoscopie est couplée à l’utilisation d’un zoom optique.

Les systèmes de coloration virtuelle permettent de sélectionner au sein de la lumière blanche les bandes spectrales les plus pertinentes pour l’analyse de la surface muqueuse et de la vascularisation sous-jacente. Cette sélection s’opère par voie optique pour le NBI, par traitement électronique de l’image pour le FICE et le i-Scan. Dans des mains entraînées, les performances du NBI sont proches ou supérieures à celles de la chromoendoscopie [8]. Le principal intérêt de la coloration virtuelle est sa facilité d’emploi.

Certaines techniques comme l’endomicroscopie confocale ou l’endocytoscopie permettent aujourd’hui d’obtenir des images histologiques in vivo. Leur développement dans cette indication reste néanmoins freiné par leur coût et la difficulté de leur mise en œuvre.

Références

  1. Hassan C, Repici A, Zullo A, Kanakadandi V, Sharma P. Colonic polyps: are we ready to resect and discard? Gastroinest Endosc Clin N Am 2013;23:663-78.
  2. Rex DK, Kahi C, O’Brien M, Levin TR, Pohl H, Rastogi A, et al. The American Society for Gastrointestinal Endoscopy PIVI (Preservation and Incorporation of Valuable Endoscopic Innovations) on real-time endoscopic assessment of the histology of diminutive colorectal polyps. Gastrointest Endosc 2011;73:419-22.
  3. Niimi K, Fujishiro M, Kodashima S, Goto O, Ono S, Hirano K, et al. Long-term outcomes of endoscopic submucosal dissection for colorectal epithelial neoplasms. Endoscopy 2010;42:723–9.
  4. Rahmi G, Hotayt B, Chaussade S, Lepilliez V, Giovannini M, Coumaros D, et al. Endoscopic submucosal dissection for superficial rectal tumors: prospective evaluation in France. Endoscopy 2014;46:670-6.
  5. Kudo S, Rubio CA, Teixeira CR, Kashida H, Kogure E. Pit pattern in colorectal neoplasia: endoscopic magnifying view. Endoscopy 2001;33:367-73.
  6. Eisen GM, Kim CY, Fleischer DE, Kozarek RA, Carr-Locke DL, Li TC, et al. High-resolution chromoendoscopy for classifying colonic polyps: a multicenter study. Gastrointest Endosc 2002;55:687-94.
  7. Matsuda T, Fujii T, Saito Y, Nakajima T, Uraoka T, Kobayashi N, et al. Efficacy of the invasive/non-invasive pattern by magnifying chromoendoscopy to estimate the depth of invasion of early colorectal neoplasms. Am J Gastroenterol 2008;103:2700-6.
  8. Repici A, Hassan C, Radaelli F, Occhipinti P, De Angelis C, Romeo F, et al. Accuracy of narrow-band imaging in predicting colonoscopy surveillance intervals and histology of distal diminutive polyps: results from a multicenter, prospective trial. Gastrointest Endosc 2013;78:106-14.

Les Cinq points forts

  1. La caractérisation endoscopique des polypes permet le plus souvent de distinguer les polypes hyperplasiques des polypes adénomateux ou festonnés, les néoplasies superficielles des cancers invasifs.
  2. Elle permet de déterminer la nature du geste endoscopique ou chirurgical indiqué dans chacune de ces situations.
  3. La chromoendoscopie à l’indigo-carmin permet de distinguer les lésions néoplasiques des polypes non-néoplasiques avec une précision diagnostique de l’ordre de 90 %.
  4. Les colorations électroniques pourraient constituer une alternative à la chromoendoscopie.
  5. La caractérisation des polypes festonnés reste très difficile. Même lorsque leur aspect est rassurant, tous les polypes proximaux doivent être réséqués de manière optimale.