Suivi après chirurgie bariatrique

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les différents types de chirurgie bariatrique
  • Quelles sont leurs complications digestives hépatobiliaires précoces et tardives, ainsi que leurs conséquences nutritionnelles ?
  • Quel est le rôle respectif de l’hépatogastro-entérologue, du nutritionniste et du chirurgien dans la prise en charge de ces patients ?

Introduction

Les complications de l’obésité morbide justifient le recours à la chirurgie bariatrique lorsque les techniques d’amaigrissement usuelles sont en échec. Un observatoire suivant 1 035 obèses opérés, appariés à 5 746 obèses non opérés, a permis de montrer que chez un obèse opéré, la mortalité passe de 6,17 % à 0,68 % [1], il y a donc un réel bénéfice à la chirurgie bariatrique. Les techniques sont soit restrictives pures, soit associées à une dérivation pour réduire l’absorption des aliments. Les 3 interventions les plus pratiquées en France sont l’anneau gastrique, la sleeve gastrectomie et le bypass. Les autres interventions : gastroplastie verticale calibrée, la dérivation bilio-pancréatique avec duodénal switch sont très rarement pratiquées en France. Le choix de l’intervention dépend de l’origine de l’obésité et des objectifs à atteindre. L’efficacité est croissante entre l’anneau gastrique, technique restrictive pure, puis la sleeve gastrectomie et le bypass, avec des complications, elles aussi croissantes. La décision est prise en concertation pluridisciplinaire car elle requiert la connaissance du comportement alimentaire, de l’état nutritionnel et des comorbidités du patient obèse.

Ces complications sont d’ordre chirurgical, nutritionnel, esthétique et psychologique. Il faut savoir les prévenir car elles sont potentiellement graves si non prises en charge et c’est la qualité du suivi qui permet de les limiter.

Les différents types de chirurgie bariatrique

L’anneau gastrique

Cette technique a longtemps été la plus utilisée en France car sans doute la plus simple des chirurgies bariatriques, praticable sous laparoscopie, avec un faible taux de complications, une mortalité de 0,1 % à 30 jours [2] et un taux de réintervention de 13 à 15 % depuis la technique pars flaccida [2]. On place un anneau gastrique ajustable sous la jonction œsogastrique réalisant un réservoir qui ralentit le passage des aliments vers l’estomac à la manière d’un sablier. L’anneau est ajusté grâce à un boîtier sous-cutané dans lequel on injecte du sérum physiologique pour le gonflement de l’anneau.

Les complications précoces de l’anneau sont : 6 % d’occlusion gastrique aiguë [3], infection de l’anneau ou du boîtier. Les complications tardives sont plus fréquentes : 7 % d’érosion sur l’anneau [4] en moyenne 22 mois postopératoire, mais cette complication est réduite par les techniques de pose pars flaccida ; 2 à 4 % de migration de l’anneau le long de l’estomac ou appelé slippage [5], 10 % de dilatation de l’estomac et/ou du réservoir [6], en général secondaire à des erreurs diététiques et à la persistance de compulsions. La dilatation du réservoir est source d’une reprise pondérale, mais elle peut aussi aller jusqu’à l’achalasie secondaire pour l’œsophage. Le slippage, par augmentation du réservoir, peut mimer une dilatation du réservoir ; 0,4 à 1,7 % de dysfonction du boîtier [5]. Enfin, l’œsophagite et le RGO sont parfois invalidants même sous IPP, ils s’améliorent avec le desserrage de l’anneau, mais requièrent parfois l’ablation de celui-ci.

La principale complication à long terme de l’anneau est la reprise pondérale par adaptation ou dilatation de la poche gastrique. Puisqu’à long terme, seul un quart des patients conservera une perte de poids alors que 53 % seront réopérés pour un bypass [7].

La sleeve gastrectomie

Il s’agit d’une résection du fundus et de la grosse tubérosité, réduisant la cavité gastrique qui devient tubulisée. Cette intervention préserve l’antre et donc la vidange gastrique. Uniquement restrictive, il semble qu’elle réduise aussi la sécrétion de ghréline améliorant la satiété. Son effet est particulièrement marqué sur le métabolisme glucidique. Cette intervention est réalisée le plus souvent sous laparoscopie.

La morbidité est de 9,4 % et sa mortalité de 0,3 % [8] donc un peu plus importante que pour l’anneau gastrique. La principale complication est la fistule ou le lâchage de la ligne d’agrafe, ce risque s’accroît en cas de réintervention après un échec d’anneau par exemple. La fistule est soit précoce, avant J7, mais peut aussi être tardive. Parfois asymptomatique, elle peut aussi être mortelle en raison d’une péritonite secondaire. Son diagnostic n’est pas aisé, car le TOGD comme l’endoscopie peuvent ne pas la repérer. Le ­traitement est soit chirurgical soit conservateur, il est basé sur un drainage dirigé percutané ou digestif, une dérivation digestive (jéjunostomie) ou nutrition parentérale. Le traitement endoscopique a pour objectif de fermer l’orifice endocavitaire de la fistule mais ne s’affranchit pas d’un drainage associé de la collection, on utilise une ­prothèse couverte, ou les clips avec quelques essais de colles pour les trajets borgnes. Les autres complications sont les hémorragies sur la ligne d’agrafage, la sténose gastrique, le RGO et la dilatation du tube gastrique.

Le bypass

C’est une procédure restrictive avec section, agrafage de la partie supérieure de l’estomac qui est anastomosée à une anse en Y de l’intestin grêle, ce qui ajoute une malabsorption par dérivation de 70 cm à 2 m de grêle. Sa mortalité est inférieure à 1 % et la ­morbidité aux environs de 20 % [9]. L’embolie pulmonaire est surtout secondaire à l’importance de l’obésité, mais elle est la complication la plus fréquente. Comme pour la sleeve gastrectomie, il y a un risque de fistule, d’ulcère, de sténose de l’anastomose gastrojéjunale dont le traitement repose sur les mêmes principes. Le bypass réduit l’absorption des aliments exposant au risque d’hypoglycémie, de dumping syndrome et à moyen et long terme de carences.

Quelle chirurgie, pour quel patient ?

L’indication de la chirurgie bariatrique est pour l’HAS basée sur l’IMC (indice de masse corporelle), il doit être supérieur soit à 40, soit à 35 kg/m2 avec complications de l’obésité (HTA, arthrose, diabète, dépression, hyperlipidémie, troubles cardiovasculaires, troubles respiratoires). La vérité est sans doute plus complexe car nous devons tenir compte de l’origine de l’obésité, du trouble de l’alimentation en cause, des motivations du patient, de son environnement et de son état psychologique. Une obésité secondaire à des prises alimentaires fréquentes en forte concentration calorique (beaucoup de calories dans peu de volume), riche en glucose responsable d’hyperinsulinisme mettra en échec une technique purement restrictive. Le patient doit aussi faire partie intégrante du choix chirurgical car, pour rester sur le même exemple, le bypass, qui est la meilleure option de notre patient « glucose addict », obligera à une forte réduction de l’apport en sucres en raison du dumping syndrome secondaire. Aujourd’hui, les équipes spécialisées dans la chirurgie bariatrique maîtrisent les différentes techniques et tentent de proposer la meilleure intervention en tenant compte de tous ces éléments ; la décision devant être pluridisciplinaire entre le nutritionniste, le chirurgien, le psychiatre. Le gastroentérologue est souvent absent de ces réunions de concertation, même si le suivi digestif est indispensable. À ce stade, le gastro­entérologue n’est consulté que pour la gastroscopie indispensable en préopératoire pour rechercher une éventuelle infection à Helicobacter Pylori, des lésions précancéreuses (métaplasie dysplasique…) qui rendraient risquée la création d’un estomac borgne inaccessible après bypass, une volumineuse hernie hiatale contre-indiquant l’anneau gastrique… Le compte rendu de gastroscopie préopératoire doit donc être rédigé avec tous ces détails qui vont orienter le choix de l’intervention. La recherche d’une stéatopathie fibrosante par des tests non invasifs devrait être encouragée afin d’assurer un suivi ultérieur en cas de fibrose sévère.

Le gastroentérologue est aussi souvent sollicité en cas de complication ­postopératoire lorsqu’elle est accessible au traitement endoscopique : fistule, drainage endodigestif de collection…

Suivre un patient après chirurgie bariatrique

Une méta-analyse portant sur 136 études et au total 22 094 patients [2] a montré une efficacité globale des chirurgies bariatriques sur la dyslipidémie, l’HTA, le diabète, l’apnée du sommeil grâce à la perte de poids, la réduction du flux biliaire, mais aussi la modification des hormones digestives et du microbiote (baisse des firmicutes, des bifidobactéries et augmentation des bactéroïdes, Alistepes et E. Coli) [11].

Le suivi est à vie en raison du risque de complications tardives et parce que l’obésité est une maladie chronique. Ce suivi est fréquent au début puis bi­annuel chez un patient informé des conséquences en cas de non suivi. Au-delà du suivi précoce décrit plus haut avec recherche des complications digestives à court terme, il faut prévenir les carences et accompagner l’amaigrissement pour qu’il soit harmonieux et bien vécu. La cinétique de la perte de poids doit s’accompagner de la prévention de la perte musculaire et des carences vitaminiques dont les conséquences neurologiques peuvent être irréversibles. On dosera à 3 mois, 6 mois et chaque année : albumine, pré-albumine, hémoglobine, ferritine et coefficient de saturation en fer de la transferrine, calcémie, vitamine D, PTH, vitamine A, B1, B9, B12, zinc, et sélénium. Pour limiter la perte de masse maigre, il faut maintenir l’apport protidique, couplé à l’activité physique. La correction des comorbidités, lorsqu’elles existent, doivent être vérifiées : HTA, diabète, dyslipidémie, NASH et les traitements médicamenteux adaptés. D’autres médicaments peuvent avoir à être modifiés en raison des troubles de l’absorption : AVK, hormones thyroïdiennes, anti-épileptiques… Après chirurgie malabsorptive, il faut prévenir la lithiase biliaire par 600 mg/j d’acide ursodesoxycholique, sauf en cas de cholécystectomie.

Le suivi psychiatrique est préconisé par l’HAS en cas de pathologie psychiatrique ou de trouble du comportement alimentaire en préopératoire. Mais le recours à un avis psychiatrique doit être proposé car la perte de poids peut avoir un fort retentissement social ou familial, de même que les modifications des habitudes alimentaires ; il faut aussi que le patient se réapproprie son corps.

Les complications digestives tardives seront recherchées à chaque consultation : douleurs, vomissements et ­dysphagie en sont des signes d’alarme qui doivent conduire à un avis chirurgical.

Rôle respectif de l’hépato-gastro-entérologue, du nutritionniste et du chirurgien dans la prise en charge de ces patients

Plus la prise en charge est pluridisciplinaire, meilleur est le résultat. Mais nous sommes toujours confrontés chez l’obèse aux défauts de compliance. Les conséquences de la perte de vue sont dramatiques avec des neuropathies irréversibles secondaires aux carences, tout doit être mis en œuvre pour assurer le suivi médical. Les enjeux doivent être exposés en préopératoire, mais un moyen est aussi de limiter le nombre de consultations ou de déplacements (intérêt des centres spécialisés). Le patient doit pouvoir disposer de son dossier pour que sa prise en charge reste optimale en cas de déménagement ou de changement de vie. En pratique, en postopératoire le suivi chirurgical est indispensable à la recherche de complications mécaniques, mais à distance, on peut confier ce suivi à un médecin qualifié en nutrition et bien au fait de la particularité digestive qu’implique l’intervention chirurgicale. Ce médecin saura réadresser le patient au chirurgien en cas de doute sur une complication tardive. En fonction des équipes, ce médecin est soit un chirurgien, soit un nutritionniste, soit un gastroentérologue.

Conclusion

La chirurgie bariatrique est le meilleur traitement de l’obésité, le type d’intervention est décidé en fonction de l’origine de l’obésité, des capacités du patient à s’adapter à une nouvelle diététique et des objectifs pondéraux à atteindre. Cette décision doit être prise en concertation multidisciplinaire. Le suivi est obligatoire et à vie, il a pour but d’éviter les carences, la récidive de l’obésité et de dépister les complications digestives de la chirurgie.

Références

  1. Christou NV, et al. Surgery decreases long-term mortality, morbidity and health care use in morbidly obese patients. Ann Surg 2004;240:416-23.
  2. Buchwald H, Avidor Y, Braunwald E, et al. Bariatric Surgery. A systematic review and méta-analysis. JAMA 2004;292:1724-37.
  3. Gravante G, Araco A, Araco F, et al. Laparoscopic adjustable gastric badings: a prospective randomized study of 400 operations performed with 2 differents devices. Arch Surg 2007;142:958-61.
  4. Suter M, Guisti V, Heraief E, Calmes JM. Band erosion after laparoscopic gastric banding: occurrence and results after conversion to Roux-en-Y gastric bypass. Obes Surg 2004; 14:381.
  5. Ren CJ, Horgan S, Ponce J. US Experience with the lap band system. Am J Surg 2002; 184:46S.
  6. DeMaria EJ. Laparoscopic adjustable silicone gastric banding: complications. J Laparoendosc Adv Surg Tech A 2003;13:271-7.
  7. Aarts EO, Dogan K, Koehestanie P, et al. Long term results after laparoscopic adjustable gastric banding: a mean fourteen years follow up study. Surg Obes Relat Dis 2014;10(4): 633-40.
  8. Van Rutte PW, Smulders JF, De Zoete JP, Nienhuijs SW. Outcome of sleeve gastrectomy as a primary bariatric procedure. Br J Surg 2014;101:661-8.
  9. Schneider BE, Villegas L, Blackburn GL, et al. Laparoscopic gastric bypass surgery: outcomes. J Laparoendosc Adv Surg Tech A 2003;13:247.
  10. HAS. Recommandations de bonne pratique. Obésité : prise en charge chirurgicale de l’adulte.
  11. Moran CP, Shanahan F. Gut microbiota and obesity: role in aetiology and potential therapeutic target. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2014;28:585-97.

Les Cinq points forts

  1. Les 3 interventions bariatriques les plus pratiquées en France sont l’anneau gastrique, la sleeve gastrectomie et le bypass.
  2. Le choix entre l’une de ces 3 techniques dépend de l’origine de l’obésité, des capacités du patient à s’adapter à une nouvelle diététique et des objectifs de perte pondérale. La décision est pluridisciplinaire.
  3. Les principales complications postopératoires à court terme sont l’embolie pulmonaire, les fistules et l’hémorragie digestive.
  4. La chirurgie bariatrique nécessite un suivi à vie.
  5. Les principaux risques à long terme sont les carences vitaminiques, en particulier pour le bypass et la sleeve gastrectomie (elles exposent à des neuropathies irréversibles), les sténoses anastomotiques, la reprise pondérale et les troubles psychiatriques.