Échoendoscopie thérapeutique

Objectifs pédagogiques

  • Principales indications : drainage des pseudo-kystes, drainage biliaire et pancréatique, et neurolyse
  • Type d’échoendoscope et petit matériel : aiguilles, cystostome, prothèses
  • Limites et complications
  • Le futur : anastomose digestive, traitement des petites tumeurs

Introduction

L’échoendoscopie a longtemps été un outil diagnostique en devenant un outil d’imagerie de référence. La ponction pancréatique qui permet d’obtenir une histologie, est devenue le premier pas vers un abord thérapeutique ­pancréatique et/ou biliaire. Avec l’amélioration technologique, c’est-à-dire un canal opérateur de plus de 3,6 mm et un érecteur associé à une image vidéo-endoscopique, les procédures thérapeutiques sont devenues possibles. Dans un premier temps, elles concernaient essentiellement le drainage des collections et pseudokystes pancréatiques et la neurolyse coeliaque par voie transgastrique, puis se sont étendues au drainage des canaux biliaires et pancréatique par voie transmurale. Plus récemment, des traitements antitumoraux directs ou de lésions vasculaires sont apparus, voire des gastroentéroanastomoses guidées sous échoendoscopie.

L’échoendoscopie thérapeutique est devenue essentielle dans la prise en charge thérapeutique, comme par exemple le drainage des collections pancréatiques [1]. Il est intéressant d’ailleurs de comparer l’évolution historique de la CPRE et de l’échoendoscopie (EE) : la CPRE est restée longtemps un outil diagnostique avant de devenir une approche thérapeutique. Il est probable que l’échoendoscopie, qui demeure un outil diagnostique de référence, verra ses indications glisser de plus en plus vers l’interventionnel. La plupart des endoscopistes réalisant des CPRE seront obligés de se former à l’échoendoscopie thérapeutique. Si environ 20 % des gastroentérologues français sont formés à l’échoendoscopie, environ 15 % d’entre eux réalisent des procédures d’échoendoscopie interventionnelle.

Le potentiel thérapeutique de l’échoendoscopie, en train d’éclore de nos jours, pose le problème de la validation des indications thérapeutiques, des possibilités futures, de l’évolution technologique et de la formation, de la disponibilité des compétences et du matériel.

Matériel et environnement endoscopique

L’échoendoscopie thérapeutique est exigeante sur le plan du matériel et de l’environnement de la procédure. Sur le plan du matériel, l’échoendoscopie thérapeutique nécessite l’utilisation d’échoendoscope à sonde linéaire (sectorielle) afin de pouvoir diriger le geste thérapeutique et à gros canal thérapeutique (> 3,6 mm). En effet, certains instruments (cystostome 10 Fr, prothèse 10 Fr) mesurent 3,3 mm de diamètre ; il n’est pas possible de les faire coulisser dans un canal opérateur de moins de 3,6 mm en raison du béquillage requis par certaines procédures comme les drainages biliaires par exemple, et de la présence d’impuretés dans le liquide d’aspiration (pus, débris lithiasique, nécrose). Certains fabricants rencontrent des problèmes avec cette norme de fabrication, quelques appareils dont le canal opérateur doit mesurer 3,6 mm ne permettant pas en condition réelle le passage d’instrument de 10 Fr. Le petit matériel nécessite la mise à disposition d’aiguille de 19 G permettant le passage de fil guide, d’un ou deux fils guides suivant les procédures pour l’accès à la cible thérapeutique. Nous recommandons lors de procédure délicate, l’utilisation de fil guide 0,025 ou 0,035 inch suffisamment rigide, par exemple ceux fournis dans leur version superstiff. Une fois l’accès à la cible obtenu, il faut permettre le passage au travers de la structure digestive, obtenu par soit des dilatateurs, soit des cystostomes. L’utilisation de cystostome est préférable, car ils évitent des manœuvres multiples et permettent un accès facile. On utilise des cystostomes de 10 Fr pour l’accès à des collections ou abcès et des cystostomes de 6 Fr pour l’accès à des canaux biliaires ou pancréatiques. Le choix du réglage du courant sur le bistouri électrique, le passage à travers les structures digestives étant facilité par l’utilisation de courant de section pur, plutôt que des courants mixés (endocoupe) qui entraîne une carbonisation des tissus. Cette carbonisation a deux conséquences délétères, ralentir la progression du cystostostome et provoquer des dégâts de nécrose retardée importants. Enfin, une fois l’accès réalisé, il faut avoir à disposition suivant les indications, différents types de prothèses plastiques (droites, double queue de cochon de diamètre et longueur variable) ou métallique (couverte ou semicouverte, diabolo ou droite). Dans les cas de neurolyse, bloc coeliaque ou hémostase, il faut avoir à disposition différentes solutions injectables : naropéïne, triamcinolone, alcool absolu, cyanoacrylate, lipiodol, voire endocoil.

L’environnement endoscopique est essentiel. Il est impensable de réaliser une procédure d’échoendoscopie thérapeutique sans anesthésie générale avec intubation, en décubitus dorsal, table de scopie et insufflateur à CO2. Les procédures d’échoendoscopie sont en effet, longues, délicates et précises ; rien n’est pire que de perdre un accès échoendoscopique en cours de procédure en raison d’une mauvaise sédation ou une visibilité radiologique insuffisante. D’autre part, la perforation digestive volontaire et l’accès aux voies biliaires font courir le risque d’un pneumopéritoine et d’embolie gazeuse, prévenus par l’utilisation du CO2 au lieu de l’air ambiant.

Principales indications

Drainage de collections

Le traitement des collections pancréatiques est la première indication d’échoendoscopie thérapeutique. Deux situations sont à considérer suivant qu’elles se produisent dans le cadre de pancréatite aiguë ou chronique. Les indications du drainage endoscopique de kyste ou pseudokyste compliquant la pancréatite chronique concernent tous les kystes symptomatiques ou les kystes asymptomatiques de plus de 4 cm, particulièrement s’ils sont en situation extrapancréatique avec peu de chance de régresser spontanément [1]. En cas de nécrose pancréatique, les indications ont été précisées par la classification révisée d’Atlanta et les recommandations de l’APA (American Pancreatic Association) [2, 3]. Il est toujours préférable d’attendre au minimum 4 semaines pour que la collection s’organise le plus possible et qu’elle soit entourée par une paroi propre (walled-off necrosis), de sorte que le drainage soit plus efficace et moins risqué. Il faut traiter seulement la nécrose infectée ou symptomatique.

La procédure échoendoscopique inclut l’accès à la collection par une aiguille de 19 G, la mise en place d’un guide, la perforation de la paroi digestive et de la paroi de la collection par un cystostome de 10 Fr, la mise en place d’un deuxième guide à l’intérieur du cystostome, puis selon le cas de prothèses plastiques double queue de cochon ou métallique couverte. Il faut s’assurer de l’absence de vaisseau interposé par un examen doppler soigné. La distance classique maximale de 1 cm n’est plus la règle mais il faut savoir que plus la collection est éloignée, plus le risque d’échec et de complication augmente.

Les résultats doivent être envisagés selon l’indication. Le drainage des pseudokystes pancréatiques doit être réalisé seulement sous échoendoscopie et non pas par endoscopie conventionnelle transmurale [4, 5]. Le drainage par échoendoscopie des pseudokystes a une efficacité technique de 94 % et clinique de 89 % avec un taux moyen de complication de 10 % [6]. Même si les résultats récents de série avec prothèse métallique, en particulier d’apposition tissulaire, sont excellents, il n’y a pas de différence d’efficacité ou de taux de complication selon que l’on met en place des prothèses plastiques ou métalliques [7, 8]. En rapport coût-efficacité, l’indication première est donc celle de prothèse plastique (au moins deux double queue de cochon). Ces prothèses doivent être laissées longtemps (plus de 6 mois), et leur retrait envisagé seulement après une IRM qui vérifie l’absence d’obstacle canalaire pancréatique et la résolution de la fistule kystique. L’association systématique à un drainage transpapillaire dans le même temps n’a pas prouvé son intérêt et a même une faible faisabilité [9]. Le drainage échoendoscopique de la nécrose pancréatique est plus compliqué du fait de la moins bonne collection et d’une paroi souvent mal constituée. La procédure échoendoscopique est souvent la première étape de la nécrosectomie endoscopique qui est réalisée dans les jours suivants. Le traitement endoscopique de la nécrose infectée ou symptomatique est supérieur au traitement chirurgical avec une morbidité de 33 % versus 65 %, une mortalité de 9 % versus 31 %, un taux de réintervention de 13 % versus 65 % [10]. Une étude randomisée a confirmé ces données mais sur un faible nombre de patients, une autre, l’étude TENSION est terminée avec des résultats attendus pour 2016 [11]. Deux méta-analyses vont également dans le même sens avec une efficacité moyenne de 81 %, au prix d’un taux de complication de 21 à 36 % et une durée moyenne d’hospitalisation de 30 jours [6, 12]. Sur un plan technique, il est préférable d’utiliser des prothèses métalliques, en particulier des diabolos d’apposition luminale, qui augmentent significativement l’efficacité sans diminuer le taux de complication [7, 13].

Drainage canalaire

Canaux biliaires intra et extra-hépatiques

Le drainage biliaire sous échoendoscopie peut utiliser plusieurs modalités, soit la technique du rendez-vous (combinée avec une CPRE), soit un drainage direct par voie transgastrique des canaux intra-hépatiques gauche (Hépatico-gastrostomie HG) ou par voie transduodénale du canal hépatique commun (Cholédoco-duodénostomie CD). Ces techniques sont utilisées en cas d’échec de canulation de la papille (difficulté technique) ou en cas de papille principale inaccessible en raison d’une sténose duodénale tumorale ou bénigne ou en cas d’anatomie modifiée (anastomose hépatico-jéjunale). La technique du rendez-vous est utilisée en cas d’échec de canulation rétrograde au cours d’une CPRE. Elle consiste à réaliser une ponction de la voie biliaire sous échoendoscopie dans un sens antérograde, ce qui n’est pas toujours aisé, puis à récupérer le guide dans le duodénum. La procédure devient ensuite une procédure conventionnelle de CPRE. Le drainage par voie transgastrique (HG) consiste à ponctionner les voies biliaires intrahépatiques gauches sous échoendoscopie, à placer un guide dans les voies biliaires puis une prothèse après dilatation du trajet. Le type de prothèse utilisée doit être une prothèse métallique partiellement ou complètement couverte en raison du risque de cholepéritoine qui peut entraîner le décès du patient si la prothèse n’assure pas une étanchéité parfaite. Il faut laisser émerger au moins 2 cm de prothèse dans la lumière gastrique en raison du risque de migration péritonéale au cours du péristaltisme gastrique. Le drainage transduodénal est guidé sous échoendoscopie (CD), ce qui permet de ponctionner la voie biliaire au point le plus proche de la paroi duodénale et d’éviter des vaisseaux duodéno-pancréatiques. La ponction doit être dirigée en regard du hile hépatique avec mise en place d’un fil guide puis d’une prothèse couverte ou partiellement couverte. L’idéal est d’utiliser une prothèse diabolo courte avec un diamètre interne de 10 mm. Le risque essentiel est le pneumopéritoine si la dilatation ou l’ouverture de la paroi duodénale est trop importante.

Les résultats montrent un succès de la technique du Rendez-vous dans 73 à 80 % (moyenne 93 %) avec un taux de complication de 10 à 15 % pour l’hépatico-gastrostomie de 80 % à 100 % (moyenne 84 %) et un taux moyen de complication de 13 %, pour la cholédoco-duodénostomie de 75 % à 100 % (moyenne 90 %) et un taux de complication de 18 % [6, 14]. Le choix thérapeutique du traitement par HG ou CD est discuté mais deux études récentes ne retrouvent pas de différence [15, 16]. Une large étude rétrospective française n’a pas montré de différences du taux de complication moyenne (12 %), incluant des complications mineures ou majeures (9 % ; hémorragies, fuite biliaire, péritonite) [15]. Une autre étude brésilienne a montré un succès technique similaire (95 % vs 91 %), un succès clinique sans différence significative (91 % vs 77 %) et un taux de complication non différent (20 % versus 12,5 %) [16]. Le choix du drainage biliaire sous échoendoscopie comparé au drainage radiologique percutané fait l’objet d’une étude randomisée dont les résultats intermédiaires présentés à l’UEGW 2015 ne montrent pas de différence quant à l’efficacité clinique ou technique, mais deux fois moins de complications dans le groupe traité par échoendoscopie (Bories E et al. Oral presentation). Une étude rétrospective retrouve aussi un taux de complication deux fois supérieur dans le groupe radiologique avec également un taux de réintervention et un coût supérieurs [17]. La question de la perméabilité du drainage ne se posait pas au début, les patients étant considérés en situation palliative et en échec de drainage conventionnel, endoscopique ou trans-hépatique. La perméabilité moyenne du drainage transduodénal par prothèse plastique est de 6 mois environ. La durée importante de perméabilité est due au fait que la prothèse organise une fistule cholédocoduodénale, qui devient une véritable cholédoco-duodénostomie échoendoscopique. Par contre, les orifices d’hépatico-gastrostomie ont tendance à se refermer de façon inexorable, mais il est facile de laisser une prothèse double queue de cochon en place pour maintenir la perméabilité.

Drainage vésiculaire

Le drainage cholecysto-duodénal de la vésicule sous échoendoscopie est possible même s’il n’est pas employé pour traiter une obstruction biliaire, mais pour prendre en charge une cholécystite inopérable. L’utilisation de prothèse métallique couverte diabolo courte est recommandée dans cette indication. Des séries récentes ont montré un succès technique entre 96 et 100 % et un succès clinique entre 93 % et 100 % avec un taux moyen de complication de 7 % (péritonite biliaire) [6, 18]. L’utilisation de prothèses métalliques diabolo d’apposition luminale est recommandée pour une meilleure efficacité et diminuer le risque de fuite biliaire [6]. Le drainage sous échoendoscopie n’est qu’une indication de recours quand la chirurgie n’est pas possible.

Drainage canalaire pancréatique

La technique de drainage du canal pancréatique reprend le principe du drainage trans gastrique ou transduodénal des voies biliaires. Une ponction est effectuée à travers le mur gastrique postérieur jusque dans la lumière d’un canal pancréatique dilaté. Une dilatation du trajet est effectuée suivie de la mise en place d’une prothèse plastique. La difficulté tient dans l’absence d’adhérence entre l’estomac et le pancréas, si bien que le pancréas a tendance à reculer quand le fil guide ou la prothèse sont poussés dans le canal pancréatique par voie transgastrique [19]. L’échec est alors redoutable car associé à une fistule pancréatique. Dans certains cas, l’abord échoendoscopique du canal pancréatique a permis une technique du rendez-vous similaire à celle utilisée au cours du drainage biliaire [19]. Les indications de ce type de drainage sont réservées aux échecs du drainage rétrograde au cours d’une CPRE chez des patients présentant une pancréatite obstructive symptomatique.

La principale indication est représentée par l’existence de sténoses d’anastomose pancréaticogastrique ou ­pancréaticojéjunale après duodénopancréatectomie céphalique. La technique du rendez-vous est plutôt utilisée en cas d’échec du drainage rétrograde au cours d’une CPRE chez des patients présentant une pancréatite obstructive symptomatique.

Les résultats de ce type de procédure ont été colligés dans une méta-analyse récente de 9 séries incluant 205 patients [20]. Le succès technique était obtenu dans 58 % à 100 % des cas, avec un succès clinique moyen de 74 % et un taux de complication de 20 %

Traitement de la douleur : neurolyse coeliaque et bloc coeliaque

La douleur pancréatique est observée dans 70 % des tumeurs pancréatiques est dans la quasi-totalité des pancréatites chroniques (PC) [21]. L’innervation pancréatique dépend du système nerveux autonome et le relai de la sensibilité afférente pancréatique se trouve au niveau des plexus coeliaques, via les nerfs splanchniques. Le plexus coeliaque est composé de deux ganglions situé sur la face antérieure de l’aorte abdominale, entre 0,5 et 1 cm de part et d’autre du tronc coeliaque. Il faut distinguer la neurolyse coeliaque qui entraîne la destruction du plexus par injection d’alcool et le bloc du plexus, qui correspond à une inhibition temporaire par injection de corticoïdes et anesthésiques retard [6, 21]. Généralement, la neurolyse coeliaque est destinée au traitement de la douleur du cancer du pancréas et le bloc, au traitement des affections bénignes comme la PC. Initialement, la neurolyse coeliaque était pratiquée par voie chirurgicale, puis par voie radiologique sous scopie et scanner. L’abord sous échoendoscopie permet une approche précise puisque les ganglions sont à 0,5 cm du tronc coeliaque et de l’aorte, l’angle aortocoeliaque étant facilement repérable sous échoendoscopie.

Sur le plan technique, il faut utiliser bien sûr une sonde sectorielle. L’aiguille doit traverser le mur fundique postérieur, généralement à 45 cm des arcades dentaires. Il faut traverser la paroi gastrique (la musculeuse peut être résistante) jusqu’à placer la pointe de l’aiguille à 0 ,5 cm de la face antérieure de l’aorte et du bord supérieur du tronc coeliaque [21]. Le choix de l’aiguille doit se porter de préférence sur une aiguille de 19 G afin de diminuer la résistance à l’injection du volume total de liquide (20 à 30 ml). Certaines aiguilles comportent des orifices latéraux multiples afin de favoriser la diffusion du liquide mais il n’est pas démontré qu’elles augmentent l’efficacité thérapeutique. Certains ont proposé de remplacer l’injection unique médiane par deux injections latérales mais là aussi la supériorité de cette procédure n’est pas démontrée. Certains opérateurs ont proposé une injection directe dans les ganglions [22]. Jusqu’à présent, on considérait que les ganglions coeliaques n’étaient pas repérables par échoendoscopie. Dans cette étude, les ganglions étaient repérables chez les 33 patients inclus avec une efficacité de 90 % dans le cancer du pancréas et 80 % en cas de PC. Cette étude n’était pas randomisée, si bien que l’on ignore si cette technique est supérieure à la technique habituelle. Les solutions injectées comprennent 10 ml de bupivacaine et soit 20 ml d’alcool absolu (neurolyse) soit 80 mg de triamcinolone (bloc).

La neurolyse percutanée est un traitement efficace de la douleur du cancer du pancréas comme le montre une métanalyse sur 1 145 patients avec 70-90 % d’efficacité pendant 3 mois [23]. Dans les séries de neurolyse coeliaque, l’amélioration du score de la douleur est observée dans 79 à 88 % et la diminution de prise médicamenteuse chez 82-91 % des patients, y compris dans une étude prospective [6, 23]. La neurolyse coeliaque ne doit pas être réalisée trop précocement car son effet a tendance à s’épuiser dans le temps [6, 21-23]. Le traitement médicamenteux reste en première ligne et la neurolyse est un traitement adjuvant efficace en cas d’échappement thérapeutique ou en cas de recours à des doses de morphiniques incompatible avec une qualité de vie acceptable. Une étude randomisée a comparé les résultats de la neurolyse coeliaque et du bloc coeliaque [24] avec un taux de réponse pratiquement deux fois plus élevé dans le groupe neurolyse coeliaque (73 % vs 45 %).

L’indication de la neurolyse coeliaque dans la prise en charge de la PC requiert la connaissance de l’histoire naturelle de la PC. Au cours des 5 premières années, les douleurs chroniques sont présentes chez 80 % des patients. Depuis longtemps, des infiltrations coeliaques sous contrôle tomodensitométrique ou échographique avaient été proposées. Une étude prospective randomisée a comparé les résultats de la neurolyse coeliaque sous contrôle échoendoscopique et sous contrôle tomodensitométrique [25]. L’amélioration était observée chez 50 % des patients traités sous contrôle échoendoscopique avec un bénéfice persistant chez 30 % des patients seulement après 24 semaines d’évolution. L’efficacité paraissait significativement plus prolongée en cas de guidage échoendoscopique et le rapport coût-efficacité était meilleur. Une étude prospective de la même équipe, incluant 90 patients confirmait ces résultats avec 55 % d’amélioration initiale et seulement 10 % à 24 semaines [26]. Les patients jeunes ou déjà opérés répondaient le moins bien à ce traitement. La place de la neurolyse coeliaque est donc limitée dans la PC en raison d’une efficacité immédiate relative et surtout de l’absence de résultat à moyen terme (6 mois).

Le risque de complication est très faible. Des complications mineures existent à type de diarrhée transitoire dans 4 à 15 % des cas, hypotension 1 % et douleurs aggravées dans 9 %. Des complications majeures à type d’abcès ou d’hémorragie rétropéritonéale ont été rapportées dans moins de 2 % avec même un décès au cours d’une neurolyse coeliaque [6, 20, 21].

Traitement des hémorragies digestives réfractaires sous échoendoscopie

Les hémorragies digestives réfractaires sont observées dans 10 à 15 % des cas. La radiologie interventionnelle était la référence dans ce cas pour rechercher la cause du saignement et pratiquer une embolisation. Deux études d’embolisation guidée sous échoendoscopie ont montré l’utilité et l’efficacité de cette technique dans la prise en charge de varices gastriques, d’ulcération de Dieulafoy, d’ulcération néoplasique hémorragique, d’anévrysme ou de pseudoanévrysme [27, 28]. Il faut repérer la lésion sous contrôle doppler, placer une aiguille de 19 G dans le vaisseau ou la malformation vasculaire puis injecter sous contrôle radioscopique soit un mélange de cyanoacrylate et de lipiodol équimolaire soit des microcoils, ou l’association des deux. En l’absence de recommandation, il est préférable d’utiliser une antibioprophylaxie. L’efficacité dans ces deux séries était de 88-90 % [27, 28]. Une autre série encore plus récente a évalué l’efficacité de l’injection sous échoendoscopie d’un mélange de cyanoacrylate et de microcoils dans des varices gastriques hémorragiques dans 5 % des cas, avec hémorragie récente dans 69 % des cas et prophylactique dans 26 % des cas chez 152 patients [29]. L’efficacité obstructive était constatée dans 93 % des cas avec 3 % de récidive hémorragique. Une complication grave était observée à type d’embolie pulmonaire ; il faut éviter l’injection de trop grande quantité (pas plus de 2 ml du mélange cyanoacrylate-lipiodol) et contrôler sous radioscopie l’absence de passage vasculaire pulmonaire.

Limites et complications

Les principales complications concernent le drainage des collections, et le drainage des canaux biliaires ou pancréatiques. Les taux sont compris entre 10 et 20 %, en raison d’un accès parfois difficile et de la nécessité de perforer volontairement des structures digestives (hémorragie, perforation, infection). Ceci souligne la nécessité de travailler sous contrôle radioscopique de qualité et avec un insufflateur à CO2. En cas de traitement pancréatique guidé sous échoendoscopie, le risque de pancréatite se rajoute mais il n’y a pas de recommandation officielle quant à la prophylaxie, de type AINS au cours des CPRE.

La principale limite de l’échoendoscopie thérapeutique concerne la formation, le matériel endoscopique et le petit matériel s’améliorant régulièrement et augmentant donc le champ des indications. L’amélioration des échoendoscopes thérapeutiques devrait porter sur la manœuvrabilité des échoendoscopes, la dimension du canal opérateur (> 3,8 mm) et probablement la possibilité d’une vision endoscopique complétement latérale (écho-duodénoscope). La formation en échoendoscopie thérapeutique nécessite une bonne connaissance de l’échoendoscopie diagnostique, une expérience de l’endoscopie thérapeutique conventionnelle (CPRE thérapeutique). Il est recommandé d’aborder l’échoendoscopie thérapeutique par le drainage de collection pancréatique avant de tenter tout geste de drainage canalaire en particulier biliaire. Une formation sur animal vivant est disponible dans certains centres [30] et des modèles de drainage de pseudokyste commencent à être développés.

Le futur…

L’échoendoscopie diagnostique est de plus en plus concurrencée par la qualité de l’imagerie « externe », scanner, IRM… Mais l’intérêt de la ponction sous échoendoscopie pour l’analyse histologique augmente de plus en plus, les réunions de concertation pluridisciplinaire en oncologie (RCP) exigeant une preuve histologique et parfois des marquages immunologiques ou de récepteur. L’évaluation histologique sous échoendoscopie, non invasive (écho de contraste, élastographie, confocal) est en plein développement et évaluation. L’échoendoscopie thérapeutique est aussi un vrai avenir de l’échoendoscopie car elle permet d’avoir accès de façon miniinvasive à des organes adjacents ; sa place par rapport aux méthodes radiologiques conventionnelles fait actuellement l’objet d’études randomisées. Deux nouvelles indications sont en cours de développement et d’évaluation : le traitement antitumoral guidé sous échoendoscopie, les anastomoses gastro-jéjunales.

Ablation et traitement antitumoral

La précision de l’échoendoscopie permet un placement exact de sonde thermique, de radiofréquence ou d’irradiation et d’injection directe de substance tumoricide. Si la procédure d’abord est bien validée, l’efficacité et les protocoles thérapeutiques sont en cours de validation, la plupart demeurant au stade expérimental animal. Les procédures incluent soit des injections directes (alcool, agents cytotoxiques directs (paclitaxel), cytoimplants lymphocytaires, thérapie génique). Aucune de ces études n’est randomisée et il s’agit en fait d’étude de faisabilité. La destruction de tumeur kystique pancréatique par injection d’alcool a aussi été rapportée avec une efficacité variable mais le risque de diffusion de l’alcool et le risque de pancréatite sont des freins majeurs à l’expansion de cette technique [6]. Plusieurs modalités de destruction tumorale directe sont en cours d’évaluation : radiofréquence, brachythérapie, injection d’isotopes, thérapie photodynamique. Le dispositif le plus porteur d’espoir est probablement la radiofréquence dirigée sous échoendoscopie. Une étude prospective est actuellement en cours avec des aiguilles de 18 G intégrant une réfrigération afin de limiter le risque de dégât d’organe adjacent.

Une des limites principales de la destruction guidée sous échoendoscopie, en dehors de la tolérance, est l’absence d’efficacité prévisible dans les adénocarcinomes du pancréas qui sont une maladie quasi toujours systémique et non pas locale, la destruction in situ n’ayant donc pas d’intérêt.

Anastomoses gastro-jéjunales

L’échoendoscopie a récemment permis la réalisation d’anastomoses gastrojéjunales grâce à l’utilisation de prothèses dites d’apposition tissulaire ou luminale [31]. Le principe est de repérer une anse jéjunale à travers la paroi gastrique, de la piquer à l’aide d’une aiguille de 19 G puis de mettre en place un fil guide. Une prothèse métallique couverte d’apposition luminale, en forme de diabolo, est alors mise en place après élargissement de la paroi gastrique et jéjunale. Théoriquement, toute la procédure peut être réalisée sous double contrôle échoendoscopique et radiologique. En réalité, la paroi du grêle a tendance à s’écarter de la paroi de l’estomac en raison de l’absence d’adhésion naturelle, et donc, à faire perdre le trajet du guide. La procédure peut donc être hybride, avec une première étape transgastrique sous échoendoscopie et une deuxième par NOTES [31]. Plusieurs équipes travaillent désormais à fiabiliser la procédure.

Conclusion

L’échoendoscopie thérapeutique est une évolution marquante de l’échoendoscopie et va représenter dans l’avenir une part croissante, voire majoritaire de l’échoendoscopie. Il est également probable qu’aucun endoscopiste interventionnel ne pourra travailler sans maîtriser les procédures d’échoendoscopie interventionnelle, comme l’illustre la prise en charge des pseudokystes pancréatiques. Si de nombreuses indications expérimentales éclosent actuellement, deux défis s’imposent à nous : l’évolution technologique des échoendoscopes et la formation.

Références

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Les cinq points forts

  1. La pratique de l’échoendoscopie thérapeutique nécessite une formation en endoscopie interventionnelle, et plus spécialement en cathétérisme. La meilleure indication pour débuter est le drainage de volumineux pseudokystes.
  2. Le drainage de pseudokyste collecté doit se faire sous échoendoscopie prioritairement. Il n’y a pas d’avantage à utiliser des prothèses métalliques par rapport aux prothèses plastiques.
  3. Le drainage endoscopique de la nécrose pancréatique infectée est la technique à privilégier par rapport au drainage percutané ou à la chirurgie. L’utilisation de prothèse métallique couverte est recommandée dans cette indication.
  4. En cas d’échec de cathétérisme biliaire, l’échoendoscopie permet de réaliser une hépatico-gastrostomie ou une cholédocoduodénostomie dont les résultats sont similaires.
  5. Des nouvelles indications d’échoendoscopie interventionnelle comme les abords vasculaires et le traitement antitumoral sont en cours d’évaluation.