La désescalade thérapeutique dans les MICI

Objectifs pédagogiques

  • Pourquoi alléger le traitement des MICI ?
  • Quand et comment réduire la dose des médicaments ?
  • Quand et comment interrompre un traitement en cas de combothérapie ?
  • Peut-on interrompre tous les traitements ?

Des avancées thérapeutiques majeures ont été obtenues au cours des dernières années dans le domaine des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). La tendance actuelle est celle d’une utilisation fréquente, précoce, prolongée et souvent combinée des traitements immunomodulateurs, que ce soient les biothérapies, telles que les anticorps anti-TNF et anti-intégrines, ou les immunosuppresseurs (IS) classiques [1]. Si le bénéfice clinique d’une telle approche est réel, celle-ci n’est pas sans poser de questions de tolérance, en particulier en termes d’infection ou de cancer, mais aussi de coûts pour la société. De même les patients en rémission sous biothérapie doivent-ils conserver ce traitement indéfiniment ? Dans le quotidien, l’arrêt des biothérapies s’impose parfois également pour des raisons de grossesses, sociales, de déménagement ou de choix personnel par le patient. En conséquence, la question de la désescalade thérapeutique est désormais une préoccupation partagée par les prescripteurs et les patients.

Avant tout, il est important de préciser que les données de la littérature susceptibles de guider le gastroentérologue en vue d’une désescalade thérapeutique demeurent limitées et d’un niveau de preuve modeste [2]. Ensuite, deux options sont théoriquement possibles pour alléger le traitement : en réduire la dose ou l’interrompre. Pour ce qui est de la réduction de dose, celle-ci doit être rapide avec les corticoïdes. Elle n’est pas recommandée avec les IS classiques et pourrait être possible avec les anti-TNF chez un malade en rémission et dont les taux résiduels de médicament sont élevés [3].

La question de l’arrêt d’un traitement est plus difficile encore. Elle doit avant tout tenir compte du nombre d’immunomodulateurs associés. En cas de trithérapie (corticoïdes + IS + biothérapie), les corticoïdes sont à suspendre dès que possible en raison du risque élevé d’infection opportuniste. Pour ce qui est des malades recevant une combothérapie associant un IS à une biothérapie, l’interruption d’un traitement ne se discute que si la malade est en rémission. Plusieurs études suggèrent qu’au-delà de la seule disparition de tous les symptômes, c’est l’obtention d’une rémission profonde, à savoir biologique sur la foi des taux de C-réactive protéine et aussi de calprotectine fécale, endoscopique voire histologique – dans la rectocolite hémorragique uniquement – qui est le gage d’une rémission très prolongée et permette d’envisager l’arrêt d’un des deux traitements [4, 5]. Toutes les options sont dans ce cas théoriquement possibles : arrêt de l’IS, arrêt de la biothérapie ou bien poursuite de la combothérapie. Des essais cliniques comparant ces trois possibilités ont débuté. En outre, les dosages pharmacologiques des médicaments semblent ici très instructifs pour guider le choix du traitement à interrompre [6, 7]. Le dernier cas de figure est celui de l’arrêt de tous les immunomodulateurs, ce qui constitue l’objectif thérapeutique suprême pour les patients atteints de MICI. Plus qu’une interruption définitive de tous les traitements qui paraît utopique, c’est le concept émergeant de cycles thérapeutiques, alternant des phases de traitements et de pauses, qui est maintenant évalué dans des études de cohorte. Ces périodes de cycles thérapeutiques sont à différencier des stratégies premières de traitements épisodiques par les anti-TNF.

En pratique clinique, deux questions doivent être anticipées pour aider le médecin et le patient dans la prise de décision. Quel est le risque de la rechute, en termes d’incidence mais aussi d’enjeu – ainsi, la rechute d’une maladie de Crohn iléale limitée sera moins à craindre que celle d’une maladie ano-périnéale délabrante ? Quelle sera l’efficacité de la reprise du traitement qui a été interrompu ? Si la reprise d’une thiopurine est habituellement efficace et bien tolérée [8], un retraitement à distance par l’infliximab expose à un risque allergique significatif [9, 10]. Il n’existe aucune donnée publiée concernant le retraitement par l’adalimumab. Néanmoins l’arrivée de nouvelles biothérapies dans les MICI laisse entrevoir davantage de possibilités de retraitement en cas de phénomène allergique ou d’efficacité moindre des biothérapies précédemment utilisées.

La question de la désescalade thérapeutique dans les MICI est devenue très fréquente pour les gastroentérologues. Afin de guider le choix éclairé du praticien pris avec son patient sur la base d’arguments scientifiques et non empiriques, ou pires financiers qui nous seraient imposés, les données des études en cours seront très attendues. En l’absence de stratégies bien définies actuellement, une approche au cas par cas en évaluant le profil évolutif du patient et le rapport bénéfice/risque reste de mise.

Références

  1. Dulai PS, Siegel CA, Colombel JF, et al. Systematic review: Monotherapy with antitumour necrosis factor α agents versus combination therapy with an immunosuppressive for IBD. Gut 2014;63:1843-53.
  2. Pariente B, Laharie D. Review article: why, when and how to de-escalate therapy in inflammatory bowel diseases. Aliment Pharmacol Ther 2014;40:338-53.
  3. Vande Casteele N, Ferrante M, Van Assche G, et al. Trough concentrations of infliximab guide dosing for patients with inflammatory bowel disease. Gastroenterology 2015;148:1320-9.
  4. Louis E, Mary JY, Vernier-Massouille G, et al. Maintenance of remission among patients with Crohn’s disease on antimetabolite therapy after infliximab therapy is stopped. Gastroenterology 2012;142:63-70.
  5. Peyrin-Biroulet L, Bressenot A, Kampman W. Histologic remission: the ultimate therapeutic goal in ulcerative colitis? Clin Gastroenterol Hepatol 2014;12:929-34.
  6. Drobne D, Bossuyt P, Breynaert C, et al. Withdrawal of immunomodulators after co-treatment does not reduce trough level of infliximab in patients with Crohn’s disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2015;13:514-21.
  7. Ben-Horin S, Chowers Y, Ungar B, et al. Undetectable anti-TNF drug levels in patients with long-term remission predict successful drug withdrawal. Aliment Pharmacol Ther 2015;42:356-64.
  8. Treton X, Bouhnik Y, Mary JY, et al. Azathioprine withdrawal in patients with Crohn’s disease maintained on prolonged remission: a high risk of relapse. Clin Gastroenterol Hepatol 2009;7:80-5.
  9. Laharie D, Chanteloup E, Chabrun E, et al. The tolerance and efficacy of a postponed retreatment with infliximab in Crohn’s disease primary responders. Aliment Pharmacol Ther 2009 15;29:1240-8.
  10. Baert F, Drobne D, Gils A, et al. Early trough levels and antibodies to infliximab predict safety and success of reinitiation of infliximab therapy. Clin Gastroenterol Hepatol 2014;12:1474-81.

Les Cinq points forts

  1. En cas d’association avec d’autres immunomodulateurs, la corticothérapie doit être interrompue rapidement et complètement.
  2. Avant d’envisager la désescalade d’un traitement de fond, il faut tenir compte des risques de rechute et de ceux liés à la reprise d’un traitement par biothérapie.
  3. Chez un malade en combothérapie (immunosuppresseur + anti-TNF), la désescalade n’est envisageable qu’en cas de rémission clinique et endoscopique.
  4. Chez un malade en combothérapie, les dosages pharmacologiques semblent utiles avant de suspendre un traitement.
  5. Les traitements de fond des MICI ayant un effet suspensif, l’arrêt de tout médicament expose les malades à une rechute et impose une surveillance clinique et biologique rapprochée.