Reflux réfractaire

Objectifs pédagogiques

  • Définir le reflux réfractaire
  • Évoquer et authentifier un reflux réfractaire
  • Savoir différencier le reflux réfractaire de l’oesophage acido-sensible
  • Proposer une conduite à tenir thérapeutique devant un reflux réfractaire

Définition du reflux réfractaire

Le traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) est le traitement de référence pour la prise en charge du reflux gastro-œsophagien. Il est très efficace, notamment pour la cicatrisation des lésions d’œsophagite. Toutefois près de 30 % des patients restent symptomatiques ou insatisfaits malgré un traitement bien conduit. Il n’existe pas de consensus concernant la définition du reflux réfractaire, en partie en raison de réponse au traitement différente d’un individu à l’autre, du type de symptômes pris en compte (pyrosis, régurgitations, ou symptômes extra-œsophagiens tels que la toux ou les symptômes ORL), et des mécanismes à l’origine de la persistance des symptômes.

Évoquer et identifier un reflux réfractaire

Les patients présentant une réponse partielle au traitement (par exemple persistance de régurgitations mais disparition du pyrosis) doivent être différenciés de ceux n’ayant aucune réponse symptomatique. La nature des symptômes et le bilan réalisé avant la mise en place du traitement devront également être pris en compte. La compliance au traitement doit être vérifiée. La majorité des symptômes de reflux (notamment les symptômes atypiques) résistant aux IPP sont secondaires à une absence de RGO pathologique. Les examens complémentaires permettront donc de différencier le reflux pathologique persistant de l’absence de reflux. Une endoscopie œso-gastro-duodénale doit être réalisée, de préférence après arrêt du traitement, si cela n’a pas été fait dans le bilan initial, avec des biopsies œsophagiennes pour éliminer une œsophagite à éosinophiles. La présence d’une œsophagite peptique de grade B, C ou D selon la classification de Los Angeles ou d’une muqueuse de Barrett est en faveur d’un RGO pathologique alors que l’œsophagite de grade A ou les petites languettes de Barrett sont à elles seules insuffisantes pour retenir le diagnostic de reflux. Une endoscopie de contrôle doit être réalisée en cas d’œsophagite de grade C ou D pour s’assurer de la cicatrisation des lésions. En cas de non cicatrisation des lésions, un trouble de la motricité œsophagienne est recherché par manométrie. En l’absence de lésion endoscopique, un enregistrement des épisodes de reflux sur 24 heures par pHmétrie œsophagienne est souhaitable après arrêt du traitement par IPP depuis au moins 7 jours afin d’authentifier un reflux acide pathologique. En cas de persistance de symptômes chez un patient aux antécédents d’œsophagite ou de pHmétrie positive sans traitement, une pH-impédancemétrie œsophagienne sous traitement est proposée pour rechercher une association entre la persistance d’un reflux pathologique et la survenue des symptômes.

Savoir différencier le reflux réfractaire de l’œsophage acido-sensible

Aux termes des examens complémentaires, un reflux réfractaire peut correspondre soit à la persistance de lésions d’œsophagite peptique sous IPP, soit à la persistance d’un reflux acide ou peu acide sur la pH-impédancemétrie réalisée sous IPP. La persistance de régurgitations peut faire évoquer un syndrome de rumination. L’œsophage acido-sensible est quant à lui défini par une absence d’œsophagite, une exposition acide œsophagienne normale, un nombre total de reflux normal et une association positive entre les symptômes et les reflux (probabilité d’association symptomatique PAS > 95 % et/ou index symptomatique > 50 %). Une majorité des patients présentant des symptômes résistant aux IPP n’a en réalité pas de reflux pathologique authentifié ni d’association symptomatique positive ; il s’agit de symptômes fonctionnels souvent en rapport avec une hypersensibilité viscérale.

Quelles propositions thérapeutiques ?

En cas de persistance de reflux pathologique, il convient de vérifier la compliance au traitement et d’optimiser le traitement médical (prise des IPP 15 à 30 minutes avant le repas, privilégier 2 prises par jour plutôt qu’une, changer d’IPP, ajout d’anti-histaminiques de type 2 ou d’alginates). Le seul inhibiteur de reflux actuellement disponible est le baclofène mais sa mauvaise tolérance (somnolence, vertiges) en limite son utilisation. Les prokinétiques (métoclopramide,domperidone) ont un effet modeste en favorisant la vidange gastrique. La non cicatrisation d’une œsophagite sévère (grade C ou D) doit faire discuter une chirurgie anti-reflux de même que la persistance de régurgitations invalidantes malgré un traitement bien conduit (après avoir éliminé un syndrome de rumination). En cas d’œsophage acido-sensible, une optimisation du traitement médical peut être proposée. Les anti-dépresseurs à faible dose (citalopram, amitriptyline) ainsi que les thérapies alternatives (hypnose, acupuncture) peuvent être intéressantes pour diminuer les manifestations d’hypersensibilité viscérale.

Références

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Les Cinq points forts

  1. Une endoscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies œsophagiennes (recherche d’une oesophagite à éosinophiles) est indiquée chez les patients présentant des symptômes de reflux résistants au traitement par inhibiteurs de la pompe à protons
  2. Un reflux réfractaire aux IPP peut être secondaire à une œsophagite à éosinophiles (ou autre) ou à un syndrome de rumination
  3. La pH-impédancemétrie œsophagienne réalisée sous IPP permet de rechercher la persistance d’un reflux pathologique acide ou peu acide
  4. Les symptômes évoquant un RGO, résistants à un traitement par IPP bien conduit sont souvent le reflet d’une hypersensibilité viscérale
  5. L’optimisation du traitement médical est à privilégier en cas de reflux acide réfractaire