Résection des polypes colo-rectaux : quelles techniques utiliser ?

Objectifs pédagogiques

  • Comment caractériser les polypes ?
  • Quels sont les critères de résécabilité ?
  • Comment apprécier la qualité de la résection ?
  • Quelles sont les techniques à utiliser ?
  • Jusqu’où peut-on aller ?

La polypectomie est, en fréquence, un des premiers actes thérapeutiques de l’endoscopie digestive. La prise en charge des polypes a changé au cours des 10 dernières années. Nous sommes passés de l’anomalie de relief, aperçue puis biopsiée avant décision ou directement réséquée, au polype finement analysé puis réséqué par une technique choisie en fonction des caractéristiques macroscopiques endoscopiques. Quelles sont les étapes principales de la polypectomie ?

L’analyse du polype doit être faite de manière fine avant de choisir la technique de résection

Cette analyse doit être faite en lumière blanche haute définition et pourra être complétée par une chromoendoscopie virtuelle ou à l’indigo carmin ou par les zooms et les grossissements d’image. Ceci permet d’identifier les polypes les plus à risque de dégénérescence et d’envahissement profond de la sous-muqueuse : Kudo type V [1], Paris 0–IIc ou 0–IIa+IIc [2], non-granular Lateral Speading Tumor (LST-NG), granular LST (LST-G) avec un macronodule de plus de 10 mm ,3), avec un dessin de surface irrégulier ou des vaisseaux de surface épais et irréguliers (NICE NBI type III), [4, 5]. Ces polypes devront préférentiellement être réséqués en monobloc avec un étalement méticuleux de la pièce, pour l’analyse anatomopathologique.

D’autres critères interviennent dans le choix de la technique : la localisation à droite et la grande taille du polype sont des facteurs de risque de perforation et d’hémorragie per ou post procédure. Les facteurs de risque de résection incomplète et de récidive sont : une taille > 40 mm, la localisation sur la valvule iléo-caecale, sur l’appendice ou dans un diverticule, un antécédent de résection incomplète ou l’absence de soulèvement.

Si la lésion est clairement dégénérée et que la chirurgie semble être la meilleure option, les biopsies seront multiples et ciblée sur les zones NICE 3 ou Kudo V. Il est préférable de tatouer la zone ou de poser des clips pour guider le geste chirurgical.

Réalisation de la polypectomie pour des lésions > 6 mm

La procédure doit idéalement être réalisée sous une insufflation au CO2. Les polypes les plus à risques de dégénérescence doivent être traités en ‘monobloc’ par dissection sous-muqueuse ou par chirurgie pour les lésions rectales et par mucosectomie en monobloc pour les lésions coliques, ce qui est possible pour les lésions < 20 mm. Le produit d’injection à base de sérum physiologique peut contenir de l’indigo carmin ou de l’adrénaline en cas de risque hémorragique, mais cette stratégie retarde plus qu’elle n’évite l’hémorragie : il convient donc d’examiner très précautionneusement la tranche de section, en fin de procédure, afin de traiter méticuleusement tous les vaisseaux visibles. Il est recommandé d’utiliser un courant mélangeant section et coagulation de type “endocoupe” [7]. Si la lésion ne se soulève pas après injection ou si l’on traite une récidive, il est préférable de pratiquer une dissection dans la mesure où la localisation le permet [8]. En cas de lésion de grande taille et à faible risque de carcinome invasif dans le côlon, une mucosectomie en plusieurs pièces est réalisable. Les résidus adénomateux et les berges doivent être traités dans le même temps opératoire par une technique de destruction thermique : pince chaude, coag grasper ou APC [6]. Il faut s’assurer du caractère complet de la résection. En cas de doute sur la qualité de la résection il est possible de tatouer la zone pour guider les contrôles endoscopiques ou une chirurgie complémentaire des lésions à risque de résection incomplète [9].

Résection des très petits polypes < 5 mm

L’ablation des très petits polypes < 5 mm peut être réalisée à l’anse froide ou par pinces à biopsies ce qui permet de gagner du temps avec peu d’effets indésirables. Ce type de résection est accepté sous certaines conditions pour ces très petits polypes du bas sigmoïde ou du rectum.

On doit disposer du matériel nécessaire au traitement d’une hémorragie ou d’une perforation

La prévention du risque hémorragique est réalisée en tenant compte des préconisations en vigueur, en particulier chez les patients sous anti-agrégants ou anticoagulants. Le matériel d’hémostase et de fermeture doit être prêt à l’emploi en salle et l’équipe entraînée. Le choix du matériel est laissé à l’appréciation de l’opérateur car nous ne disposons pas d’études comparatives : clips, électrodes bipolaires ou, monopolaires, APC, anse largable…

Rédaction du compte rendu d’endoscopie (CRE)

Outre les données de base (identité du malade, traçabilité de l’endoscope, du médecin…, le CRE doit comporter les données propres au polype : description de la forme selon Paris [2], de l’aspect selon Kudo [2] ou selon NICE, au choix [4, 5], la localisation exacte (y compris la face dans le caecum et le rectum), le type de résection, l’aspect des marges et les gestes de coagulation réalisés. Le compte rendu doit être appuyé par des photos ou une courte vidéo [6].

Le conditionnement du prélèvement se fait avec attention et en fonction de la technique : étalement ou marquage du pied.

Rédaction du compte rendu d’anatomie pathologique

Pour chaque polype, sont précisés : le type histologique (hyperplasique, festonné sessile ou traditionnel, adénomateux tubuleux, villeux ou tubulo-villeux), la présence ou non de dysplasie et son degré (permettant de classer le polype en bas ou haut risque évolutif), les limites de l’exérèse (mesure des marges par rapport au pied ou limites d’exérèse latérale et profonde en cas de mucosectomie ou de dissection.

En cas de polype dégénéré, doivent être précisés : le type histologique (adénocarcinome, carcinome colloïde, carcinome d’un type histologique particulier), la différenciation pour les adénocarcinomes, la présence ou non d’emboles vasculaires, de cellules carcinomateuses isolées ou tumor budding (en amas de moins de 5 cellules au-delà du front d’invasion), l’envahissement de la sous-muqueuse en utilisant pour les polypes pédiculés la classification de Haggitt (niveaux 0 à IV), et pour les polypes plans, la mesure de la hauteur d’infiltration en microns ou le niveau d’infiltration sm1/sm2/sm3 si la musculeuse est visible, le stade pTNM selon la classification UICC 2009, la qualité de l’exérèse des berges et la mesure des marges latérales ou profondes (R0 ou R1),[10].

Programmation de la surveillance ?

En cas de résection incomplète, visible endoscopiquement ou prouvée par l’étude histologique, une résection complémentaire est à réaliser entre 2 et 6 mois. Dans ce cas, il est préférable d’utiliser une dissection ou une mucosectomie monobloc [11].

Dans les autres cas, la coloscopie de surveillance est à programmer à 5 ans si le polype était à faible risque d’évolution et à 3 ans dans le cas contraire.

Références

  1. Moss A, Bourke MJ, Williams SJ, et al. Endoscopic mucosal resection outcomes and prediction of submucosal cancer from advanced colonic mucosal neoplasia. Gastroenterology 2011;140:1909–18.
  2. Participants in the Paris Workshop. The Paris endoscopic classification of superficial neoplastic lesions: esophagus, stomach, and colon. Gastrointest Endosc 2003;58:S2–43.
  3. Uraoka T, Saito Y, Matsuda T, et al. Endoscopic indications for endoscopic mucosal resection of laterally spreading tumours in the colorectum. Gut 2006; 55:1592–7.
  4. Ikematsu H, Matsuda T, Emura F, et al. Efficacy of capillary pattern type IIIA/IIIB by magnifying narrow band imaging for estimating depth of invasion of early colorectal neoplasms. BMC Gastroenterol 2010;10:33.
  5. Hewett D, Kaltenbach T, Sano Y, Tanaka S, Saunder B, Ponchon T, Soetikno R And Rex D. Validation of a Simple Classification System for Endoscopic Diagnosis of Small Colorectal Polyps Using Narrow-Band Imaging gastroenterology 2012; 143:599–607.
  6. Rutter M, Chattree A, Barbour J, Thomas-Gibson S, Bhandari P, Saunders B, Veitch A, Anderson J, Rembacken B, Loughrey M, Pullan R, Garrett W, Lewis G, Dolwani S British Society of Gastroenterology/Association of Coloproctologists of Great Britain and Ireland guidelines for the management of large non-pedunculated colorectal polyps Gut 2015;64:1847–73.
  7. Gallegos-Orozco JF, Gurudu SR. Complex colon polypectomy. Gastroenterol Hepatol 2010; 6:375–82.
  8. Friedland S, Shelton A, Kothari S, et al. Endoscopic management of nonlifting colon polyps. Diag Ther Endosc 2013; 2013:412936.
  9. Gupta S, Bassett P, Man R, et al. Validation of a novel method for assessing competency in polypectomy. Gastrointest Endosc 2012; 75:568–75.
  10. Recommandations de la SFED, 2011.
Conduite à tenir après polypectomie ou musectomie rectocolique selon le résultat de l›analyse d›anatomie pathologique. Acta Endosc DOI 10.1007/s10190-011-0179-3 (http://www.springerlink.com/content/c626361228482450/)
  11. Cesare H, Quintero E, Dumonceau JM, Regula J, Brandão C, Chaussade S, Dekker E, Dinis-Ribeiro M, Ferlitsch M, Gimeno-García A, Hazewinkel Y, Jover R, Kalager M, Loberg M, Pox C, Rembacken B, Lieberman D. Post-polypectomy colonoscopy surveillance: ESGE Guideline Endoscopy 2013;45: 842–51.

Les Quatre points forts

  1. L’analyse endoscopique de la lésion est cruciale pour décider de la meilleure technique de résection à employer.
  2. Les patients sous anti coagulants ou sous anti-agrégants demandent une gestion préalable et une surveillance particulière
  3. Il faut disposer de tout le matériel nécessaire à la résection et à la gestion des principales complications
  4. Le rôle du gastroentérologue est crucial pour la prise en charge de ces malades.