Hépatite alcoolique aiguë

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les signes cliniques et biologiques évocateurs d’une HAA
  • Connaître lesmoyens diagnostiques et les scores pronostiques de l’HAA
  • Connaître les traitements et les indications de la transplantation hépatique

Conflit d’intérêt

Conseil scientifique pour Oncozyme

Introduction et épidémiologie

L’hépatite alcoolique correspond à la forme histologique d’inflammation causée par la consommation chronique et excessive d’alcool. C’est une entité hétérogène qui recouvre sous un même vocable les anomalies inflammatoires intra-hépatiques présentes chez un patient asymptomatique qui consomme de l’alcool de manière excessive d’une part et d’autre part la forme sévère survenant chez un patient présentant le plus souvent une cirrhose décompensée. En dehors d’une consommation excessive d’alcool, les facteurs favorisants sont assez mal connus, notamment en raison de la nécessité de confirmation du diagnostic par biopsie. On peut néanmoins retenir que la présence d’une hépatite alcoolique histologique semble favorisée par le sexe féminin et par la présence d’un surpoids ou d’une obésité [1]. En revanche, parmi les consommateurs excessifs, il ne semble pas que la quantité d’alcool consommée soit un déterminant majeur de la survenue de l’hépatite alcoolique histologique [1]. La présence de l’hépatite alcoolique histologique est associée à la survenue d’une fibrose plus rapide qu’en son absence et il semble que certains consommateurs excessifs d’alcool développent des épisodes répétés d’hépatite alcoolique infraclinique avec un risque important d’évoluer vers la cirrhose [2]. Nous ne disposons malheureusement pas d’études fiables permettant de définir la prévalence de cette affection, notamment dans la forme sévère.

Diagnostic

Le diagnostic d’hépatite alcoolique est avant tout histologique, basé sur la réalisation d’une biopsie hépatique. Il est important de souligner que beaucoup de patients consommateurs excessifs d’alcool (environ 20 %) présentent des lésions histologiques d’hépatite alcoolique en l’absence complète de signes cliniques, hormis les signes liés à la consommation excessive d’alcool [2]. Dans ces cas d’hépatite alcoolique « infra-clinique », les perturbations biologiques sont peu importantes et ne sont pas spécifiques de l’hépatite alcoolique. On peut citer : cytolyse modérée prédominant sur les ASAT, macrocytose, élévation des γ-GT, etc.

Inversement, certains patients développent une hépatite alcoolique « symptomatique » dont le signe clinique central est l’ictère. Étant donné que ce signe clinique est aspécifique et peut être révélateur de beaucoup de complications d’une hépatopathie chronique, il est important d’éliminer les diagnostics différentiels fréquents : carcinome hépatocellulaire, infection, hépatite virale aiguë (notamment E), prise de médicaments hépatotoxiques, etc. On se méfiera également de la possibilité d’un ictère par hémolyse chez un patient présentant une cirrhose sévère (notamment dans le cadre d’une acanthocytose). L’hémorragie digestive sévère chez un patient présentant une cirrhose peut être responsable d’ictère et est donc un diagnostic différentiel, notamment en cas de transfusions itératives. Il est très difficile de déterminer un seuil de consommation d’alcool au-delà duquel le risque d’hépatite alcoolique survient. La consommation minimale semble être de 40 g/j chez la femme et 50-60 g/j chez l’homme pour une durée d’au moins cinq ans [3]. Le délai et le mode de survenue de l’ictère est également très important à faire préciser à l’interrogatoire. Un ictère récent (moins de deux à trois mois) et survenu brutalement est évocateur du diagnostic [4]. Inversement, la survenue progressive d’un ictère sur plus de trois mois chez un patient qui poursuit une consommation d’alcool évoque plutôt une cirrhose évoluée avec insuffisance hépatique sans rapport avec une hépatite alcoolique. Pour aider à dater l’ictère, il peut être intéressant de consulter d’éventuels bilans biologiques antérieurs, s’ils sont disponibles. D’autres signes cliniques peuvent être observés, le plus souvent liés à la décompensation de la cirrhose (ascite, encéphalopathie, œdèmes des membres inférieurs, etc.). En effet, en cas d’ictère, une cirrhose est observée très fréquemment et elle est même présente dans plus de 90 % des cas dans la forme sévère [3-5]. La classique fièvre n’est en réalité que peu souvent observée.

D’un point de vue biologique, on retient comme paramètres évocateurs de l’hépatite alcoolique sévère une cytolyse modérée, ne dépassant que très rarement 300 UI/l, et prédominant sur les ASAT (TGO) [3, 4]. La bilirubine totale est élevée, à plus de 50 µmol/l, avec une prédominance fréquente sur la bilirubine conjuguée (ce n’est pas toujours le cas). Le taux de prothrombine, l’INR et l’albumine sont modifiés de manière proportionnelle à l’in­suffisance hépatique associée. L’hyperleucocytose avec une prédominance de polynucléaires neutrophiles, classiquement décrite, n’est pas constante, de même que le syndrome inflammatoire (élévation de la CRP). Les signes biologiques de cirrhose sont observés quand cette dernière est présente (bloc β-γ à l’électrophorèse des protéines, thrombopénie d’hypersplénisme, etc.).

Compte tenu de l’absence de spécificité de ces critères cliniques et biologiques, la confirmation histologique du diagnostic d’hépatite alcoolique a été proposée par de nombreux auteurs, notamment français. Étant donné les troubles de l’hémostase et la présence d’une ascite fréquemment observés dans cette situation, la biopsie doit souvent être effectuée par voie transjugulaire. Cette voie pose néanmoins les problèmes d’une quantité de matériel parfois limitée et du biais d’échantillonnage. Les signes histologiques d’hépatite alcoolique ne sont malheureusement pas spécifiques, ce qui souligne la nécessité d’un interrogatoire précis et d’une bonne datation de l’ictère. Les lésions histologiques fréquemment observées comprennent la présence d’un infiltrat inflammatoire à prédominance de polynucléaires neutrophiles, d’une ballonisation des hépatocytes (œdème cellulaire lié aux atteintes membranaires), de corps de Mallory (inclusions cellulaires éosinophiles correspondant à des désorganisations du cytosquelette induites par l’alcool, et qui précèdent la mort cellulaire), d’une stéatose macrovacuolaire et de mégamitochondries [3, 4, 6]. Les corps de Mallory et les mégamitochondries, quoique très fréquemment observés, ne sont pas indispensables au diagnostic (EASL ref). Une fibrose plus ou moins importante, voire une cirrhose, est observée de manière parallèle à l’ancienneté de la consommation d’alcool. La localisation de la fibrose est sinusoïdale, mais aussi péricentrolobulaire et périportale [3, 4, 6]. Certains scores histologiques pourraient également permettre de préciser le pronostic de l’hépatite alcoolique et prédire le risque de décès [7]. Leur intérêt doit néanmoins être confirmé.

Actuellement, il n’existe pas de moyen diagnostique non invasif validé de l’hépatite alcoolique. L’« ASH-Test » a été proposé mais il doit être validé de manière indépendante [8]. Pour poser le diagnostic, il convient donc d’associer un interrogatoire précis, l’élimination des diagnostics différentiels et une biopsie hépatique de confirmation. Les scores pronostiques ne doivent être calculés qu’une fois le diagnostic établi.

Scores pronostiques

Les scores pronostiques de l’hépatite alcoolique sont essentiellement destinés à définir le sous-groupe de patients ayant un mauvais pronostic (spontané ou sous traitement). Le premier score ayant démontré son intérêt clinique est le score de Maddrey [9], basé sur le temps de Quick et le taux de bilirubine totale : score de Maddrey = 4,6 × (temps de Quick du patient – temps de Quick du témoin) + (bilirubine totale en µmol/l)/17. Un score supérieur ou égal à 32 définit l’hépatite alcoolique sévère. Il s’agit d’un score pronostique et non diagnostique. Il ne doit donc être calculé que chez un patient dont on sait qu’il a bien une hépatite alcoolique. Ce seuil de 32 détermine l’indication de la corticothérapie (cf. infra). D’autres outils pronostiques que le score de Maddrey peuvent être utilisés pour définir la sévérité de l’hépatite alcoolique, notamment le score MELD [3, 10, 11], le score de Glasgow [12] et le score ABIC [13]. Ces scores restent néanmoins moins utilisés que le score de Maddrey, notamment en France. Globalement, l’ensemble des scores pronostiques basés sur la sévérité de l’hépatopathie au moment du diagnostic prennent en compte la bilirubine, la fonction rénale et les paramètres de coagulation. Le score de Lille [14] est un score dynamique qui permet de définir la réponse au traitement en se basant sur l’évolution de la bilirubine totale au cours de la première semaine de la corticothérapie. Il s’agit d’un score qui fluctue entre 0 et 1 et qui prend en compte l’âge, le temps de Quick, l’albumine, la bilirubine, la présence d’une insuffisance rénale et la différence du taux de bilirubine entre l’initiation de la corticothérapie et le septième jour de traitement. Par conséquent, ce score ne peut pas être calculé au début du traitement mais uniquement au septième jour de corticothérapie. La formule, obtenue par régression logistique, est disponible sur le site www.lillemodel.com. La gestion pratique du traitement basée sur le score de Lille est détaillée plus bas.

Traitement

La prise en charge globale commune aux patients cirrhotiques décompensés s’applique bien entendu aux patients avec hépatite alcoolique (traitement diurétique si nécessaire, supplémentation vitaminique, suivi alcoologique, etc.). Bien que certaines controverses existent concernant l’efficacité de la corticothérapie, seul ce traitement a clairement démontré un impact sur la survie à court terme. Les premiers essais testant la corticothérapie par rapport au placebo datent des années 1970 et les méta-analyses (classiques ou basées sur les données individuelles) ont démontré qu’un traitement de 28 jours par prednisolone à la dose de 40 mg/j améliore la survie à court terme des patients avec hépatite alcoolique [15-18]. Il est important de souligner que seuls les patients ayant une hépatite alcoolique sévère (score de Maddrey supérieur ou égal à 32) tirent bénéfice de ce traitement, qui n’est donc recommandé que pour ces formes sévères [6, 19]. Bien que la corticothérapie soit le traitement de référence, tous les patients n’en tirent pas bénéfice et il est important de les identifier rapidement afin de pouvoir leur proposer d’autres stratégies thérapeutiques. L’efficacité de la corticothérapie peut être évaluée par l’évolution du taux de bilirubine totale au cours de la première semaine de traitement. Si ce taux baisse – quelle que soit l’importance de cette baisse – on parle de réponse biologique précoce (RBP). L’évolution est alors généralement favorable avec un risque de décès faible à court terme [20]. En l’absence de RBP, c’est-à-dire en cas de stagnation ou d’augmentation du taux de bilirubine totale au septième jour de corticothérapie par rapport au début du traitement, le risque de décès est élevé, de l’ordre de 75 % à 6 mois. Ce critère simple permet donc de prédire la mortalité à court terme mais il manque de sensibilité. Le score de Lille est un outil plus complexe d’utilisation mais ses performances pronostiques sont meilleures que celles de la RBP. Calculé au septième jour de traitement, il permet de distinguer les patients répondeurs, ayant un score de Lille bas (inférieur à 0,45 qui est le seuil diagnostique optimal du score) des patients non répondeurs qui ont un score de Lille supérieur ou égal à 0,45. En cas de réponse à la corticothérapie, le risque de décès à 6 mois est de l’ordre de 20 %, contre 70 % chez les patients non répondeurs [14, 21]. Il est également possible d’affiner la prédiction de la réponse à la corticothérapie en utilisant deux autres seuils, basés sur la méta-analyse d’essais randomisés [16] : si le score de Lille est très bas (inférieur ou égal à 0,16), on parle de réponse complète avec un risque de décès faible à court terme (moins de 10 % à 1 mois) ; en cas de score de Lille supérieur ou égal à 0,56, on parle de non-réponse complète et le risque de décès à 1 mois est élevé (plus de 45 %). Entre ces deux seuils, on parle de réponse intermédiaire et le risque de décès de ces patients est estimé à 20 % à 1 mois. Une telle distinction est utile d’un point de vue pratique car une analyse complémentaire a montré que chez les patients ayant un score de Lille supérieur ou égal à 0,56, la probabilité de survie était la même chez les patients traités par corticoïdes ou par placebo pendant 28 jours [16]. Ce résultat est donc un argument pour arrêter la corticothérapie après 7 jours si le score de Lille est supérieur ou égal à 0,56.

En termes de conduite pratique du traitement, la prednisolone est donc prescrite à 40 mg/j en une prise le matin avec évaluation de la réponse thérapeutique au septième jour. En cas de réponse complète ou partielle, le traitement est poursuivi jusqu’au 28e jour puis ce traitement est arrêté brutalement, sans décroissance progressive. En effet, il n’a pas été rapporté de cas d’insuffisance surrénale à l’arrêt des corticoïdes avec ce schéma. Il n’existe pas de recommandation officielle concernant la supplémentation en vitamine D et en calcium, mais il paraît raisonnable de la proposer chez les patients carencés ou présentant une ostéopénie.

Plusieurs autres traitements ont été proposés pour traiter l’hépatite alcoolique sévère mais ont montré des résultats décevants. La N-acétylcystéine (seule ou associée à d’autres molécules antioxydantes) n’améliore pas la survie [22, 23]. En association aux corticoïdes, la N-acétylcystéine semble montrer un intérêt sur la base d’un essai randomisé français [24] mais ces résultats doivent être confirmés par d’autres études. La nutrition entérale n’améliore pas la survie, qu’elle soit utilisée seule [25] ou en association aux corticoïdes [26]. La pentoxifylline a montré des résultats encourageants sur la base d’une étude contre placebo [27], avec notamment une diminution de l’incidence du syndrome hépatorénal. Néanmoins, l’essai anglais STOPAH [28] n’a pas confirmé cet effet positif contre placebo. L’association des corticoïdes et de la pentoxifylline n’améliore pas la survie, sur la base de deux essais randomisés ayant inclus un nombre de patients important [5, 28]. Étant donné le rôle important du TNF-α dans la physiopathologie de la maladie alcoolique du foie, il apparaissait intéressant d’évaluer l’intérêt des anticorps anti-TNF-α dans l’hépatite alcoolique sévère. Malheureusement, malgré des études pilotes encourageantes, deux essais randomisés ont démontré une surmortalité en cas d’utilisation de l’infliximab [29] ou de l’étanercept [30] chez les patients présentant une hépatite alcoolique. D’autres traitements sont en cours d’évaluation [31] mais les résultats ne sont pas connus à ce jour. Par conséquent, malgré de nombreuses études menées ces dernières années, seule la corticothérapie a réellement fait la preuve de son efficacité pour traiter l’hépatite alcoolique sévère, bien que le bénéfice de ce traitement ne soit pas observé chez tous les patients.

Cas particulier de l’infection

Les épisodes infectieux sont fréquents chez les patients présentant une cirrhose décompensée. Identifier l’infection est un point majeur de la prise en charge des patients avec hépatite alcoolique sévère. En effet, si un bilan systématique est effectué dès l’admission pour hépatite alcoolique sévère, une infection est mise en évidence chez 25 % des patients et la plupart des infections sont en rapport avec une infection du liquide d’ascite, une bactériémie ou une infection urinaire [21]. Quand l’infection est traitée efficacement par antibiotiques, il est ensuite possible d’initier la corticothérapie sans risque de récidive de l’infection et avec une survie à court terme qui n’est pas différente de celle des patients non infectés à l’admission. Il semble donc raisonnable de proposer la réalisation systématique d’un examen cytobactériologique des urines, d’hémocultures, d’une radiographie thoracique et d’une ponction d’ascite exploratrice si une ascite est présente. Quand l’infection survient après initiation de la corticothérapie, le pronostic est plus mauvais que quand l’infection survient dès l’admission et le site pulmonaire devient fréquent. Les épisodes infectieux sont plus fréquents chez les patients non répondeurs aux corticoïdes (environ 40 % des cas contre environ 10 % chez les patients répondeurs). Le lien étroit entre non-réponse au traitement corticoïde et infection est illustré par le fait que l’infection n’est pas un facteur de risque indépendant de mortalité après corticoïdes alors que le score de Lille l’est [21]. La place de l’antibiothérapie préventive n’est pas définie mais une étude multicentrique est en cours sur le sujet. Il n’y a pas de recommandations formelles de prise en charge de l’infection sous corticoïdes faite d’études interventionnelles directes mais il paraît raisonnable d’interrompre la corticothérapie en cas d’infection sévère. Le traitement pourra éventuellement être repris après contrôle de l’infection.

Place de la transplantation hépatique

En l’absence de réponse au traitement médical, la survie à court terme est mauvaise et aucun traitement médicamenteux n’a fait la preuve de son efficacité « en deuxième ligne » (pentoxifylline, nutrition entérale, etc.). Les patients non répondeurs au traitement médical décèdent rapidement avec une médiane de survenue du décès d’environ 30 jours. La plupart des décès sont causés par la dysfonction hépatique sévère. En utilisant la combinaison du score de Lille et d’un score de sévérité à l’admission (score MELD ou score de Maddrey), il est possible de prédire le risque de mortalité de chaque patient de manière chiffrée à 2 et 6 mois [32]. Bien que les patients souffrant d’hépatite alcoolique sévère ne présentent, par définition, pas un sevrage en alcool lors de l’admission à l’hôpital, il a été proposé d’évaluer l’intérêt d’une transplantation hépatique en procédure accélérée chez ceux non répondeurs au traitement médical hospitalisés pour une première décompensation de maladie alcoolique du foie [33]. En effet, étant donné une survenue rapide du décès chez ces patients, proposer un délai d’attente du sevrage de plusieurs mois avant de considérer l’indication de transplantation paraissait illusoire. On rappelle ici que la règle de 6 mois d’abstinence en boissons alcoolisées, bien que souvent utilisée, n’est pas un bon marqueur de sevrage après transplantation hépatique pour maladie alcoolique du foie car elle manque de spécificité mais surtout de sensibilité [34]. Autrement dit : de bons candidats en termes « alcoologiques » ne sont pas retenus par cette règle des 6 mois alors qu’ils ont un pronostic sans reprise d’alcool après transplantation qui est très bon. Une étude pilote franco-belge multicentrique [35] a démontré que la transplantation hépatique en procédure accélérée – c’est-à-dire sans attendre de délai de sevrage significatif – était faisable en cas d’hépatite alcoolique ne répondant pas au traitement médical. Cette étude a proposé la transplantation à un sous-groupe de patients très sélectionnés sur des critères alcoologiques, relationnels et sociaux. Les patients transplantés hépatiques dans le cadre de cette procédure avaient une survie à 6 mois bien meilleure que celle des patients non transplantés, survie qui était proche de celle observée chez les patients qui avaient répondu au traitement médical. Seules trois reprises d’alcool ont été observées sur les vingt-six patients transplantés. Bien que ces données préliminaires soient encourageantes, il convient d’être extrêmement prudent vis-à-vis de l’indication de transplantation chez les patients présentant une hépatite alcoolique ne répondant pas au traitement médical. Des études de confirmation sont nécessaires avec un nombre plus important de patients. D’autres études ont été publiées, suggérant que la survie de ces patients était bonne et que le risque de reprise d’alcool était faible [36-38]. Le point principal est le manque de données prospectives avec un recul suffisant (plusieurs années après transplantation) et la comparaison avec les patients transplantés pour cirrhose alcoolique décompensée présentant un sevrage de plusieurs mois. Une étude franco-belge est actuellement en cours sur ce sujet (étude QuickTrans-HAA). Les opposants au programme de transplantation dans cette indication soulignent que transplanter les patients avec hépatite alcoolique risque de faire peser un poids important sur le délai d’attente pour d’autres patients. Ce point devra bien entendu être évalué mais on peut raisonnablement penser qu’une sélection rigoureuse des patients ne devrait amener à la transplantation qu’un petit nombre d’entre eux. Dans le travail pilote [35], l’hépatite alcoolique ne répondant pas au traitement médical ne représentait que 2 % de l’activité des centres de greffe ayant participé à l’étude. Si l’on veut résumer l’indication de transplantation pour hépatite alcoolique sévère, on peut dire qu’elle est une possibilité thérapeutique ayant montré des résultats encourageants avec une bonne survie et un risque de reprise d’alcool qui apparaît faible, mais que plus de données sont nécessaires avant de la considérer formellement comme un traitement validé.

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Les Cinq points forts

  1. L’hépatite alcoolique doit être évoquée en cas d’ictère récent chez un patient consommateur excessif après avoir exclu les autres causes d’ictère
  2. Le diagnostic repose sur la biopsie hépatique bien que les lésions histologiques n’aient pas une spécificité parfaite
  3. Le traitement de référence de l’hépatite alcoolique sévère, défini par un score de Maddrey supérieur ou égal à 32, est la corticothérapie par prednisolone avec évaluation de la réponse thérapeutique après une semaine, à l’aide par exemple du score de Lille
  4. Le pronostic à court terme est mauvais chez les patients qui ne répondent pas au traitement médical et il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux ayant démontré son efficacité en seconde ligne
  5. La transplantation en procédure accélérée a été évaluée chez certains patients très sélectionnés ayant développé un premier épisode d’hépatite alcoolique sévère sans réponse au traitement médical. Les résultats à long terme doivent être confirmés