Sténoses d’origine indéterminée des voies biliaires de l’adulte

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les principales causes de sténose des voies biliaires
  • Savoir utiliser les principauxmoyens diagnostiques
  • Connaître la place des traitements médicaux, endoscopiques ou radiologiques
  • Connaître les indications de la chirurgie

Mots-clés : sténose biliaire, diagnostique, cholangiocarcinome

Les sténoses de la voie biliaire principale (VBP) peuvent être d’origines diverses (inflammatoire, tumorale, ischémique, traumatique…). Pour les sténoses siégeant dans le segment cholédocien intra ou rétropancréatique (sténoses distales), c’est l’adénocarcinome du pancréas qui doit être suspecté en premier lieu. La tumeur est presque constamment visualisée en tomodensitométrie ou en échoendoscopie. La ponction sous échoendoscopie fait le diagnostic ; le bilan d’extension pose peu de problèmes et les techniques d’exploration endolu­minale ont peu d’intérêt ; ce sujet ne sera pas développé. Les sténoses biliaires suprapancréatiques (sténoses médianes et proximales) posent en revanche de nombreux problèmes à la fois de diagnostic de nature, de staging en cas de néoplasme et de choix thérapeutique. Le principal diagnostic à éliminer est celui de cholangiocarcinome. Ces tumeurs malignes sont rares (3 % des cancers digestifs) mais elles ont un pronostic qui reste très péjoratif, comparable à celui des adénocarcinomes pancréatiques. La chirurgie est le seul traitement susceptible d’être curatif mais même après une résection R0 la survie à 5 ans est évaluée entre 10 et 40 % suivant les études. En cas de résection R1 ou d’envahissement ganglionnaire la survie à 5 ans est respectivement < 10 % et < 5 %. Un geste chirurgical à visée curative est par ailleurs rarement possible du fait des problèmes de résécabilité. Les extensions vasculaires (veine porte, artères hépatiques) et l’extension en hauteur dans les voies biliaires vont être déterminantes. La chirurgie est lourde nécessitant le plus souvent en complément de la résection biliaire une duodénopancréatectomie céphalique ou une hépatectomie partielle en fonction de la localisation des lésions. Le taux de mortalité est plus élevé (autour de 5 % dans les centres experts) que les mêmes résections effectuées pour d’autres indications, notamment du fait d’un état général altéré ou de l’âge avancé. Il faut également noter que 10 % des patients opérés sans certitude histologique présentent des sténoses bénignes qui auraient pu bénéficier d’une prise en charge endoscopique. Quand la chirurgie est exclue, un traitement palliatif par chimiothérapie (gemcitabine + cisplatine) peut être proposé. Aucun traitement de deuxième ligne n’a pour le moment été validé. Des traitements endoluminaux de destruction tumorale peuvent également être associés (radiofréquence, thérapie photodynamique…). Ces traitements « palliatifs » ne sont cependant pas non plus sans risques et une certitude diagnostique préalable est nécessaire. Si les nouvelles techniques d’exploration de la voie biliaire peuvent améliorer le diagnostic de ces sténoses, leur intérêt doit être évalué au cas par cas en tenant compte des limites induites par la pose d’une prothèse préalable et du coût de ces procédures. L’ensemble du processus diagnostique doit donc être adapté à chaque patient en intégrant l’urgence relative représentée par un ictère sans angiocholite.

Les examens de première intention

L’échographie

C’est habituellement la première exploration. Si elle est très sensible pour juger de la dilatation et de la hauteur de la sténose elle est en revanche peu efficace pour en déterminer la nature.

Les scanners de dernière génération

Ils sont incontournables pour les sténoses de la voie biliaire distale. Pour les sténoses médianes et proximales, l’IRM est à privilégier sous réserve de la rapidité du rendez-vous. Le caractère souvent infiltrant des cholangiocarcinomes et l’absence de masse décelable limite souvent les performances diagnostiques du scanner. Le rehaussement de la voie biliaire à la phase portale a été considéré comme un signe de malignité, mais la spécificité de ce critère isolé est très faible (19 %). Les performances des scanners de dernière génération sont en revanche excellentes pour le bilan métastatique et pour faire le bilan d’extension vas­culaire (en particulier avec une reconstruction vasculaire spécifique) que ce soit pour la veine porte (sensibilité > 90 %, spécificité > 80 %) ou pour ­l’artère hépatique (sensibilité > 75 %, spécificité > 90 %). Pour le bilan canalaire, les derniers scanners sont efficaces dans 80 % des cas pour évaluer l’extension longitudinale des cholangiocarcinomes hilaires dans la sous-muqueuse. L’extension muqueuse qui accompagne souvent ces tumeurs est en revanche très largement sous-estimée. En cas de résection chirurgicale, une marge de 1 à 2 cm en plus de l’extension maximale visualisée au scanner (ou en IRM) est recommandée.

La cholangio-pancréato IRM (CP-IRM)

C’est le plus performant des examens non invasifs pour les sténoses proximales. Elle doit associer des séquences d’IRM hépatique avec injection et des séquences de cholangiographie (cholangio-IRM). Elle permet d’avoir une cartographie biliaire qui sera indispensable avant un éventuel cathétérisme ou une chirurgie. La pose d’une prothèse préalable (même métallique) n’empêche pas sa réalisation mais gènera l’interprétation. L’IRM peut permettre d’évoquer le diagnostic de sténose sur cholangite sclérosante (CSP) qui nécessite une prise en charge spécifique. Si plusieurs séries incluant une méta-analyse ont montré que l’IRM avait une sensibilité et une spécificité > 90 % pour diagnostiquer les obstructions biliaires, les performances pour le diagnostic de nature des lésions restent moyennes avec une sensibilité entre 48 et 88 % et une spécificité entre 71 et 95 %. Les performances pour ­l’extension vasculaire et pour le bilan métastatique sont, dans les meilleures mains, comparables à celles des ­scanners de dernière génération. Les mêmes limites que le scanner existent concernant l’estimation de l’extension muqueuse.

Tomographie par émission de positons (TEP) au 18F-FDG

Une métaanalyse récente retrouve une efficacité modérée pour l’évaluation des cholangiocarcinomes extrahépatiques avec une sensitivité poolée de 76 % et une spécificité poolée de 74 %. Elle n’est pas proposée actuellement de manière systématique.

C’est après ce bilan initial que la place des autres examens et de la chirurgie doit se discuter. Plusieurs problèmes spécifiques aux sténoses de la voie biliaire rendent le problème complexe :

  • l’obtention d’une certitude diagnostique peut s’avérer difficile. L’écho­endoscopie avec ponction doit être envisagée en priorité (ciblée sur les ganglions en cas de CSP cf. infra). En cas de négativité ou en cas de nécessité de drainage biliaire rapide le prélèvement s’effectuera par cathétérisme rétrograde endoscopique (CPRE). Dans ce cas, le geste devra être soigneusement réfléchi : en cas de geste chirurgical potentiel, le drainage devra concerner la portion de foie amenée à être conservée. Un drainage percutané radiologique pourra être une alternative dans certaines tumeurs du hile susceptibles d’être opérées. La réalisation d’une cholangioscopie avec biopsies dirigées pourra se discuter d’emblée lors de la première CPRE (cf. infra) ;
  • le risque chirurgical est dépendant du geste requis et donc de la hauteur de la sténose. En cas de cholangiocarcinome du tiers moyen de la voie biliaire une résection simple avec curage ganglionnaire est considérée comme suffisante. Après une écho­endoscopie (EE) diagnostique et en l’absence de critères faisant évoquer en priorité une cause bénigne (cholangite sclérosante, chirurgie biliaire récente, maladie autoimmune associée…) la balance avantage/risque entre une chirurgie inutile (lésion bénigne méconnue) et la mortalité chirurgicale sera le plus souvent en faveur d’une chirurgie de principe. En cas de cholangiocarcinome proximal, la chirurgie a une mortalité plus élevée (nécessité d’une résection hépatique partielle) et les chances d’avoir un geste curatif sont réduites. Un diagnostic de certitude pourra être requis pour proposer la chirurgie. En cas d’hépatectomie majeure envisagée, une volumétrie hépatique TDM devra être effectuée pour évaluer la nécessité d’une embolisation portale préopératoire du foie à réséquer (pour hypertrophier le foie restant). Une laparoscopie préalable pourra se discuter pour mieux évaluer la résécabilité ;
  • dans le cas spécifique d’une sténose suspecte chez un patient porteur d’une cholangite sclérosante l’option d’une transplantation hépatique doit être envisagée. Dans ce cas, si une ponction sous échoendoscopie est proposée, elle ne doit pas concerner la sténose elle-même, mais uniquement les ganglions suspects. L’éventuel risque de dissémination de la tumeur sur le trajet de ponction, bien que non prouvé, représente une contre-indication à la transplantation pour certaines équipes.

Les examens de deuxième intention

Ils vont être proposés pour éliminer une pathologie bénigne et/ou pour obtenir une preuve diagnostique de la nature de la sténose (patient non opérable ou chirurgie envisagée qu’en cas de carcinome prouvé), et/ou pour drainer les voies biliaires (traitement à visée palliative, traitement préparatoire à la chirurgie).

L’échoendoscopie avec ponction à l’aiguille fine (PEE)

L’EE peut être utile pour le diagnostic de nature en excluant un calcul cholédocien, un syndrome de Mirizzi par calcul cystique compressif sur la voie biliaire ou une compression extra­biliaire par un ganglion. Elle pourra apporter des arguments en faveur d’une cholangite qu’elle soit primitive ou associée à une maladie à IgG4. Un staging vasculaire de la lésion pourra être faite dans le même temps. L’utilisation du doppler voire une injection de produit de contraste échographique (Sonovue®) pourront permettre d’améliorer ce staging. L’utilisation d’un échoendoscope linéaire sera nécessaire du fait de la plus grande profondeur de champ que les écho­endoscopes radiaux et grâce à la possibilité de ponction. Si un diagnostic formel s’avère nécessaire une large méta-analyse récente (20 séries, 957 patients) retrouve une sensibilité poolée de la PEE de 80 % et une spécificité de 100 % pour le diagnostic de sténose biliaire maligne. La sensibilité était plus élevée en cas de masse visualisée en EE. La morbidité était faible, chiffrée à 1 %. Le risque de dissémination sur le trajet de ponction n’a jamais été réellement évalué. Néanmoins certaines équipes contre-indiquent la transplantation hépatique en cas de PEE préalable. En cas de doute tumoral et de transplantation éventuelle la ponction d’un ganglion doit être privilégiée, ce qui permet d’exclure jusqu’à 17 % des patients de la transplantion du fait de ganglions envahis. Dans une étude récente, les performances comparées de la PEE et de la CPRE avec prélèvements étaient assez comparables en cas de masse biliaire ou de sténose indéterminée avec une sensibilité identique de 79 % et une spécificité de 80 % pour l’EE et de 57 % pour la CPRE. La valeur prédictive négative (VPN) de cancer reste insuffisante, chiffrée dans les meilleures mains à 70 %.

La CPRE avec prélèvements endocanalaires

L’indication de la CPRE devra être pesée au cas par cas. Son intérêt doit être mis en balance avec le risque relatif de l’examen et avec la nécessité de pose de prothèse à l’issue du geste (indispensable après l’opacification des voies biliaires dans ce contexte de sténose). Si une option chirurgicale est exclue ou si la prothèse n’empêche pas la chirurgie chez un patient opérable et résécable, la CPRE avec prélèvements permettra d’obtenir un diagnostic de certitude de cancer dans plus de 50 % des cas et de drainer dans le même temps. Différentes méthodes ont été utilisées pour effectuer des prélèvements dans le site de la sténose. Ce sont les techniques de brossage-cytologie et de biopsies endocanalaires qui ont été le plus utilisées. Ces techniques sont très spécifiques (proche de 100 %) pour diagnostiquer une tumeur, mais ont une faible sensibilité (46-73 %). Diverses techniques ont été proposées pour améliorer les résultats, mais c’est finalement la combinaison cytologie + biopsie qui est actuellement le standard permettant d’obtenir les résultats les plus satisfaisants avec une performance diagnostique entre 54 et 70 % et une spécificité de 100 %. Si la cytologie est plus efficace sur les formes infiltrantes, la biopsie sera plus performante sur les formes végétantes en endoluminal. Les difficultés de lecture anatomopathologique restent cependant fréquentes, expliquant en partie des performances globalement basses. Plus récemment, a été décrit une méthode combinant une cytologie effectuée sur le brossage habituel et sur l’aspiration du liquide biliaire sus-sténotique. Les résultats étaient prometteurs avec une sensibilité augmentée à 81 % et une VPN de 75 %. Il sera intéressant de voir si ces bons résultats se confirment dans d’autres études et si l’adjonction de biopsies systématiques améliore encore le rendement diagnostique.

Les explorations endocanalaires per CPRE

Quand le diagnostic de nature des sténoses biliaires médianes et proximales reste indéterminé, trois autres techniques couplées à la CPRE se sont développées pour aider à choisir la meilleure option entre chirurgie et suivi. Elles peuvent être proposées d’emblée lors de la première CPRE ou en seconde intention. Aucune étude ne permet pour le moment de savoir quelle attitude est la plus efficace et la moins coûteuse.

Les minisondes endocanalaires d’échographie

Elles sont disponibles depuis une vingtaine d’années. De nombreuses études, essentiellement japonaises ont permis d’évaluer leurs performances. Techniquement, l’examen est de réalisation simple et rapide la minisonde étant insérée dans la voie biliaire sur un fil guide. Le diamètre de la minisonde (identique à un cathéter standard) permet de passer la sténose sans dilatation préalable dans plus de 85 % des cas. Les hautes fréquences utilisées (20 Mhz) donnent une définition inégalée de la paroi et des structures au contact. L’examen va permettre d’orienter sur le diagnostic de nature et d’évaluer l’éventuelle extension tumorale à la fois vasculaire et endocanalaire avec des performances supérieures aux autres examens. L’efficacité des minisondes pour différencier les sténoses bénignes des sténoses malignes varie de 76 à 92 % suivant les séries. La rupture de la paroi biliaire est considérée comme spécifique d’une lésion tumorale. Deux autres critères (le caractère sessile de la lésion et une taille supérieure à 1 cm) sont également prédictifs de malignité. L’absence de ces trois critères, associée à des prélèvements endobiliaires négatifs, était en faveur d’une lésion bénigne avec une efficacité de 95 % et une VPN de 100 % pour Tamada en 2002. Un épaississement pariétal inférieur à 8 mm était également hautement prédictif de bénignité (VPN 100 %) sur une série plus récente. Les minisondes peuvent par ailleurs mettre en évidence d’autres causes de sténoses biliaires par compression extrinsèque (vasculaire, lithiasique dans le cas du syndrome Mirizzi, ­ganglionnaire…). Les minisondes sont ­complémentaires des scanners de dernière génération pour l’évaluation de l’extension vasculaire (très bonnes performances pour l’extension portale et sur l’artère hépatique droite) mais leur intérêt sera surtout pour l’extension endocanalaire. L’extension muqueuse est en effet mieux appréciée qu’avec les autres procédures. Outre la meilleure délimitation des poles supérieurs et inférieurs de la lésion les minisondes peuvent détecter d’autres lésions endocanalaires à distance de la tumeur principale en cas de TIPMB (tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse des voies biliaires, anciennement nommée papillomatose). L’impact de ce dernier point est majeur puisque l’indication chirurgicale est alors remise en cause chez des patients jeunes avec discussion d’une greffe de foie associée à une duodénopancréatectomie céphalique. Le principal frein à l’utilisation de cette technique est le faible développement de la méthode (malgré un coup unitaire inférieur aux autres techniques endocanalaires) et la nécessité de l’utiliser lors du cathétérisme initial pour ne pas compliquer l’interprétation par les remaniements pariétaux survenant systématiquement après pose de prothèse.

La microscopie confocale

C’est une technique d’apparition récente. La possibilité d’utiliser cette méthode innovante en endocanalaire a permis de l’appliquer au diagnostic des sténoses biliaires de nature indéterminée. Le principe est d’avoir une vision « microscopique » après injection intraveineuse de fluorescéine en illuminant le tissu examiné par un faisceau laser argon conduit par des fibres optiques micrométriques. Les sondes sont introduites dans la voie biliaire à l’intérieur d’un cathéter porteur (celui des brosses de cytologie biliaire par exemple) et appliquées sur le tissu à examiner sous contrôle fluoroscopique ou endoscopique (via un cholédocoscope). L’image obtenue a une résolution de 3,5 microns, et un champ d’exploration de 325 microns. La profondeur examinée se situe 40 à 70 microns en-dessous de la zone de contact. C’est la profondeur choisie en exploration biliaire pour visualiser les vaisseaux sous-muqueux et les amas cellulaires épithéliaux. Deux études ont précisé les images les plus spécifiques des atteintes tumorales ou inflammatoires aboutissant à la classification de Paris. Une large étude multicentrique prospective a comparé les performances respectives de l’association CPRE + prélèvements (brossage + biopsies) et de cette même association couplée à l’endomicroscopie confocale. Les résultats retrouvaient un gain significatif avec respectivement une efficacité de 79 % et 88 % et une VPN de 73 % et 82 %. Deux ­éléments limitent encore la méthode : le coût du matériel (à l’achat et à l’acte) et la nécessité de privilégier le geste lors du cathétérisme initial la pose de prothèse préalable compliquant, là encore, ­l’interprétation des images.

La cholangioscopie avec prélèvements dirigés

C’est la méthode de prélèvement la plus efficace. Elle peut être couplée avec un examen en microscopie confocale. Plusieurs techniques différentes ont été testées depuis maintenant près de 30 ans. La cholangioscopie directe avec un endoscope long et ultrafin, et le système de « babyscope » à l’intérieur d’un duodénoscope se sont peu développé, les problèmes de fragilité et de manoeuvrabilité ayant été pendant longtemps au premier plan. Plus récemment un cholédocoscope à usage unique a été commercialisé. Dans sa première version le SpyGlass® utilisait un système réutilisable de fibres optiques inséré dans une gaine à usage unique. Dans une étude prospective multicentrique le taux de visualisation des lésions étaient de 95 % avec 81 % de prélèvements adéquats. Dans la méta-analyse récente incluant 10 études et 456 patients la sensibilité et la spécificité poolées du SpyGlass® de première génération avec biopsies pour le diagnostic des sténoses biliaires indéterminées était de 60 % et 98 % respectivement. Les résultats étaient proches si l’on se centrait sur les performances pour le diagnostic de cholangiocarcinome (66 % et 97 %). Pour le Spyglass® de deuxième génération (« digital ») la vision a été améliorée en intégrant un CCD à la place des fibres optiques. Le champ a été augmenté de 60 % et la résolution multipliée par 4. La maniabilité a été renforcée. L’ensemble du cholédocoscope est devenu à usage unique. Le recul manque sur ce nouvel appareil mais les améliorations techniques laissent espérer une amélioration parallèle des résultats.

Que faire en pratique

L’analyse de la situation clinique est toujours fondamentale. La disponibilité des explorations et la qualité de la réalisation et de l’interprétation sont déterminantes dans le choix de la séquence d’examen (une bonne IRM sera toujours supérieure à un mauvais scanner et inversement). Les patients ictériques nécessitent par ailleurs une prise en charge diagnostique urgente même en l’absence d’angiocholite. L’intensité et la chronicité de l’ictère aboutissent à des conséquences métaboliques rapides (cardiaques, rénales, hémostatiques, nutritionnelles…) qui vont allonger le délai de mise en œuvre des traitements et diminuer les capacités de défense des patients. Le choix des étapes de diagnostic est donc essentiel de même que le délai pour obtenir les examens.

Les examens de première intention sont urgents

Quand le caractère obstructif de l’ictère est confirmé en échographie chez un patient où aucun traitement anticancéreux (chirurgie, chimiothérapie) n’est envisageable ou chez un patient métastatique : une CPRE à visée palliative est à discuter.

Dans les autres cas, l’échographie doit être ­couplée rapidement à une hépato et cholangio-IRM. Pour les sténoses médianes, un scanner abdomino­pelvien de dernière génération avec angioscanner est une alternative. Ce sera le choix à faire également en cas de délai important pour obtenir une IRM.

On en attend :

  • systématiquement : de confirmer le caractère obstructif, de préciser la hauteur de la sténose, de réaliser un bilan métastatique, de réaliser un bilan de résécabilité en cas de masse décelable ;
  • si possible : de déterminer la nature de la sténose (masse suspecte, calcul…)

À l’issue de ce premier bilan

La séquence d’examen pourra être adaptée (Tableau I).

Tableau 1

Tableau 1

En pratique :

  • chez un patient aux antécédents de chirurgie biliaire (cholecystectomie, greffe hépatique…) le diagnostic de sténose bénigne est possible. Cela sera d’autant plus probable que la chirurgie a été compliquée et qu’elle est proche dans le temps ;
  • chez un patient sans antécédents de chirurgie biliaire une sténose biliaire (épaississement +/– masse) est à priori un cholangiocarcinome mais une sténose bénigne est possible en particulier une cholangiopathie autoimmune. Un bilan complémentaire sanguin et la recherche d’une atteinte d’autres organes sur les examens initiaux devront être systématiques ;
  • en cas de CPRE le modèle de prothèse doit être adapté aux doutes diagnostiques et à l’éventuelle chirurgie. La pose de prothèses métalliques non couvertes doit être absolument évitée tant qu’il n’y a pas de preuve histologique de tumeur ;
  • le temps joue contre le patient. Si 90 % des cas peuvent être réglés dans des centres bien équipés (EE, ponction sous EE, CPRE), 10 % des cas nécessitent une prise en charge par des centres tertiaires suréquipés. Il faut savoir sélectionner les patients d’emblée car une fois la prothèse posée les explorations endobiliaires n’auront plus la même pertinence.

Conclusion

La prise en charge des patients ­ictériques présentant une sténose biliaire sus-pancréatique reste encore ­complexe et nécessite de nombreux examens pas toujours faciles à obtenir dans un court délai. Les nouvelles ­techniques d’exploration endo-biliaires peuvent aider à résoudre les cas les plus difficiles mais elles nécessitent la réalisation d’une CPRE et peuvent être limitées par une pose préalable de prothèse. C’est de la responsabilité de tous d’être exigeant sur la prise en charge de ces patients en réalisant rapidement l’échographie et l’IRM puis en sélectionnant les examens utiles en fonction du résultat et de la présen­tation clinique du patient. Si une ­exploration endo-canalaire paraît ­souhaitable, la CPRE devra être envisagée dans un centre expert pouvant prendre en charge sans retard et de manière multi-disciplinaire ce type de ­pathologie.

Références

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Les Cinq points forts

  1. Un ictère obstructif est une urgence diagnostique.
  2. En cas de sténose suspancréatique l’IRM (hépatique et biliaire) est à privilégier.
  3. Une éventuelle chirurgie est à discuter avant tout drainage biliaire.
  4. L’échoendoscopie avec ponction est au moins aussi efficace que le cathétérisme avec brossage et biopsie pour le diagnostic de tumeur.
  5. Les explorations endocanalaires (minisonde d’échographie, microscopie confocale et cholédocoscopie avec Spyglass®) améliorent la précision diagnostique des sténoses biliaires indéterminées, surtout en l’absence préalable de prothèse.