Troisième conférence de consensus ECCO sur la RCH. Ce qui change

Introduction

Les premières recommandations de l’European Crohn and Colitis Orga­nisation (ECCO) sur la rectocolite hémorragique (RCH) ont été publiées en 2008. Une mise à jour de ces recomman­dations a été publiée en 2012. La troisième conférence de consensus ECCO sur la RCH devrait être publiée en 2017 [1, 2].

La méthode employée est à chaque fois la même. Dans un premier temps, le GuiCom d’ECCO a lancé un appel à volontaires. Puis il a sélectionné les participants. Ceux-ci ont été répartis en plusieurs groupes de travail qui avaient chacun un leader.

Vingt-huit auteurs de 15 pays différents ont rédigé la troisième conférence de consensus ECCO sur la RCH. Le texte et les déclarations (“statements”) ont été rédigés par les membres des groupes de travail, après recherche bibliographique. Ils ont été mis en forme et modifiés par leurs leaders. Les déclarations ont été soumises aux votes des participants et des représentants nationaux des pays affiliés à ECCO (2 par pays) à trois reprises ; deux fois par vote électronique et une fois à main levée, lors d’une réunion qui s’est déroulée à Barcelone, le 24 octobre 2015. À l’issue de ces votes, les déclarations ont été modifiées et amendées. Des experts extérieurs ont également participé au deuxième vote électronique. À l’issue de la réunion de Barcelone, les déclarations ont été figées, le texte a été travaillé par les auteurs et la direction d’ECCO ; il a atteint sa forme définitive fin 2016.

Ce processus a débuté en janvier 2014 et les principales modifications ont été communiquées au congrès d’ECCO, le 18 mars 2016. Le niveau de preuve (NP) des déclarations a été classé selon la version 2011 du centre d’« Evidence-Based-Medicine » d’Oxford (http://www.cebm.net/levels_of_evidence.asp#refs).

Le processus est une garantie de qualité. Il permet un travail en profondeur et un véritable consensus européen.

Dans le texte qui suit, on trouvera les principaux changements par rapport aux précédentes versions des recommandations ECCO. Les changements portent surtout sur le traitement médical de la RCH.

Traitement médical de la RCH active

Le traitement médical de la RCH dépend de l’activité de la maladie, de l’extension des lésions, et de l’évolution de la maladie (fréquence des poussées, cours évolutif, réponse et tolérance aux médicaments de la RCH, manifestations extra intestinales). L’âge au début de la maladie et la durée d’évolution sont aussi des paramètres importants. Un point particulier concerne les critères d’hospitalisation pour RCH en poussée. Comme lors des conférences précédentes, ECCO valide les critères de Truelove et Witts modifiés pour décider de l’hospitalisation.

Traitement des proctites

Il n’y a pas de changement dans ce chapitre. Le traitement topique par salicylés (suppositoires ou lavements), seul ou en association avec les salicylés per os, est le traitement de choix.

Traitement des colites gauches et étendues, minimes ou modérées

En première intention, les formes minimes ou modérées doivent être traitées par salicylés per os et en lavements (NP 1). La dose de salicylés oraux doit être au moins égale à 2,4 grammes par jour. La prise unique est recomman­dée (NP1). Deux nouvelles molécules, qui ne sont pas encore disponibles en France, font leur apparition : le beclamethasone dipropionate et le budesonide MMX. L’efficacité et la tolérance du beclamethasone dipropionate sont similaires à celles de la prednisone par voie orale (NP2). Le budesonide MMX peut être discuté chez les malades avec une colite gauche, qui sont intolérants ou réfractaires aux salicylés (NP2). Le budesonide MMX ne fait pas mieux que le placebo dans les colites étendues. Les corticoïdes doivent être introduits chez les malades qui ne répondent pas à ce traitement ou qui ont une forme modérée à sévère.

Traitement des colites sévères

Comme dans les deux premières conférences de consensus, les malades qui ont au moins 6 évacuations glairo-­sanglantes et au moins un des signes suivants : tachycardie > 90/min, ­température > 37°8C, hémoglobine < 10,5 g/dL, vs (ou CRP) > 30 mg/dl doivent être hospitalisés. Les malades âgés de plus de 60 ans ou ayant des comorbidités sont à haut risque de mortalité. Les corticoïdes IV demeurent le traitement de première intention. Les mesures d’accompagnement sont essentielles, tout particulièrement l’héparine prophylactique et la surveillance médico chirurgicale. La réponse aux corticoïdes IV devrait être évaluée au troisième jour. Les non répondeurs (plus de 8 évacuations ou plus de 3 évacuations et une CRP>45 mg/dL) sont candidats à la chirurgie ou à un traitement de deuxième ligne par ciclosporine (NP1), infliximab (NP1) ou tacrolimus (NP2). La colectomie est indiquée chez les malades qui ne s’améliorent pas après 4 à 7 jours de traitement. Deux essais randomisés n’ont pas montré de différence d’efficacité, ni de tolérance entre la ciclosporine et l’infliximab. Le choix entre les deux molécules doit donc être discuté au cas par cas. Les malades déjà traités par thiopurines au moment de la poussée sévère sont candidats à un traitement par infliximab plutôt que par ciclosporine. Des signes clinico-biologiques (plus de 9 selles par 24 h, dilatation colique, albumine < 30g/L, réunis dans l’indice de Ho) et des lésions endoscopiques sévères prédisent l’échec des corticoïdes IV. Le traitement de troisième ligne (ciclosporine après échec de ­l’infliximab ou vice versa) n’est pas recommandé, sauf chez des malades sélectionnés et traités dans un centre expert.

Traitement des RCH ­corticodépendantes

Comme dans les deux premières conférences de consensus, l’azathioprine (NP2), les anti TNF (NP1) et la colectomie (NP5) sont des options possibles chez les malades qui ont une RCH corticodépendante. Dans la troisième conférence de consensus, la combo­thérapie par anti TNF et thiopurines est recommandée, au moins pour les malades traités par infliximab. En effet, l’essai SUCCESS a montré la supériorité de l’association azathioprine-infliximab sur les deux molécules prises isolément. Les options nouvelles sont le vedolizumab et le methotrexate. Bien qu’aucun des essais de phase 3 des anti TNF et du vedolizumab n’aient identifié les malades corticodépendants, le taux de rémission sans corticoïdes était significativement supérieur chez les malades du bras expérimental comparativement au bras placebo. L’essai METEOR a comparé le methotrexate SC au placebo, chez des malades corticodépendants. Le critère principal (la rémission sans corticoïdes à la 16e semaine) n’a pas été atteint, mais la rémission clinique sans corticoïdes à la 16e semaine était plus fréquente chez les malades traités par metho­trexate que chez ceux traités par placebo. Le contrôle des symptômes était meilleur dans le bras methotrexate.

Traitement des RCH modérées ­corticorésistantes

La corticothérapie intraveineuse (NP5), les anti TNF (infliximab, adalimumab, golimumab ; NP1), le vedolizumab (NP2) et le tacrolimus (NP2) sont des options valables dans cette situation. En cas d’échec, un traitement par un deuxième anti TNF (NP4) ou par vedolizumab (NP2) est une option valable. Il est important de relever qu’aucun des traitements actuels et à venir (tofacitinib, ozanimod) ne permet d’obtenir la rémission sans corticoïdes chez la majorité des malades. La chirurgie est également une option.

Traitement des RCH modérées réfractaires aux immunosuppresseurs

C’est l’indication d’un traitement par anti TNF (NP1) ou vedolizumab (NP2). En cas d’échec, un autre anti TNF (NP4) ou le vedolizumab (NP2) sont indiqués.

Maintien de la rémission

Le but du traitement d’entretien de la RCH est de maintenir la rémission clinique (NP1) et endoscopique (NP2), sans corticoïdes. La rémission clinique est définie par l’absence de rectorragies et moins de 4 selles par 24 h. La rémission endoscopique est corrélée avec une amélioration globale du cours évolutif de la maladie. L’absence d’inflammation aiguë histologique est prédictive d’une rémission de la maladie (NP3). Toutefois, on n’a jamais montré qu’un traitement intensifié, visant à obtenir la rémission endoscopique ou histologique chez des malades en rémission clinique, permettait d’obtenir de meilleurs résultats à long terme. Le traitement d’entretien est systé­matique (NP1), sauf chez quelques malades avec proctite (NP3). Le choix du traitement d’entretien dépend de l’extension des lésions (NP1), du cours évolutif de la maladie, de la tolérance et de l’efficacité du précédent traitement d’entretien, de la sévérité de la poussée actuelle (NP5 pour chacun de ces items), de la tolérance à long terme (NP1) et de son effet sur la prévention du cancer (NP2).

Médicaments du traitement d’entretien de la RCH

La mesalamine est le traitement d’entretien de première ligne chez les malades répondeurs à un traitement d’induction par les salicylés ou les ­corticoïdes (topiques ou systémiques ; NP1). La mesalamine topique est le traitement d’entretien de première intention des proctites ; c’est une option chez les malades ayant une colite gauche (NP1). Une association de mesalamine orale (2 g/J) et rectale (3 g par semaine) peut être une option en deuxième intention (NP2). La mesalamine doit être poursuivie sur le long terme (NP3) et pourrait réduire le risque de cancer colorectal (NP3).

Les thiopurines sont indiquées chez les malades avec une activité modérée, des rechutes précoces ou fréquentes, sous salicylés à la bonne dose, ou ayant une intolérance à ces produits (NP5). Les thiopurines sont aussi indiquées chez les malades corticodépendants (NP2) ou répondeurs aux anticalcineurines (ciclosporine ou tacrolimus ; NP3).

Les biothérapies :

  • Comme dans les consensus précédents, les malades répondeurs aux anti TNF en traitement d’induction devraient être traités par les anti TNF en traitement d’entretien (NP1). Les thiopurines sont une alternative possible (NP3).
  • En Europe, le vedolizumab ou les anti TNF peuvent être utilisés indifféremment en première intention (NP1). En cas d’échec des anti TNF, le vedolizumab peut être utilisé (NP2). En France, le vedolizumab n’est autorisé qu’après échec des anti TNF.
  • Chez les malades qui répondent au vedolizumab en traitement d’induction, le maintien de la rémission par le védolizumab est approprié (NP2).
  • Les malades avec colite sévère qui répondent à un traitement d’induction par corticoïdes, ciclosporine ou tacrolimus devraient recevoir un traitement d’entretien par thiopurines (NP2). Ceux qui ont répondu à l’infliximab devraient être main­tenus par de l’infliximab (NP2). L’adalimumab et le golimumab n’ont pas été testés dans les colites aiguës graves.

Conclusion

La troisième conférence de consensus ECCO constitue l’état de l’art du diagnostic et de la prise en charge de la RCH, vu d’Europe. Ces recommandations sont des aides à la décision et non des règles contraignantes. De plus, les « statements » ne doivent pas être lus isolément, mais placés dans le contexte de l’ensemble des recommandations, afin d’éviter les contresens. Les troisièmes recommandations ECCO seront publiées dans Journal of Crohn’s and Colitis en 2017. Pour les adhérents d’ECCO elles seront également disponibles sous forme d’algorithmes inter­actifs.

Références

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Les Six points forts

  1. En première intention, les RCH actives, minimes ou modérées doivent être traitées par salicylés par voie orale et/ou rectale.
  2. Les corticoïdes IV constituent le traitement de première intention des colites aiguës graves non compliquées. En cas d’échec, et en l’absence d’indication d’une colectomie en urgence, la ciclosporine et l’infliximab donnent des résultats similaires, en termes d’efficacité et de tolérance.
  3. Les malades qui répondent à un traitement d’induction par corticoïdes, ciclosporine ou tacrolimus devraient recevoir un traitement d’entretien par thiopurines. Ceux qui ont répondu à l’infliximab devraient être maintenus par de l’infliximab.
  4. Chez les malades corticodépendants, l’azathioprine, les anti TNF (infliximab, adalimumab, golimumab), le vedolizumab et le methotrexate sont des options possibles.
  5. Chez les malades ayant une forme modérée, corticorésistante, la corticothérapie intraveineuse, les anti TNF, le vedolizumab et le tacrolimus sont des options valables.
  6. Chez les malades qui répondent au vedolizumab en traitement d’induction, le maintien de la rémission par le vedolizumab est approprié.