Dans les situations d’échecs répétés d’éradication d’Helicobacter Pylori : il est parfois urgent de ne rien faire !

Position du problème

L'éradication d'Helicobacter Pylori (HP) est généralement considérée comme un objectif thérapeutique important après détection de la bactérie, ce qui favorise la multiplication de lignes d'antibiothérapie et l'émergence de résistances bactériennes. Néanmoins, cette attitude nécessite d'être questionnée compte tenue du faible pourcentage de malades présentant des lésions "graves" induites par HP. Cette enquête menée à partir de dossiers "délicats" d'HP discutés en RCP évaluait la pertinence des stratégies d'éradication déployées, afin de proposer un ajustement des pratiques.

Méthode

Au total, ce travail a inclus rétrospectivement 364 dossiers "délicats" d'HP soumis à la RCP du Groupe d'Etude Français des Helicobacter (GEFH) entre 2019 et 2023. Les dossiers étaient jugés délicats du fait d'échecs de lignes antérieures d'antibiothérapie. Le recueil de données portait sur les indications d’éradication, les résultats endoscopiques, histologiques, bactériologiques et les lignes antérieures de traitement. L'objectif était de juger l'adéquation des attitudes thérapeutiques avec le contexte clinique, les données endoscopiques, bactériologiques et les recommandations actuelles.

Résultat

L'étude révèle qu'une augmentation du nombre de lignes d'antibiothérapie était associée à une plus grande probabilité d'émergence de souches multi-résistantes, et corrélée au degré d'inadéquation des schémas d'antibiothérapie (posologies, durées et molécules inadaptées). Concernant les indications, 70% d'entre elles s'avéraient discutables, au regard des recommandations de bonne pratique. De plus, les indications formelles telles que les lésions ulcéreuses et néoplasiques étaient nettement minoritaires. Au final dans la majorité des cas, l'absence d'indication formelle endoscopique, clinique ou histologique conduisait la RCP à valider une abstention thérapeutique ou un contrôle à 3 ans.

Conclusion

Cette étude souligne l'importance de réévaluer les indications d'éradication d'HP après échec d'une première ligne d'antibiothérapie. Il est nécessaire de s'assurer de leur adéquation avec les recommandations en vigueur, le contexte clinique, les données endoscopiques et bactériologiques pour limiter notamment les phénomènes de résistances. Ce travail montre que dans la majorité des cas, l'abstention thérapeutique et/ou le contrôle ultérieur sont les attitudes les plus adaptées. La diffusion des recommandations sur les indications d'éradication et leur arrêt apparaît nécessaire.

Philippe ONANA, Nice