Transplantation fécale
POST’U 2018
Gastro-entérologie
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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.
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Les 5 points forts
- Le microbiote intestinal est impliqué dans de nombreuses pathologies dont l’infection à Clostridium difficile et les MICI
- La transplantation du microbiote fécal (TMF) consiste à administrer une préparation de matière fécale issue d’un sujet sain à un patient en vue d’exercer des effets thérapeutiques
- La seule indication validée de la TMF est l’infection récidivante à Clostridium difficile avec des taux de succès de l’ordre de 80 à 90 %.
- Les premiers résultats de la TMF dans la RCH sont encourageants mais la place et les modalités de la TMF dans le traitement des MICI restent à déterminer.
- Il existe de nombreuses indications potentielles de la TMF mais les données sont pour l’instant insuffisantes. En dehors de l’infection récidivante à C. difficile, la TMF ne doit être pratiquée que dans le cadre de la recherche.
Conflits d’intérêt
Financement de recherche (Danone, Biocodex), Consulting (Carenity, Abbvie, Astellas, Danone, Ferring, Mayoly Spindler, MSD, Novartis, Roche, Tillots, Enterome, Maat), Invitation/orateur (Abbvie, Novartis, Takeda, MSD), co-fondateur de Nextbiotix.
Mots-clés : microbiote intestinal, transplantation fécale, Clostridium difficile
Le microbiote intestinal
La flore ou microbiote intestinal est l’ensemble des microorganismes (principalement des bactéries) qui colonisent notre tube digestif. Un être humain héberge 1014 bactéries dans son tractus digestif soit dix fois plus que de cellules eucaryotes. Le microbiote est adapté à son environnement et il existe une relation étroite de mutualisme entre microbiote et hôte. Plus de 70 % des bactéries qui composent le microbiote intestinal ne sont pas cultivables par les méthodes classiques. Ces dernières années, l’avènement de la biologie moléculaire a permis l’analyse plus complète du microbiote intestinal et la description de sa grande diversité, en s’affranchissant des limites de la culture. Le microbiote intestinal représente une biomasse importante possédant de grandes capacités fonctionnelles dont l’hôte bénéficie largement, le faisant considérer par certains comme un « organe caché ». Parmi les grandes fonctions que le microbiote exerce pour la physiologie humaine, on peut distinguer (i) des fonctions métaboliques, avec notamment le métabolisme des xenobiotiques (carcinogènes…), la synthèse de vitamines (biotine, folate, vitamine K…), la fermentation des résidus alimentaires non digestibles et le mucus, la production d’énergie pour l’hôte (acides gras à chaînes courtes), (ii) le maintien de la barrière intestinale avec le renforcement des jonctions serrées entre les cellules épithéliales, l’induction de sécrétion d’Immunoglobulines A dans la lumière intestinale, l’induction de la production de peptides antimicrobiens par les cellules de l’hôte, (iii) des fonctions immunitaires avec le développement et la maturation du système immunitaire muqueux et général, et enfin (iv) des fonctions de protection contre les pathogènes en entrant en compétition avec eux (nutriments, récepteurs) ou en produisant des facteurs antimicrobiens (bactériocines…). Le microbiote intestinal étant un acteur clé pour le maintien de notre santé, il est donc logique qu’il puisse être impliqué dans le développement des pathologies lorsque sa composition ou ses fonctions sont altérées. Ainsi, le microbiote est maintenant reconnu comme une cible thérapeutique dans de nombreuses pathologies et la transplantation de microbiote fécal est une stratégie envisagée.
Transplantation de microbiote fécal
La transplantation de microbiote fécal (TMF) consiste à administrer une préparation de matière fécale issue d’un sujet sain à un patient atteint d’une pathologie liée à une altération du microbiote intestinal, en vue d’exercer des effets thérapeutiques.
La logistique nécessaire à la réalisation d’une TMF est complexe et implique de nombreux acteurs. Les principales étapes sont les suivantes : (i) la validation de l’indication de la TMF, (ii) la sélection du donneur, (iii) la préparation des selles du donneur, (iv) le choix du mode et du contexte d’administration, (v) la préparation colique, et finalement (vi) l’administration elle-même. La seule indication reconnue de la TMF en pratique clinique est l’infection à Clostridium difficile récidivante. La sélection du donneur répond à des critères spécifiques visant à réduire au maximum les risques infectieux (procédure décrite en détail dans les recommandations du groupe français de transplantation fécale, GFTF [1]). La préparation consiste à homogénéiser les selles du donneur dans du sérum physiologique, à réaliser une filtration simple visant à éliminer les résidus, puis à conditionner la solution fécale en fonction de la voie d’administration choisie.
Si les premiers protocoles de TMF étaient basés sur l’utilisation de selles fraîchement émises et ré-administrées dans un délai court, en général < 6 h, ce qui était à l’origine de contraintes organisationnelles et logistiques lourdes, ces difficultés se voient peu à peu surmontées par l’utilisation de matériel congelé (en présence de cryoprotecteur), donc immédiatement disponible et associé à une amélioration de la sécurité de la procédure en réduisant au maximum le délai entre les examens réalisés chez le donneur et l’émission de la selle utilisée pour la TMF [2]. Toute cette procédure de préparation doit se faire dans des conditions strictes d’hygiène afin de garantir la qualité du don et la sécurité du personnel manipulant. Elle se fait sous la responsabilité de la pharmacie hospitalière et en tenant compte de la nécessité de traçabilité. L’administration, le plus souvent après une préparation colique par polyéthylène glycol, peut se faire selon trois voies principales : le lavement, au cours d’une coloscopie ou au moyen d’une sonde nasoduodénale (voir nasogastrique). Plus récemment des capsules congelées pour administration orale ont également été développées.
Seule indication validée : l’infection récidivante à Clostridium difficile
Les premières traces de l’utilisation de la TMF remontent à la médecine chinoise du IVe siècle pour le traitement des empoisonnements alimentaires et d’infections intestinales avec diarrhée. En 1958, quatre cas de colites pseudomembraneuses traitées par antibiotiques et TMF par lavement ont été rapportés (alors que le pathogène responsable, Clostridium difficile, n’était pas encore identifié). En 1983, le premier cas validé d’infection récidivante à Clostridium difficile traitée efficacement par TMF était publié. Dans les 30 années suivantes, plusieurs centaines de cas similaires rapportant l’efficacité de la TMF dans les infections récidivantes à C. difficile ont été rapportés dans la littérature mais le premier essai randomisé contrôlé n’a été publié qu’en 2013 [3]. Les patients ont reçu, après tirage au sort, 3 types de traitement : vancomycin (500 mg x 4/j par voie orale pendant 4 jours) suivie d’une préparation colique et d’une TMF par sonde naso-duodénale ; un traitement standard par vancomycine (500 mg x 4/j par voie orale pendant 14 jours) ; ou un traitement standard par vancomycine avec une préparation colique. L’objectif principal était la résolution de la diarrhée sans rechute après 10 semaines. L’étude a été interrompue après une analyse intermédiaire. Sur les 16 patients du groupe TMF, la résolution de la diarrhée liée à C. difficile a été obtenue chez 13 (81 %) après la première administration. Les 3 patients restants ont reçu une seconde administration avec les selles d’un donneur différent, avec résolution des symptômes chez 2 des patients (portant le taux de succès à 94 %). Dans les groupes vancomycine seule et vancomycine avec une préparation colique, les taux de succès ont été respectivement de 31 % et 23 % (Figure 1). Aucune différence significative n’a été observée en termes d’effets secondaires entre les 3 groupes étudiés, sauf pour une diarrhée minime et des douleurs abdominales dans le groupe TMF le jour de l’administration. Après cette étude, les recommandations nord-américaine et européenne ont intégré la TMF dans la prise en charge des infections récidivantes à C. difficile (pour mémoire, une récidive d’infection à C. difficile est définie par la réapparition des symptômes associée à la présence de C. difficile et de ses toxines dans les selles dans les 8 semaines suivant la fin d’un traitement bien conduit et sans nouvelle prise d’antibiotique déclenchante). En accord avec les recommandations de l’European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) de 2014 [4], le GFTF considère que les seules indications actuelles de la TMF sont les infections à Clostridium difficile récidivantes, à partir de la seconde récidive (soit le 3e épisode), en prévention d’un épisode suivant [1]. La TMF envisagée dans ce cadre ne doit être réalisée qu’après échec d’un traitement bien conduit par vancomycine ou fidaxomicine. La séquence thérapeutique recommandée comporte trois étapes : (i) une antibiothérapie d’au minimum 4 jours par vancomycine per os à la dose de 125 à 500 mg x 4/jour par voie orale, (ii) une préparation colique par polyéthylène glycol et (iii) l’administration de la suspension fécale elle-même. Un délai de 24 à 72 heures entre la fin de l’antibiothérapie et la TMF est possible mais pas obligatoire (Figure 2). Depuis cette étude, l’efficacité de la TMF a été confirmée dans cette indication et plusieurs messages ont pu être tirés des dernières études et méta analyses [5] : en cas d’échec après une première TMF, une seconde TMF permet souvent la guérison ; une administration par voie basse semble discrètement plus efficace que la voie haute ; l’utilisation de selles congelées semble aussi efficace que les selles fraîches.
Figure 1. Taux de résolution sans récidive de l’infection à C. difficile d’après van Nood et al.
Figure 2. Transplantation de microbiote fécal : séquence thérapeutique pour le traitement des infections récidivantes à C. difficile.
En l’état actuel des connaissances, il n’existe pas de situation contre-indiquant la TMF. En particulier, les données récentes rapportent une bonne sécurité, même chez les patients immunodéprimés, y compris des patients infectés par le VIH, sous chimiothérapie anticancéreuse et même greffés de moelle osseuse.
Il existe plusieurs hypothèses sur les mécanismes par lesquelles la TMF est efficace dans l’infection à C. difficile. Le microbiote du donneur pourrait brutalement occuper les niches écologiques libérées après le traitement par vancomycine et ainsi empêcher C. difficile de recoloniser le côlon en entrant en compétition avec lui. Même si cette hypothèse écologique est la plus communément avancée, d’autres mécanismes pourraient entrer en jeu comme l’effet direct des acides biliaires secondaires du donneur (présent dans les selles en abondance) sur l’inhibition de la germination de C. difficile, l’effet d’autres métabolites microbiens ou encore l’effet des phages (virus ciblant les bactéries) présents en très grande quantité dans le microbiote intestinal normal et pouvant moduler les populations bactériennes.
Devant l’efficacité spectaculaire de la TMF dans le traitement des infections à C. difficile récidivantes, plusieurs cas d’infection grave et/ou réfractaire ont été rapportés comme traités efficacement par TMF. Il n’existe pas encore de résultats d’essai contrôlé avec tirage au sort mais plusieurs études ouvertes suggèrent une bonne efficacité. Par exemple, dans une étude ouverte récente portant sur 57 patients ayant une forme grave ou compliquée d’infection à C. difficile n’ayant pas répondu à 5 jours de traitement antibiotique conventionnel, la TMF (proposée au patient comme alternative à la colectomie) induisait une guérison à 1 mois dans 91 % des cas [6]. Des études contrôlées avec tirage au sort sont maintenant nécessaires afin de valider les impressions favorables issues des études ouvertes avant de diffuser cette approche thérapeutique.
TMF dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
Le rôle du microbiote intestinal est maintenant clairement démontré dans la physiopathologie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et la TMF est donc une stratégie séduisante. Plusieurs séries de cas suggèrent une certaine efficacité de la TMF dans le traitement des MICI mais à ce jour, seuls les résultats de 4 études contrôlées avec tirage au sort sont disponibles dans la rectocolite hémorragique (RCH). Dans la première étude, conduite au Canada, l’administration de TMF par lavement une fois par semaine pendant 6 semaines permettait d’obtenir une rémission clinique dans 24 % des cas contre 5 % avec le placebo (p = 0,03) [7]. Dans la seconde étude, l’administration de deux TMF par sonde naso-duodénale à 3 semaines d’intervalle semblait plus efficace que le placebo (auto transplantation) pour induire la rémission à 12 semaines mais sans atteindre la significativité statistique [8]. Ces deux premières études ont permis de montrer que les résultats à attendre de la TMF dans les MICI ne sont pas du tout du même ordre que ceux obtenus dans l’infection à C. difficile, illustrant la complexité de la physiopathologie des MICI impliquant à la fois le microbiote mais également de nombreux facteurs de l’hôte. D’autre part, ces études ont identifié un « effet donneur » suggérant que le microbiote de certains sujets était « meilleur » que d’autres pour induire la rémission chez les patients atteints de RCH. Les facteurs déterminants la qualité d’un microbiote induisant la rémission n’ont pas été clairement identifiés mais l’un d’entre eux pourrait être la diversité du microbiote. Dans la troisième étude, les auteurs ont choisi d’utiliser un mélange de selles de plusieurs donneurs afin d’augmenter la diversité et de limiter l’effet donneur potentiel, et un protocole d’administration intensif (1 TMF par coloscopie puis 5 TMF en lavement par semaine pendant 8 semaines) [9]. Ce choix s’est révélé positif avec une efficacité de la TMF supérieure à celle du placebo pour l’induction de la rémission clinique et endoscopique à 8 semaines (combinaison rémission clinique + réponse ou rémission endoscopique : 27 % vs 8 % ; p = 0,021). Enfin, la dernière étude, publiée à ce jour uniquement sous forme de résumé [10], utilisait également un mélange de selles de plusieurs donneurs avec une TMF par coloscopie suivie de 2 TMF par lavement dans la première semaine. Ce traitement était plus efficace que le placebo (auto transplantation) à 8 semaines (rémission clinique 55 % vs 20 % ; p=0,01).
Les premières études dans la RCH sont donc encourageantes tout en montrant la complexité de la mise œuvre de la TMF dans les MICI avec notamment des protocoles très variés d’administration, une variabilité de réponse importante, et un effet donneur encore mal compris. D’autres études sont nécessaires afin de déterminer la place et les modalités de la TMF dans le traitement des MICI.
D’autre part, plusieurs questions restent non résolues dans les MICI (Figure 3). Quel bilan précis doit être réalisé chez le donneur ? Comment doivent être préparées les selles ? Le receveur doit-il recevoir une préparation colique ou/et des antibiotiques ? L’administration doit-elle se faire par voie haute ou par voie basse ? Quels sont les risques infectieux sur le long terme ? Il existe également des questions plus conceptuelles. Le donneur doit-il être sélectionné en fonction de la composition de son microbiote et si oui sur quels critères ? La TMF doit-elle être faite en phase de poussée ou au contraire en rémission ? Si le traitement est répété, compte tenu du rôle du microbiote dans de nombreuses pathologies, y a-t-il un risque de transférer une pathologie chronique via la TMF ?
Figure 3. Transplantation de microbiote fécal : Questions non résolues sur la TMF au cours des MICI
Autres indications potentielles
Avec les avancées importantes de ces dernières années sur la compréhension du rôle du microbiote intestinal dans de nombreuses pathologies, la TMF est une stratégie séduisante dans beaucoup de cas et particulièrement lorsqu’il n’existe pas d’altérnatives thérapeutiques. Quelques séries de cas et quelques études préliminaires suggèrent notamment une certaine efficacité de la TMF dans le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte après allogreffe de moelle osseuse (pathologie ayant de nombreuses similarités avec les MICI), de l’encéphalopathie hépatique chez le cirrhotique, du syndrome de l’intestin irritable, de l’insulino-résistance, de certaines pathologies neuropsychiatriques comme l’autisme et dans l’éradication du portage de bactéries multi-résistantes. Ces indications potentielles de la TMF en sont encore à un stade très précoce d’investigation et des études contrôlées d’efficacité sont indispensables avant d’éventuellement proposer la TMF dans ces contextes. D’autre part, les questions non résolues pour les MICI s’appliqueront également dans ces autres indications potentielles avec des réponses probablement différentes.
Conclusion et Perpectives
Ces dernières années, le bond dans les connaissances sur le microbiote intestinal et le succès spectaculaire de la TMF dans la première étude sur le traitement de l’infection récidivante à C. difficile en 2013 ont suscité beaucoup d’intérêt pour cette approche thérapeutique. La TMF a révolutionné la prise en charge des infections récidivantes à C. difficile avec des taux d’efficacité de l’ordre de 90 %. Bien que des essais contrôlés soient encore nécessaires, cette approche semble également efficace pour le traitement des formes réfractaires ou compliquées en alternative à la chirurgie. Les résultats dans la RCH sont encourageants mais la place et les modalités précises de la TMF restent à déterminer et les résultats dans la maladie de Crohn restent très limités. Pour toutes les autres indications potentielles, les premières données commencent seulement à être publiées. En dehors des infections à C. difficile récidivantes, la TMF ne doit pas être pratiquée hors protocole de recherche.
La réalisation d’une TMF est d’une grande complexité sur le plan logistique et, à la grande variabilité inter- et intra-individuelle du microbiote, s’ajoute la méconnaissance de la composition précise des selles. Des alternatives sont déjà à l’étude et la recherche est très active pour développer des microbiotes « artificiels » composés de bactéries cultivées en laboratoire et choisies pour leurs effets dans une pathologie donnée. L’efficacité de ce type d’approche devra être testée mais ses avantages théoriques sont ceux d’un produit contrôlé, stable et d’approvisionnement régulier.
Références
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