Comment bien examiner la muqueuse gastrique et pourquoi ?

POST’U 2019

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Quelles sont les règles d’un bon examen endoscopique de l’estomac ?
  • Connaître les principales techniques de caractérisations de la muqueuse
  • Connaître la sémiologie des lésions élémentaires
  • Connaître les indications et les modalités des biopsies

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Introduction

L’endoscopie œso-gastro-duodénale (EOGD) est un examen de routine, largement pratiqué. Son rôle est fondamental dans la détection des pathologies digestives hautes, notamment des lésions pré-néoplasiques œsophagiennes et gastriques. Ces dernières années, plusieurs recommandations issues de sociétés savantes européennes et américaines ont précisé les critères de qualité de l’endoscopie digestive haute. On peut citer, par ordre chronologique, les recommandations de la société américaine d’endoscopie digestive (ASGE) publiées en 2015 (1) celles de la société européenne d’endoscopie digestive (ESGE) publiées en 2016 (2) et enfin les recommandations anglaises publiées en 2017 (3). Ces recommandations visent à améliorer les performances de l’EOGD par la mise en place de critères de qualité, étape indispensable d’une démarche de qualité, dynamique, dont l’objectif constant est l’amélioration des pratiques des gastro-entérologues. Plusieurs de ces recommandations portent sur l’examen de la muqueuse gastrique, précisant un certain nombre de points détaillés ci-après.

Rationnel de recommandations portant sur l’endoscopie digestive haute

De même qu’il existe des cancers colorectaux d’intervalle, plusieurs études ont mis en évidence des lésions « manquées » lors d’une EOGD. Une méta analyse portant sur 3 787 patients montrait un taux de cancers non détectés de 6,4 % pour les patients avec une endoscopie dans l’année précédente le diagnostic de cancer œso-gastrique et de 11,3 % pour les patients avec une endoscopie dans les 3 ans précédents, sans différence entre les cancers de l’œsophage et de l’estomac (4). Plus spécifiquement, des études asiatiques ont étudié la proportion de lésions gastriques manquées (adénocarcinome, dysplasie de haut grade) lors de deux endoscopies de suivi : elles montraient des fréquences de lésions manquées relativement élevées, variant de 25 jusqu’à 40 % (5,6). Une étude plus récente montrait cependant une progression lente des lésions, relativisant une éventuelle perte de chance pour le patient (7). Il existe donc clairement un rationnel pour l’établissement de critères de qualité de l’endoscopie digestive haute diagnostique, notamment pour la détection des lésions pré-néoplasiques.

Sur le plan thérapeutique, un examen minutieux de la muqueuse gastrique et surtout des anomalies muqueuses doit permettre la caractérisation des lésions, afin d’apprécier d’éventuels critères de résécabilité, ou de non résécabilité endoscopique. Cette étape nécessite l’apprentissage par les praticiens de la sémiologie des lésions gastriques (anomalie de vascularisation, anomalie de relief).

Comment bien examiner la muqueuse gastrique ?

Certains critères de qualité de l’examen de la muqueuse gastrique dépendent de l’organisation du service d’endoscopie (modalité d’anesthésie, parc d’endoscopes, possibilité d’enregistrement d’images), d’autres sont plus opérateurs-dépendants (temps dédié de l’endoscopie, utilisation de chromoendoscopie selon les indications cliniques, réalisation de biopsies systématiques). Le tableau 1 décrit les mesures de performances majeures et mineures retenues par l’ESGE pour l’endoscopie digestive haute.

Tableau 1. Mesures de performances établies par ESGE pour l’endoscopie digestive haute
Mesures de performances majeures
  • Instructions pour le jeûne
  • Report du temps d’examen sur le compte-rendu
  • Documentation photos à inclure dans le compte-rendu
  • Utilisation d’une terminologie standardisée (classifications)
  • Réalisation du protocole de Seattle pour surveillance de la muqueuse de Barrett
  • Enregistrement des complications, immédiates et retardées, après endoscopie thérapeutique
Mesures de performances mineures
  • Temps minimum d’inspection de l’estomac : > 7minutes
  • Temps d’inspection de l’œsophage de Barrett : au moins 1 minute par centimètre de Barrett circonférentiel
  • Établissement d’un registre de patients avec muqueuse de Barrett
  • Utilisation de la chromoendoscopie au lugol chez les patients à risque de carcinome épidermoïde
  • Identification des patients à risque de cancer de l’estomac : réalisation du protocole de Sydney

Endoscopes, nombre de procédures

Il est maintenant bien établi que l’utilisation d’endoscopes haute définition améliore la détection des lésions dysplasiques gastriques par rapport à la lumière blanche conventionnelle (3,8). Effectivement, l’examen en lumière blanche n’est pas suffisamment précis pour diagnostiquer et différencier les lésions pré-néoplasiques gastriques. Les recommandations récentes insistent également sur un nombre minimal de procédures par opérateur : les recommandations anglaises posent par exemple comme indicateur de qualité un nombre supérieur de 100 EOGD par an, par opérateur (3).

Préparation de la muqueuse gastrique

Il est également nécessaire d’avoir une bonne visibilité de la muqueuse gastrique, sans stase salivaire, ni bulles ou mucus. Il n’existe pas d’équivalent du score de Boston pour l’EOGD, mais les recommandations anglaises préconisent par exemple de préciser sur le compte rendu la qualité de la visibilité de la muqueuse gastrique. Pour obtenir une visibilité optimale de la muqueuse gastrique, différents moyens sont préconisés : insufflation d’air adéquate, aspiration de débris liquidiens, utilisation de pompe de lavage. L’utilisation additionnelle de mucolytique (siméthicone, N-Acéylcystéine, pronase), ou une prémédication orale donnée 10 à 30 minutes avant l’examen, sont également possibles, permettant d’améliorer la vision endoscopique.

Modalités de l’anesthésie

Les modalités de l’anesthésie sont variées, avec possibilité de réaliser l’endoscopie digestive haute sous anesthésie locale ou générale. Le point important est l’appréciation par l’opérateur, d’un examen de bonne qualité, complet, avec analyse de tous les segments anatomiques. Les recommandations anglaises, par exemple, spécifient qu’en cas d’examen jugé incomplet, ou d’agitation, ou d’intolérance du patient, l’examen doit être répété avec une sédation optimale.

Modalités de l’examen, iconographie

Un examen complet est préconisé, débutant au sphincter supérieur de l’œsophage, avec progression jusqu’au 2e duodénum. L’examen du fundus doit être réalisé en vision directe puis en rétrovision (manœuvre en J). En cas de hernie hiatale, la pince diaphragmatique doit également être examinée en rétrovision.

Un enregistrement de l’iconographie (images) est également largement préconisé : il s’agit dans les recommandations européennes d’une mesure de performance majeure, avec enregistrement systématisé d’au moins 10 images par procédure sur des sites définis (cf. figure 1), à inclure dans le compte rendu, associé aux photographies des éventuelles lésions détectées. Elles illustrent, par des positions anatomiques bien précises, la réalisation de l’examen dans sa totalité et dans des conditions de visibilité optimale. Pour avoir une image de bonne qualité, il convient de nettoyer la lentille de l’endoscope si nécessaire, d’éviter tout contact tangentiel avec la muqueuse digestive (effet d’éblouissement de certaines zones), d’insuffler largement la lumière digestive (jusqu’au déplissement complet des plis gastriques), et de répéter toute image en cas de qualité sous optimale. L’utilisation d’un capuchon souple peut parfois permettre d’améliorer la stabilité de l’endoscope (au niveau de la jonction œso-gastrique par exemple).

Temps d’examen

Le temps d’examen est maintenant bien admis comme critère de qualité de l’EOGD, c’est un critère de performance majeur retenu par l’ESGE, même si les données de la littérature sont moins nombreuses que pour le temps de retrait de la coloscopie (9). Pour toute endoscopie diagnostique, ou de surveillance de métaplasie intestinale, une durée minimale de 7 minutes est recommandée, de l’intubation à l’extubation, permettant ainsi d’augmenter significativement le taux de détection de néoplasies gastriques (10).

L’enregistrement du temps d’examen est également préconisé, à reporter sur le compte-rendu.

Figure 1. Iconographie préconisée par les recommandations de l’ESGE

Figure 1. Iconographie préconisée par les recommandations de l’ESGE

1. Œsophage proximal et distal
2. Jonction œso-gastrique (JOG)
3. Pôle supérieur des plis gastriques
4. Empreinte diaphragmatique
5. Rétroflexion dans le fundus
6. Corps gastrique
7. Angulus
8. Antre
9. Papille principale
10. Duodénum

Détection, caractérisation : Biopsies, chromo endoscopie

Pour l’estomac, l’examen en lumière blanche est insuffisant pour la détection et le diagnostic des états pré néoplasiques (gastrite atrophique diffuse, métaplasie intestinale) et lésions dysplasiques. Les biopsies doivent donc être systématiques, selon le protocole de Sydney (2 dans l’antre, 1 au niveau de l’angulus, 2 dans le fundus, avec 1 sur la petite courbure, et 1 sur la grande courbure, dans des pots séparés) afin de préciser l’extension de l’atrophie gastrique et la présence de métaplasie intestinale. L’analyse histologique (avec établissement des scores histopathologiques OLGA/OLGIM) permet de rythmer la surveillance endoscopique ultérieure. Ce protocole de biopsies a montré son efficacité pour le diagnostic de certitude de la gastrite atrophique (sensibilité 100 %), de la métaplasie intestinale (sensibilité 95 %), et de la dysplasie (sensibilité 95 %).

La réalisation d’une chromoendoscopie par coloration à l’indigo carmin et/ou à l’acide acétique, ou une chromoendoscopie virtuelle (système Narrow Band Imaging par exemple, ou Blue Light Imaging) améliore le diagnostic des états et lésions pré-néoplasiques en centre expert et doit être facilement réalisée chez les patients à risque de cancer gastrique (antécédent familial de cancer gastrique, antécédent de gastrectomie partielle, maladie de Biermer, polypose). Elle reste cependant non préconisée comme technique de détection, en routine, par les différentes sociétés savantes.

On rappelle la nécessité de réaliser des biopsies ciblées, supplémentaires, en cas de lésions détectées. Pour la détection des lésions gastriques, le praticien doit être attentif à toute modification de couleur de la muqueuse gastrique (plus rouge, ou plus pâle), et toute anomalie de relief (lésion légèrement surélevée/ déprimée). Des recommandations américaines récentes suggèrent la réalisation d’au moins 7 biopsies sur les berges d’un ulcère gastrique, pour le diagnostic différentiel avec un adénocarcinome gastrique.

Concernant la caractérisation des lésions et l’évaluation avant une éventuelle résection endoscopique, les recommandations ne précisent pas la technique de chromoendoscopie à privilégier (coloration vitale ou chromoendoscopie digitale au choix) (12). L’utilisation d’un capuchon souple peut permettre de mieux analyser les lésions gastriques (ligne de démarcation par rapport à la muqueuse normale, anomalie vasculaire, anomalie du pit pattern muqueux), en permettant notamment de stabiliser l’endoscope et d’utiliser les systèmes de magnification (Dual Focus, zoom) à distance optimale de la muqueuse gastrique.

Description des lésions

Toute anomalie de la muqueuse gastrique doit être décrite selon les critères suivants : localisation anatomique, taille, nombre, morphologie, suspicion clinique, et documentation photographique. L’ensemble de ces items est reporté dans le compte-rendu de manière la plus précise possible.

La description des lésions doit s’appuyer sur une terminologie standardisée (critère de performance majeur selon ESGE), en utilisant des classifications reconnues. Au niveau gastrique, on retient : la classification de Forrest pour la pathologie ulcéreuse, la classification de Baveno pour la gastropathie d’hypertension portale, et la classification de Sarin et Kumar pour les varices gastriques. La classification de Paris (cf. tableau 2) doit être utilisée pour toutes les anomalies de relief, la majorité des cancers superficiels étant de type IIc au niveau gastrique (> 70 %), c’est à dire plan mais légèrement déprimé (13).

Tableau 2. Classification de Paris et spécificités au niveau de l’estomac

Tableau 2. Classification de Paris et spécificités au niveau de l’estomac

Conclusion

De même que pour la coloscopie, il existe maintenant des critères de qualité de l’endoscopie digestive haute, que tout gastroentérologue endoscopiste doit connaître.

Un protocole standardisé de prise d’images (au moins 10 selon l’ESGE, reportées sur le compte-rendu) et une préparation de la muqueuse digestive (nettoyage, insufflation) permettent au minimum d’assurer un examen complet et de bonne qualité. La détection des lésions pré-néoplasiques est fondamentale pour un examen de dépistage, qu’est l’endoscopie digestive haute, et nécessite un temps minimal d’examen, établi actuellement à 7 minutes.

Références

  1. Park WG, Shaheen NJ, Cohen J, et al. Quality indicators for EGD. Gastrointest Endosc 2015:Jan;81(1):17-30.
  2. Bisschops R, Areia M, Coron E, et al. Performance measures for upper gastrointestinal endoscopy: a European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Quality Improvement Initiative. Endoscopy. 2016 Sep;48(9):843-64.
  3. Beg S, Ragunath K, Wyman A, et al. Quality standards in upper gastrointestinal endoscopy: a position statement of the British Society of Gastroenterology (BSG) and Association of Upper Gastrointestinal Surgeons of Great Britain and Ireland (AUGIS). Gut. 2017 Nov;66(11):1886- 1899.
  4. Menon S, Trudgill N. How commonly is upper gastrointestinal cancer missed at endoscopy? A meta-analysis. Endosc Int Open 2014;02,E46–E50.
  5. Hosokawa O, Hattori M, Douden K, et al. Difference in accuracy between gastroscopy and colonoscopy for detection of cancer. Hepatogastroenterology. 2007 Mar; 54(74):442-4.
  6. Choi KS, Jun JK, Lee HY, et al. Performance of gastric cancer screening by endoscopy testing through the National CancerScreening Program of Korea. Cancer Sci. 2011 Aug;102(8):1559-64.
  7. Shimodate Y, Mizuno M, Doi A, et al. Gastric superficial neoplasia: high miss rate but slow progression. Endosc Int Open. 2017 Aug;5(8):E722-E726.
  8. Dinis-Ribeiro M, Areia M, de Vries AC, et al. Management of precancerous conditions and lesions in the stomach (MAPS): Guideline from the European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE), European Helicobacter Study Group (EHSG), European Society of Pathology (ESP), and the Sociedade Portuguesa de Endoscopia Digestiva (SPED). Endoscopy 2012;44:74–94.
  9. Park JM, Huo SM, Lee HH, et al. Longer Observation Time Increases Proportion of Neoplasms Detected by Esophagogastroduodenoscopy. Gastroenterology 2017 Aug;153(2):460-469.e1.
  10. Teh JL, Tan JR, Lau LJ, et al. Longer examination time improves detection of gastric cancer during diagnostic upper gastrointestinal endoscopy. Clin Gastroenterol Hepatol 2015 Mar;13(3):480-487.
  11. ASGE Standards of Practice Committee, Evans JA, Chandrasekhara V, et al. The role of endoscopy in the management of premalignant and malignant conditions of the stomach. Gastrointest Endosc. 2015 Jul;82(1):1-8.
  12. Pimentel-Nunes P, Dinis-Ribeiro M, Ponchon T, et al. Endoscopic submucosal dissection: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline. Endoscopy 2015:Sep;47 (9):829-54.
  13. Lambert R et al. Update on the Paris classification of superficial neoplastic lesions in the digestive tract. Endoscopic Classification Review Group. Endoscopy. 2005 Jun;37(6):570-8.

Abréviations

EOGD
Endoscopie œso-gastro-duodénale
ESGE
European Society of Gastrointestinal Endoscopy
ASGE
American Society of Gastrointestinal Endoscopy