Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) : diagnostic et traitements (hors traitements endoscopiques)

POST’U 2019

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la classification des GIST
  • Connaître les localisations, les modalités diagnostiques actuelles et le bilan pré-thérapeutique des GIST
  • Connaître les indications des traitements médicaux et chirurgicaux
  • Connaître les indications et les modalités du traitement adjuvant
  • Intérêt de la biologie moléculaire pour le choix du traitement
  • Connaître les modalités de la surveillance

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Le diagnostic de GIST repose sur l’examen histologique, couplé à une immuno-histochimie avec les marqueurs KIT et DOG-1.
  2. La résection chirurgicale complète en monobloc de la tumeur, sans effraction per-opératoire, est le traitement curatif des GIST localisées.
  3. L’estimation du risque de récidive est primordiale pour poser l’indication d’un traitement adjuvant et pour adapter la surveillance. Pour cela, les classifications AFIP de Miettinen et NIH modifiée par Joensuu sont les plus utilisées en Europe.
  4. La recherche de mutations des gènes KIT et PDGFRA par une technique de biologie moléculaire est recommandée à l’exception des GIST à très bas risque de récidive. Le type de mutation a une influence à la fois pronostique et prédictive de sensibilité aux traitements médicamenteux.
  5. L’imatinib, un inhibiteur de tyrosine-kinases, est le traitement standard en adjuvant après résection R0 d’une GIST à haut risque de récidive, et en première ligne des GIST avancées. Le sutinitib et le regorafenib sont les traitements standards respectivement de deuxième et troisième ligne des GIST avancées.

Introduction

Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) sont des tumeurs conjonctives rares, généralement sporadiques, localisées généralement dans l’estomac ou le grêle. Ce sont pourtant les sarcomes les plus fréquents [1,2]. Elles dérivent des cellules de Cajal ou d’un de leurs précurseurs et expriment typiquement le phénotype KIT+ (95 % des cas) et DOG-1+ (95 % des cas). Une mutation oncogénique des gènes KIT ou platelet derived growth factor receptor alpha (PDGFRA), codant pour des récepteurs de type tyrosine kinase est retrouvée dans environ 85 % des GIST de l’adulte [2]. Ces mutations constituent le facteur pathogénique essentiel, induisant une activation des protéines KIT ou PDGFRA. La découverte de l’efficacité d’inhibiteurs de récepteurs tyrosine kinase (ITK), imatinib puis sunitinib et regorafenib, a bouleversé le pronostic des GIST.

Épidémiologie

Même s’il s’agit des tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tube digestif, les GIST ne représenteraient qu’environ 1 % des tumeurs digestives. Plusieurs études ont évalué leur incidence entre 10 et 15 cas par an et par million d’habitants, soit environ 600 à 900 nouveaux cas par an en France [3]. Les GIST surviennent chez les adultes à tout âge, mais rarement avant 40 ans et avec un pic de fréquence vers 50-60 ans et un sexe ratio voisin de 1. Des séries anatomopathologiques suggèrent une fréquence élevée (20-35 %) de GIST gastriques de quelques millimètres de diamètre (dites « micro-GIST ») chez l’adulte, méconnues en dehors d’une recherche histologique systématique. Leur évolutivité semble inconstante et certaines pourraient même régresser spontanément. Les facteurs d’évolutivité de ces micro- GIST sont encore inconnus.

GIST syndromiques (très rares)

Les GIST sont généralement sporadiques et il n’existe pas à ce jour de facteur de risque identifié [1,2]. La prédisposition génétique la plus fréquente est la neurofibromatose de type 1, où les GIST sont souvent multiples, dans le grêle, et non mutées pour KIT/PDGFRA. En cas de suspicion de mutation génétique constitutionnelle une consultation d’oncogénétique est nécessaire. Les autres entités de GIST syndromiques sont toutes très rares. La triade de Carney associe classiquement GIST, paragangliome extra-surrenalien et chondrome pulmonaire. Il existe une perte d’expression de la succinate déshydrogénase (SDH), mais pas de mutation germinale. Le syndrome de Stratakis-Carney associe GIST et paragangliome extra-surrénalien, en rapport avec des mutations germinales du gène SDH. Les formes familiales avec des mutations germinales de KIT ou PDGFRA sont exceptionnelles. Enfin, les formes dites « pédiatriques » de GIST surviennent chez l’enfant ou l’adulte jeune (< 30 ans), préférentiellement de sexe féminin. Les GIST sont volontiers multiples et de siège gastrique. Leur évolution est généralement lente, avec possibilité de métastases ganglionnaires [38]. Elles ne présentent pas de mutation de KIT/PDGFRA, mais une perte d’expression de SDH-B en immunohistochimie.

Circonstances de découverte

Soixante pour cent environ des GIST siègent dans l’estomac, 30 % dans l’intestin grêle, et environ 5 % dans le côlon ou le rectum [3]. Les autres localisations sont très rares (œsophage, pancréas, épiploon et mésentère). Les GIST demeurent longtemps asymptomatiques, jusqu’à ce qu’elles deviennent très volumineuses ou se compliquent. Leur découverte peut être fortuite dans environ 20 % des cas, notamment lors d’une endoscopie digestive haute, d’un examen d’imagerie ou d’une intervention chirurgicale. Un saignement digestif est le mode de révélation le plus fréquent, diagnostiqué dans un contexte d’anémie ferriprive ou d’hémorragie extériorisée, lorsque la tumeur est ulcérée. Les autres symptômes possibles sont des douleurs abdominales peu spécifiques, une masse palpable, des complications telles qu’une perforation ou un syndrome occlusif (plutôt pour les GIST du grêle).

Diagnostic

Le diagnostic de GIST est dans un premier temps présomptif, basé sur les caractéristiques endoscopiques, écho-endoscopiques ou radiologiques. Cependant la confirmation du diagnostic de GIST est uniquement histologique [1,2]. Le scanner est l’examen usuel pour évoquer le diagnostic en cas de volumineuse tumeur et plus rarement pour les GIST de diamètre limité. Le diagnostic de GIST gastrique, duodénale ou colorectale est souvent évoqué lors d’une endoscopie. Les petites tumeurs du grêle ne sont souvent détectables qu’à l’entéro-scanner ou entero-IRM, l’entéroscopie ou la vidéocapsule. Dans une étude française, 15 % des GIST diagnostiquées mesuraient moins de 2 cm de diamètre et 34 % entre 2 et 5 cm [3].

Endoscopie

L’aspect endoscopique des GIST est peu spécifique, généralement celui d’un nodule régulier, d’allure sous-muqueuse car recouvert de muqueuse normale. Néanmoins, il faut évoquer ce diagnostic dans l’estomac par argument de fréquence. La tumeur peut également être ulcérée à son sommet. Les GIST duodénales, colorectales, mais désormais aussi intestinales, sont ainsi visualisées au cours d’une endoscopie. Les biopsies endoscopiques sont le plus souvent négatives, les GIST se développant à partir de la musculeuse du tube digestif. En cas de suspicion de GIST, une résection par voie endoscopique, tout du moins pour obtenir un diagnostic histologique, est contre indiquée du fait du risque important de perforation [3].

Écho-endoscopie

L’écho-endoscopie est le meilleur examen pour caractériser les lésions sous-muqueuses oeso-gastro- duodénales ou rectales [3]. L’analyse des caractéristiques écho-endoscopiques peut permettre de diagnostiquer la nature de la lésion, notamment en cas de GIST, lipomes, varices, kystes ou pancréas aberrants. L’aspect écho-endoscopique des GIST est souvent typique : une lésion hypo-échogène, ovalaire, homogène, à limites régulières, se développant à partir de la quatrième couche hypo-échogène qui correspond à la musculeuse. Les autres lésions sous-muqueuses pouvant présenter ces caractéristiques sont beaucoup plus rares : les léiomyomes (très rares dans l’estomac, plus fréquents dans l’œsophage ou le rectum), les schwannomes gastriques, et exceptionnellement les léiomyosarcomes ou des métastases digestives. La présence de critères tels que l’existence d’une nécrose centrale, de contours mal limités, de zones kystiques intra-tumorales sont des critères associés à un potentiel évolutif plus élevé [3]. Peu d’études de qualité ont cependant évalué précisément les performances de l’écho-endoscopie pour différencier les GIST des autres tumeurs sous-muqueuses. L’aspect écho-endoscopique des GIST n’est pas toujours caractéristique, en particulier en cas de tumeurs volumineuses, qui sont alors volontiers hétérogènes, et leur développement à partir de la musculeuse difficile ou impossible à préciser. En pratique, environ trois quarts des lésions sous-muqueuses de l’œsophage se développent dans la musculeuse et il s’agit généralement de léiomyomes (les GIST de l’œsophage sont exceptionnelles).

Environ la moitié des lésions sous-muqueuses de l’estomac se développent dans la musculeuse, s’agissant généralement de GIST.

Scanner et IRM

Il existe des caractéristiques tomodensitométriques évocatrices de GIST. Il s’agit de tumeurs souvent volumineuses, ayant un développement plutôt extra-luminal, à rehaussement périphérique, et peu infiltrant en périphérie. Les tumeurs volumineuses sont volontiers hétérogènes avec des zones nécrotiques. L’extension ganglionnaire est exceptionnelle. L’IRM abdominale avec séquences de diffusion constitue une alternative [1,2].

Diagnostic histologique

Il est réalisé soit sur biopsie, soit sur pièce opératoire [1,2]. Les biopsies endoscopiques sont généralement négatives. Il convient d’évaluer l’impact diagnostique et thérapeutique de la ponction d’une tumeur suspecte de GIST au cas par cas. En effet, elle n’est pas indispensable en cas de suspicion diagnostique de GIST si une chirurgie simple est d’emblée réalisable [1]. La ponction est recommandée si le choix du traitement repose sur un diagnostic histologique certain, notamment quand un traitement médical de première intention par imatinib est discuté, en cas de doute diagnostique avec une tumeur qui nécessiterait un traitement médical premier (par exemple lymphome) ou une simple surveillance (par exemple léiomyome), ou si une chirurgie mutilante est nécessaire. En cas de tumeur localisée, la ponction sous écho-endoscopie est à privilégier par rapport à la ponction par voie transpariétale (risque théorique d’essaimage péritonéal). Sa rentabilité est supérieure à 80 %. Néanmoins, en dessous de 2 cm, la ponction est techniquement très délicate et sa rentabilité diagnostique plus faible [1].

Les prélèvements doivent être fixés en formol afin de permettre à la fois un diagnostic histologique et une analyse moléculaire. À l’examen histologique, les cellules sont fusiformes dans 70 % des cas. Dans environ 20 % des cas, les cellules sont épithélioïdes. Les autres variantes histologiques sont plus rares.  Le diagnostic de GIST doit être confirmé par une étude immunohistochimique, qui permet notamment de mettre en évidence une expression de KIT par les cellules tumorales dans 95 % des cas [1,2]. L’utilisation systématique d’un second anticorps, DOG-1, est recommandée, avec aussi une positivité dans plus de 95 % des cas. La détermination de l’index mitotique (sur 5 mm2) est fondamentale pour évaluer le risque de récidive. À noter que le Ki-67 n’a pas de valeur démontrée dans les GIST.

D’autres tumeurs, conjonctives, mélanocytaires ou endocrines, peuvent simuler une GIST. Les tumeurs les plus souvent confondues avec une GIST sont les tumeurs musculaires lisses et les fibromatoses. En France, la relecture systématique des cas de GIST et autres sarcomes est recommandée depuis 2010 et réalisée grâce à la collaboration des pathologistes (RRePS, réseau de référence en pathologie des sarcomes) et au soutien de l’INCa. Elle permet de limiter les erreurs diagnostiques et d’améliorer la prise en charge thérapeutique. Elle a en outre l’avantage de favoriser le génotypage des GIST.

Analyse moléculaire

La recherche de mutations des gènes KIT et PDGFRA par une technique de biologie moléculaire, outre qu’elle permet de confirmer le diagnostic dans les cas difficiles, fait désormais partie de la pratique courante dans la prise en charge des GIST. En effet, le type de mutation a une influence sur le pronostic et l’efficacité du traitement en situation adjuvante et métastatique. Le génotypage des GIST est recommandé à l’exception des GIST à très bas risque de récidive [1,2].

Des mutations des gènes KIT ou PDGFRA, codant pour des récepteurs tyrosines kinases (protéines transmembranaires présentant un ou deux sites d’activité tyrosine kinases responsables de la transmission du signal cellulaire), sont présentes dans 85 % des GIST. Les mutations de KIT (environ 75 % des cas) sont variables dans leur localisation et leur nature (délétions, duplications, substitutions…). La mutation siège le plus souvent sur l’exon 11 de KIT (environ 65 % des cas). Les autres mutations de KIT siègent sur l’exon 9 (moins de 10 % des GIST localisées, 15 % environ des GIST métastatiques) et très rarement sur d’autres exons. Les mutations de PDGFRA (10 % environ des GIST localisées, 3 % environ des GIST métastatiques) siègent le plus souvent sur l’exon 18 et sont le plus souvent une substitution D842V (peu sensible à l’imatinib, cf. infra).

Dans 15 % des cas environ, on ne retrouve pas de mutation de KIT ou de PDGFRA. Ces GIST qui étaient regroupées sous le terme wild type (WT) correspondent en fait à un groupe hétérogène, où d’autres anomalies moléculaires sont souvent retrouvées : mutations des gènes NF1, BRAF, KRAS, NRAS, mutations ou pertes d’expression de sous-unités de la SDH [1,2]. Ces maladies sont différentes sur le plan clinique, moléculaire, pronostique, et ne répondent pas forcément aux mêmes traitements. Une immunohistochimie pour la recherche d’expression de la SDH-B est recommandée en cas de GIST sans mutation de KIT ou PDGFRA mise en évidence (accord d’experts) [1].

Bilan pré-thérapeutique

Le bilan d’extension consiste en un scanner thoraco-abdomino-pelvien trois temps injecté, et une IRM pelvienne en cas de GIST rectale. Les autres examens sont optionnels et à envisager au cas par cas.

L’écho-endoscopie est généralement réalisée à l’étape diagnostique dans les GIST de taille limitée du tractus digestif haut ou du rectum. L’IRM hépatique et le TEP-Scanner permettent surtout de mieux préciser une lésion douteuse au scanner. La place de la ponction à visée diagnostique a été envisagée précédemment.

Traitement chirurgical des GIST

Le traitement à visée curative des GIST primitives consiste en leur résection chirurgicale complète [1,2]. La stratégie est différente quand ces tumeurs s’avèrent métastatiques lors du bilan d’extension, les indications reposant alors sur les complications potentielles ou avérées de la tumeur primitive.

Les principes de la résection oncologique sont communs à toutes les GIST et différents de ceux des carcinomes digestifs. L’objectif de l’exérèse est l’obtention de marges macroscopiques saines (R0), mais pas nécessairement larges, du fait de l’absence de développement sous-muqueux et d’infiltration lymphatique. Il n’existe pas de consensus sur la distance de sécurité nécessaire, qui peut probablement être de 1 cm ou moins dès lors que la résection est R0. Il s’agit souvent de tumeurs fragiles, pouvant se rompre spontanément ou lors de l’intervention. C’est un facteur pronostique très péjoratif, elles doivent donc être manipulées avec la plus grande précaution. La croissance des GIST est généralement exophytique, vers la cavité péritonéale, et beaucoup moins au sein de la lumière digestive. Elles ont tendance à refouler les structures adjacentes plutôt qu’à les infiltrer. Cependant, si la tumeur adhère à une structure adjacente, la résection en bloc emportant la zone adhérente est la règle pour prévenir toute effraction tumorale per opératoire et assurer une résection complète. À la différence des carcinomes, les GIST sont peu lymphophiles. Le curage lymphatique ne doit donc pas être réalisé de manière systématique, mais uniquement en cas d’atteinte ganglionnaire macroscopique.

La place de la chirurgie coelioscopique dans le traitement des GIST digestives a augmenté au fil des années. Il n’existe pas de limitation précise de taille ou de localisation tant que les principes d’exérèse des GIST sont bien respectés. Les très volumineuses lésions (> 10 cm) nécessitant une cicatrice d’extraction adéquate ne sont pas de bonnes indications de résection cœlioscopique. Après la résection, un sac d’extraction et un dispositif de protection de la paroi sont indispensables.

En cas de GIST localement avancée pour laquelle une chirurgie complète R0 paraît difficile ou impliquerait des séquelles fonctionnelles majeures, un traitement néo-adjuvant doit être discuté.

En cas de marges positives lors de l’examen anatomopathologique (résection R1), une reprise chirurgicale doit être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire, si on suppose pouvoir retrouver le foyer résiduel, et si la reprise n’est pas susceptible d’entraîner de morbidité majeure. Le cas de ces résections R1 reste l’objet de discussions, car il n’est pas formellement démontré qu’elles soient associées à un moins bon pronostic [1]. Cette situation doit être prévenue par un geste initial approprié et en recourant dans les cas difficiles à des centres experts. En cas d’exérèse incomplète (R2) ou d’exérèse de nodules métastatiques péritonéaux associés, le pronostic spontané est mauvais.

GIST gastriques

Les GIST doivent être réséquées selon les principes généraux décrits. Une gastrectomie atypique (wedge resection) est le plus souvent possible à condition de garantir les marges de résection et de conserver une lumière digestive satisfaisante. Les tumeurs envahissant le cardia ou à proximité du cardia peuvent nécessiter un traitement néo-adjuvant à condition que celui-ci puisse faire éviter une résection de la jonction œso-gastrique. Lorsque celle-ci est nécessaire, une gastrectomie totale est réalisée. Les tumeurs antrales ou pré-pylorique peuvent nécessiter une gastrectomie réglée. À l’avenir, le développement de nouveaux matériels permettant la résection transmurale de la paroi digestive et sa suture endoscopique devraient permettre que la résection endoscopique des GIST gastriques de petite taille, soit une alternative à la chirurgie.

Des séries suggèrent une prévalence élevée de GIST gastriques de petite taille (< 10 mm de diamètre) chez l’adulte après 50 ans, dont l’évolutivité n’est pas certaine et qui pourraient même régresser. La vitesse de croissance éventuelle des petites GIST gastriques est très variable. De ce fait, le choix entre surveillance ou résection est licite pour les GIST de l’estomac asymptomatique de moins de 2 cm, en tenant compte du terrain, de la localisation de la lésion dans l’estomac rendant simple ou complexe sa résection, et des souhaits du patient [3]. Aucun schéma de surveillance n’est validé, mais une surveillance par endoscopie ou mieux par écho-endoscopie par exemple à 6 mois, 18 mois puis tous les 2 ans, à adapter en fonction du contexte, semble raisonnable (avis d’expert) [1].

GIST non gastriques

Pour les GIST extra-gastriques, la résection est la règle quelle que soit la taille du fait du risque évolutif. Une résection latérale ou wedge resection n’est pas appropriée pour les GISt du grêle, du fait du risque de marge envahie et de sténose digestive. Le traitement à privilégier est la résection segmentaire. Environ 5 % des GIST se trouvent dans le rectum. L’écho-endoscopie et l’IRM sont utiles au bilan d’extension locorégionale et notamment pour l’évaluation de la marge circonférentielle. Le principe  reste celui de l’exérèse complète de la tumeur en marge saine. L’exérèse totale du méso rectum n’est pas indispensable, mais facilite souvent la résection complète des tumeurs postérieures. La plupart des GIST du rectum sont volumineuses et à haut risque de récidive, faisant préférer les résections antérieures aux techniques d’exérèse locale. Les tumeurs rectales localement avancées ou ayant une localisation anatomique critique (proches du sphincter anal) sont délicates. L’objectif de la chirurgie étant la résection complète et, dans la mesure du possible, la préservation sphinctérienne, un traitement néo-adjuvant par imatinib doit être discuté. Les lésions duodénales font discuter une résection atypique quand elle est possible, ou une duodéno-pancréatectomie céphalique. Les GIST œsophagiennes sont très rares, mais font discuter l’œsophagectomie ou l’énucléation. L’énucléation est moins morbide, mais expose à un risque plus important de résection R1.

Chirurgie des GIST métastatiques

La chirurgie de la tumeur primitive est discutée en cas de lésion symptomatique, ou après traitement médical en cas de résection simple dans le cadre d’une stratégie globale. Il n’y a pas de recommandations claires sur la place de la chirurgie et des thérapies locales (radiofréquence) des métastases hépatiques, mais celles-ci peuvent être proposées dans les cas de lésions en faible nombre répondant au traitement médical de première intention et accessibles à une éradication complète [1,2]. Le bénéfice en terme de survie n’est cependant pas démontré. Après exérèse de métastases chez un patient en cours de traitement, la poursuite de l’imatinib est indispensable (accord d’experts) [1,2].

Évaluation du risque de récidive des GIST localisées

Dans environ 85 % des cas les GIST sont diagnostiquées au stade localisé. Le taux de récidive spontanée des patients opérés et ayant une résection complète est d’environ 40 % à 10 ans. Les récidives sont essentiellement hépatiques ou péritonéales, parfois locorégionales dans les GIST gastriques ou rectales. La plupart surviennent dans les 5 ans, surtout les 2-3 premières années. Des récidives plus tardives sont rares. L’estimation du risque de récidive est primordiale pour l’indication ou non d’un traitement adjuvant qui est désormais un standard dans certains cas et pour adapter la surveillance [1,2].

Pour les GIST localisées, le risque de récidive est actuellement évalué en fonction de la localisation primitive, de la taille et de l’index mitotique (paramètre le plus important) évalué sur 5 mm². En fonction de ces paramètres, le risque de récidive peut être quasi-nul, ou dépasser 70 % [4]. D’autres paramètres sont également importants, notamment la rupture tumorale dans la cavité abdominale, spontanée ou peropératoire, où le risque de récidive péritonéale est majeur [5]. La combinaison de ces marqueurs pronostiques a permis de définir des groupes de patients ayant différents niveaux de risque de récidive.

Une douzaine de classifications pour estimer le risque de récidive des GIST après résection R0 ont été proposées. Elles sont toutes valables, et présentent toutes des limites. Elles sont basées sur des séries historiques rétrospectives avant l’avènement du traitement adjuvant, et elles n’intègrent pas les données moléculaires. Il en existe 2 grands types :

  • Celles classant les patients dans des groupes de risque de récidive estimé (NIH, NIH modifiée par Joenssuu…). Les groupes ont été initialement définis de la manière suivante : haut risque (>30 % de risque de récidive), risque intermédiaire (10-30 %), faible (< 10 %) et très faible risque (0-2 %). Cela est arbitraire mais reste assez généralement admis.
  • Celles estimant de manière chiffrée (0 à 100 %) le risque de récidive (AFIP, nomogrammes, courbes de niveaux de Joensuu…).

Les classifications AFIP de Miettinen et NIH modifiée par Joensuu (tableaux 1 et 2) sont les plus utilisées en Europe [4,5]. Une classification TNM est disponible (UICC TNM8), mais est encore peu utilisée en pratique.

Diamètre maximal de la tumeur (cm) Index mitotique ** GIST gastrique GIST jéjuno-iléale GIST duodénale GIST rectale
≤ 2 ≤ 5 0 0 0 0
> 2 -5 ≤ 5 1,9 %

(très faible)

4,3 %

(faible)

8,3 %

(faible)

8,5 %

(faible)

> 5 -10 ≤ 5 3,6 %

(faible)

24 %

(intermédiaire)

-* -*
> 10 ≤ 5 12 %

(intermédiaire)

52 %

(élevé)

34 %

(élevé)

57 %

(élevé)

≤ 2 > 5 0 50 %

(élevé)

-* 54 %

(élevé)

> 2 -5 > 5 16 %

(intermédiaire)

73 %

(élevé)

50 %

(élevé)

52 %

(élevé)

> 5 -10 > 5 55 %

(élevé)

85 %

(élevé)

-* -*
> 10 > 5 86 %

(élevé)

90 %

(élevé)

86 %

(élevé)

71 %

(élevé)

* nombre de patients insuffisant pour l’estimation.

** l’index mitotique est évalué par Miettinen sur une surface globale de 5 mm2, estimation des 50 champs à fort grossissement classiques afin de limiter la variabilité en fonction des microscopes (cela correspond en effet à seulement 20-25 champs à fort grossissement sur des microscopes récents).

Tableau 1. Estimation du risque de récidive ou de décès lié à la maladie dans les GIST localisées réséquées dans des groupes définis par la taille, l’index mitotique et le siège de la tumeur (AFIP : Armed Forces Institute of Pathology) (d’après Miettinen [4])
Les chiffres sont basés sur le suivi à long terme d’études portant sur 1055 GIST gastriques, 629 GIST jéjuno-iléales, 144 GIST duodénales et 111 GIST rectales. Il convient d’y ajouter la perforation qui est associée à un risque élevé de récidive.

Risque de rechute Taille Index mitotique Localisation
Très faible ≤ 2 cm ≤ 5 Indifférente
Faible > 2 – 5 cm ≤ 5 Indifférente
Intermédiaire ≤ 5 cm

> 5 – 10 cm

6-10

≤ 5

Gastrique Gastrique
Élevé Indifférente

10 cm

Indifférente

5 cm

≤ 5 cm

>  5 – 10 cm

Indifférent

Indifférent

10

5

5

≤ 5

Rupture tumorale

Indifférente

Indifférente

Indifférente

Non gastrique

Non gastrique

Tableau 2. Estimation du risque de récidive dans les GIST localisées réséquées dans la classification de Joensuu dérivée de celle du NIH
Elle vise notamment à mieux scinder les GIST à risque intermédiaire et élevé, et intègre le caractère péjoratif d’une perforation [5].

Le génotype est un outil complémentaire pour évaluer le risque de récidive [1,2]. Ces données commencent à s’ajouter progressivement aux critères histologiques qui restent prépondérants pour estimer le risque de récidive [6]. La relation entre génotype et risque de récidive est complexe à analyser pour plusieurs motifs. D’une part, parce qu’il existe une grande variété de mutations possibles au niveau de l’exon 11 de KIT. Dix mutations représentent cependant plus de 50 % de l’ensemble des mutations permettant certaines corrélations génotype/pronostic. D’autre part, outre sa valeur pronostique, la mutation a également une valeur prédictive de réponse au traitement par imatinib. Ainsi les mutations de l’exon 11 de KIT sont les plus sensibles à l’imatinib, alors que la mutation PDGFRA D842V est généralement résistante. En pratique, les GIST avec mutation de KIT ont un risque de récidive supérieur à celles avec mutation de PDGFRA, les GIST sans mutation KIT/PDGFRA ayant un risque intermédiaire entre ces 2 groupes. Parmi les mutations de l’exon 11 de KIT, les délétions ont un risque de récidive supérieur aux substitutions et les duplications (plus rares) ont un meilleur pronostic [1,2,-6].

D’autres facteurs moléculaires sont à l’étude. Il a été montré que le niveau de réarrangement du génome tumoral a une valeur pronostique. Un index génomique corrélé au risque de récidive a été déterminé, et est actuellement évalué dans une étude française prospective randomisée pour le traitement adjuvant de GIST de risque intermédiaire de rechute (Essai GI-GIST).

Surveillance après résection des GIST localisées

Il n’existe pas de données permettant d’affirmer qu’un protocole précis de surveillance améliore le pronostic. Elle repose sur des avis d’experts et doit être adaptée au risque de récidive, au terrain et à la prescription ou non d’un traitement adjuvant par imatinib. L’exposition aux rayonnements ionisants et ses risques à long terme doivent être pris en compte, d’autant plus que le patient est jeune et que le risque de récidive est faible. L’IRM abdominale représente une alternative au scanner. L’échographie abdominale est une option surtout à distance de la résection. Voici les recommandations tirées de l’ESMO et du Thésaurus National de Cancérologie Digestive (fig 1.) [1,2] :

  • Examen clinique et scanner abdomino-pelvien ou IRM abdominale.
  • Scanner thoracique si GIST à haut risque ou GIST rectale au moins 1 fois/an pendant la surveillance.
  • Tumeurs à risque élevé (sous imatinib adjuvant) : tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
  • Tumeurs à risque élevé (après imatinib adjuvant) : tous les 3 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 3 ans, puis annuels pendant 5 ans.
  • Tumeurs à risque intermédiaire (sans imatinib adjuvant) : tous les 3-6 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois jusqu’à 5 ans, puis annuels jusqu’à 10 ans.
  • Tumeurs à faible risque : tous les 6 à 12 mois pendant 5 ans.
  • Tumeurs à très faible risque : pas de surveillance systématique.

Traitement adjuvant par imatinib (fig. 1)

Figure 1. GIST localisées : algorithme de prise en charge et surveillance (d’après réf. 1)

La décision de traitement adjuvant doit se faire en fonction du potentiel de récidive de la tumeur (très faible, faible, intermédiaire, et haut risque de récidive) et de la sensibilité potentielle à l’imatinib [1,2]. L’analyse histologique de la pièce opératoire est donc primordiale, ainsi que le génotypage.

L’imatinib est un inhibiteur de tyrosine-kinases, dont KIT et PDGFRA, développé initialement dans la leucémie myéloïde chronique, puis dans les GIST métastatiques dans les années 2000 [1,2]. Plusieurs études de phase III ont testé l’imatinib en situation adjuvante, mais selon des modalités et estimations du risque de récidive différents. L’essai multicentrique américain ACOSOG Z9001 a évalué la survie sans récidive chez plus de 700 patients présentant une GIST de taille supérieure ou égale à 3 cm, randomisés entre imatinib 400 mg/j ou placebo pendant un an. À un an, la survie sans récidive était de 98 % dans le bras imatinib contre 82 % dans le bras placebo (p < 0,0001), sans bénéfice sur la survie globale. Les sous-groupes à faible et très faible risque selon la classification AFIP ne présentaient aucun bénéfice à l’imatinib. Secondairement, le génotypage des tumeurs a permis d’observer un gain significatif en survie sans récidive uniquement pour les mutations de l’exon 11 (mais les autres sous-groupes sont d’effectifs plus faibles). L’essai multicentrique européen AIO-SSG a évalué la survie sans récidive chez environ 400 patients atteints de GIST perforées et à haut risque de rechute selon la classification NIH [7]. Les patients étaient traités par imatinib pendant 1 ou 3 ans après la chirurgie. La survie sans récidive était de 66 % versus 48 % en faveur du traitement du bras 3 ans (p < 0,0001) (suivi médian de 54 mois), avec cette fois-ci un gain en survie globale : 92 % dans le bras 3 ans contre 82 % (p=0,019). Les résultats après un suivi médian de 7,5 ans montrent que la supériorité du schéma imatinib 3 ans se maintient dans le temps. Cette étude a permis à l’imatinib 400 mg/jour pendant une durée de 3 ans de devenir le standard thérapeutique en cas de GIST à haut risque de récidive. Enfin, l’étude de l’EORTC [1,2] a comparé pour des GIST à risque élevé ou intermédiaire de rechute selon la classification NIH, imatinib pendant 2 ans ou surveillance. Elle a évalué quant à elle la survie sans échappement à l’imatinib. Elle confirme l’intérêt de l’imatinib sur la survie sans récidive chez les patients à haut risque de rechute, mais en cas de récidive, la survie sans échappement à l’imatinib à 5 ans était similaire dans les 2 bras (87 % contre 84 %), ainsi que la survie globale. Cette étude suggère donc un effet suspensif plus que curatif de l’imatinib. Cela pose la question de l’intérêt d’un traitement adjuvant plus prolongé chez les sujets à risque de rechute élevé, mais aussi de mieux définir le risque de récidive individuel. Un essai de phase III (IMADGIST), comparant imatinib adjuvant pendant 3 ans versus 6 ans dans les GIST à haut risque de rechute, est actuellement en cours.

Il n’y a pas d’intérêt au traitement adjuvant des GIST avec mutation D842V de l’exon 18 de PDGFRA, considérée comme une mutation de résistance à l’imatinib et associée à un risque de récidive spontané plus faible (accord d’experts) [1,2]. En cas de mutation de l’exon 9 et de GIST wild-type chez des patients à risque élevé de rechute, l’indication reste maintenue (sauf en cas de neurofibromatose de type 1) selon les avis d’experts, mais le réel bénéfice chez ces sous-groupes reste vraiment à confirmer. Compte tenu de l’intérêt d’une dose d’imatinib augmentée à 800 mg/j en cas de mutation de l’exon 9 de KIT dans les GIST avancées, certains experts préconisent cette dose en situation adjuvante pour ce génotype, mais cette attitude demanderait à être confirmée par un essai spécifique [1,2]. En résumé, l’estimation du risque de récidive après chirurgie R0, généralement selon les classifications de Miettinen ou de Joensuu, ainsi que le génotypage, sont indispensables pour déterminer les patients qui vont bénéficier du traitement adjuvant, à savoir les GIST à haut risque et les GIST perforées. Le seul traitement adjuvant est l’imatinib, pour une durée recommandée de 3 ans (mais probablement plus longtemps en cas de perforation tumorale) [1,2]. Les patients ayant une mutation D842V de l’exon 18 de PDGFRA, ou une mutation NF1 ne doivent pas être traités [1,2].

Dans les GIST à risque intermédiaire, l’analyse du terrain, le génotypage de la tumeur, l’information et l’avis du patient sont des éléments importants pour la décision thérapeutique au cas par cas. À l’avenir, il sera important de caractériser les patients qui bénéficieront le plus du traitement adjuvant et de préciser sa durée optimale.

Traitement médical des GIST métastatiques et localement avancées (fig. 2)

Figure 2. GIST métastatiques ou localement avancées : algorithme de prise en charge (d’après réf. 1)

Les tumeurs métastatiques et localement avancées non résécables représentent 10-15 % des GIST au moment du diagnostic [1]. Les principaux sites métastatiques des GIST sont le foie et le péritoine (on parle alors de sarcomatose péritonéale). Les métastases ganglionnaires sont anecdotiques, la voie hématogène étant la principale voie de diffusion tumorale. Les autres sites métastatiques sont rares (poumon, plèvre…), principalement en cas de GIST rectales et/ou de GIST multi-traitées.

Un réseau de référence clinique des sarcomes (NETSARC : https://netsarc.sarcomabcb.org) est labellisé par l’INCa. Il s’agit d’un réseau de centres de référence dans la prise en charge des sarcomes et tumeurs conjonctives. Il comporte 28 centres experts dans la prise en charge de sarcomes et des GIST répartis sur tout le territoire national. Il est recommandé de présenter les dossiers de GIST à une RCP spécialisée de ces centres, tout du moins en cas de GIST de prise en charge délicate et pour tout avis de recours, et pour favoriser les inclusions dans des essais [1].

Traitement de première ligne

Différentes chimiothérapies ont été testées dans le passé dans les GIST sans réelle efficacité. Les données sur la radiothérapie sont limitées, et les indications à but symptomatique (douleurs, hémorragie…) restent exceptionnelles avec peu de recul sur son efficacité [1]. Les ITK ont spectaculairement amélioré le pronostic des GIST avancées.

L’imatinib est le seul traitement de première ligne avec une survie à un an d’environ 90 % dès les premiers essais comparé à 40 % avec les anciennes chimiothérapies qui ne sont pas efficaces [1,2]. Dans l’essai initial randomisé de phase II chez 147 patients, une réponse partielle était observée dans 54 % des cas, une stabilité dans 28 %, soit plus de 80 % de contrôle tumoral [8]. L’efficacité de l’imatinib était maintenue chez environ 30 % des patients à 5 ans, et 20 % à 9 ans. Le pronostic des patients était similaire en cas de réponse ou de stabilité. Le statut mutationnel a un impact pronostique majeur : les survies sans progression et globales sont significativement meilleures en cas de mutation de l’exon 11 de KIT par rapport à une mutation de l’exon 9, elle-même de meilleur pronostic que les GIST wild-type. La posologie recommandée d’imatinib est de 400 mg/jour en continu jusqu’à progression ou intolérance, sauf en cas de mutation de l’exon 9 de KIT (800 mg/jour) [1,2]. La tolérance à l’imatinib est globalement bonne, ses effets indésirables fréquents étant l’apparition d’œdème de la face prédominant en périorbitaire, asthénie, diarrhée, myalgies, rash cutané, et une toxicité hématologique prédominant sur les globules rouges. Des toxicités beaucoup plus rares mais sévères ont été rapportées : hémorragies digestives, hémopéritoine, anasarque, ou hépatite.

Il a été montré que les patients qui rechutent après un traitement adjuvant par imatinib conservent une sensibilité à l’imatinib lors de sa reprise. En cas de rechute, le standard thérapeutique est donc la reprise de l’imatinib [1,2].

L’étude BFR14 évaluant l’arrêt de l’imatinib comparé à sa poursuite chez des patients en réponse ou stabilité prolongées a montré que l’arrêt s’accompagne de reprises évolutives dans la grande majorité des cas, que l’imatinib soit arrêté après 1, 3 ou 5 ans de traitement [9]. Ce même essai met en évidence que la reprise de l’imatinib en cas de progression ou récidive à l’arrêt de ce dernier permet de nouveau un contrôle tumoral chez 94 % des patients ayant été mis en pause, sans effet négatif sur la survie globale, mais au prix d’un pronostic cependant plus péjoratif chez les patients ayant ré-évolué précocement et d’une réponse objective moins importante qu’initialement. La pause thérapeutique n’est donc pas recommandée, mais peut constituer une alternative chez certains patients demandeurs dont la tolérance est médiocre [1,2].

Progression sous imatinib

La résistance primaire à l’imatinib, c’est-à-dire survenant dans les 6 premiers mois, est rare. On l’observe dans 5 % environ dans les études récentes. Il faut savoir remettre en cause le diagnostic de GIST, surtout si une double lecture pathologique ou un génotypage n’ont pas été réalisés initialement. Il ne faut pas méconnaître une fausse progression radiologique, les GIST étant imparfaitement évaluées par les critères RECIST qui ne prennent pas en compte la variation de densité des lésions secondaires liée à des phénomènes de remaniement tumoral, pouvant se traduire par une augmentation initiale de la taille [1,2]. Il est également indispensable de vérifier l’observance au traitement et de possibles interactions médicamenteuses (par exemple les inhibiteurs de la pompe à protons), et dans l’hypothèse d’une sous- exposition médicamenteuse, réaliser un dosage du taux plasmatique de l’imatinib. Il existe en effet une variation interindividuelle importante. En cas de progression avérée, doubler la posologie à 800 mg/ jour permettait un nouveau contrôle temporaire de la maladie chez 30 à 40 % des patients. En cas de résistance primaire ou secondaire due à une sous-exposition, une augmentation des doses quotidiennes est à privilégier. Sinon un changement de ligne d’ITK ou l’inclusion dans un essai thérapeutique sont nécessaires [1,2].

Traitement de deuxième ligne et au-delà

Les résistances secondaires sont le plus souvent liées à l’émergence de nouvelles mutations de KIT, notamment en cas de mutation initiale sur l’exon 11. Ces mutations secondaires sont le plus souvent sur les exons 13 ou 17 de KIT, et associées à une sensibilité variables aux différents ITK. Elles peuvent être variées et hétérogènes chez un même patient [1,2].

Le sunitinib est un ITK agissant sur plusieurs récepteurs tyrosine kinase transmembranaires (KIT, VEGF, PDGF) [9]. Il s’agit du seul ITK ayant une AMM en deuxième ligne. Son efficacité a été démontrée par une étude de phase III multicentrique chez 312 patients avec une GIST métastatique ou non résécable ayant une résistance ou une intolérance à l’imatinib. La posologie classique est de 50 mg/j, 4 semaines sur 6. Les principaux effets indésirables sont : asthénie, diarrhée, nausées, décoloration cutanée, HTA, syndrome mains-pieds et toxicités hématologiques. Un essai de phase II réalisé à une posologie de 37,5 mg/jour en continu a suggéré une efficacité similaire avec une meilleure tolérance. L’observance du traitement est essentielle et le traitement doit être personnalisé (posologie, schéma intermittent ou continu) selon la tolérance. La prise en charge précoce et efficace des effets secondaires est indispensable. Du fait d’importantes variations inter-individuelles, l’analyse des interactions médicamenteuses et les dosages plasmatiques du sunitinib peuvent être une aide à l’adaptation des doses.

Le regorafenib est un ITK proche du sorafenib, agissant sur plusieurs récepteurs tyrosine kinase transmembranaires. Il s’agit du seul ITK ayant une AMM en troisième ligne, en cas d’échec et / ou intolérance de l’imatinib et du sunitinib. Son efficacité a été démontrée en troisième ligne dans un essai de phase III après échec ou intolérance de l’imatinib et du sunitinib et offrait une médiane de survie sans progression significativement augmentée (4,8 mois contre 0,9 mois dans le groupe placebo ; p < 0,0001) et une survie globale non modifiée (il existait un cross-over) [10]. La posologie recommandée est de 160 mg/jour, 3 semaines sur 4. Les effets indésirables de grade 3 ou plus étaient observés relativement fréquemment (hypertension artérielle 23 %, un syndrome main-pied 20 %, diarrhée 5 %). Comme pour tous les ITK, la prévention et la prise en charge des effets secondaires, l’adaptation des doses à la tolérance et la personnalisation du traitement sont essentiels pour l’observance et l’efficacité du traitement.

Il a été montré que même en cas de résistance aux ITK, leur arrêt pouvait être associé à une accélération de la progression. En effet, certains clones restent probablement sensibles au traitement. Ainsi une réintroduction de l’imatinib est préférable à l’interruption complète du traitement après la troisième ligne. D’autres ITK, comme le sorafenib ou le pazopanib, ont certainement un intérêt, mais n’ont pas fait l’objet d’essais de phase III et n’ont pas d’AMM [1,2].

À tous les stades de la maladie, il faut privilégier une inclusion dans les essais thérapeutiques. De nouvelles molécules prometteuses peuvent être accessibles dans les GIST métastatiques. Il s’agit principalement d’inhibiteurs multikinases ayant une efficacité sur des mutations de KIT classiquement dites secondaires (exon 13-14/17-18) (par exemple ponatinib, Blu-285, DCC-2618…). Certains ont une efficacité potentielle en cas de mutation PDGFRA D842V (Blu-285, crenolanib). Des inhibiteurs de VEGFR2 sont en cours d’évaluation (par exemple vandetanib, cabozantinib) et des essais précoces d’immunothérapie programmés (pembrolizumab).

Dans des cas ponctuels, notamment en cas de progression sur quelques lésions, des traitements locorégionaux tels que destructions par radiofréquence ou micro-ondes, embolisation hépatique peuvent avoir un intérêt [1,2]. La radio-embolisation a récemment montré des résultats prometteurs chez des patients résistants aux ITK dans une petite série.

Traitement néo-adjuvant

Un traitement néoadjuvant par imatinib est discuté dans des cas particuliers, où l’objectif est la préservation d’organe et/ou l’augmentation du taux de résection R0 [1,2]. Il s’agit soit de tumeurs résécables mais avec une chirurgie mutilante où un downstaging permettrait une chirurgie avec une meilleur résultat fonctionnel (par exemple GIST du bas rectum), soit de tumeurs de résécabilité borderline.

Il n’y a pas d’étude randomisée ayant réellement évalué sa place et les modalités de prescription. La dose la plus étudiée est 400 mg/j, L’attitude proposée par des chirurgiens experts est de réaliser un scanner tous les 2-3 mois et d’opérer lorsque le volume tumoral est le plus faible, ou après une stabilité sur 2 imageries consécutives, après un traitement de l’ordre de 6 à 12 mois, qui permet d’obtenir un taux de réponse objective maximal [12].

Pronostic des GIST métastatiques

Le pronostic des GIST métastatiques a été complètement modifié par les ITK. La médiane de survie globale étant auparavant de 12 à 18 mois. Dans le premier essai américain de phase II testant l’imatinib en première ligne chez des patients ayant des GIST avancées et à l’époque des masses tumorales importantes, la médiane de survie sans progression était d’environ 2 ans et la survie globale de presque 5 ans [8]. Il existe un sous-groupe de patients longs répondeurs, puisque 31 % des patients étaient encore sous imatinib à 5 ans, et 20 % à 9 ans. Dans un essai plus récent (BFR14), la médiane de survie sans progression était de 30 mois et la médiane de survie globale de 6,4 ans [9]. Le type de mutation a une influence sur la sensibilité à l’imatinib (et aux autres ITK). L’arrêt du traitement par ITK en cas de maladie métastatique stabilisée est associé à une reprise évolutive dans la majorité des cas dans les 18 mois et impacte l’importance de la réponse ultérieure. Il est possible que la chirurgie des métastases en plus de l’imatinib améliore la survie globale par rapport à l’imatinib seul, mais ce n’est pas prouvé [1,2].

Évaluation de la réponse au traitement par ITK

La progression tumorale en cas de maladie métastatique traitée par imatinib peut être soit focale (c’est-à-dire porter sur 1 ou 2 métastases), comme l’apparition d’un nodule tissulaire dans une masse hypodense, soit être plus diffuse [1,2]. Ces modifications de densité intra-tumorale précèdent généralement de quelques mois l’augmentation de taille des métastases. La tomodensitométrie avec injection de produit de contraste reste l’imagerie utilisée en pratique dans l’évaluation de la réponse au traitement, généralement réalisée tous les 3 mois en situation métastatique. Néanmoins il n’est pas toujours facile d’estimer la réponse et il peut être utile de confirmer une progression auprès d’une équipe experte. En effet, les critères RECIST ne sont pas parfaitement adaptés à l’évaluation de la réponse tumorale dans les GIST traitées par ITK. En cas de réponse, la masse devient hypodense (dégénerescence myxoïde) et la partie prenant le contraste ainsi que la vascularisation tumorale diminuent. Ces modifications ne sont pas toujours associées à une diminution de taille de la tumeur, qui peut même dans certains cas augmenter initialement. Cela peut conduire à tort à penser à une progression du fait de la visualisation de nouvelles lésions hypodenses moins bien visibles initialement, ou d’une augmentation initiale de taille des lésions. La mesure de la densité tumorale, en unités Hounsfield, est donc indispensable lors du suivi. Des critères d’évaluation tomodensitométriques appropriés aux GIST ont été proposés par Choi et al. pour définir le contrôle de la maladie sous imatinib : diminution de la taille (mesure unidimensionnelle) > 10 % et / ou diminution de la densité après injection (en unités Hounsfield) d’au moins 15 % [1,2]. La diminution de la vascularisation tumorale évaluée par exemple par scanner dynamique traduit aussi l’efficacité du traitement. D’autres examens sont possibles pour évaluer la réponse, mais moins utilisés en France en pratique (TEP au FDG, écho-Doppler avec injection de produit de contraste). L’IRM est une alternative au scanner [1,2].

Conclusion

Les GIST demeurent des tumeurs rares de l’adulte, majoritairement sporadiques, siégeant essentiellement dans l’estomac et l’intestin grêle, dont le diagnostic est histologique. Elles surviennent secondairement à des mutations activatrices des récepteurs KIT ou PDGFRA dans 85 % des cas, et sont diagnostiquées à un stade localisé dans environ 85 % des cas. La chirurgie d’emblée constitue le traitement potentiellement curatif des GIST localisées. Les classifications histo-pronostiques prenant en compte la localisation tumorale, le diamètre tumoral, l’index mitotique et le caractère perforé ou non (Miettinen ou Joensuu) permettent de classer les GIST en fonction de leur risque de rechute et de poser l’indication à un traitement adjuvant par imatinib, dont le standard est de 3 ans mais la durée optimale reste à déterminer. L’imatinib, inhibiteur de tyrosine kinase ciblant KIT et PDGFRA a complètement changé le pronostic de ces tumeurs. Il est le seul traitement en première ligne en cas de GIST métastatique ou localement avancée. Les pauses thérapeutiques ne sont pas recommandées même en cas de réponse prolongée. Le sunitinib et le regorafenib, deux autres ITK sont respectivement les traitements de deuxième et troisième lignes. Les mutations de KIT ou PDGFRA ont une valeur pronostique et prédictive de sensibilité au traitement qui doit être prise en compte dans la stratégie thérapeutique. Les corrélations phénotype-génotype des tumeurs conduisent progressivement à une classification moléculaire des GIST et à une optimisation de leur prise en charge thérapeutique. Des informations thérapeutiques détaillées peuvent être consultées en ligne dans la dernière version du Thésaurus National de Cancérologie Digestive [1].

Références bibliographiques

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