Maladies inflammatoires articulaires et MICI : quelles thérapeutiques ?
POST’U 2019
Rhumatologie
Objectifs pédagogiques
- Connaître la stratégie thérapeutique initiale en cas de manifestations articulaires associées à une MICI débutante
- Connaître la place des AINS dans la prise en charge des spondyloarthrites
- Savoir si la Sulfasalazine a encore une place dans la prise en charge des manifestations articulaires associées à une MICI
- Connaître les stratégies thérapeutiques des spondyloarthrites associées aux MICI
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Les 5 points forts
- L’utilisation des AINS peut être utile, à la fois pour le diagnostic et le traitement des SpA associées aux MICI. Cette utilisation doit être prudente, doit privilégier les coxibs et doit se faire avec l’accord du gastroentérologue.
- L’intérêt de la sulfasalazine est limité dans le traitement des associations de MICI et SpA. Elle ne concerne que la première ligne de traitement de SpA périphérique associée à une RCH avec des formes peu actives et/ou peu sévères.
- L’association d’un immunosuppresseur et d’une biothérapie n’a pas d’intérêt dans les formes axiales de SpA.
- La première biothérapie pour la prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpA est un anticorps anti-TNF.
- Il n’y a pas d’argument pour préférer une autre voie d’inhibition à un deuxième anti-TNF en cas d’échec à un premier anti-TNF.
Introduction
L’association entre spondyloarthrites (SpA) et maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) est bien connue. La prévalence des SpA est probablement sous-estimée chez les patients atteints de MICI. Dans une cohorte de 103 patients atteints de MICI, 30 % avaient des rachialgies inflammatoires, 39 % avaient des manifestations articulaires et 10 % avaient des arthrites périphériques (1). Dix pour cent des patients répondaient aux critères de New York modifiés de spondylarthrite ankylosante.
Une étude prospective récente a comparé 155 patients avec MICI et douleurs articulaires chroniques et 100 MICI sans plaintes articulaires (2). La fréquence des douleurs articulaires était supérieure chez les patients avec maladie de Crohn (65 %) que chez ceux avec rectocolite hémorragique (49 %). La majorité des symptômes n’étaient pas en relation avec une SpA, mais avec des problèmes mécaniques, dégénératifs (n=92). En fonction des critères de classification utilisés, 12,3 % à 40,6 % des patients étaient considérés comme ayant une SpA. En d’autres termes, toute douleur articulaire chez un patient avec une MICI n’est pas une SpA et ces derniers résultats montrent la difficulté de diagnostic et de classification des SpA.
Diagnostic de SpA et implications thérapeutiques
Il n’existe pas de signe ou symptôme pathognomonique de SpA. Le diagnostic repose sur l’association d’un certain nombre d’items cliniques, biologiques et iconographiques. Les rhumatologues peuvent s’appuyer sur les critères de classification dont la majorité des items sont cliniques. Les critères les plus récents, ceux de l’Assessment of SpondyloArthritis international society (ASAS), ont intégré la CRP et l’IRM des sacro-iliaques, ce qui n’était pas le cas des critères d’Amor, de l’ESSG ou de New York modifiés (Figure 1) (3, 4).
Quelle implication pour le gastroentérologue ? Devant une suspicion de SpA chez un patient avec MICI, la mise en évidence de synovite (gonflement articulaire) ou d’enthésite est un critère diagnostique majeur. Il est important d’éviter d’introduire une corticothérapie orale avant avis rhumatologique pour en permettre la mise en évidence. Un autre critère diagnostique important est la sensibilité aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS). Bernard Amor a décrit cette sensibilité comme une nette amélioration de symptômes en moins de 48 heures sous AINS et rechute à l’arrêt. Il peut être important de pouvoir faire ce test de quelques jours pour asseoir le diagnostic de SpA. Les données concernant l’association possible entre prise d’AINS et poussée de MICI sont discordantes. Cependant, deux essais menés en double insu chez des patients avec MICI quiescente, évaluant l’efficacité de la tolérance d’un coxib versus placebo, n’ont pas rapporté de différence dans la fréquence des poussées de MICI dans les 2 bras de traitement. Ces données sont rassurantes sur une prise d’AINS à court terme, comme celle envisagée pour le test diagnostique. Enfin, les antalgiques non anti-inflammatoires ne modifient pas les explorations rhumatologiques.
Pour résumer, le diagnostic de SpA repose principalement sur des critères cliniques. Dans la mesure du possible, il vaut mieux éviter la corticothérapie générale avant l’examen rhumatologique et un test aux AINS de courte durée pourra être proposé à visée diagnostique, après accord du gastroentérologue.
Prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpA
Il existe différentes recommandations de la prise en charge thérapeutique des spondyloarthrites, élaborées par les sociétés savantes françaises, européennes et internationales. Ces recommandations ne sont pas strictement identiques, mais s’accordent sur les grandes lignes (5, 6). Les traitements diffèrent en fonction du phénotype de la SpA, axial ou périphérique.
Quel que soit le phénotype, les AINS sont la pierre angulaire du traitement et doivent être utilisés en première ligne sauf contre-indications.
En revanche, le choix du traitement de fond de première ligne n’est pas le même selon le phénotype. Pour les formes axiales, en cas d’échec ou de contre-indication des AINS, on proposera directement un biomédicament en première ligne de traitement de fond. Pour les formes périphériques, on proposera d’abord un traitement de fond conventionnel synthétique (conventional synthetic disease-modifying antirheumatic drug (csDMARDs)), tel que le méthotrexate, la sulfasalazine ou le léflunomide en première ligne de traitement de fond. Les biomédicaments ne seront proposés qu’en cas d’échec d’un csDMARD.
Quelle est la place des AINS dans la prise en prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpA ?
La place des AINS a été évoquée au moment du diagnostic, à la recherche d’une sensibilité à ce type de traitement, avec une prise sur une très courte durée.
Pour le traitement à long terme, l’utilisation des AINS dans les MICI est controversée et la plupart des recommandations la contre-indiquent ou la déconseillent, par crainte d’une augmentation du risque de poussée de la maladie digestive inflammatoire (7, 8). Les études épidémiologiques à ce sujet sont de qualité méthodologique très variable et ont des résultats contradictoires. Deux études contrôlées randomisées en double insu ont été menées afin d’évaluer la tolérance de coxibs (célécoxib et étoricoxib) dans les MICI. Elles n’ont pas montré de différence de fréquence des poussées entre les patients non- traités et traités par coxibs (9, 10). La durée de suivi et les effectifs ne permettent pas de conclure à une innocuité des coxibs, mais permettent d’envisager leur utilisation en cas de poussée de SpA, sous réserve de l’aval du gastroentérologue.
Quelle est la place de la sulfasalazine dans la prise en prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpA ?
Comme nous l’avons dit plus haut, les csDMARDs sont indiqués seulement dans la prise en charge des SpA avec phénotype périphérique résistant au traitement symptomatique. Que ce soit le méthotrexate ou la sulfasalazine, aucun de ces traitements n’a fait la preuve de son efficacité dans les SpA axiales et la spondylarthrite ankylosante (11).
Selon les recommandations, le méthotrexate est le traitement d’ancrage des SpA périphérique et il a aussi démontré son efficacité dans la maladie de Crohn (12-14). En revanche, son choix en monothérapie ne paraît pas judicieux en cas de RCH associée, le méthotrexate n’ayant pas fait la preuve de son efficacité (15, 16).
La sulfasalazine, qui associe sulfapyridine et acide 5-aminosalicylique [5-ASA], est aussi une des options thérapeutiques de la SpA périphérique, même si les preuves sur lesquelles s’appuient les recommandations sont faibles. Le 5-ASA seul, lui, n’a pas montré d’efficacité dans le traitement des SpA (17). L’efficacité de la sulfasalazine a été étudiée dans la RCH et la maladie de Crohn. Dans la RCH, deux méta-analyses de la revue Cochrane ont montré une efficacité similaire du 5-ASA et de la sulfasa- lazine dans l’induction de la rémission et une efficacité supérieure de la sulfasalazine dans le maintien de la rémission (18, 19). Dans la maladie de Crohn, la sulfasalazine n’a pas démontré d’efficacité claire et toujours inférieure à celle du 5-ASA (20, 21).
Au total, l’utilisation de la sulfasalazine peut s’envisager dans les formes périphériques de la SpA associées à une RCH. En dehors de cette situation particulière, son intérêt est très relatif.
Quelle stratégie thérapeutique des traitements ciblés dans la prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpA ?
En l’absence d’étude face-face montrant une éventuelle différence d’efficacité et du fait d’un plus grand recul sur la tolérance, les anti-TNF sont les biomédicaments de première ligne. Cinq molécules anti-TNF sont disponibles actuellement : trois anticorps monoclonaux (infliximab, adalimumab et golimumab), un fragment Fab d’anticorps monoclonal (certolizumab pegol) et un récepteur soluble (étanercept). Tous ont fait la preuve de leur efficacité dans les SpA et seul l’étanercept n’a pas démontré son efficacité dans les MICI (22). Les posologies et le rythme d’administration diffèrent selon l’indication. Une dose de charge (induction) est systématique en cas de MICI, alors qu’elle n’est indiquée dans les SpA qu’avec l’infliximab et le certolizumab. En cas d’atteinte conjointe MICI/SpA, le choix du traitement s’orientera initialement vers un anticorps anti-TNF et aux posologies adaptées à la MICI.
Une autre question se pose : Mono ou Combo ? L’association entre un traitement immunosuppresseur (azathioprine ou méthotrexate) et anti-TNF a démontré qu’elle limitait la formation d’anticorps anti- biomédicament (ADAb) dans les MICI (23, 24). La combothérapie améliore le taux de réponse et le maintien dans la maladie de Crohn (25). La réponse est nettement moins tranchée dans les spondyloarthrites. Tous les essais thérapeutiques montrent un taux de réponse similaire entre biomédicament en monothérapie et combothérapie, que ce soit pour les formes axiales ou les formes périphériques. Concernant l’intérêt de la combothérapie dans le maintien du traitement, les résultats discordent (26-28). Le méthotrexate pourrait améliorer la survie de l’infliximab, sans modifier celle des autres anti-TNF, mais sans bénéfice sur l’efficacité.
En cas d’échec à un premier anti-TNF, le choix de changer d’anti-TNF ou de changer de voie d’inhibition est désormais possible. Les inhibiteurs de l’interleukine 23 (p19 ou p40) et les JAK inhibiteurs ont montré leur efficacité dans les formes périphériques de SpA, alors que les anti-IL17 eux ont aussi démontré une efficacité dans les formes axiales de SpA (29). Ces derniers sont en revanche contre-indiqués en cas de MICI en poussée. La figure 2 résume l’algorithme de prise en charge proposé par la société française de rhumatologie (12). En deuxième ligne de biomédicament, il n’y a pas de préférence dans le choix de la voie d’inhibition. Des études de stratégies thérapeutiques concernant les séquences de traitement sont en cours.
Conclusion
La prise en charge thérapeutique conjointe d’une MICI et d’une SpAdoit prendre en compte l’activité et la sévérité de chacune des pathologies.
Références
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