Adénocarcinome du grêle

POST’U 2020

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Épidémiologie des adénocarcinomes de l’intestin grêle
  • Bilan diagnostique et d’extension des adénocarcinomes de l’intestin grêle
  • Traitement des adénocarcinomes de l’intestin grêle

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Les 5 points forts

  1. La localisation la plus fréquente des adénocarcinomes de l’intestin grêle est le duodénum.
  2. Des maladies prédisposantes inflammatoires chroniques ou génétiques sont responsables de 20 % des adénocarcinomes de l’intestin grêle.
  3. Après résection R0 l’invasion ganglionnaire est le principal facteur pronostique.
  4. La chimiothérapie adjuvante est recommandée avec un faible niveau de preuve pour les tumeurs de stade II T4 et de stade III.
  5. Au stade métastatique la chimiothérapie de première ligne recommandée est l’association fluoropyrimidine + oxaliplatine.

LIENS D’INTÉRÊT

Conférences : Amgen, BMS, Servier, Roche, Ipsen, Sanofi / Prise en charge congrès : Ipsen, Roche, Bayer / Conseil : HalioDX,

BMS

MOTS-CLÉS

Adénocarcinome de l’intestin grêle, syndrome de Lynch, chimiothérapie

ABRÉVIATIONS

AIG : adénocarcinome de l’intestin grêle

FU : fluorouracile

MMR : mismatch repair

PAF : polypose adénomateuse familiale

TNCD : thésaurus national de cancérologie digestive VCE : vidéocapsule endoscopique

Introduction

Les adénocarcinomes de l’intestin grêle sont des tumeurs rares mais leur incidence est en augmentation. La localisation primitive la plus fréquente est le duodénum. Ces cancers sont plus fréquemment associés à des maladies prédisposantes que les cancers du côlon et leur carcinogenèse reste mal connue. Le diagnostic est le plus souvent fait après une complication (hémorragie ou occlusion). Après résection chirurgicale R0, un envahissement ganglionnaire est le principal facteur pronostique. Concernant la chimiothérapie, les niveaux de preuves sont faibles. Une grande étude prospective internationale de phase III est en cours pour évaluer plusieurs protocoles de chimiothérapie adjuvante. Peu de progrès ont été faits en situation métastatique, la chimiothérapie de référence reste l’association fluoropyrimidine et sels de platine.

Incidence et facteur de risque

Épidémiologie

Bien que l’intestin grêle représente 75 % de la longueur du tube digestif et 90 % de sa surface muqueuse, les cancers de l’intestin grêle restent rares et représentent moins de 5 % des cancers digestifs [1]. Selon les bases de données américaines, l’incidence des cancers de l’intestin grêle est passée de 11,8 cas/million en 1973 à 22,7 cas/million en 2004[2]. De même, en France, l’incidence a augmenté pendant la période 1976-2001 [3]. Quatre types histologiques principaux sont présents dans l’intestin grêle : les adénocarcinomes, les tumeurs neuroendocrines, les tumeurs stromales et les lymphomes. Les adénocarcinomes de l’intestin grêle (AIG) représentent environ 40 % des cancers de l’intestin grêle au même niveau que les tumeurs neuroendocrines [3]. L’incidence des AIG augmente aux États-Unis et en Europe [2–4] et concerne notamment les AIG du duodénum [4]. Selon les données EUROCARE, le nombre de nouveaux cas annuels d’AIG estimé en Europe est de 3 600 [5]. Le duodénum est le segment le plus fréquemment atteint, représentant 55 à 82 % des cas, suivi par le jéjunum (11-25 %) et l’iléon (7-17 %) [1]. Les AIG sont le plus souvent diagnostiqués pendant la sixième décade et il est observé une légère prédominance masculine [4,6,7].

Carcinogenèse

La grande différence d’incidence entre les AIG et les adénocarcinomes colorectaux suggère une plus faible exposition aux carcinogènes. Les anomalies moléculaires mis en évidence dans les AIG sont communes avec celles retrouvées dans les adénocarcinomes coliques, mais avec des fréquences différentes pour certaines, ce qui traduit une carcinogénèse distincte. La prévalence de mutations APC (Adenomatous polyposis coli) dans les AIG est faible de 10 à 18 % selon les séries [1], contrairement aux cancers colorectaux où cette mutation est retrouvée dans près de 80 % des cas. Elle semble plus fréquente dans les tumeurs du duodénum [8]. Une mutation du gène p53 a été détectée chez 24 à 52 % des tumeurs [1], moins fréquemment dans les tumeurs duodénales [8]. Une mutation KRAS est retrouvée dans 9 à 57 % des cas [1]. Les autres mutations RAS sont présentes dans moins de 5 % des tumeurs [8]. Une surexpression de la protéine HER2 est plus rarement observée que dans les adénocarcinomes de l’estomac [6,9]. Cependant une altération ou une amplification du gène ERBB2 a été rapportée dans 12 % des tumeurs [8]. Une série sur 358 cas d’AIG essentiellement métastatiques a mis en évidence un grand nombre d’altérations moléculaires pouvant être de potentielles cibles thérapeutiques [10]. Il a également été montré dans cette étude que la majorité des mutations de BRAF n’était pas la V600E habituellement rencontrée dans les cancers colorectaux. L’analyse moléculaire récente de la cohorte française NADEGE a retrouvé comme anomalies les plus fréquentes les mutations KRAS (44 %), TP53 (38 %), PI3K (20 %), APC (18 %), SMAD4 (14 %) et ERBB2 (7 %). Il existait certaines particularités moléculaires selon la présence ou non d’une maladie prédisposante. Ainsi les mutations tumorales de ERBB2 étaient plus fréquentes dans les syndromes de Lynch que dans les maladies de Crohn, les mutations TP53 et les mutations IDH1 plus fréquentes dans la maladie de Crohn [11]. Une anomalie de réparation de l’ADN (phénotype dMMR) est retrouvée avec une fréquence variable selon les études dans 5 à 35 % des cas [1]. La méthylation du promoteur du gène MLH1 semble moins fréquemment impliquée dans les AIG que dans les cancers colorectaux, ce qui suggère que le phénotype dMMR est plus fréquemment lié à un syndrome de Lynch [12]. Le phénotype dMMR est plus fréquent dans les tumeurs duodénales  ou jéjunales que dans les tumeurs iléales [6]. Une récente analyse de l’exome de 106 AIG retrouve des différences de profil mutationnel entre les différents segments [7].

Maladies prédisposantes

La présence d’une pathologie prédisposante ou d’un syndrome génétique apparaît plus fréquente dans les AIG que dans les adénocarcinomes colorectaux, celle-ci atteint 20 % dans la cohorte NADEGE [13].

Syndromes génétiques

L’AIG fait partie du syndrome de Lynch. Cependant le risque cumulé de développer cette tumeur reste faible chez les patients atteints d’un syndrome de Lynch. Il est estimé à 1 % selon l’étude française ERISCAN [14]. Il est recommandé de bien explorer la totalité du duodénum et de l’iléon distal à l’occasion des endoscopies de contrôle habituel, mais pas d’exploration systématique par vidéocapsule endoscopique (VCE) [15]. En effet le dépistage par VCE a une faible rentabilité avec seulement mise en évidence d’une tumeur du grêle (de localisation duodénale) chez 1 % des patients dans une étude hollandaise sur 200 patients avec syndrome de Lynch [16]. Cependant un AIG peut révéler un syndrome de Lynch [17] ce qui implique qu’un phénotypage MMR doit systématiquement être réalisé pour tous les AIG selon les recommandations du thésaurus national de cancérologie digestive (TNCD) [18]. Dans la cohorte NADEGE un syndrome de Lynch était rapporté chez 7 % des patients. Les tumeurs étaient localisées dans le duodénum dans 61 % des cas, le jéjunum dans 30 % des cas et l’iléon dans 9 % des cas [13].

Chez les patients atteints de polyposes adénomateuses familiales (PAF), les adénocarcinomes du duodénum et les adénocarcinomes de l’ampoule de Vater sont la deuxième localisation tumorale. Une PAF était rapportée chez 2 % des patients de la cohorte NADEGE, 5/6 des patients avaient une tumeur duodénale et 1/6 une tumeur jéjunale [13].

Le syndrome de Peutz-Jeghers est un syndrome autosomique dominant rare dû à la mutation du gène suppresseur de tumeur STK11 qui augmente fortement le risque de développer un AIG. Cependant, ce syndrome reste une étiologie rare d’AIG, en effet dans la cohorte NADEGE seul deux cas, soit 0,6 % des patients, ont été rapportés [13].

Autres maladies prédisposantes

Le risque relatif standardisé de développer un AIG comparé à la population générale est de 34 en cas de maladie de Crohn atteignant l’intestin grêle et de 46 si la durée d’évolution est supérieure à 8 ans. Ce niveau de risque correspond à un tiers du risque de développer un adénocarcinome du côlon en cas de maladie de Crohn touchant le côlon [19]. Les patients qui ont eu une résection des segments malades de l’intestin grêle ou qui ont un traitement prolongé par salicylate ont un risque plus faible de développer un AIG [20]. Une dysplasie est retrouvée à proximité de l’adénocarcinome dans 49 % des cas [21]. Une maladie de Crohn était rapportée chez 9 % des patients inclus dans la cohorte NADEGE. L’âge médian des patients n’est que de 48 ans et la localisation tumorale est le duodénum dans 7 % des cas, le jéjunum dans 10 % des cas et l’iléon dans 83 % des cas [13]. La maladie cœliaque est associée à un risque relatif d’AIG comparé à la population générale qui est estimé à 10 dans une étude de registre suédoise [22]. Dans la cohorte NADEGE une maladie cœliaque n’est rapportée que chez 1,7 % des patients [13].

Présentation clinique et moyens diagnostiques

Les AIG sont fréquemment diagnostiqués dans un contexte d’occlusion ou d’hémorragie notamment pour les tumeurs du jéjunum ou de l’iléon. En cas de saignement occulte, une exploration par vidéocapsule endoscopique a une sensibilité de 88,9 % à 95 % et une spécificité de 95 % à 75 % pour détecter une tumeur de l’intestin grêle [23, 24]. L’entéroscopie

double ballon peut permettre ensuite d’obtenir un diagnostic histologique pré-opératoire si nécessaire [25]. L’exploration par vidéocapsule endoscopique ne doit pas être réalisée en cas de syndrome sub-occlusif et la vérification de la perméabilité du grêle par une capsule “patency” doit être réalisée au moindre doute.

Le bilan à réaliser après le diagnostic d’AIG selon les recommandations du TNCD 2017 comporte un scanner thoraco- abdomino-pelvien à la recherche de métastases, une endoscopie haute et basse à la recherche d’autres tumeurs évoquant une prédisposition génétique, un dosage de l’ACE et du CA 19-9 notamment en cas de tumeur métastatique en raison de leur valeur pronostique [18]. En cas de maladie de Crohn, une exploration de l’ensemble de l’intestin par entéroscanner ou vidéocapsule doit être réalisée pour diagnostiquer d’autres lésions tumorales synchrones. Un dosage des anticorps anti- transglutaminase A et des biopsies duodénales sont recommandés pour détecter une maladie cœliaque. Une recherche systématique d’une instabilité microsatellite ou de la perte d’expression d’une des protéines de réparation de l’ADN doit être faite pour dépister un syndrome de Lynch.

Traitement

Traitement des tumeurs non métastatiques

La résection chirurgicale est le traitement de référence des AIG localisés. Néanmoins, après chirurgie à visée curative, ces patients présentent un taux de récidive métastatique élevé.

Plusieurs études rétrospectives n’ont pas mis en évidence de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante après résection curative d’un AIG. Cependant, ces résultats négatifs peuvent résulter du faible nombre de patients inclus, de biais de sélection ou d’une chimiothérapie inadaptée [1]. Dans une étude de registre américaine ayant comparé la survie chez 1 674 patients ayant reçu une chimiothérapie adjuvante après résection R0 d’un AIG à 3 072 patients traités par chirurgie seule, la chimiothérapie améliorait significativement la survie globale en cas de stade III (42,4 mois vs 26,1 mois ; p < 0,01) après appariement sur les autres facteurs pronostiques (âge > 65, faible différenciation, T3-T4, marges envahies, localisation duodénale, faible revenu, environnement rural, structure de soin publique). Cependant, cette différence n’était pas significative pour les stades I (n= 73 pts) (158,8 vs 110,7 mois ; p= 0,226) ni les stades II (n= 1003) (survie médiane de 104 vs 79,6 mois ; p= 0,185) [26].

Bien que le niveau de preuve de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante soit faible, le TNCD recommande en option une chimiothérapie adjuvante par association fluoropyrimidine et oxaliplatine après résection curative d’un AIG de stade III ou en cas de stade IIB [18]. Dans la cohorte NADEGE 55 % des AIG de stade III et 16 % des AIG de stade II ont reçu une  chimiothérapie adjuvante (FOLFOX dans 86 % des cas) (3). L’étude prospective internationale de phase III (PRODIGE 33 – BALLAD) comparant une chimiothérapie adjuvante à l’observation est en cours dans plusieurs pays dont la France [27]. Il s’agit de la première étude prospective réalisée dans les AIG au stade localisé.

La place de la radiothérapie adjuvante après résection d’une tumeur duodénale est encore moins bien établie. Une récente analyse d’une base de données nationale américaine a comparé le pronostic des adénocarcinomes duodénaux selon qu’ils aient été traités par chimiothérapie seule (n= 694) ou radio-chimiothérapie adjuvante (n= 550). Aucune amélioration de la survie globale n’était mise en évidence chez les patients traités par radio-chimiothérapie, y compris dans les sous-groupes à haut risque (marge envahie, T4, envahissement ganglionnaire ou tumeur peu différenciée) [28].

Traitement de la maladie métastatique

Les données concernant la chimiothérapie des AIG métastatiques reposent sur des études prospectives de phase II ou des études rétrospectives. Une étude rétrospective a suggéré qu’une chimiothérapie par gemcitabine ou irinotecan donne de meilleurs résultats qu’une monothérapie par 5FU [29]. Une autre étude rétrospective portant sur 80 patients a révélé que les chimiothérapies comportant des sels de platine avaient de meilleurs taux de réponse que les chimiothérapies ne comportant pas de sels de platine (46 % vs 16 %; p= 0,01) et une survie sans progression plus prolongée (8,7 vs 3,9 mois; p≤ 0,01), mais sans amélioration significative de la survie globale (14,8 vs 12,0 mois; p= 0,10) [30]. Enfin une étude rétrospective française multicentrique a évalué chez 93 patients les résultats des chimiothérapies par LV5FU2, FOLFOX, FOLFIRI et LV5FU2- cisplatine. En analyse multivariée, l’altération du statut de performance de l’OMS (p< 0,0001), l’élévation du taux d’ACE (p= 0,02) et du CA 19.9 (p= 0,03) étaient significativement associées à une plus mauvaise survie. Dans le sous-groupe des patients traités par sels de platine, l’analyse multivariée montre que la chimiothérapie par FOLFOX était associée à une meilleure survie sans progression (p< 0,0001) et à une meilleure survie globale (p= 0,02) comparée à l’association 5FU + cisplatine [31]. À partir de la même série, l’efficacité du FOLFIRI en seconde ligne a été explorée chez 28 patients. Le taux de réponse était de 20 % et le taux de contrôle de la maladie de 52 %. La médiane de survie sans progression et la survie globale étaient de 3,2 et 10,5 mois, respectivement [32].

Une étude prospective de phase II a rapporté des résultats intéressants pour l’association capécitabine + oxaliplatine avec un taux de réponse de 50 %, une survie sans progression médiane de 11,3 mois et une survie globale médiane de 20,4 mois [33]. Une autre étude de phase II portant sur 33 patients a rapporté un taux de réponse de 49 % avec une survie globale médiane de 15,2 mois [34]. La tri-chimiothérapie capécitabine + oxaliplatine + irinotécan avec une adaptation de dose d’irinotécan selon le génotype UGT1A1 a été évaluée dans une étude de phase II chez 33 patients avec des résultats décevant (taux de réponse de 37 %, médiane de survie sans progression de 8,9 mois et médiane de survie globale de 13,4 mois) [35]. Une phase II sur un effectif de 13 patients réfractaire à une ou plusieurs lignes de chimiothérapie préalable a rapporté des résultats intéressants avec une monothérapie par nab-paclitaxel (20 % de réponse objective et 10,9 mois de survie globale) [36].

Les thérapies ciblées ont été évaluées dans deux petites études prospectives. Une étude de phase II a évalué l’association capécitabine + oxaliplatine + bévacizumab chez 30 patients atteints d’un AIG ou d’un ampullome vatérien avancé en 1re ligne. Le taux de réponse était de 48 %, la survie sans progression médiane de 8,7 mois et la survie globale médiane de 12,9 mois [37]. Une étude de phase II a évalué en 2e ligne une monothérapie anti-EGFR par panitumumab et a été arrêtée après une analyse intermédiaire chez 9 patients ne retrouvant aucune réponse objective [38].

Dans la cohorte NADEGE pour les tumeurs métastatiques, 85 % des patients recevaient une chimiothérapie de 1re ligne qui était le FOLFOX dans 70 % des cas, le FOLFIRI dans 19 % des cas, une monothérapie de fluoropyrimidine dans 7 % des cas et divers autres protocoles dans 5 % des cas [13].

D’autres thérapies ciblées pourraient être envisagées en cas d’altération moléculaire notamment d’ERBB2. Enfin les tumeurs présentant une instabilité microsatellite pourraient probablement bénéficier d’un traitement par immunothérapie. Au vu de la littérature existante et selon les dernières recommandations du thésaurus [18], la chimiothérapie recommandée en 1re ligne métastatique est l’association FOLFOX. Cependant cette recommandation est établie sur un faible niveau de preuve et des études prospectives comparatives sont nécessaires.

La résection des métastases des AIG a été étudiée chez 34 patients inclus dans la cohorte NADEGE. La majorité des patients avaient des métastases hépatiques ou péritonéales. La survie médiane était de 25 mois, la survie sans récidive médiane était de 14 mois et le taux de récidive était de 65 %. La faible différenciation tumorale, la présence de marges envahies et l’existence de métastases ganglionnaires satellites de la tumeur primitive était des facteurs de mauvais pronostic [39]. Une série rétrospective internationale de 152 patients traités par résection d’une carcinose péritonéale + chimio-hyperthermie a rapporté une survie médiane de 32 mois. Une résection complète de la carcinose a été obtenue chez 88 % des patients qui présentaient une survie sans récidive médiane de 14 mois. Les facteurs de mauvais pronostic étaient la faible différenciation tumorale, l’absence de métastase ganglionnaire et un score de carcinose < 15 [40].

Modalités de surveillance

Pronostic

Les AIG ont un mauvais pronostic avec une survie à 5 ans de 50 à 60 % pour les stades I, 39-55 % pour les stades II, 10-40 % pour les stades III et 3 à 5 % pour les stades IV [1]. Cependant dans la cohorte française NADEGE, plus récente, on note une amélioration de la survie à 5 ans pour les stades localisés avec une survie à 5 ans de 88 % pour les stades I, 78 % pour les stades II et 55 % pour les stades III possiblement liée à une utilisation plus large de la chimiothérapie adjuvante. Dans cette même cohorte les stades au diagnostic étaient 26 % de stade I-II, 29 % de stade III, 6 % de tumeurs localement avancées non résécables, 36 % de tumeurs métastatiques et 4 % de stade indéterminé [13]. Les tumeurs localement avancées non résécables étaient toutes des tumeurs du duodénum. Ces données sont comparables à celles observées dans une étude de population des Pays-Bas (35 % de stade I-II, 24 % de stade III, 33 % de stade IV et 9 % de stade indéterminé) [4] et dans une étude à partir de la base de données du SEER nord-américain (10 % de stade I, 30 % de stade II, 27 % de stade III et 32 % de stade IV). Cette  répartition différait des adénocarcinomes colorectaux pour les stades extrêmes (20 % de stade I et 20 % de stade IV pour les cancers colorectaux [41]. Dans cette même étude, il apparaissait que le pronostic des AIG était plus mauvais que celui des adénocarcinomes colorectaux pour chaque stade.

L’invasion ganglionnaire est le principal facteur pronostique pour les AIG réséqués. Pour les AIG de stade III un nombre de ganglion envahis > 3 confère un plus mauvais taux de survie sans récidive à 5 ans que l’invasion de 1 à 2 ganglions (37 % vs 57 %) [42]. De plus, pour les tumeurs jéjuno-iléales, un curage comportant moins de 10 ganglions analysés est associé à une plus mauvaise survie globale pour les tumeurs de stade II (61,8 % vs 32,9 %, p < 0,001) [43]. Ces données soulignent l’importance d’un curage ganglionnaire régional systématique. Selon les recommandations de l’UICC, l’examen d’au moins 6 ganglions régionaux est nécessaire à l’évaluation correcte du statut ganglionnaire. D’autres facteurs de mauvais pronostics sont inconstamment rapportés dans les études disponibles. Ces facteurs sont un primitif duodénal, l’âge, le stade T4, le caractère peu différencié, la positivité des marges de résection, le ratio de ganglions envahis / ganglions réséqués > 10 % [1].

Un phénotype dMMR est associé à une meilleure survie sans récidive [6] et une tendance à une meilleure survie globale [11]. Pour les tumeurs métastatiques le statut de performance de l’OMS > 2, le taux d’ACE et de CA 19-9 supérieure à la normale au diagnostic sont associés à un mauvais pronostic [31]. Dans la cohorte NADEGE, les patients avec métastases synchrones comparés à ceux avec métastases métachrones et les patients ne recevant pas de chimiothérapie palliative avaient une plus mauvaise survie [13]. De manière surprenante, le statut KRAS muté a été retrouvé associé à une meilleure survie dans une étude [6].

Surveillance

Aucune étude n’a validé de protocole de surveillance après résection d’un AIG. Les recommandations du TNCD sont chez les patients capables de supporter une réintervention ou une chimiothérapie : un examen clinique tous les 3 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 3 ans, une échographie abdominale ou scanner abdomino-pelvien tous les 3 à 6 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 3 ans et une radiographie pulmonaire ou un scanner thoracique annuel pendant 5 ans. Il n’y a pas de recommandation concernant la surveillance de l’intestin grêle.

Conclusion

L’AIG reste un cancer de mauvais pronostic. Les données de la cohorte NADEGE suggèrent une amélioration du pronostic dans les formes localisées possiblement grâce à une utilisation plus large de la chimiothérapie adjuvante. Cependant, la preuve de l’utilité d’une chimiothérapie adjuvante ne pourra être apportée que par les résultats de l’étude BALLAD actuellement en cours en France et dans d’autres pays. En situation métastatique, la chimiothérapie de référence reste l’association fluoropyrimidine + oxaliplatine. Des progrès sont espérés grâce à l’utilisation de thérapies ciblées sur des anomalies moléculaires tumorales, ce qui impliquera de réaliser un phénotypage moléculaire. Le dépistage d’un phénotype dMMR doit être systématique.

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Annexe 1 : Classification TNM

pTis Carcinome in situ
pT1 Tumeur envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse
– pT1a Tumeur envahissant la muqueuse
– pT1b Tumeur envahissant la sous-muqueuse
pT2 Tumeur envahissant la musculeuse sans la dépasser
pT3 Tumeur envahissant la sous-séreuse ou le tissu périmusculaire non recouvert de péritoine (mésentère ou rétropéritoine*), ≤ 2 cm
 

pT4

Tumeur perforant le péritoine viscéral (T4a) ou infiltrant des organes (T4b) ou structures (autres anses intestinales, mésentère, rétropéritoine > 2 cm, paroi abdominale à travers la séreuse, et dans le cas du duodénum seulement, envahissement du pancréas)

* mésentère dans le cas du jéjunum ou de l’iléon, alors qu’il s’agit du rétropéritoine dans les zones du duodénum où la séreuse est absente.

Classification AJCC 2009 (7e édition)

pN0 Pas de métastase ganglionnaire
pN1 1 à 3 ganglions lymphatiques régionaux métastatiques
pN2 ≥ 4 ganglions lymphatiques régionaux métastatiques

Adénopathies régionales

pM0 Pas de métastase à distance
pM1 Présence de métastase(s) à distance

Métastases à distance

Stade UICC TNM
Stade 0 Tis N0 M0
Stade I T1, T2 N0 M0
Stade IIA T3 N0 M0
Stade IIB T4 N0 M0
Stade IIIA T1, T2 N1 M0
Stade IIIB T3, T4 N1 M0
Stade IIIC Tout T N2 M0
Stade IV Tout Tout N M1

Stadification AJCC 2009 – Cancer de l’intestin grêle