Conduite à tenir devant des métastases hépatiques de primitif inconnu

POST’U 2020

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la place de la biopsie hépatique
  • Connaître l’imagerie complémentaire à réaliser
  • Connaître la place des examens endoscopiques digestifs
  • Connaître les indications de traitement en l’absence de primitif retrouvé

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Les 5 points forts

  1. En l’absence de primitif évident au bilan initial (données cliniques, biologiques et scanner), la biopsie d’une lésion métastatique doit être le premier examen.
  2. La biopsie doit être de qualité suffisante pour permettre l’analyse histologique et en immunohistochimie, en particulier les marqueurs CK7/CK20/CDX2 et TTF1.
  3. En l’absence de diagnostic histologique précis, le TEP FDG scan n’est pas systématique, le bilan endoscopique est indiqué si une origine digestive est évoquée sur la biopsie.
  4. Le traitement des cancers de primitif inconnu de pronostic défavorable (80-85 % des cas) souvent peu différenciés avec une atteinte métastatique importante repose en première intention sur la chimiothérapie à base de sels de platine.
  5. Les cancers de primitif inconnu de pronostic favorable (15-20 % des cas) sont différenciés, et souvent chimiosensibles.

LIENS D’INTÉRÊT

Aucun pour le sujet

MOTS-CLÉS

Non

ABRÉVIATIONS

Non

Introduction

Les cancers de primitifs inconnus ou indéterminés (CPI) sont caractérisés par l’existence d’un syndrome métastatique sans primitif identifié après un bilan clinique, biologique et d’imagerie complet (1). L’analyse de 12 séries autopsiques a montré que le site primitif pouvait finalement être identifié dans 25 % des cas, le plus souvent au niveau bilio-pancréatique, colique et pulmonaire (1-6).

En considérant la performance des méthodes diagnostiques actuelles, les CPI représentent environ 3 à 5 % des cancers et se placent ainsi entre le huitième et dixième rang d’incidence au niveau mondial selon les sources, cette fréquence pouvant être par ailleurs sous-estimée par les cas où le primitif supposé est déclaré comme diagnostic principal (6). L’analyse histologique couplée à l’étude d’un panel de marqueurs en immunohistochimie (IHC) est une étape déterminante et indispensable qui permet de rattacher dans certains cas la maladie métastatique à un site primitif potentiel non détecté par le reste du bilan (1, 7-9).

Au plan conceptuel, deux principales théories gravitent autour de la genèse des CPI. La première suggère que la maladie métastatique s’est développée à partir d’un site primitif indétectable alors que la seconde s’appuie sur une maladie métastatique à part entière dont le développement s’est fait sans primitif.

Au plan physiopathologique et moléculaire, la carcinogenèse des CPI est encore mal connue et les mécanismes aboutissant à une prolifération tumorale métastatique multi-sites sans site primitif détectable restent encore mal documentés. En effet, si l’activation de certaines voies biologiques est fréquemment observée comme l’angiogenèse dans 50-90 % des tumeurs, la surexpression d’oncogènes dans 10-30 %, de l’hypoxie dans 15-25 % et/ou d’effecteurs intracellulaires comme AKT et les MAPK dans 20-35 %, les altérations moléculaires retrouvées au sein des CPI demeurent très hétérogènes et aucune n’est à ce jour considérée comme spécifique (10).

Au plan clinique, il est admis qu’environ la moitié des patients avec un CPI ont une maladie métastatique diffuse multi-sites lors de la prise en charge initiale, le reste ayant une atteinte focalisée sur un site ou quelques sites métastatiques touchant le foie, le poumon, les os ou les ganglions. Au final, 2 principales formes de CPI sont considérées : (i) les CPI de pronostic favorable, représentant 20-25 % des cas, et correspondant volontiers à des tumeurs différenciées, de présentation proche des situations métastatiques avec primitifs connus, chimiosensibles et pour lesquelles in fine les modalités de prise en charge seront préférentiellement orientées par le site primitif suggéré par l’ensemble du bilan ; (ii) les CPI de pronostic défavorable, majo- ritaires, caractérisés le plus souvent par une atteinte métastatique importante et pour lesquels les recours thérapeutiques sont restreints (1, 6). Dans cette dernière situation, la poly-chimiothérapie à base de sels de platine est à considérer en première intention en sachant que les modalités thérapeutiques optimales ne sont pas codifiées. Le pronostic global des CPI reste très sombre avec une médiane de survie globale variant de 4 à 10 mois et un taux de survie prolongée à 5 ans inférieur à 10 %.

Le diagnostic de CPI

Le diagnostic de CPI repose sur 2 critères : la présence d’une maladie métastatique qui doit être histologiquement confirmée et l’absence de primitif détectable après un bilan clinique et paraclinique adéquat, comportant des examens systématiques et d’autres à réaliser en fonction du contexte (1, 6).

L’analyse histologique : La biopsie +/- exérèse d’une lésion métastatique est systématique pour confirmer le diagnostic et orienter vers le possible tissu d’origine. Dans un premier temps, l’analyse histologique permet de classer le CPI selon diffé- rentes catégories : les adénocarcinomes bien à moyennement différenciés (60 %), les carcinomes peu différenciés ou indiffé- renciés (30-35 %), les carcinomes épidermoïdes (5 %), et les carcinomes à différenciation neuroendocrine (2 %) (1,6,9). Dans certains cas, les CPI sont d’origine mixte regroupant notamment les carcinomes adénosquameux, les adénocarcinomes avec composante neuroendocrine ou les carcinomes sarcomatoïdes. Le second temps de l’analyse repose sur l’étude en immunohis- tochimie (IHC) de l’expression de marqueurs protéiques dans le but de préciser la possible origine primitive du CPI. Cette étape est également importante afin d’écarter les principaux diagnostics différentiels tels que les lymphomes et les tumeurs germinales pour lesquels une prise en charge spécifique et potentiellement curable est possible.

L’analyse en IHC ne pouvant intégrer tous les marqueurs d’emblée, l’étude d’un panel d’anticorps dirigés contre les cytoké- ratines, famille regroupant environ 20 protéines dont le niveau d’expression varie en fonction du type tissulaire et cellulaire, est réalisé en première intention avec notamment les cytokéraines CK7 et CK20 (1,6,9). La cytokératine CK7 est préférentiel- lement exprimée dans les tumeurs situées sur la partie proximale du tube digestif, les cholangiocarcinomes et les tumeurs du pancréas, ainsi que les cancers pulmonaires, de l’ovaire, de l’endomètre et du sein. La cytokératine CK20 est en revanche plus spécifiquement exprimée dans les tumeurs du tube digestif distal et les cancers urothéliaux. Ainsi un profil CK20+/CK7- est en faveur d’une origine colorectale, ce profil étant observé dans environ 75 % à 95 % des tumeurs. Dans ce cas, un marquage complémentaire de l’homéodomaine caudale-2 (CDX-2), facteur de transcription du gène homebox impliqué dans l’or- ganogenèse intestinale et exprimé dans les colonocytes normaux et les tumeurs colorectales, est recommandé pour confirmer l’orientation colorectale du CPI. En revanche, le profil CK20-/CK7+ oriente vers un spectre plus large de cancers tels que les cancers du bilio-pancréatique mais également pulmonaires, du sein, de l’ovaire. Dans ce contexte, l’étude complémentaire des marqueurs de la thyroid transcription factor-1 (TTF-1) est utile, un profil CK7+/TTF1+ étant observée dans environ 85 % des cancers pulmonaires. Dans le cas particulier de suspicion de carcinose péritonéale primitive en lien avec un mésothéliome, l’étude histologique couplée à l’analyse en IHC des marqueurs MOC-31, des récepteurs aux œstrogènes, de la calretinin and Wilms tumor-1 est réalisée pour permettre de distinguer le mésothéliome d’un carcinome séro-papillaire. La figure 1 reprend l’algorithme habituellement proposé dans le cadre de l’analyse histologique et IHC des CPI (1,6,9). Bien entendu, les résultats de l’analyse histologique doivent être intégrés aux données clinico-biologiques et d’imagerie.

Figure 1 : Algorithme proposé pour l’analyse en IHC en cas de métastases de primitif indéterminé. (D’après 1, 6, 9)

Figure 1 : Algorithme proposé pour l’analyse en IHC en cas de métastases de primitif indéterminé. (D’après 1, 6, 9)

Au plan moléculaire, les altérations présentes au sein des métastases de CPI ne semblent pas significativement différentes de celles observées en cas de primitifs connus. Une étude sur 41 lésions de CPI et 186 métastases de 10 primitifs connus a ainsi montré des profils relativement proches avec cependant un niveau d’altération chromosomique et des systèmes de réparation de l’ADN plus élevé en cas de CPI (11). La performance diagnostique de ces approches moléculaires a également été évaluée pour les CPI et pour préciser également le potentiel tissu tumoral d’origine. La recherche de signatures géniques, de profils d’expression ou de méthylation et de signature microARN ont été les principales approches développées avec des travaux réalisés d’abord chez des patients métastatiques avec primitif connu puis ensuite sur des séries de cas de CPI (12-17).

Globalement, la performance diagnostique de ces profils était de 80-95 % en cas de primitifs connus (18-25). Plus précisément, la précision diagnostique des profils d’expression était de 89 % versus 83 % pour l’IHC dans les séries avec primitifs connus, ce taux atteignant 91 % dans le cas particulier des CPI peu ou indifférenciés. Concernant les profils de méthylation, la prédic- tion du tissu d’origine a été rapportée dans près de 90 % des cas (16, 25, 26). L’intérêt de la biopsie liquide a également été étudié avec peu d’études pour l’instant. Un ADNtc détectable était observé chez environ 1/3 des patients dans une série testant la performance d’un NGS ciblé sur 70 gènes chez 442 CPI (27).

Au-delà de l’impact diagnostic, l’intérêt pronostique des altérations moléculaires a également été suggéré. En 2013, Hainsworth et al. ont étudié l’intérêt diagnostique et pronostique d’un profil d’expression spécifique de 92 gènes (23). L’objectif était d’évaluer le taux de CPI rattachés à un site primitif par l’analyse moléculaire, les patients devant être traités le cas échéant par la première ligne standard de la tumeur considérée. Parmi les 252 patients analysables, un primitif potentiel était suggéré dans 98 % (notamment biliaire dans 18 % des cas, urothélial dans 11 %, colorectal dans 10 % et pulmonaire dans 7 %) avec un traitement directement en lien avec la tumeur primitive supposée chez 194 patients (77 %). La survie médiane de ces patients était de 12,5 mois soit plus favorable que les 9-10 mois observé dans les séries historiques. Dans les analyses de sous-groupes, la survie était de 13,4 mois en cas de tumeurs jugées sensibles (colorectale, sein, ovaire, rein, prostate, vessie, poumons, lymphome) contre 7,6 mois pour les autres (biliaire, pancréas, œso-gastrique, foie, sarcome, ORL, col, endomètre, mésothéliome, mélanome, thyroïde). Dans une autre étude sur 46 CPI traités par carboplatin-paclitaxel et everolimus, une analyse d’expression par puce microarray ciblant 2 000 gènes identifiait 38 des patients (82%) avec une tumeur potentielle- ment sensible aux sels de platine (poumon, sein, vessie et ovaire) et 18 % avec une tumeur résistante (côlon, pancréas, CHC) (24). La survie sans progression était de 6,4 versus 3,5 mois (p= 0,026) et la survie globale de 17,8 versus 8,3 mois (p=0,052). Concernant les profils de méthylation tumorale, Moran et al. ont montré qu’une signature développée au préalable à partir d’un large échantillon avec primitif connu (34 types tumoraux différents, cohorte test de 2 790 tumeurs dont 85 métastases et cohorte de validation de 7 691 dont 534 métastases) était associé à un taux élevé de prédiction du site primitif avec une sensi- bilité de 97,7 %, spécificité de 99,6 %, une valeur prédictive positive de 88,6 % et négative de 99,9 % (25). Dans une analyse complémentaire réalisée sur 216 patients avec CPI, un site primitif était suggéré dans 87 % des cas par la signature de méthy- lation. Dans cette population, la survie globale était de 13,6 mois chez les 31 patients ayant reçu un traitement en lien avec le primitif supposé versus 6,1 mois chez les 61 ayant reçu un traitement non codifié (p= 0,0029). Enfin, certains de ces travaux préliminaires et quelques cas cliniques ont également suggéré la possibilité d’identifier, au sein de ces différentes signatures moléculaires, des altérations dites « actionnables » et par conséquent potentiellement candidates à une thérapeutique spécifique comme une thérapie ciblée et/ou immunothérapie. À ce stade, si les résultats sont très prometteurs, l’analyse moléculaire en cas de CPI n’est pas systématique et est discutée au cas par cas et réalisée de manière plus large par certains centres experts.

Au final, les données demeurent encore insuffisantes et des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer précisément l’intérêt de ces stratégies moléculaires diagnostiques et thérapeutiques dans les CPI (28).

Le bilan d’extension : L’examen clinique complet doit notamment comporter la recherche des antécédents personnels et ainsi qu’une palpation des aires ganglionnaires, testiculaires et/ou mammaires (1,6). Il est également recommandé de réaliser un bilan biologique standard comportant une numération formule sanguine, un ionogramme, des tests hépatiques avec dosage des LDH. En dehors du dosage du PSA, de l’AFP et des HCG (hormone de la gonadotrophines) chez l’homme, aucun autre marqueur n’est à réaliser en routine compte tenu de leur faible rendement diagnostic dans les CPI. Le dosage du PSA est ainsi à réaliser systématiquement en cas d’adénocarcinome avec présence de métastases osseuses. Dans les cas de carcinomes peu dif- férenciés ou indifférenciés, avec notamment une extension métastatique axiale en particulier au niveau cervical et/ou médiasti- nale, le dosage de l’AFP et de l’HCG est à réaliser systématiquement.

Concernant l’imagerie, un scanner thoraco-abdominopelvien (scanner TAP) injecté doit être systématique. En cas d’adéno- pathies (ADP) cervicales avec un carcinome épidermoïde à l’analyse histologique, des coupes cervicales sont à réaliser avec le scanner TAP ainsi qu’une imagerie par résonnance magnétique (IRM) cervicale et une panendoscopie. En cas d’adénocar- cinome chez la femme, une mammographie est également systématique. Dans le même registre, une IRM mammaire sera à réaliser dans les cas d’ADP axillaire isolée avec mammographie négative.

Les autres examens ne sont pas systématiques et sont à considérer en fonction de la situation. Un bilan endoscopique et en particulier digestif n’est pas systématique et doit s’envisager en fonction des données clinico-biologiques et/ou de l’analyse histologique. L’intérêt de la tomographie par émissions de positons utilisant le marqueur 18F-flurodéoxyglucoce et couplé au scanner (18F-FDG-TEP/scanner) a été évalué pour la recherche du primitif et pour le bilan d’extension avec une sensibilité et spécificité, toutes localisations confondues, de 87 % et 71 % (29, 30). Concernant les cas particuliers de CPI avec métastases cervicales, la seule étude randomisée sur la performance du 18F-FDG-TEP/scanner versus le scanner TAP ne montrait pas de supériorité diagnostique entre les deux examens (31). Concernant les autres situations, les principales méta-analyses ont montré que le 18F-FDG-TEP/scanner permet la détection d’un site primitif dans 30-40 % des cas, le plus souvent pulmonaires, et avec une sensibilité et spécificité de 84 %. (29-32). Au final, le 18F-FDG-TEP/scanner est ainsi actuellement recommandé chez les patients présentant un carcinome épidermoïde sous forme d’ADP cervicales dominantes, l’examen permettant de détecter un site primitif dans environ ¼ des cas et des métastases non identifiées par les examens conventionnels dans environ 30 % des cas. Pour les autres situations, le 18F-FDG-TEP/scanner n’est pas recommandé en systématique et doit se discuter au cas par cas et notamment dans les cas particuliers où la maladie métastatique semble limitée et pour laquelle un traitement local ou loco-régional est envisagé (tableau 1).

Examens Population cible
Examens clinique avec interrogatoire complet Tous les patients
Bilan biologique Tous les patients
Scanner TAP Tous les patients
Mammographie Chez la femme
IRM mammaire Chez la femme en cas d’ADP axillaire
Dosage AFP, HCG En cas de maladie diffuse axiale
Dosage PSA Chez l’homme avec ADK et métastases osseuses
18F-FDG-TEP/scanner En cas de CPI épidermoïde et ADP cervicales
Bilan endoscopique Sur orientation clinique et/ou biologique
TEP DOPA ou 68-Gallium /scanner En cas de CPI de type neuroendocrine (selon le contexte et ki67<10 %)
Autres Sur orientation clinique et /ou biologique

Tableau 1 : Proposition de bilan diagnostique des CPI

Principes thérapeutiques

Les modalités thérapeutiques sont dépendantes des caractéristiques clinico-biologiques et histologiques du CPI identifié au terme du bilan diagnostic. Sur ce point, l’interprétation des données de la littérature est difficile par l’inclusion le plus souvent de différentes formes de CPI au sein des études. Globalement, le pronostic des CPI est mauvais avec une médiane de survie globale variant de 6 à 10 mois, ce chiffre étant variable selon les sous-types de CPI favorables ou défavorables. La chimio- thérapie systémique est le traitement de référence dans la majorité des cas et les traitements loco-régionaux (chirurgie et/ou radiothérapie) doivent également être considérés en cas de maladie localisée et/ou contrôlée (1, 6).

Les CPI de pronostic favorable, observés dans environ 15 à 20 % des cas, sont associés le plus souvent à un pronostic similaire à celui des situations métastatiques avec tumeurs primitives connues. Un contrôle prolongé de la maladie est ainsi observé chez environ 30 à 60 % des CPI favorables traités par des schémas thérapeutiques utilisés dans les formes métastatiques avec primitifs connus (tableau 2).

Sous type de CPI Propositions thérapeutiques Référence aux tumeurs métastatiques avec primitifs connus
Carcinome endocrine peu différencié CT Platine – etoposide Carcinome endocrine peu différencié avec primitif digestif identifié
Tumeur endocrine bien différenciée Discuter stratégie thérapeutique en RCP RENATEN Traitements systémiques (hors traitement loco-régionaux) : Analogues de la somatostatine ; CT streptozotocine+5FU ou temozolomide+capecitabin ; sunitibib ; everolimus Tumeur endocrine bien différenciée avec primitif identifié
CPI avec IHC de type colorectal (CK20+ ; CDX2+, CK7-) Lignes de traitement : CT +/- thérapies ciblées utilisées dans le CCRm CCRm
CPI avec métastase isolée Chirurgie et/ou RT +/-CT Métastase unique de primitif connu et traité

Tableau 2 : Exemples de propositions thérapeutiques dans les CPIs de pronostic favorable

Pour les CPI de pronostic défavorable, observés dans 80 à 85 % des cas, l’effet des thérapeutiques disponibles reste très modeste avec une médiane de survie globale inférieure à 10 mois. Chez ces patients, l’état général initial et le taux de LDH sont décrits comme associés à la survie avec notamment une survie globale de 4 mois chez les patients avec un indice perfor- mance OMS à 2 et LDH élevée (1). La poly-chimiothérapie systémique à base de sels de platine est le traitement de référence avec une revue de la littérature de 2009 qui ne montrait pas de différence majeure entre les différentes associations compre- nant sels de platines, taxanes, gemcitabine ou irinotecan (33). Ainsi, dans une étude de phase III incluant 198 CPI et stoppée prématurément par manque d’inclusion, le schéma paclitaxel-carboplatine et etoposide était comparé au schéma gemcitabine/ irinotecan avec des résultats similaires sur la survie à 2 ans (15 versus 18 %) (34). Pour les autres combinaisons, une étude de phase II a évalué les associations cisplatine-gemcitabine et cisplatine-irinotecan. Parmi les 78 patients évaluables, le taux de réponse était de 55 % et 38 % et la médiane de survie globale de 6 et 8 mois, respectivement (35). Tout récemment, les résul- tats de l’étude randomisée Européenne GEFCAPI-04 ont été communiqués (36). Il s’agissait d’une étude visant à évaluer, pour la première fois de manière prospective et contrôlée, l’intérêt d’une prise en charge thérapeutique guidée selon le site primitif potentiel identifié par une analyse moléculaire des tumeurs, les patients ayant un CPI de bon pronostic étant exclus. L’objectif principal était la survie sans progression avec un HR prédéfini à 0,65 dans le bras thérapeutique expérimental guidé par la biologique moléculaire par rapport au bras standard de chimiothérapie par cisplatin-genmicatine. Au total, 243 patients ont été inclus, soit 120 dans le bras standard et 123 dans le bras expérimental. Les sites primitifs les plus fréquemment supposés étaient bilio-pancréatiques (19 %), épidermoïdes (11 %), rénal (8 %) et pulmonaires (8 %). Parmi les patients du bras expéri- mental, l’analyse moléculaire a ainsi permis de définir un traitement spécifique chez 91/123 (74 %) des patients. L’étude est négative sans différence de survie sans progression (5,3 vs 4,6 mois, HR 0,95) et de survie globale (10 versus 10,7 mois, HR 0,92) entre le bras standard et le traitement guidé sur un screening moléculaire.

L’intérêt d’une seconde ligne a été très peu évalué et doit être discuté en fonction de l’état général du patient. Concernant les soins de supports, ceux-ci sont à intégrer le plus précocement possible dans la prise en charge du patient.

Conclusion

Les CPI représentent une pathologie tumorale agressive dont le diagnostic repose sur les données de l’analyse histologique et IHC d’une lésion métastatique et par l’absence de primitif identifié après un bilan d’extension. Dans ce contexte, la réalisation d’un bilan endoscopique digestif n’est pas recommandé en systématique et doit s’envisager selon le contexte. À ce jour, la prise en charge thérapeutique est orientée selon le primitif suggéré par l’ensemble du bilan diagnostic. Ainsi, environ 25 % des CPI seront rattachés à un potentiel primitif et seront traités selon les modalités utilisées dans ces localisations. Pour les autres patients, la prise en charge thérapeutique standard reste la poly-chimiothérapie à base de sels de platine, les thérapies spéci- fiques basées sur le screening moléculaire préalable n’ayant pas à ce jour démontré leur intérêt.

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