Corps étrangers du tractus digestif supérieur chez l’adulte

POST’U 2020

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications d’endoscopie en urgence
  • Connaître les conditions et le matériel indispensable à la réalisation du geste en urgence
  • Connaître les risques en fonction du type de corps étrangers

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. Dans 80-90 % des cas les corps étrangers passent spontanément l’ensemble du tube digestif sans complication, ils nécessitent des manœuvres non chirurgicales d’extraction dans 10 à 20 % des cas et une chirurgie dans moins de 1 % des cas.
  2. Le taux de succès de la prise en charge endoscopique des ingestions de corps étrangers varie de 90 à 95 % pour un taux de complications de cette prise en charge < 5 %.
  3. Les corps étrangers œsophagiens sont de réelles urgences (< 6 h), pas les objets intra-gastriques.
  4. Le matériel d’extraction disponible doit être très varié pour pouvoir s’adapter rapidement aux conditions de l’endoscopie, le capuchon réversible est indispensable pour les objets tranchants.
  5. Au décours des impactions alimentaires il est recommandé de programmer des explorations afin de rechercher une éventuelle pathologie favorisante sous-jacente.

LIENS D’INTÉRÊT

Aucun

MOTS-CLÉS

Corps étrangers œso-gastriques ; Impaction alimentaire ; Endoscopie thérapeutique d’urgence

ABRÉVIATIONS

Aucune

Introduction

Sous le terme « corps étrangers » du tractus digestif supérieur, il est classique de considérer les impactions alimentaires et les corps étrangers ingérés de façon accidentelle ou volontaire. Une classification a été proposée lors des recommandations de l’ESGE en 2016 (1), distinguant les impactions alimentaires, les objets mousses, coupants ou pointus et longs. Chez l’adulte les impactions alimentaires sont largement prédominantes, par rapport aux corps étrangers, avec une incidence annuelle estimée à 13/100 000 personnes (2). La prise en charge de ces corps étrangers représente environ 4 % des urgences endoscopiques en pratique clinique (3). Les populations à risque sont les personnes âgées et/ou édentées, les psychotiques, les prisonniers et les patients présentant des antécédents de pathologies œsophagiennes. On retient dans cette dernière population les antécédents chirurgicaux, les sténoses congénitales, les sténoses peptiques ou caustiques, les troubles moteurs, les diverticules, les hernies hiatales et les cancers. Une anomalie anatomique ou fonctionnelle œsophagienne est présente dans 40 % des cas (4) et peut s’élever jusqu’à 75 % dans les cas d’impactions alimentaires œsophagiennes. Les ingestions volontaires sont le plus souvent des corps étrangers tranchants ou piquants, ou encore des «body packing» (sachets plastiques, le plus souvent des préservatifs, remplis de produits stupéfiants). Il est important de retenir que dans 80-90 % des cas les corps étrangers passent spontanément l’ensemble du tube digestif sans complication, et nécessitent des manœuvres non chirurgicales d’extraction dans 10 à 20 % des cas et une chirurgie dans moins de 1 % des cas (5). Les sites de blocages les plus classiquement décrits sont de localisation ORL (glotte, vallécules et pharynx/larynx), les trois zones de rétrécissements physiologiques de l’œsophage (muscle crico- pharyngien, empreinte de la crosse aortique au tiers moyen, sphincter inférieur de l’œsophage) et enfin le pylore.

Le bilan initial recommandé est basé sur la clinique et des examens radiologiques simples. L’interrogatoire doit être précis et déterminer l’heure de l’ingestion. Il faut ensuite préciser le type de corps étranger, le lien avec l’ingestion d’un repas, l’existence d’antécédents de pathologies œsophagiennes. Si le patient reste symptomatique, cela évoque le plus souvent un blocage dans l’œsophage. Les signes sont alors variés et pas toujours en relation anatomique avec la localisation du corps étranger : douleurs rétrosternales, odynophagie, dysphagie. L’hyper sialorrhée ou l’aphagie, y compris aux liquides, sont souvent synonymes d’obstruction œsophagienne complète. Les signes de complication à rechercher sont une fièvre, une tachycardie, un emphysème sous cutané, une tuméfaction cervicale, une anomalie auscultatoire pulmonaire, un syndrome occlusif, un syndrome péritonéal. Les clichés de radiologie standards ne sont recommandés qu’en cas de corps étrangers radio- opaques, d’aliments osseux ou d’objets de type inconnus. Ils sont aussi recommandés lors d’une suspicion de complication, cependant si une prise en charge chirurgicale est envisagée, la tomodensitométrie est à privilégier (1). Les radiographies avec opacification ne sont pas recommandées car à risque d’inhalation et pouvant gêner ensuite la visualisation lors d’un traitement endoscopique.

Le taux de succès de la prise en charge endoscopique des ingestions de corps étrangers varie de 90 à 95 % selon les dernières études pour un taux de complications de cette prise en charge < 5 % (6, 7). Pour les impactions alimentaires, il est parfois discuté une prise en charge médicale, mais qui ne doit pas faire retarder l’endoscopie. Le produit le plus utilisé est le Glucagon (1 à 2 mg intraveineux) avec un taux de succès d’environ 35 % (8).

Au décours des impactions alimentaires, il est recommandé de programmer des explorations afin de rechercher une éventuelle pathologie favorisante sous-jacente, parmi lesquelles l’œsophagite à éosinophile prend une part croissante (8).

Connaître les indications d’endoscopie en urgence

Les urgences sont définies en fonction du type de corps étranger et de sa localisation (1, 4-5), Les impactions de corps étrangers œsophagiens sont de réelles urgences, contrairement aux objets intra-gastriques :

  • L’endoscopie doit être réalisée dans les 2 heures au mieux, dans les 6 heures au plus, pour les corps étrangers œsophagiens sténosants, les piles ou les objets tranchants ou
  • L’endoscopie doit être réalisée dans les 24 heures pour les corps étrangers œsophagiens non sténosants.
  • L’endoscopie doit être réalisée dans les 24 heures pour les corps étrangers intra-gastriques tranchants ou pointus, les aimants, les batteries, les objets longs (> 6 cm, risque au passage de l’angle duodénal) ou larges (> 2,5 cm, risque au passage du pylore ou de la valvule iléo-cæcale).
  • L’endoscopie doit être réalisée dans les 72 heures pour les objets intra-gastriques de taille moyenne et Les éléments soutenant ces recommandations européennes sont les suivants :
  • Le risque de complications majeures d’un corps étranger œsophagien est multiplié par 14 au-delà de 24

L’obstruction complète de l’œsophage augmente le risque d’inhalation (9).

  • Le taux de perforation en lien avec les objets tranchants ou pointus a été estimé dans de nombreuses études aux  alentours de 35 %.
  • Les facteurs de risques de toxicité des piles sont variés et reposent sur les zones de pression sur la muqueuse pouvant engendrer une perforation ou une fistule, un courant électrique (l’étroitesse de la lumière œsophagienne fait que la muqueuse peut être en contact avec les 2 pôles en même temps) ou une blessure chimique (fuite de substances alcalines) (10).

A contrario, une indication à l’endoscopie en première intention doit parfois être récusée. Il est possible de traiter en externe les patients asymptomatiques ayant un corps étranger mousse intra gastrique aux dimensions inférieures à celles sus citées, à l’exception des piles et des aimants (1). Les patients doivent cependant être informés d’être attentifs aux signes d’alarme et à la surveillance de leurs selles. Dans ce cas, une surveillance hebdomadaire par un cliché d’abdomen sans préparation est suffisante pour documenter la progression du corps étranger. À 4 semaines, si l’objet est toujours en intra gastrique, une extraction endoscopique doit être réalisée. Les textes français, plus anciens, proposent des délais plus courts avant la prise en charge interventionnelle (4-5).

Connaître les conditions et le matériel indispensable à la réalisation du geste en urgence.

Chez l’adulte, les recommandations sur les conditions de la réalisation de l’examen endoscopique sont moins strictes que chez l’enfant (anesthésie générale avec intubation dans ce cas). La sédation est recommandée, avec anesthésie générale et intubation, notamment chez les patients non-coopérants ou à risque d’inhalation. La protection des voies respiratoires est également une recommandation forte. Elle peut se faire de 2 façons : utilisation d’un over-tube ou intubation orotrachéale, l’over-tube ayant l’avantage de protéger les muqueuses œsophagienne et oro-pharyngée des allers-retours itératifs de l’endoscope lors de longues procédures. Il est à noter qu’aucune recommandation n’est écrite sur l’environnement nécessaire à l’endoscopie en urgence pour extraction de corps étrangers du tractus digestif supérieur. Ainsi il n’est pas mentionné s’il convient de réaliser cette endoscopie en salle d’endoscopie, au bloc opératoire, au déchoquage ou encore s’il est raisonnable d’avoir une équipe d’ORL disponible, une équipe de pneumologues endoscopistes ou un service de réanimation d’aval. Seule la mise au point de Haennig et al. (4) évoque que parfois l’endoscope rigide des ORL peut être utile en cas de corps étrangers œsophagiens haut situés. Il n’est à ce jour pas démontré de différence d’efficacité, ni de complication entre l’endoscopie souple et rigide pour la prise en charge des corps étrangers de localisation œsophagienne (3).

Il est bien sûr recommandé que le petit matériel d’endoscopie soit adapté au type de corps étranger. En premier lieu, en l’absence d’over-tube, il est recommandé d’installer au bout de l’endoscope un capuchon en caoutchouc, réversible au passage du cardia, pour extraire les corps étrangers potentiellement traumatiques (coupants/pointus). Le matériel d’extraction disponible doit être très varié pour pouvoir s’adapter rapidement aux conditions de l’endoscopie : pinces « dent de rat » ou « crocodile » et anses diverses (à polypectomies, à panier, de type Dormia), une récente revue expose clairement les indications préférentielles de chaque instrument (10). Il est montré que la prise en charge des impactions alimentaires nécessite le plus souvent plusieurs instruments à l’inverse du retrait de corps étrangers (7). La pompe de lavage peut parfois être très utile pour aider à déliter avec une anse un corps alimentaire sec et compact.

Connaître les risques en fonction du type de corps étrangers

Il est montré que plus le délai de prise en charge est court, plus la chance de trouver le corps étranger est importante (7). Concernant les impactions œsophagiennes, plus le délai de prise en charge endoscopique s’allonge, plus le taux de complication de l’impaction augmente. Cela est surtout vrai avec les objets tranchants et n’a aucun lien avec le niveau topographique de l’impaction (6).

Il a déjà été abordé la nécessité d’un over-tube ou d’un capuchon réversible pour éviter les dilacérations du cardia ou de l’œsophage lors des retraits d’objets coupants.

Les complications perforatives œso–phagiennes peuvent être iatrogènes lors du traitement des impactions alimentaires. Ainsi, traditionnellement, il était conseillé leur retrait plutôt que de tenter de les pousser dans l’estomac. Les données de la littérature ont maintenant bien montré qu’il n’y avait aucune différence significative concernant les complications de ces 2 techniques (8). Les recommandations de l’ESGE proposent donc de tenter en première intention de les pousser doucement dans l’estomac, et seulement en cas d’échec, de les retirer.

Enfin il est impératif de savoir que les «body packing» sont une contre-indication à la prise en charge endoscopique. Il existe un trop grand risque de léser le sachet plastique et d’entraîner une overdose chez le patient. La surveillance radiologique de la progression des sachets est recommandée avec indication chirugicale en cas de suspicion de rupture, de lenteur de progression ou d’occlusion.

Lorsque l’extraction du corps étranger s’est déroulée sans complication per et post procédure, le retour à domicile peut être rapidement réalisé.

Références

  1. Birk M et al. Removal of foreign bodies in the upper gastrointestinal tract in adults: (ESGE) Clinical Guideline. Endoscopy 2016; 48: 1–8.
  2. Longstreth GF, Longstreth KJ et Yao Esophageal food impaction: epidemiology and therapy. A retrospective, observational study. Gastrointest Endosc 2001; 53: 193–98.
  3. Ferrari D, Aiolfi A, Bonitta G, Riva C G, Rausa E et al. Flexible versus rigid endoscopy in the management of esophageal foreign body impaction: systematic review and metaanalysis. World J Emerg Surg; 2018: 13:42.
  4. Haennig A, Bournet B, Jean-Pierre O et Buscail L. Conduite à tenir devant une ingestion de corps étrangers. Hépato Gastro 2011 ; 18 : 249-57.
  5. Lachaux A et al. Les corps étrangers ingérés : Recommandations de la SFED. Acta endoscopica 2007 ; 37(1) : 91-3.
  6. Jingjing Yuan et al. Delayed endoscopic removal of sharp foreign body in the oesophagus increased clinical Medecine 2019; 98:26.
  7. Libanio D, Garrido M, Jacome F, Dinis-Ribeiro M, Pedroto I et al. Foreign body ingestion and food impaction in adults: better to scope than to wait. UEG Journal 2018; 6: 974- 80.
  8. Schupack D A, Lenz C J, Debra M Geno, Tholen C J, Leggett C L et al. The evolution of treatment
  9. Loh KS, Tan LK, Smith JD et al. Complications of foreign bodies in the esophagus. Otolaryngol Head NeckSurg 2000; 123: 613–16
  10. Chauvin A1, Viala J, Marteau P, Hermann P et Dray X. Management and endoscopic techniques for digestive foreign body and food bolus impaction. Dig Liver Dis 2013; 45: 529-42