Pochite : diagnostic et traitement
POST’U 2020
MICI
Objectifs pédagogiques
- Savoir diagnostiquer une pochite et connaître son histoire naturelle
- Connaître les modalités de traitement
- Comment surveiller et prévenir la récidive ?
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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.
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Les 5 points forts
-
La prise en charge de la pochite aiguë est bien codifiée et repose en première intention sur l’antibiothérapie en monothérapie, pendant 2 semaines.
- Les 2 antibiotiques les plus souvent utilisés dans le traitement de la pochite aiguë sont le métronidazole et la ciprofloxacine, à raison de 500 mg deux fois par jour
-
En cas de pochite aiguë récidivante, il convient de distinguer la récidive « épisodique » (soit 1 à 2 crises par an, avec une prise en charge thérapeutique qui reste identique à la pochite aiguë), de la récidive « fréquente » (ou forme chronique active – soit ≥ 3 crises par an que l’on traitera comme la pochite chronique active)
- La prise en charge de la pochite chronique active est plus difficile, et non consensuelle.
- Le traitement par anticorps anti-TNF alpha est le plus souvent utilisé en première intention dans la pochite chronique active.
LIENS D’INTÉRÊT
Amgen, Biogen, Celltrion, Ferring, HAC, Hospira, Janssen, MSD, Pfizer, Takeda
MOTS-CLÉS
Pochite aiguë, pochite chronique active, PDAI, ciprofloxacine, métronidazole, anti TNF, vedolizumab, ustekinumab
Introduction
La coloproctectomie avec anastomose iléo-anale (AIA) représente l’intervention de choix chez les patients atteints de rectocolite hémorragique (RCH), ou de polypose adénomateuse familiale (PAF) (1). La pochite correspond à un processus inflammatoire non spécifique se développant au sein du réservoir iléal, et représente la complication la plus fréquente, à long terme, après ce type d’intervention. Son incidence dépend de la pathologie ayant conduit à la chirurgie. Ainsi et de manière surprenante la pochite n’est observée que dans 0 à 10 % des cas dans un contexte de PAF , alors qu’elle peut survenir jusque dans 50 % des cas sur un terrain de RCH (2). Au cours du temps, la prévalence de la pochite augmente chez les patients opérés pour RCH, avec des taux de 25, 32, 36, 40 et 45 % à 1, 2, 3, 4 et 5 ans, respectivement (3).
La symptomatologie clinique de la pochite est subjective et variable, pouvant associer diarrhée, émissions glairo-sanglantes, épreintes / ténesme, incontinence anale, douleurs abdominales ou des signes biologiques comme une carence martiale. Des manifestations extra-digestives peuvent également être observées (atteinte articulaire, cutanée, oculaire…) chez les patients avec AIA compliquée d’une pochite dans un contexte de RCH.
Diagnostic et classification
La pochite est une entité décrite depuis une trentaine d’années et son diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques, endoscopiques et histologiques. Cependant, le terme de « pochite » est totalement aspécifique et correspond à une inflammation du réservoir iléal dont les causes peuvent être nombreuses. Il est ainsi classique de distinguer la pochite idiopathique de la pochite secondaire.
La flore intestinale, les cellules épithéliales et les cellules immunitaires sont impliquées dans l’homéostasie du réservoir iléal. Après fermeture de l’iléostomie et remise en continuité digestive, la muqueuse du réservoir iléal n’est plus « protégée » du flux de matières fécales et est ainsi exposée à de plus fortes concentrations bactériennes que celles habituellement observées dans l’iléon de sujets sains du fait de la stase fécale dans la poche (4). L’association entre dysbiose (déséquilibre qualitatif et / ou quantitatif de la flore bactérienne), métaplasie épithéliale colique et déficience du système immunitaire muqueux inné ou adaptatif serait impliquée dans la pathogénie de la pochite idiopathique. Les hypothèses actuelles concernant le développement d’une pochite sont les suivantes : récidive de RCH au sein du réservoir du fait de lésions métaplasiques de type colique, dysbiose au sein du réservoir, déficit en acides gras à chaîne courte, lésions ischémiques muqueuses (avec dégâts liés à la production de radicaux libres), dysrégulation immunitaire, prédisposition génétique. Certains auteurs avancent l’hypothèse que la pochite serait un troisième type de MICI (à côté de la maladie de Crohn et de la RCH) (5).
Concernant la pochite secondaire, les causes les plus classiques sont les suivantes : infectieuse (bactérienne : Clostridium difficile, Campylobacter jejuni, Salmonella typhi, Escherichia coli, Klebsiella, Pseudomonas ; virale : CMV ; fungique : candida), ischémique, iatrogène (prise d’AINS), microscopique (pochite collagène), auto-immune (6, 7).
Enfin, il convient d’éliminer les diagnostics différentiels de pochite : maladie de Crohn récidivante dans le réservoir iléal, cuffite, trouble fonctionnel (syndrome du réservoir irritable).
La confirmation diagnostique repose sur la réalisation d’une endoscopie digestive basse tout en sachant que les symptômes observés au cours de la pochite ne sont pas corrélées aux lésions observées lors de l’endoscopie (8). L’association des données cliniques, endoscopiques et histologiques est donc plus fiable et permettra également de calculer un score, le PDAI (Pouchitis Disease Activity Index) (tableau 1) (9), qui est validé et communément utilisé pour évaluer l’activité d’une pochite. Lorsque ce score est supérieur ou égal à 7, la pochite est considérée comme active (rémission en-deçà) (10). La présence d’un œdème muqueux ou de quelques plages érythémateuses est considérée comme acceptable dans un réservoir iléal (11). De manière à simplifier les critères diagnostiques, un PDAI modifié a été proposé par Shen et al., ne prenant plus en compte les constatations histologiques. Celui-ci permettrait de limiter les coûts liés à l’anatomopathologie, le temps d’attente avant confirmation histologique, sans diminuer les sensibilité et spécificité de ce score comparativement au PDAI princeps (12).
Critères | Points |
Fréquence des selles | |
Normale (fréquence habituelle post-opératoire)
1-2 selles/j > normale 3 ou plus selles/j > normale |
0
1 2 |
Rectorragies | |
Aucune ou rares
Tous les jours |
0
1 |
Impériosités/douleurs abdominales | |
Aucune
Occasionnelles Habituelles |
0
1 2 |
Fièvre (température > 37,8 C°) | |
Absente
Présente |
0
1 |
Aspect endoscopique de la muqueuse | |
Œdémateuse
Granuleuse Friable Perte du réseau vasculaire Exsudats muqueux Ulcérée |
1
1 1 1 1 1 |
Infiltrat inflammatoire polymorphe sur les biopsies | |
Faible
Modéré + abcès cryptiques Sévère + abcès cryptiques |
1
2 3 |
Ulcérations à faible grossissement | |
< 25 %
25–50 % > 50 % |
1
2 3 |
Tableau 1 : le score PDAI (Pouchitis Disease Activity Index)
L’endoscopie et l’examen bactériologique des selles permettent également d’écarter divers diagnostics différentiels (maladie de
Crohn méconnue, surinfection à Clostridium difficile, etc.).
Une fois le diagnostic posé, il convient de garder à l’esprit quelques définitions :
- la pochite aiguë est définie par une symptomatologie évoluant depuis moins de 1 mois. Elle intéresse 45 à 60 % des patients. Parmi eux, 60 % présenteront des récidives (13).
- la pochite chronique est définie par une symptomatologie évoluant depuis plus de 1 mois. Elle intéresse 5 à 10 % des patients qui ont été réfractaires au traitement antibiotique de première ligne durant le premier mois (14). Ce mode évolutif chronique est très handicapant pour les patients avec un retentissement souvent majeur sur la qualité de
Traitement de la pochite
À l’heure actuelle, la prise en charge de la pochite ne repose pas sur des recommandations avec haut niveau de preuve, principalement en raison d’un manque d’études méthodologiquement satisfaisantes. À défaut de données robustes, un algorithme de prise en charge de la pochite (figure 1) a été élaboré en 2016 dans le cadre d’un consensus d’experts français hospitaliers et libéraux (15).
Figure 1 : algorithme de prise en charge de la pochite
Traitement préventif de la pochite (ou prophylaxie primaire)
Certains facteurs prédictifs de survenue d’une pochite ont été identifiés. Il s’agit du statut non-fumeur, du recours aux anti- inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et de la présence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) (16, 17).
Faut-il proposer un traitement prophylactique de la pochite ? Bien qu’il n’y ait pas de recommandation, plusieurs études ont démontré un intérêt de certains traitements dans cette situation. Ainsi, dans un essai randomisé testant un probiotique (VSL3) versus placebo, 10 % (2/20) des patients traités par le probiotique contre 40 % (8/20) traités par placebo présentaient une pochite, un an après fermeture de l’iléostomie (18).
Une étude ouverte a évalué l’intérêt d’un traitement par salazopyrine (200 mg/j) en prévention de la pochite. L’apparition d’une pochite était observée chez 15 % (3/20) des patients traités par salazopyrine versus 65 % (20/31) des patients non traités (p < 0,01) (19). Bien que s’agissant d’une étude avec un faible effectif, le coût négligeable de ce traitement en fait une alternative intéressante par rapport aux probiotiques qui ont le plus souvent un coût conséquent.
Un travail prospectif a récemment exploré l’impact de l’alimentation et des altérations du microbiote intestinal sur la survenue de pochite. Les apports quotidiens (groupes alimentaires, nutriments) étaient évalués tous les 6 mois. Une consommation élevée de fruits et légumes réduisait le risque d’apparition de pochite et était significativement associée à une plus grande diversité du microbiote dans le réservoir avec présence de populations bactériennes protectrices (20).
Traitement de la pochite aiguë
La prise en charge de la pochite aiguë ne pose généralement pas de problème. Il est recommandé d’utiliser en première intention un antibiotique en monothérapie (métronidazole 500 mg deux fois par jour ou ciprofloxacine 500 mg deux fois par jour) pour une durée de 2 semaines (21, 22). D’autres antibiotiques ont été évalués avec succès dans des essais non contrôlés et de faible effectif (rifaximine, érythromycine, tétracyclines, tinidazole, amoxicilline + acide clavulanique), et peuvent donc être utilisés en pratique clinique (23).
Le recours à de fortes doses de VSL3 a également été proposé et a démontré son efficacité dans la pochite aiguë d’intensité minime (24).
Si le patient est répondeur au terme de ce traitement, deux options sont envisageables : l’absence de traitement d’entretien ou bien le recours à un traitement probiotique. En effet, certaines études ont démontré l’intérêt d’une prophylaxie secondaire avec ce type de traitement (25), en particulier le VSL3 à raison de 2 fois par jour (soit 3 600 bactéries par jour) pendant 28 jours.
En cas de non-réponse ou de réponse jugée insuffisante au bout d’une semaine de traitement antibiotique, une antibiothérapie de seconde ligne peut être proposée.
Enfin, chez les patients ayant une symptomatologie initiale très « bruyante » (de type syndrome rectal), un traitement topique complémentaire par dérivés 5-aminosalicylés (5-ASA) peut être utilisé.
Chez les patients chez lesquels une rémission clinique a été obtenue et qui présentent une récidive, il convient de distinguer deux cas de figure :
- la récidive « épisodique » (soit 1 à 2 épisodes par an) : dans ce cas, la prise en charge thérapeutique reste la même que celle de la pochite aiguë, à savoir une nouvelle antibiothérapie en monothérapie (ciprofloxacine ou métronidazole) ou en combinaison.
- la récidive « fréquente » (ou forme chronique active – soit ≥ 3 crises par an) : elle sera évoquée dans le prochain paragraphe.
Traitement de la pochite chronique active
Traitement de la pochite chronique active antibio-dépendante
Cette entité se définit par des épisodes de pochite fréquents (plus de 3 par an) ou permanents, nécessitant la prescription répétée ou permanente d’antibiotiques pour maintenir une rémission (26). Dans cette situation, il convient de rechercher les causes de pochite secondaire. Ensuite, les traitements ayant le meilleur profil de tolérance seront privilégiés, tels que la rifaximine et les probiotiques comme le VSL3 et le Lactobacilus rhamnosus GG (27).
Une étude observationnelle récente a montré que seulement 21 % des patients avec pochite chronique antibio-dépendante étaient en rémission après un suivi médian de 2 ans. À long terme, le recours aux antibiotiques était associé à l’apparition d’effets secondaires spécifiques et à des phénomènes d’antibio-résistance (28).
Dans une étude ouverte, la transplantation de microbiote fécal a également été évaluée de manière prospective chez 19 patients. Bien que le score PDAI et les scores endoscopique et histologique ne diminuaient pas significativement, il existait une amélioration significative du nombre quotidien de selles (29).
Traitement de la pochite chronique active antibio-résistante
Les patients ayant des signes cliniques, endoscopiques et histologiques de pochite seront considérés comme antibio-résistants en cas de :
- Non réponse après 4 semaines de traitement antibiotique (par ciprofloxacine ou métronidazole).
- Nécessité de recourir à un traitement prolongé (≥ 4 semaines), et combiné (≥ 2) d’antibiotiques.
- Nécessité de recourir à un traitement par dérivés 5-ASA (voie orale ou topique), par corticoïdes, par immunosuppresseur ou par biothérapie.
Là encore, il est indispensable d’éliminer une cause de pochite secondaire (30).
Ce sous-groupe de patients reste particulièrement compliqué à prendre en charge, car le niveau de preuve pour choisir l’un ou l’autre de ces traitements est malheureusement très faible, d’une part en raison d’un nombre de publications sur le sujet très limité, et d‘autre part du fait du faible nombre de patients inclus dans chaque étude.
Les données les plus robustes concernent actuellement les traitements par anticorps anti-TNF alpha. Rappelons que ces traitements sont obligatoirement utilisés en première ligne lorsqu’une biothérapie est indiquée, pour respecter le cadre du remboursement autorisé par la Haute Autorité de Santé française.
Dans une revue publiée en 2013, Zippi et al. rapportaient les résultats de 11 études ouvertes (10 avec l’infliximab et 1 avec l’adalimumab), avec de faibles effectifs, et observaient des taux de réponse clinique à court et moyen termes aux alentours de 75 % et 50 %, respectivement (31). Plus récemment, une revue de la littérature avec méta-analyse a évalué l’efficacité d’un traitement par anticorps anti-TNF alpha chez des patients atteints de pochite chronique réfractaire ainsi que chez des patients atteints de maladie de Crohn du réservoir (32). Vingt-et-un articles et 3 résumés étaient retenus pour l’analyse, soit un total de 313 patients traités (infliximab : n = 194 ; adalimumab : n = 119). Il était possible de faire la distinction entre pochite chronique active et maladie de Crohn du réservoir chez 210 patients. Les taux de rémission clinique après traitement d’induction (rémission à court terme) et à 1 an étaient respectivement de 10 % et de 37 % chez les patients présentant une pochite chronique active. Ces taux étaient meilleurs en cas de maladie de Crohn du réservoir (respectivement de 64 et 57 % ; différence statistiquement significative uniquement après traitement d’induction).
En cas d’échec d’un traitement par anticorps anti-TNF alpha, les options thérapeutiques ne sont actuellement pas codifiées. Quelques cas de patients traités par vedolizumab sont désormais décrits dans la littérature, avec des résultats à court terme encourageants. Récemment, Bär et al. rapportaient une série rétrospective de 20 patients (recrutés dans 10 centres) traités par vedolizumab pour pochite chronique active dépendante des antibiotiques ou réfractaire. Le PDAI était disponible chez 14 patients. La rémission à la semaine 14 était obtenue chez 9 patients (64 %), avec un PDAI médian passant de 10 à la semaine 0 à 3 à la semaine 14 (33).
Une autre étude, monocentrique, rétrospective et de faible envergure (19 patients avec pochite chronique antibio-résistante), avait pour but d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’un traitement par vedolizumab, en utilisant le score PDAI modifié.
Trois mois après l’initiation du traitement, une amélioration symptomatique était observée chez 32 % des patients, alors que l’amélioration endoscopique était observée chez 74 % des patients (34). Aucun effet secondaire particulier était observé.
L’ustekinumab a désormais l’AMM et le remboursement dans la maladie de Crohn et l’AMM dans la RCH. Son efficacité et sa tolérance dans la pochite chronique active antibio-résistante ont été évaluées dans une étude monocentrique rétrospective portant sur 24 patients (35). Les patients présentant une atteinte crohnienne du réservoir étaient exclus de l’étude. Le schéma d’administration d’ustekinumab était atypique en induction (90 mg en perfusion intra-veineuse) puis classique en entretien (90 mg par voie sous-cutanée toutes les 8 semaines). La moitié des patients avaient déjà bénéficié d’un traitement préalable par autres biothérapies. Les données endoscopiques avant et après traitement (suivi médian de 7 mois) étaient disponibles chez 14 patients. Chez eux, le sous-score endoscopique du PDAI passait de 5 [4-6] à 4 [2-5] (p = 0,016). De manière plus subjective, 69 % des patients (n = 9) présentaient une surface de réservoir ulcérée > 10 % à l’inclusion, comparativement à 3 % (n = 4) à la fin du suivi.
Enfin, une étude prospective et ouverte s’est intéressée à la transplantation fécale dans cette situation clinique. Dix-huit patients atteints de pochite chronique active étaient inclus (sans différenciation entre antibio-dépendance ou résistance). La transplantation était réalisée au cours d’une endoscopie. Le critère de jugement, qui était la réponse clinique (diminution de la fréquence des selles) 1 mois après la transplantation fécale, était atteint (nombre de selles quotidiennes passant de 9,2 à 7,3 ; p = 0,03). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative pour les critères de jugement secondaires (score PDAI, scores endoscopique et histologique). Aucun effet secondaire spécifique n’était décrit (36).
Cas particulier de la maladie de Crohn du réservoir
Les mécanismes physiopathologiques conduisant à une maladie de Crohn de novo du réservoir ne sont pas clairs. Cette entité peut s’exprimer selon 3 phénotypes (inflammatoire, sténosant et fistulisant) et intéresser n’importe quel segment intestinal : en amont du réservoir (anse afférente, intestin grêle, tractus digestif haut), ou bien au niveau ano-périnéal.
Il s’agit d’une maladie complexe pouvant aboutir à un échec du montage chirurgical, particulièrement dans la forme fistulisante. Il est donc fondamental de distinguer cette entité crohnienne d’une complication post-opératoire ou d’une véritable pochite idiopathique ou secondaire, car le traitement sera plus agressif de manière à contrôler au mieux l’inflammation et ainsi tenter de préserver le réservoir (37).
Dans une méta-analyse récente, et comme précédemment décrit, Huguet et al. rapportaient une rapidité d’action et une efficacité supérieures d’un traitement par anticorps anti-TNF alpha chez les patients présentant une maladie de Crohn du réservoir comparativement aux pochites réfractaires idiopathiques (38).
Les données avec les autres biothérapies commercialisées sont plus rares et rétrospectives. Khan et al. ont analysé l’efficacité et la tolérance d’un traitement par vedolizumab chez 12 patients présentant une maladie de Crohn du réservoir. Six mois après l’initiation du traitement, une amélioration clinique était observée chez 66,7 % des patients selon le score mPDAI. Aucun effet secondaire significatif n’était répertorié (39). Une autre étude multicentrique rétrospective a rapporté l’expérience américaine portant sur le traitement par vedolizumab des pochites chroniques actives. Parmi les 83 patients évalués, 54 étaient porteurs d’une maladie de Crohn du réservoir. La durée médiane de suivi sous traitement était de 1,3 an. La réponse clinique était définie par une diminution du nombre de selles, une diminution des douleurs abdominales et une diminution de l’écoulement fistuleux. La rémission clinique était définie par un retour à la « normale » du nombre de selles (nombre de selles après coloproctectomie et avant apparition de la pochite), l’absence de rectorragies ou d’impériosités, et la cicatrisation des fistules. Les taux de réponse clinique à 6 et 12 mois étaient respectivement de 65 et 49 % (maladie de Crohn du réservoir) et de 52 et 39 % (pochite chronique active). La rémission clinique (ensemble de la cohorte) à 6 et 12 mois était observée dans 17,5 % des cas. Enfin, la réponse endoscopique à 6 mois était de 54 % des cas dans le groupe des maladies de Crohn du réservoir et de 58 % des cas dans le groupe des pochites chroniques. En analyse par régression logistique, la survenue d’une pochite moins de 1 an après la chirurgie était un facteur prédictif de mauvaise réponse au vedolizumab. L’exposition préalable aux anticorps anti-TNF n’impactait pas la réponse au vedolizumab (40).
Un travail multicentrique a évalué l’efficacité et la tolérance de l’ustekinumab chez des 47 patients atteints de maladie de Crohn du réservoir et 9 patients atteints de pochite chronique active. Soixante-treize pour cent des patients avaient été préalablement exposés aux anticorps anti-TNF et au vedolizumab. Un tiers des patients avec maladie de Crohn et 6 patients avec pochite chronique étaient évalués au terme du (court) suivi. Les taux de rémission et de réponse cliniques (critères de jugement principaux) chez les patients avec maladie de Crohn étaient respectivement de 83 et 11 % à 6 mois. La réponse clinique était quant à elle de 60 % (41).
Enfin, chez certains patients réfractaires à l’ensemble de ces options thérapeutiques et extrêmement gênés au quotidien, il peut être utile de penser à la reprise chirurgicale avec iléostomie définitive et exclusion (ou résection) du réservoir.
Conclusion
Chez les patients ayant bénéficié d’une coloproctectomie avec anastomose iléo-anale, la pochite représente la complication la plus fréquente à moyen et long terme. La pochite peut être idiopathique ou secondaire ; dans ce dernier cas, il sera important d’en rechercher les principales causes, de manière à proposer un traitement adapté. En cas de pochite chronique active (réfractaire), il faudra également penser à éliminer une maladie de Crohn du réservoir.
Ces dernières années, le nombre croissant de biothérapies à disposition dans les MICI a permis d’élargir l’arsenal thérapeutique dédié au traitement des pochites chroniques, mais la principale limite reste le faible nombre de patients traités, avec des résultats principalement issus de séries rétrospectives. Nous attendons désormais l’arrivée d’études multicentriques prospectives de plus grande envergure, comparant les anciennes et les nouvelles molécules chez les patients atteints de pochite chronique active (antibio-dépendante ou résistante) ou de maladie de Crohn du réservoir.
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