Sexualité anale : des réponses médicales aux questions des patients

POST’U 2020

Colo-proctologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les pathologies proctologiques favorisées par la sexualité anale et leur prévention
  • Quelles sont les interventions chirurgicales proctologiques à éviter ou à privilégier en cas de sexualité anale régulière ?
  • Que faire en cas de rapport anal non consenti rapporté par un patient adulte ?

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. La sexualité anale concerne jusqu’à 30 % de la population.
  2. La sexualité anale peut être source de troubles de la continence anale.
  3. Certaines pratiques sont plus à risque d’incontinence anale : insertion de corps étranger, fist fucking, chemsex.
  4. Il n’existe pas de données sur l’incidence de la maladie hémorroïdaire chez les personnes ayant une sexualité anale.
  5. Un examen anal normal ne permet pas d’éliminer un rapport anal non consenti.

LIENS D’INTÉRÊT

Aucun

Introduction

La sexualité anale revêt plusieurs aspects : sodomie proprement dite, mais aussi masturbation anale consciente ou non (usage immodéré de suppositoires, du thermomètre…, voire prurit anal idiopathique), introduction de corps étrangers, lavements, rapports ano-buccaux…

La sexualité anale est un mode de contamination par les infections sexuellement transmissibles (IST), particulièrement fréquentes chez les homosexuels masculins. L’incidence de ces infections est pour certaines en hausse régulière (syphilis, épidémie de lymphogranulomatose vénérienne…) du fait de pratiques à risque et d’un usage insuffisant du préservatif. La PrEP (prophylaxie anti VIH avant exposition) (figure 1) a permis de faire diminuer l’incidence de la contamination par le VIH de 8 % entre 2012 et 2016 aux USA (1), mais elle ne protège pas contre les autres IST ce qu’il convient de rappeler aux patients qui doivent ne pas oublier que le port du préservatif reste recommandé dans de nombreuses circonstances.

Figure 1 : Modalités de prescription de la PrEP

Figure 1 : Modalités de prescription de la PrEP

Concernant les autres conséquences possibles de la sexualité anale, deux cas de figure peuvent être distingués : la sexualité librement consentie sans pratique dite dangereuse (telles que l’introduction de corps étrangers divers, de produits chimiques ou le « fist fucking »…) et l’agression (qu’il s’agisse d’un viol ou d’une pratique à risque) qui constitue la première étiologie de traumatismes ano-rectaux devant les accidents de la route, les plaies par arme à feu ou par arme blanche (1).

La sexualité consentie sans pratique dangereuse peut-elle être délétère ?

La sodomie est le principal aspect de la sexualité anale. Elle concerne toutes les communautés sexuelles.

En France, la prévalence de l’homosexualité paraît stable, estimée dans une étude de l’IFOP en 2019 à 3,2 %, 4,1 % pour l’homosexualité masculine dans le rapport Spira datant de 1993 (2). La prévalence et les conséquences de la sodomie dans la population hétérosexuelle sont peu étudiées. Ce type d’enquête est difficile à mettre en œuvre suscitant des taux de réponse souvent faibles, les questions posées pouvant être vécues comme gênantes induisant un biais dans les réponses. Aux États- Unis, 30 % des populations masculine et féminine ont déjà testé la sodomie, 11 % dans la sous population âgée de 15 à 19 ans (3). De même, 30 % des hommes français ont eu au moins une expérience de pénétration anale au cours de leur vie (2). 10 % des hétérosexuels rapportent au moins un rapport anal dans l’année précédente (4). Cette pratique intéresse toutes les générations et il semble qu’elle progresse dans la population hétérosexuelle puisqu’en 1972 seulement 14 % des femmes déclaraient l’avoir expérimentée (5). Cependant, ces chiffres peuvent aussi traduire une déclaration facilitée par un contexte social plus tolérant. Néanmoins la pratique régulière reste assez rare puisque, dans le rapport Spira, 3 % des femmes disent la pratiquer « souvent » et 10 % « parfois » (2).

Les sensations érotiques liées à la stimulation ano-rectale peuvent s’expliquer par l’innervation commune et la musculature partagée de l’anus et de l’appareil génital. La pression sur le sphincter externe entraîne une traction sur le clitoris chez la femme et peut provoquer une érection chez l’homme. De plus la sodomie permet de stimuler les organes de voisinage (prostate et vésicules séminales chez l’homme, utérus et mur postérieur du vagin chez la femme) par pression sur la paroi rectale. La réceptivité à la stimulation anale est toutefois variable selon les individus, du fait de variations même de sensibilité et de facteurs psychologiques (religieux, esthétiques, éducatifs ou autres).

Les complications de la sodomie librement consentie paraissent rares. Contrairement au vagin, le rectum n’est pas recouvert par un épithélium malpighien non kératinisé solide, protecteur et n’a pas de lubrification naturelle. Il est donc beaucoup plus sensible à l’abrasion. En l’absence de tout contexte agressif il est possible d’observer une « ano-dyspareunie », 75 % des femmes et 15 % des hommes rapportant des douleurs lors des rapports anaux dans une étude menée chez 1 738 américain(e) s (6). Des phénomènes d’irritation anale et rectale, de prurit, d’écoulement glaireux, de diarrhée, voire bien plus rarement de fissuration, de lacération de la muqueuse rectale ou de réaction hémorroïdaire sont rapportés après sodomie sans étude sérieuse sur leur incidence. Ce type de complication s’observe probablement avant tout en cas de pénétration rétrograde brutale sur un anus contracté, sans lubrification suffisante, sans stimulation préalable de l’anus par massage digital et lorsque la sodomie est mal acceptée au plan psychologique (7). L’examen proctologique peut objectiver un aspect érythémateux de la face antérieure du rectum surtout en cas de rapports multiples.

Il faut signaler l’existence d’allergie aux lubrifiants ou au latex se manifestant par des dermites péri-anales et la moindre efficacité du préservatif dans ce type de rapports sexuels pour prévenir les IST.

La physiologie ano-rectale a été très peu étudiée chez l’homosexuel masculin. L’effet des rapports ano-rectaux sur la continence est discuté. Dans une étude ancienne, il est considéré qu’ils n’entraînent ni trouble de la continence, ni rupture sphinctérienne chez les homosexuels masculins. Cependant, un amincissement non significatif des sphincters interne et externe est mis en évidence en écho endoscopie ainsi que des pressions anales de base diminuées sans anomalie de la contraction volontaire (8). Dans un travail plus récent mené sur une cohorte de 6 150 individus la prévalence de l’incontinence augmente chez les patients ayant des rapports anaux, 9,9 vs. 7,4 % ; P = 0,05 chez les femmes, et 11,6 vs. 5.3 % ; P = 0.03 chez les hommes. Le risque semble particulièrement augmenté chez l’homme avec en analyse multivariée un risque relatif d’incontinence de 2,8 (95 % CI : 1,6–5,0) ; P < 0,001 versus 1,5 chez la femme 1,5 (95 % CI : 1,0–2,0) (9). Dans un travail  mené chez 1 003 femmes, 32 % ont déjà eu au moins un rapport anal, 12 % le pratiquent régulièrement ; chez les femmes rapportant au moins un rapport anal le mois précédent il existait une incontinence anale dans 28,3 % des cas versus 14,4 % ; P = 0,0 ; odds ratio 2,48 ; IC 1,39-3,52) (10). Ces différentes études ne précisent malheureusement pas le type de sexualité anale et ne recherchent pas les pratiques dites à risque.

La prévalence de la fissure anale chronique et de la maladie hémorroïdaire n’a pas été spécifiquement étudiée dans la population homosexuelle masculine, rien ne paraît indiquer de lien avec les rapports anaux.

Quelles sont les pratiques dangereuses ?

La sexualité anale ne se limite pas à la seule sodomie, les pratiques sont variées.

L’insertion de corps étrangers est un classique, l’imagination de bon nombre étant suffisamment fertile pour avoir fait naître chez certains proctologues une âme de collectionneur… L’incidence des corps étrangers rectaux enclavés paraît en progression dans une étude suédoise allant de 1,4 en 2005 à 2,3 en 2016 pour 100 000 habitants (11). Dans la littérature les hommes sont 28 fois plus nombreux (12). Ceci pourrait s’expliquer par une agressivité plus grande de l’auto-érotisme masculin, mais aussi par une anatomie pelvienne caractérisée par un sacrum plus court avec une concavité antérieure plus marquée favorisant l’enclavement chez l’homme.

Si l’insertion du corps étranger est souvent avouée, certains allèguent une chute malencontreuse… Les manifestations cliniques mises au premier plan par le malade peuvent être des douleurs ano-rectales ou abdominales, des rectorragies, un prurit, et l’origine de ces symptômes peut être passée sous silence. Dans une minorité de cas, il existe une perforation digestive qu’il convient toujours de rechercher.

Dans 60 à 75 % des cas, l’extraction peut être réalisée aux urgences en s’aidant si besoin d’une sédation intraveineuse, d’une anesthésie locale, par inhalation de MEOPA ou d’un bloc pudendal (13). En cas d’échec, il faut recourir à l’anesthésie générale qui permet l’utilisation d’écarteurs et une extraction sous contrôle de la vue. Le patient est installé en position de lithotomie en Trendelenburg inversé. Les techniques d’ablation décrites dans la littérature sont presque aussi variées que les corps étrangers eux-mêmes ; si les doigts sont bien sûr utilisés, certains emploieront des pinces, des ventouses ou des forceps obstétricaux, des sondes de Foley ou de Blackemore montées en amont, ou encore de simples cuillères, etc. (13). Les techniques endoscopiques sont à privilégier quand elles sont possibles car moins traumatisantes pour les sphincters. On peut souvent s’aider une pression abdominale douce sur le corps étranger permettant de faire progresser celui-ci vers le canal anal. La plus grande douceur est nécessaire pour les objets en verre (bouteille, verre, ampoule électrique…) en raison du risque de cassure.

Si le corps étranger est inaccessible par voie basse, une hospitalisation avec repos au lit de 12 à 24 heures associé à la prise de laxatifs permet souvent de le faire descendre et d’éviter la laparotomie qui n’est qu’exceptionnellement indispensable. Dans ce cas, la colotomie n’est que rarement nécessaire, le corps étranger pouvant être repoussé vers le rectum et extrait par voie transanale au décours d’une mini laparotomie ou d’une cœlioscopie.

Après extraction d’un corps étranger rectal une rectoscopie est nécessaire pour apprécier l’état de la muqueuse rectale et rechercher d’éventuels objets ou fragments d’objets persistants.

Les lavements peuvent être utilisés à des fins érotiques, c’est la klismaphilie. Le plaisir pouvant être le fait de la dilatation colique ou de la contraction recto-colique lors de l’évacuation, ils peuvent s’intégrer dans des pratiques sado-masochistes. Les lavements de grand volume, sous pression, brûlants, contenant des produits irritants ou caustiques (alcool, hallucinogènes, détergents…), voire bizarres (résine époxy ou béton…) (14) sont dangereux pouvant causer colites caustiques, nécrose pariétale et perforation nécessitant un traitement chirurgical.

Ce type de pratique est à distinguer de la réalisation d’une « douche rectale » à but hygiénique avant la sodomie. 88 % des hommes ayant des rapports anaux l’ont au moins expérimenté une fois, 43 à 64 % l’ont utilisé récemment. 87 à 97 % le pratiquent avant le rapport et 13 à 48 % après. L’eau est le plus souvent utilisée parfois mélangée avec du savon ou du sel. Ce type de pratique est plus fréquente chez les patients toxicomanes, atteints d’IST ou infectés par le VIH (15). La pratique paraît moins fréquente chez les femmes (32 vs. 70 %) (16). Les données concernant les conséquences de cette pratique sur la transmission d’IST sont dans la littérature contradictoire (17).

Le « chemsex » consiste à associer à sa pratique sexuelle la consommation ou à l’introduction rectale de drogues (ectasy, méthamphétamine, méphédrone, cocaïne, kétamine, gamma- hydroxybutyrate/gamma-butyrolactone (GHB/GBL)…) et/ou d’alcool ayant pour but de lever l’inhibition, d’augmenter la performance et le nombre de partenaires, de supprimer la douleur et, selon les croyances de ses adeptes, de favoriser la relaxation sphinctérienne (18). Il est associé à un risque augmenté de transmission d’IST dont le VIH.

Le « fist fucking » ou « fist fornication » consiste à introduire dans l’anus et le rectum le poing et l’avant-bras. Il peut être simple ou multiple étant souvent pratiqué en groupe. Cette pratique est plus fréquente chez l’homosexuel masculin, chez qui sa fréquence a été estimée en 2002 à 12,8 % chez les homosexuels masculins britanniques (UK Gay Men’s Sex Survey 2002). Elle est souvent associée au chemsex. Les complications de ce type de pratique incluent des ruptures sphinctériennes responsables d’incontinence fécale, des perforations recto-coliques, des hémorragies, des hématomes, des cellulites pelviennes sans perforation ainsi que des troubles du rythme cardiaque d’origine vagale (19). Des décès ont été décrits (20). Dans une revue de la littérature des lésions sont observées après fist respectivement dans 22,2 % et 88,8 % selon que le rapport soit consenti ou non (21).

Quelles lésions peut-on observer ?

L’ensemble des lésions suivantes surviennent après une pratique à risque.

Les lacérations muqueuses rectales peuvent s’observer après un rapport pénien trop « ardent », mais souvent elles surviennent après une pratique à risque. Le plus souvent bénignes, elles sont traitées par l’abstinence temporaire associée à des laxatifs.

Rarement elles peuvent entraîner des rectorragies abondantes, ou nécessiter une réparation chirurgicale.

Les perforations recto-coliques touchent dans deux tiers des cas les 2/3 supérieurs du rectum, sont intrapéritonéales, provoquant une péritonite accompagnée de signes généraux plus ou moins intenses et d’un pneumopéritoine. Les perforations du 1/3 inférieur du rectum sont sous-péritonéales, de diagnostic plus difficile, volontiers retardé, se manifestant souvent par un sepsis pouvant aller jusqu’à la gangrène de Fournier. Leur traitement est adapté à chaque cas, il fait appel à l’antibiothérapie, au lavage rectal, à la suture de la plaie chaque fois que possible, et à la diversion fécale lorsque que la plaie rectale touche l’ensemble de la paroi rectale.

Les hématomes rectaux se manifestent cliniquement par des douleurs rectales, un ténesme et des rectorragies. Rarement il existe une anémie et un retentissement hémodynamique. Le toucher rectal permet de suspecter le diagnostic en percevant une masse rectale, le plus souvent antérieure. La rectoscopie prudente peut montrer l’hématome. En cas de besoin, le diagnostic peut être confirmé par les techniques d’imagerie (endosonographie, TDM). Le traitement est fonction du volume et du retentissement de l’hématome : une surveillance simple peut suffire, un drainage est parfois nécessaire.

Les déchirures sphinctériennes sont essentiellement décrites après viol ou pratique à risque. Les ruptures, parfois multiples, peuvent toucher les sphincters interne et externe. Ces lésions peuvent être patentes, découvertes immédiatement après l’agression, ou occultes mises en évidence par l’endosonographie lors du bilan d’une incontinence anale (22). Dans le premier cas de figure, lorsque la déchirure touche le sphincter externe, une réparation sphinctérienne immédiate est généralement pratiquée. Dans le second cas, le traitement sera fonction des caractéristiques de la rupture.

Que faire en cas de rapport anal non consenti rapporté par un patient adulte ?

Selon l’article 222-23 du code pénal, le viol est défini par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Il est puni de quinze ans de réclusion criminelle, trente ans si la victime décède.

En France, sur la période de 2008 à 2016, il a été estimé que 117 000 viols ou tentatives sont commis chaque année concernant dans plus de 80 % les femmes (23). Une minorité est déclarée. Les victimes de viol sont préférentiellement des adolescents, mais les vieillards comme les nourrissons peuvent être atteints (24). Les victimes sont de sexe masculin dans 4 à 13 % des cas (24) (25), ce type d’agression survenant fréquemment dans les milieux fermés non mixtes (prisons).

En cas de viol anal, le risque de lésions est important, qu’il s’agisse de déchirures de la marge et du canal anal, d’hématomes ou de perforations du rectum ou encore de ruptures sphinctériennes interne ou externe, occultes ou non. Par ailleurs, il a été avancé que l’abus sexuel, à plus long terme, pourrait être impliqué dans la physiopathologie de l’anisme (26) ou des troubles fonctionnels intestinaux (27).

Tout médecin peut être amené à examiner une victime de viol dans 2 cas de figures : à la demande de la victime elle-même (ou de son représentant légal) ou sur réquisition d’une autorité judiciaire lorsqu’il y a eu dépôt de plainte (28). La circulaire n° 97-380 du 27 mai 1997 a créé des pôles régionaux d’accueil des victimes d’agressions sexuelles dans les structures d’urgence vers lesquels le médecin peut orienter le patient en cas de nécessité.

Lorsque le viol date de moins de 3 jours, il s’agit d’une urgence médico-légale pour constater d’éventuelles lésions cliniques récentes avant cicatrisation, effectuer les prélèvements médicaux (biologie, bactério-virologie, toxiques…) et médico- légaux (ADN, recherche de spermatozoïdes qui persistent 72 h au niveau ano-rectal…), pour mettre en route un traitement prophylactique des maladies sexuellement transmissibles (antibiothérapie visant les chlamydiae, le gonocoque et la syphilis, traitement antirétroviral). Dans cette situation, il convient de réaliser des photos des lésions avec l’accord de la victime. En pratique, il faut adresser la victime vers une unité médico-judiciaire (UMJ) à chaque fois que cela est possible.

Lorsque le viol date de plus de 3 jours, il appartient au médecin d’apprécier le degré d’urgence de la prise en charge médicale et psychologique de la victime. Cependant pour des faits datant de trois à huit jours, il est sage de ne pas trop différer l’examen afin de constater des lésions en cours de cicatrisation, ce qui peut prendre de cinq à huit jours.

Aucun examen ne doit être pratiqué sans l’accord préalable de la victime. Il comporte outre une anamnèse la plus précise possible un examen clinique complet, les lésions traumatiques générales non ano-génitales (traces de coups par exemple) étant les plus fréquemment observées. L’examen de l’anus recherche des traces de contusion, une béance anale ou une hypotonie sphinctérienne, une anomalie de la disposition de plis radiés, des lésions muqueuses… Une échographie endoanale peut rechercher une lésion sphinctérienne occulte.

Un certificat médical est soigneusement rédigé rapportant les déclarations de la victime en reprenant ses mots, les constatations de l’examen, la nature des prélèvements effectués, les photos prises avec l’accord de la victime et les conclusions avec éventuellement mention de l’incapacité temporaire totale (ITT). Un examen normal ne permet pas d’éliminer une agression à caractère sexuel, la mission du médecin n’est pas de prouver que les révélations sont fondées, que le viol a eu lieu ou non. Dans une étude menée chez 463 femmes agressées, il était en effet observé des lésions anales respectivement dans 27 % et 9 % des cas selon que la pénétration anale ait été complète ou non (29).

En cas d’impossibilité de réaliser un examen médico-légal dans des conditions de compétence et de matériel suffisant, il est préférable d’orienter la victime vers une unité médico-judiciaire (UMJ).

Quelles sont les interventions chirurgicales proctologiques à éviter ou à privilégier en cas de sexualité anale régulière ?

La littérature fait globalement défaut sur ce sujet. Dans la pratique, cette question concerne essentiellement la chirurgie hémorroïdaire. L’hémorroïdopexie par agrafage circulaire doit être évitée du fait du risque d’endommagement du préservatif ou blessure du pénis par les agrafes qui peuvent persister plus d’un an (30). L’hémorroïdectomie pédiculaire tripédiculaire peut être source de sténose anale au moins relative source de dyspareunie, et elle peut générer des troubles de la sensibilité anale. Le patient ou la patiente doivent être prévenus de ce risque. Il convient de toujours interroger un patient sur sa sexualité avant de proposer une chirurgie d’hémorroïdectomie.

La demande de chirurgie « esthétique » du canal anal explose. Elle concerne le plus souvent les marisques que certains vivent très mal. Les forums internet aident les patients à libérer leurs tabous et de plus en plus consultent. Les proctologues sont peu formés à répondre à cette demande bien que le traitement chirurgical des marisques soit très simple. La région anale reste  une zone dont la cicatrisation est difficile à prévoir : œdème fréquent, invasion bactérienne régulière, plaie peu oxygénée…

Par ailleurs, le vécu des patients est très imprévisible, certains renoncent à leur sexualité pour des marisques de quelques millimètres, pendant que d’autres vivent très bien d’abondantes marisques. La perception est donc d’évaluation difficile et avant toute intervention il convient de définir les objectifs de notre patient. Il est aussi important de s’assurer du diagnostic de marisques souvent confondues avec de véritable hémorroïdes ou un repli post fissure, voire des papilles hypertrophiques. Si l’indication est bien posée, le patient informé du risque d’échec esthétique, les marisques volumineuses gênant à l’essuyage peuvent être opérées en permettant un bien meilleur confort d’essuyage. Le résultat esthétique est amélioré par une dissection minutieuse qui n’enlève pas trop de marisque pour éviter une fissure anale et suffisamment pour éviter qu’il en reste, l’utilisation des compresses coagulantes plutôt que du bistouri électrique limite l’œdème et si des points doivent être utilisés,  il faut prendre un fil fin et retirer les points rapidement à J7 au plus tard pour limiter le risque de granulomes. Malgré toutes les précautions, des marisques résiduelles post opératoires sont toujours possibles et le patient doit en être informé.

Conclusion

La sexualité anale est largement répandue et concerne toutes les communautés sexuelles. Si son association aux IST est bien connue, ses conséquences sur la physiologie anorectale et sur les pathologies proctologiques courantes (hémorroïdes, fissure…) sont peu ou pas étudiées. La sexualité anale consentie est plus sûre que certaines pratiques dites à risque. Elle n’est plus tabou et doit faire partie de la consultation de proctologie surtout si une intervention chirurgicale est à envisager afin de bien informer le patient des éventuelles conséquences sur cette sexualité. Les demandes esthétiques sont à considérer avec beaucoup de prudence en privilégiant toujours les soins locaux, une certaine rassurance quant à ce qu’est un anus « normal » pour ne pas laisser s’installer des complexes inutiles. La recherche d’antécédents de violences est indispensable devant des symptômes évocateurs : fissures latérales, anisme, douleurs importantes sans lésion explicative… ; tout en évitant les excès de diagnostic. Si une victime consulte après un viol, il est préférable de l’adresser en UMJ, avec un certificat qui rapporte simplement les faits décrits par la victime : « M X me dit que… ». Le certificat est remis à la victime ou à l’autorité requérante.

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