Vaccin contre le Papilloma virus : De l’AMM au pragmatisme

POST’U 2020

Colo-proctologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les différents vaccins anti-HPV disponibles en France et les effets secondaires
  • Connaître les indications recommandées de la vaccination anti-HPV en France et à l’étranger
  • Quel avenir pour cette vaccination ?

Testez-vous

Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

Testez vos connaissances sur le sujet.

Les 5 points forts

  1. L’infection HPV est responsable chaque année de milliers de cancers ano-génitaux et ORL.
  2. Les mesures de prévention secondaire sont indispensables mais insuffisantes pour espérer éradiquer ces pathologies.
  3. Les vaccins disponibles contre le virus HPV ont démontré leur efficacité immunologique et clinique pour la prévention des lésions bénignes et malignes anales et génitales.
  4. Avec un recul de plus de 10 ans et des millions de patients vaccinés dans le monde, on peut affirmer que ces vaccins n’ont pas de dangerosité supérieure à celle du placebo.
  5. Un élargissement de la vaccination à l’ensemble des adolescents de 11 à 14 ans a été récemment préconisé par la HAS.

LIENS D’INTÉRÊT

TAKEDA, ABBVIE, Fcare, MSD vaccin

MOTS-CLÉS

Vaccin HPV, recommandations, prévention

Pourquoi un vaccin anti-HPV ?

Le virus HPV (figure 1) est responsable de la première infection sexuellement transmissible dans le monde. Plus de 150 génotypes sont référencés. Ce virus à ADN double brin circulaire contamine les organes génitaux féminins et masculins, l’anus et la bouche lors des contacts intimes. La prévalence de cette infection anale est par exemple de 34 % chez les patients ayant eu une coloscopie (43 % des femmes et 24 % des hommes) (1). La persistance de ce virus est fluctuante dans le temps avec une clairance dont les mécanismes sont peu connus avec cependant un rôle particulièrement péjoratif de l’immunodépression. Lorsqu’il persiste, ce virus peut être responsable de condylomes (figure 2), en dysplasie de bas puis de haut grade (figure 3) et enfin de cancers (carcinome épidermoïde) (figure 4) des différents organes contaminés. Il existe plusieurs génotypes de virus HPV associés à des lésions plus ou moins sévères (génotypes 6 et 11 pour les condylomes ano-génitaux, 16 et 18 pour 80 % des cancers ano-génitaux et 31, 33, 45, 52, 58… pour les autres). Le délai entre une infection HPV et le cancer varie de 20 à 40 ans (plus court en cas d’immunodépression). Il a été évalué que ce virus était ainsi responsable d’environ 1,8 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers en France en 2015 (2).

Figure 1 : Photo du serial killer → Virus HPV (wanted)

Figure 1 : Photo du serial killer Virus HPV (wanted)

Figure 2 : Condylomes anaux

Figure 2 : Condylomes anaux (wanted)

Figure 3 :Dysplasie de haut grade de la marge anale

Figure 3 :Dysplasie de haut grade de la marge anale

Figure 4 : Carcinome épidermoïde de l’anus

Figure 4 : Carcinome épidermoïde de l’anus

Un autre travail français (3) récemment publié rapportait ainsi 7 597, 149 et 748 femmes hospitalisées pour respectivement un cancer cervical, vulvaire et vaginal en 2013, avec 3 120, 522 et 323 nouveaux cas. Pour le cancer de l’anus 4 153 patients avaient été hospitalisés en 2013 dont 1 661 nouveaux cas. L’INCA note par ailleurs une incidence de ce cancer qui augmente de 5,7 % par an sur la période 2010-2018. Au niveau ORL, 9 157 (76 % d’hommes) patients porteurs de cancers attribuables à l’HPV ont été hospitalisés en 2013 (3) avec une difficulté particulière : l’absence de lésions précancéreuse dépistable. Tous ces cancers sont responsables d’une mortalité allant de 20 à 40 % avec des séquelles fonctionnelles définitives pour les survivants, souvent majeures (figures 5 et 6).

Figure 5 : Dermite radique (quasiment systématique après radiothérapie) avec sténose anale responsable

Figure 5 : Dermite radique (quasiment systématique après radiothérapie) avec sténose anale responsable d’incontinence anale

Figure 6 : Nécrose post radique

Figure 6 : Nécrose post radique

Un dépistage (frottis cytologique actuellement remplacé par frottis HPV) existe depuis longtemps pour les femmes au niveau du col utérin mais n’empêche pas 1 100 décès par an en France.

Au niveau anal, le seul dépistage recommandé concerne les patients infectés par le VIH (4). En effet, cette population est la plus exposée au risque de pathologies due à l’HPV avec 25 % de condylomes anaux (5), une dysplasie de haut grade dans 9, 18 et 24 % respectivement chez les femmes, les hétérosexuels et les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) (6-8) et un risque de cancer anal multiplié par 13 à 110 par rapport à la population générale (tableau 1).

Populations Risque relatif de cancer anal
Homosexuel VIH 110
Hétéro VIH 50
Femme VIH 13
Homo non VIH 40
Transplanté (petite série) 100
Femme non VIH avec CIN3/cancer du col 2-16

Tableau 1 : Risques relatif de cancers anaux selon les populations

Il est ainsi recommandé de réaliser un examen proctologique comprenant une inspection de la marge anale, un toucher rectal et une anuscopie (standard) pour les HSH et pour tous les patients ayant un antécédent de lésion ano-génitale dues à l’HPV. En cas de normalité de ce dépistage, il pourra être réalisé de nouveau tous les 1 à 3 ans en fonction essentiellement du nombre de partenaires. Il n’existe pas de recommandation pour les autres catégories à sur- risque de cancer de l’anus (tableau 1). Si l’on voulait élargir ce dépistage, un très grand nombre de personnes serait éligible. En effet, en France, on estime que 150 000 personnes vivent avec le VIH dont environ 61 000 HSH. Par ailleurs la population des HSH non VIH a été estimée à 4,0 % des hommes de 18 à 69 ans (fourchette basse), ce qui représenterait environ 870 000 hommes, auxquels il faudrait ajouter les patients transplantés (26 000 nouveaux cas/an), les patients sous immunosuppresseurs et les femmes avec antécédent de dysplasie sévère du col utérin (30 000 nouveaux cas/an) ou de cancer du col (3 000 nouveaux cas/an). Cette épidémiologie imposerait donc la mise en place d’un large dépistage mais, compte tenu de nos ressources, nous ne pourrons endiguer ces pathologies qu’en agissant en amont avec une prévention primaire.

Vaccins anti-HPV disponibles en France et leur efficacité

Le Cervarix des laboratoires Glaxo-Smithkline protège contre les HPV de génotype 16 et 18. Le Gardasil 4 des laboratoires MSD vaccin protège contre les HPV 16, 18, 6 et 11.

Le Gardasil 9 des laboratoires MSD vaccin (disponible depuis 2 ans), protège contre les HPV 16, 18, 6, 11, 31, 33, 45, 52, et 58.

Tous ces vaccins ont pour objectif d’empêcher l’apparition des cancers secondaires à l’infection HPV 16 et 18 qui sont responsables de 70 % des cancers du col et 80 % des cancers de l’anus. Le Gardasil 4 permet en plus une protection contre les HPV 6 et 11 responsables des condylomes. Le dernier vaccin Gardasil 9 permet d’espérer d’élargir la protection contre 20 % supplémentaires de cancers du col utérin (9) et 10 % de cancers de l’anus(10).

Ces vaccins sont une synthèse des protéines L1 de la capside (enveloppe) du virus, ils sont donc « inactifs ». L’objectif est de stimuler la fabrication d’anticorps contre les virus HPV en cas de contact avec le vrai virus. L’efficacité a d’abord été démontrée sur le plan immunologique. Puis de très importantes études randomisées versus placébo ont démontré le bénéfice clinique en termes de lésions pré-cancéreuses sur le col et l’anus (11) notamment dans la vraie vie, dans les pays avec une bonne couverture vaccinale depuis suffisamment d’années. Ainsi, en Australie où la couverture vaccinale dépasse les 80 % depuis plus de 10 ans, l’incidence des condylomes génitaux a chuté de 73 % chez les filles de 21 à 30 ans et de 93 % chez les  moins de 21 ans (12). Même évolution avec les dysplasies sévères du col : on note une baisse de leur incidence de 73 et 75 % respectivement au Danemark et en Suède (13).

Enfin, une étude du registre finlandais vient de démontrer le bénéfice en termes de prévention du cancer du col utérin. 9 529 jeunes filles vaccinées (vaccins bi et quadrivalent) entre 14 et 19 ans ont été comparées avec 17 838 jeunes filles non-vaccinées contre les HPV. Dix cas de cancers liés à HPV (8 cancers du col, 1 cancer de la vulve et 1 cancer ORL) sont survenus dans le groupe non-vacciné versus 0 dans le groupe vacciné (14).

Dangerosité des vaccins HPV ?

Nous revivons actuellement les mêmes tourments de la vaccination de l’hépatite B et de la rubéole à leurs débuts. Alors que l’absence de dangerosité du vaccin HPV est clairement démontrée, le taux de couverture chez les jeunes filles Françaises oscille entre 25 et 17 % avec une rechute après chaque « fake news ». Pour de multiples raisons (15), la majorité a une plus grande peur d’un risque potentiel immédiat non avéré que des pathologies gravissimes pouvant être évitées dans un futur lointain (15 à 40 ans ici). La parole de quelques non-spécialistes isolés portera autant, voire plus, que 50 sociétés savantes représentant des dizaines de milliers de médecins (appel des 50 sociétés savantes ou syndicats médicaux : SNFGE, SNFCP, FFCD, SYNMAD, OMS, académies de médecine et de pharmacie, sociétés de pédiatrie et de gynécologie…) (16). Même l’avis de l’OMS n’a pas plus de valeur qu’un beau parleur, sur les réseaux sociaux ou dans les médias grands publics. Dans ce milieu, aucune hiérarchie des niveaux de preuves n’est respectée. Le dernier qui parle, ou le plus roublard, occupe le premier plan et dans le cas le moins péjoratif, sème le doute. Or, alors que 80 pays ont introduit la vaccination HPV dans leurs programmes nationaux de vaccination depuis 2006 avec plus de 270 millions de doses vendues, toutes les études de pharmacovigilance concluent sur l’absence de dangerosité de ce vaccin. Même la très prudente revue « Prescrire » concluait en 2015 sur l’absence de signal péjoratif (17).

Enfin, la dernière revue de la Cochrane sur le sujet, ayant analysé 26 essais contrôlés randomisés et inclus plus de 73 000 femmes, concluait que la vaccination HPV était sûre et sans augmentation du risque des effets indésirables par rapport au placébo (18).

Recommandations des vaccins anti-HPV

Les recommandations françaises ont changé une dizaine de fois en 12 ans. Les dernières issues du calendrier des vaccinations sont :

Pour les filles en France

  • Avec le vaccin bivalent (16 et 18) :
  • Vaccination initiée entre 11 et 14 ans révolus : 2 doses espacées de 6
  • Vaccination initiée entre 15 et 19 ans révolus : 3 doses administrées à 0, 1 et 6
  • Avec le vaccin quadrivalent (16, 18, 6 et 11) :
  • Vaccination initiée entre 11 et 13 ans révolus : 2 doses espacées de 6
  • Vaccination initiée entre 14 et 19 ans révolus : 3 doses administrées à 0, 2 et 6
  • Avec le vaccin nonavalent (16, 18, 6, 11, 31, 33, 45, 52, 58)
  • Vaccination initiée entre 11 et 14 ans révolus : 2 doses espacées de 6 à 13 mois
  • Vaccination initiée entre 15 et 19 ans révolus : 3doses administrées à 0, 2 et 6

Pour les HSH en France

La vaccination HPV par quadrivalent ou nonavalent est recommandée jusqu’à l’âge de 26 ans en prévention des lésions pré-cancéreuses anales, des cancers anaux et des condylomes.

Le vaccin peut être proposé dans les CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic) ainsi que dans les centres publics de vaccination afin de permettre un accès gratuit. Cependant, jusqu’à présent, bon nombre de ces centres n’avaient pas le budget pour le mettre à disposition. Mais une prescription sur simple ordonnance permet sa délivrance en pharmacie. Le schéma vaccinal est alors de 3 doses administrées selon un schéma 0, 2 et 6 mois.

Pour les patients immunodéprimés en France

La vaccination HPV est recommandée chez les garçons et les filles de 11 à 19 ans avec 3 doses administrées à 0, 2 et 6 mois.

Recommandations pour la vaccination HPV en Europe et dans le monde en 2019

Cibles Age (ans)
Vaccination universelle recommandée et financée :
Italie

Belgique

Autriche

Suisse

Croatie

République tchèque

Allemagne

Norvège

Slovaquie

Danemark

Suède

Royaume Uni

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

12 (remb selon régions)

12-14 (remb selon régions)

9-11

11-14

14-15

13-14

9-14

9-14

13

12-14

10-12

11-14

Vaccination universelle recommandée (non financée) :
Pologne

Serbie

Filles et garçons

Filles et garçons

Avant initiation sexualité

9-13

Vaccination universelle recommandée mais financée que pour les filles :
Irlande

Hongrie

Finlande

Filles et garçons

Filles et garçons

Filles et garçons

12-13

12-12

11-12

Vaccination sexuée recommandée et financée :
France

Grèce

Portugal

Bulgarie

Estonie

Slovenie

Pays-Bas

Macédoine

Lithuania

Espagne

Roumanie

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

Filles

11-13 ou 14 (selon vaccin)

11-14

10

12-13

12-14

11-12

12

12

11

Selon les régions

?

Aux USA, au Canada et en Australie les garçons et les filles sont vaccinés.
En Afrique, où l’homosexualité est pénalisée (peines de prison), la vaccination en est à ses débuts, en commençant en général par les filles.
Dans le monde, 38 pays vaccinent les garçons en plus des filles.

Tableau 2 : Recommandations pour la vaccination HPV en Europe et dans le monde en 2019

Avenir de cette vaccination ?

Élargir la couverture vaccinale des filles

Il est admis que l‘on peut espérer faire disparaître la plupart des maladies dues au virus HPV si la couverture vaccinale des filles dépasse les 80 %. En effet, si toutes les filles sont vaccinées, elles ne contamineront pas les garçons et réciproquement. Notre premier objectif est donc d’augmenter le taux actuel de couverture vaccinale stagnant à 20 % en France depuis plus de 10 ans. Mais, la communication sur ce vaccin est difficile à mettre en place dans notre pays. Les laboratoires, qui auraient les financements, n’ont pas le droit de communiquer et sont immédiatement stigmatisés s’ils interviennent. Les professionnels de santé spécialistes de la question ont peu de temps à consacrer à la communication et sont attaqués pour « conflit d’intérêt » à la moindre prise de parole dans le grand public. Il reste donc un large champ à une infime minorité d’opposants très agressifs, experts uniquement en… communication et en réseaux sociaux, qui semblent avoir beaucoup de temps libre pour attaquer et s’opposer un peu à tout (dont les vaccins). Cependant, un quatrième interlocuteur pourrait être les pouvoirs publics qui ont le droit et la légitimité de mettre en place et communiquer sur les préventions recommandées dans un système de soins d’état. Plusieurs stratégies ont montré leur efficacité dans notre pays et ailleurs : la récente campagne avec les 11 vaccins obligatoires ont permis un décollage de ces vaccinations grâce à un message fort sans équivoque sur la prévention primaire; la vaccination à l’école permet d’obtenir des couvertures vaccinales de plus de 85 % (exemple du Royaume-Uni) ; la vaccination universelle (garçon et filles) simplifie les messages et évite de créer des questionnements existentiels…

Élargir la vaccination aux garçons

La vaccination des garçons est maintenant recommandée depuis 3 ans mais uniquement chez les HSH. L’avantage est de cibler les garçons les plus à risque de lésions dues à l’HPV (condylomes, dysplasie anale, cancers anaux, du pénis et ORL). Mais l’âge recommandé est limitant car l’homosexualité se révèle et s’accepte le plus souvent après la puberté, voire au-delà de 26 ans. De plus, les hétérosexuels masculins ne sont pas protégés d’une infection provenant de 80 % de filles non vaccinées et les filles non vaccinées ne sont pas protégées des garçons non vaccinés. La sexualisation des vaccins crée de nombreux questionnements freinant la mise en place de cette protection. La vaccination peut ainsi poser des problèmes à des parents craignant de donner ainsi un passeport pour la sexualité de leurs jeunes enfants de 11 ans, ou poser des problèmes pour la reconnaissance précoce de l’homosexualité de leur garçon. Les taux de couverture vaccinale de 15 % chez les HSH après 3 ans de recommandation, confirme ces difficultés. Dans le passé, l’exemple de la rubéole a démontré que la vaccination sexuée, non universelle, ne fonctionne pas. En effet, cette vaccination n’était proposée que chez les filles pour prévenir les risques de fœtopathie. Après 20 ans d’échec d’éradication de cette pathologie, la rubéole n’a disparu que lorsque la vaccination a été proposée chez les garçons et les filles à la fin des années 80, confirmant que la vaccination sexuée, pour diminuer les coûts de moitié, ne fonctionne pas. Pourtant, même sur le plan économique, des arguments existent pour une vaccination non sexuée. Buisson et al. ont démontré depuis longtemps que les pays ayant une couverture vaccinale < 50 % bénéficieraient de la vaccination mixte (19). D’autres auteurs concluaient qu’il est plus coûteux d’augmenter la couverture vaccinale des filles que de l’étendre aux garçons (20).

Ces arguments sont de plus en plus entendus par des pays recommandant une vaccination universelle (voir chapitre ci-dessus). Actuellement, 38 pays l’ont adopté, et nous espérons que cela sera le cas pour la France en 2020 (avis de l’HAS en attente).

Élargir l’âge de la vaccination

La tendance va dans un plus grand élargissement des populations à vacciner avec des travaux montrant un bénéfice chez des femmes et des hommes avec antécédents de dysplasie sévère. En effet, dans une série de 536 patientes vaccinées ou non après conisation pour dysplasie sévère, le taux de récidive était diminué de 80 % dans le bras vacciné (21). Au niveau de l’anus, des études vont également dans le même sens. Ainsi, 313 HSH d’âge moyen 42 ans (26-76 ans) ont été vaccinés (116 patients) ou non (197 patients). 103 avaient un antécédent de condylomes anaux, sans différence entre les 2 bras, et sans récidive depuis au moins un an. Après un suivi de 2 ans et demi, 8,6 % des patients vaccinés ont récidivé leurs condylomes contre 18,8 % des non vaccinés. Ce travail montre ainsi le bénéfice potentiel de la vaccination chez les HSH au-delà de l’âge recommandé jusqu’à présent (22). La même équipe a suivi 202 patients HSH non infectés par le VIH avec antécédent de dysplasie anale sévère. Quatre-vingt-huit (44 %) ont été vaccinés (âge moyen : 37,5 ans) et 114 (56 %) ne l’ont pas été (âge moyen : 42,6 ans). Le taux de récidive de dysplasie sévère était plus élevé dans le bras non vacciné (15,7 pour 100 personnes-année vs 10,7). En analyse multivariée, la positivité d’un test anal HPV oncogène était significativement associée à un sur-risque de récidive de dysplasie sévère (RR à 1 an =3,78 ; 2 ans = 4,06 et 3 ans = 4,19) alors que la vaccination diminuait significativement le risque de récidive de cette lésion pré-cancéreuse (RR à 1 an = 0,42, 2 ans = 0,50 et 3 ans = 0,52) (23).

Ces résultats seront à confirmer avec des études randomisées à plus grande échelle. Mais, alors que les vaccins disponibles n’ont, en théorie, pas d’activité thérapeutique, ces résultats questionnent sur les modes d’action potentiels : protection contre les virus n’ayant pas déjà infecté le patient (notamment avec le vaccin nonavalent), ou contre les virus ayant été éliminés dans la vie du patient, rôle des variants génotypiques ou des interactions immunitaires… ?

D’ores et déjà, 4 pays recommandent une vaccination après conisation : les USA, l’Italie, une région espagnole et l’Autriche.

Conclusions

Le vaccin contre le papilloma virus humain a démontré son efficacité pour prévenir les nombreuses maladies dues à ce virus. Mais sa mise en œuvre, en France, reste très largement insuffisante alors qu’il a démontré son innocuité dans les très nombreuses évaluations disponibles sur le sujet. Cette situation est liée à une communication parfois irrationnelle responsable de la poursuite de cette épidémie qui pourrait être endiguée. Les recommandations françaises actuelles sont de vacciner les jeunes filles et les garçons homosexuels (jusqu’à 26 ans). Le dernier rapport de l’HAS recommande d’élargir la vaccination à tous les garçons et les filles. Certaines données récentes laissent espérer un bénéfice chez les patients déjà infectés.

NB : À l’heure où ce document va être publié, des recommandations HAS pour l’élargissement de la vaccination contre les Papillomavirus aux garçons ont été émises (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3116022/fr/ recommandation-sur-l-elargissement- de-la-vaccination-contre-les-papillomavirus-aux-garcons). Son remboursement est en cours d’obtention.

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