Adénomes hépatiques

POST’U 2021

Objectifs pédagogiques

  • Savoir faire le diagnostic d’adénome
  • Connaître les indications de la biopsie
  • Connaître la classification
  • Connaître les indications chirurgicales
  • Connaître les principes du suivi

Les 5 points forts

  1. Les adénomes hépatocellulaires sont des tumeurs rares, survenant surtout chez la femme jeune sous contraceptif oral. Ils sont multiples dans 1/3 des cas.
  2. Les complications majeures des adénomes sont le saignement et la transformation maligne.
  3. L’IRM est l’examen de choix pour le diagnostic et le typage des adénomes. La biopsie est justifiée en cas d’atypie à l’imagerie et permet de classer les adénomes par immunohistochimie.
  4. La classification moléculaire distingue 4 sous-types au profil évolutif différent : les adénomes mutés HNF1a (stéatosiques) se compliquant rarement, les adénomes inflammatoires, les adénomes avec mutation b-caténine associés au risque de transformation maligne et les adénomes avec
    activation de la voie Sonic Hedgehog exposant à un risque accru de saignement.
  5. Le traitement chirurgical dépend principalement du type, de la taille (cut-off à 5 cm), du nombre des adénomes et du sexe du patient (risque de transformation maligne plus élevé chez les hommes).

LIEN D’INTÉRÊTS

Aucun

MOTS-CLÉS

adénome inflammatoire, adénome stéatosique, mutation b-caténine, activation Sonic-Hedgehog, transformation maligne, hémorragie, IRM, Échographie de contraste, biopsie hépatique

ABRÉVIATIONS

HNF 1a : hepatocyte nuclear factor 1a, LFABP : Liver Fatty Acid-Binding Protein, SAA : Serum Amyloid A protéine, CRP : C-Réactive protéine, GS : Glutamine synthase, ASS1 : Argino-succinate synthase 1, AHC : Adénome Hépatocellulaire

Résumé

Les adénomes hépatocellulaires (AHC) sont des tumeurs bénignes rares du foie survenant principalement chez les femmes jeunes prenant des contraceptifs oraux. Leur prise en charge n’est pas consensuelle même s’il est classiquement admis que les adénomes de plus de 5 cm doivent être réséqués pour prévenir les deux complications majeures : le saignement et la transformation maligne. La survenue d’un adénome chez l’homme conduit également à une indication chirurgicale du fait du risque élevé de transformation maligne. Les critères de décision sont cependant souvent complexes, peu standardisés et tiennent compte de la classification moléculaire identifiant quatre sous-types d’adénomes de profil évolutif sensiblement différent : les adénomes stéatosiques (avec mutation HNF1-a) avec un faible risque de complications, les adénomes inflammatoires, les adénomes avec mutation b-caténine associée aux transformations malignes et les adénomes avec activation de la voie Sonic Hedgehog associés à un risque hémorragique élevé. L’imagerie par IRM est l’examen de choix pour le diagnostic et la classification des adénomes. En cas d’atypie, une biopsie permettra d’affirmer le diagnostic et de typer les adénomes. La rareté et la complexité de ces tumeurs justifie une approche multidisciplinaire spécialisée.

Quels sont les modes de révélation d’un adénome ?

La découverte est le plus souvent fortuite sur une échographie, mais les AHC peuvent aussi être révélés par des douleurs en rapport avec la masse tumorale (inconfort abdominal) ou avec des saignements intra-tumoraux). Les saignements aigus intra-hépatiques, voire intra-péritonéaux sont plus rares. La découverte peut aussi être faite dans le bilan de maladies prédisposantes : glycogénoses, maladies vasculaires du foie.

Quelles sont les différents sous-types d’adénomes et leur risque de complication ?

AHC muté HNF1a
H-AHC
AHC inflammatoire
I-AHC
AHC inflammatoire et muté b-caténine b-I-AHC AHC muté b-caténine
b-AHC
AHC avec activation voie Sonic Hedgehog
sh-AHC
Fréquence 30 % 30 % 15 % 10 % 10 %
Biologie moléculaire Mutation inactivatrice biallélique HNF1a (somatique : 90% ; constitutionelle : 10%) Activation IL6/JAK/STAT par Mutations IL6ST FRK, STAT3, GNAS ou JAK1 Activation IL6/JAK/STAT par Mutations IL6ST FRK, STAT3, GNAS ou JAK1
+
Mutation de CTNNB1 sur exon 3 ou 7/8
Mutation de CTNNB1 sur exon 3 ou 7/8 Activation GLI1 (Fusion INHBE-GLI1 fusion) Activation de la voie Sonic Hedgehog
Immuno-histochimie Perte expression LFABP Surexpression CRP, SAA Surexpression CRP, SAA + Surexpression GS Surexpression GS Surexpression ASS1
IRM Stéatosique Hyper T2 rehaussement artériel persistant à la phase portale Pas d’image typique Pas d’image typique
Saignement  Rare +

+

++

si mutation CTNNB1 exon 7/8

+++

(indépendant de la taille)

Dégénérescence  Rare Rare

5-8% si mutation CTNNB1 exon 3 (non S45)

Rare

HNF 1a : hepatocyte nuclear factor 1a, LFABP : Liver Fatty Acid-Binding Protein, SAA : Serum Amyloid A protéine, CRP : C-Réactive protéine, GS : Glutamine
synthase, ASS1 : Argino-succinate synthase 1
Moins de 5 % des adénomes restent encore inclassables

Tableau 1

Quels sont les facteurs de risque associés à la survenue d’un adénome ?

Terrain Type d’adénome Risque de transformation maligne Conséquences thérapeutiques
Maladies vasculaires du foie Budd-Chiari
Maladie veineuse porto-sinusoïdale
Shunts intra-hépatiques
Chirurgie cardiaque (intervention de Fontan)
Tous types Possible Discuter la fermeture de shunts vasculaires
Traitement de la maladie vasculaire
Maladies génétiques Diabète Mody 3 Mutation HNF1a Très faible Traitement conservateur privilégié du fait du faible risque de complications
Glycogénoses (1 et 3) Mutation β-caténine Elevé Contrôle de la glycogénose
Chirurgie à discuter
Polypose adénomateuse familiale Activation β-caténine Elevé Surveillance dans le cadre
de la PAF
Médicaments  Contraception orale Tous type < 5%
Dépendant de la taille
et du type d’adénome
Arrêt des contraceptifs
oraux
Androgènes Mutation β-caténine Elevé Arrêt androgènes
Anti-épileptiques, barbital,
GH recombinante
Tout type Indéterminé Rôle incertain.
Arrêt à discuter
Obésité
NASH
Alcool
Adénome
inflammatoire
sh-AHC
Mutation β-caténine
chez l’homme
Élevé chez l’homme Perte de poids, contrôle
alcool, syndrome
métabolique

Tableau 2

Quels sont les examens radiologiques essentiels pour la caractérisation des adénomes hépatocellulaires ?

L’échographie hépatique standard et le scanner hépatique sans et avec injection ne permettent pas de faire le diagnostic d’adénome hépatocellulaire.

L’IRM hépatique sans et avec injection de gadolinium est l’examen de référence devant une suspicion d’adénome hépatocellulaire. S’il existe un doute entre une hyperplasie nodulaire focale et un adénome hépatocellulaire, une IRM hépatique avec produit de contraste à excrétion hépatobiliaire doit être effectuée. Le sous-type d’adénome hépatocellulaire inactivé HNF1A peut être suspecté à l’IRM et posé en réunion de concertation pluridisciplinaire devant une lésion hépatique survenant chez une femme jeune sans hépatopathie chronique et ayant des caractéristiques typiques (stéatose homogène et diffuse identifiée avec chute de signal en opposition de phase). Le sous-type d’adénome hépatocellulaire inflammatoire peut être suspecté à l’IRM hépatique devant une lésion hyperintense en T2 (avec saturation du signal de la graisse), iso à hyperintense en T1 et prenant le contraste au temps artériel et persistant au temps tardif. Néanmoins, il existe des associations entre adénome hépatocellulaire inflammatoire et B-caténine exon 3 à risque de transformation maligne qui ne peuvent pas être identifiées à l’IRM hépatique.

L’échographie avec injection de produit de contraste peut être utile pour la caractérisation des adénomes hépatiques, par exemple en cas de contre- indication à l’IRM. En cas d’adénomes multiples (environ 1/3 des cas), l’IRM est cependant à privilégier afin d’obtenir une cartographie des lésions.

La biopsie doit être discutée en réunion multidisciplinaire au cas par cas. Néanmoins, l’analyse histologique est l’examen de référence pour le diagnostic des adénomes hépatocellulaires. Un sous-typage histologique et immunohistochimique permet une stratification thérapeutique dans certains cas en orientant soit vers la chirurgie soit vers une surveillance.

Quel algorithme de prise en charge selon le type d’adénome ?

h-AHC : très faible risque de complication. Surveillance (possible par échographie) à privilégier avec discussion de résection chez l’homme et/ou en cas de taille en augmentation et supérieure à 5 cm. Pas de résection systématique même si taille > 5 cm si le diagnostic d’h-AHC est formel. Pas de nécessité de surveillance après résection d’un h-AHC unique.
I-AHC : arrêt de la contraception orale, prise en charge d’une éventuelle surcharge pondérale, limitation consommation alcool. Décision de résection dépendant de la taille (5 cm), de la localisation de la tumeur mais également de la cinétique de croissance, de l’âge de découverte et de la proximité ou non de la ménopause. En cas d’adénomes multiples surveillance par IRM dans la crainte de la présence d’une mutation b-caténine associée sur un ou plusieurs des adénomes.
b-AHC : arrêt de la contraception orale. La résection doit être envisagée quelle que soit la taille si mutation sur exon 3 non S45 ou si mutation exon 3 S45 avec anomalies cytologiques. Les adénomes avec mutation exon 7/8 sans anomalie cytologique peuvent être surveillés mais en maintenant la règle des 5 cm, d’autant qu’il existe un risque possiblement accru de saignement.
sh-AHC /ASS1 AHC : arrêt contraception orale. Contrôle surcharge pondérale fréquemment associée. Risque très majoré de saignement pouvant
conduire à une indication de résection quelle que soit la taille tout particulièrement en cas de désir de grossesse (risque accru de saignement).

Quelles sont les modalités de surveillance recommandées ?

Les modalités de surveillance des adénomes ne sont pas clairement définies et ne sont pas consensuelles. Une surveillance radiologique est nécessaire pour les adénomes hépatocellulaires ne nécessitant pas de traitement afin de s’assurer de l’absence d’évolutivité en taille ce qui est le plus souvent le cas. Après le diagnostic et l’arrêt éventuel des contraceptifs oraux, une imagerie doit être répétée à 6 mois et, si la lésion est stable ou décroit de taille, être répétée à un an puis la modalité et la durée de la surveillance doivent être discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire. Si la lésion augmente en taille ou change de caractéristiques, le dossier doit être rediscuté en réunion de concertation pluridisciplinaire. Une échographie hépatique standard ou une IRM hépatique sans et avec injection de gadolinium peuvent être proposées pour la surveillance des lésions uniques tandis que pour les lésions multiples, l’IRM hépatique sans et avec injection de gadolinium paraît plus adaptée pour la surveillance. L’arrêt de la surveillance peut être discuté après la ménopause chez les patientes avec adénome hépatocellulaire stable ou ayant diminué en taille.

Références essentielles

  • Revues : Nault, et al. J Hepatol 2017 ; Bioulac-Sage, et al. Semin Diagn Pathol. 2017 ; Sempoux, et al. WJH 2014.
  • Recommandations : EASL J Hepatol 2016 ; AFEF 2020 (diagnostic non invasif des maladies du foie).
  • Étiologie : Bioulac-Sage, et al : liver Int 2012.
  • Diagnostic : Laumonier, et al. Hepatology 2008; Bioulac-Sage, et al. Hepatology 2007; Henriet, et al. Hepatology 2017.
  • Complications : Klompenhouwer, et al. World J Gastroenterol 2017; Barbier L, et al. J Hepatol 2019; Farges, et al. Gut 2011 ; Sempoux, et alLiver Oncology 2014.
  • Management : Bioulac-Sage, et al. Hepatology 2009; Thomeer, et Therap adv Gastroenterol 2016; Dokmak, et al. Gastroentrology 2009; Klompenhouwer, et al. Liver Int 2020.