Gestion endoscopique d’une perforation endoscopique haute et basse

POST’U 2021

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Savoir reconnaitre et classer une perforation endoscopique
  • Connaitre le matériel indispensable au traitement endoscopique. Savoir proposer un traitement adapté en fonction de la perforation.
  • Savoir surveiller un patient
  • Connaitre les indications chirurgicales.

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. La prise en charge des perforations endoscopiques doit être multidisciplinaire et toujours intégrer une surveillance médico-chirurgicale après information du malade.
  2. La fermeture endoscopique de la perforation iatrogénique doit être privilégiée à chaque fois que possible.
  3. L’utilisation des clips permettent le traitement endoscopique ambulatoire des perforations post-mucosectomie colique dans 85 % des cas.
  4. Un échec de fermeture endoscopique ou une mauvaise évolution clinico-biologique dans les suites, doit faire envisager une prise en charge chirurgicale.
  5. L’utilisation de l’insufflation au CO2 réduit significativement le taux de complications liées aux perforations digestives.

LIENS D’INTÉRÊTS

Consultant pour Boston Scientific et Cook Medical

MOTS-CLÉS

Perforation digestive ; Clips OTS ; prothèse métallique couverte

Introduction

La philosophie de la prise en charge des perforations endoscopiques a, ces dernières années, subi de profonds bouleversements. D’une complication majeure, grevée d’une morbi-mortalité significative, requérant souvent un traitement chirurgical lourd, elle est devenue un événement connu, parfois attendu, très souvent géré endoscopiquement pendant le même temps de procédure. De fait la prise en charge endoscopique de cet évènement secondaire doit être systématiquement envisagée au moment de l’examen. Cependant le patient doit bénéficier d’une prise en charge multidisciplianire protocolisée et partagée par l’ensemble des intervenants en peri-opératoire afin d’inviter tout retard de traitement. Ces changements trouvent racines dans les progrès de l’endoscopie devenue de plus en plus thérapeutique, s’affranchissant des limites historiques endoluminales, et dans le matériel à présent disponible, sophistiqué, permettant de refermer les brèches musculeuses digestives plus aisément. En 2014, la société Européenne d’endoscopie digestive (ESGE) publiait des recommandations sur la gestion des perforations endoscopiques, recommandations qui ont été revues et mises à jour en 2020 (1). Voici les principales notions, issues principalement de ces recommandations, à connaître pour gérer au mieux cette complication.

Reconnaître et classer une perforation

Classification

Le taux de perforation peut varier de manière importante en fonction de la localisation dans le tube digestif et du geste endoscopique (diagnostique ou thérapeutique). Les données prospectives les plus récentes font état d’un taux de perforation de 0,06 % après coloscopie dans le cadre d’un programme de dépistage national du cancer colo-rectal (2). Cette complication est alors significativement associée à un geste thérapeutique de polypectomie (OR 2,91, IC 95 % 1,62-5,22).

Récemment la Société Française d’Endoscopie Digestive (SFED) a déterminé un nouveau cadre définitionnel au terme de perforation (notamment lors de la coloscopie), les situations amenant à cette complication étant multiples. Il faut ainsi savoir distinguer les lésions (ou plaies) de la musculeuse digestive dans les suites :

  • d’une procédure diagnostique par mécanisme direct en lien avec l’endoscope (extrémité ou boucle), parfois due une fragilité pré existante de la paroi, ou bien par mécanisme indirect notamment barostatique (insufflation) ;
  • d’une procédure thérapeutique (résection ou section la plupart du temps, parfois dilatation ou pose de prothèse digestive).

Cette distinction est fondamentale puisque le pronostic va fluctuer de manière importante en fonction, les perforations après un geste thérapeutique étant d’évolution plus favorable avec une prise en charge endoscopique efficace.

Certaines classifications ont été établies après procédure spécifique et il faut en retenir deux en particulier (Tableau 1) :

  • Après cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique la classification de Stapfer en 4 catégories dépendant de la localisation de la perforation a permis de déterminer des algorithmes de prise en charge faisant référence (3) ;
  • Après mucosectomie recto-colique la classification de Sydney permet d’établir une stratification de la prise en charge et d’adapter la réponse thérapeutique en cas de défect pariétal colique (4).

 

Type Description Fréquence
CPRE
I Perforation duodénale par l’endoscope 18 %
II Perforation péri ampullaire (sphinctérotomie/pré coupe) 58 %
III Perforation canalaire (manipulations endo canalaires) 13 %
IV Rétro pneumopéritoine seul 11%
Résection muqueuse recto-colique
0 Résection muqueuse recto-colique
1 Musculeuse visible mais intacte
2 Perte focale du plan sous-muqueux avec possible atteinte superficielle de la musculeuse
ou fibrose rendant l’interprétation difficile
3 Atteinte de la musculeuse (signe de la cible)
4 Perforation sans contamination fécale
5 Perforation avec contamination fécale

Tableau 1 : Classification des perforations en relation avec les CPRE selon Stapfer et al. et en relation avec les résections muqueuses recto-coliques selon Burgess et al.

Situations à risque de perforation iatrogénique

Certaines pathologies (digestives ou non) et gestes endoscopiques sont considérés comme « plus à risque » : il apparaît donc important de les connaître. Ils sont résumés dans le Tableau 2.

 

Œsophage et Estomac
Muqueuse post-radique

Diverticule (septotomie de Zenker)

Dilatation endoscopique Résection : mucosectomie ou dissection sous muqueuse

Extraction de corps étrangers

Duodénum et intestin grêle
Malformation anatomique

CPRE : sphinctérotomie, dilatation biliaire, ampullectomie, pré-coupe, dysfonction odienne

Dilatation de sténose digestive (maladie de Crohn) ou anastomose (Gastric By Pass)

Résection : mucosectomie ou dissection sous muqueuse

Entéroscopie double ballon chez des patients avec malformation anatomique ou préalablement opéré

Colon
Résection difficile par mucosectomie, dissection sous muqueuse

Dilatation

Facteurs de risques de perforations lors d’une coloscopie : patient âgé, comorbidités élevées, maladie inflammatoire intestinale, utilisation de la pince chaude, manque d’expérience de l’opérateur, patient multi opéré au niveau abdominal, distension colique sur sténose (perforation barostatique ou traumatique), diverticulose

Abréviation : CPRE – cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique
Référence : Paspatis et Al. – Diagnosis and management of iatrogenic endoscopic perforations : ESGE position statement. Endoscopy 2014.

Tableau 2 : Situation et procédures « à risque » de perforation lors d’une endoscopie

Reconnaissance immédiate de la perforation

Une reconnaissance la plus précoce possible d’une perforation améliore le pronostic du patient en augmentant le taux de succès de prise en charge endoscopique et en réduisant significativement la survenue de complication infectieuse et la durée d’hospitalisation (4). En revanche, son retard diagnostic (notamment au décours de l’examen) est associé à une augmentation de la mortalité (5).

Signes cliniques et endoscopiques en per procédure

Il faut au retrait de l’endoscope lors d’une procédure diagnostique savoir bien inspecter la muqueuse pour mettre en évidence une brèche pariétale; de la même manière, après un geste de résection, le site de mucosectomie doit être soigneusement inspecté dans le même but : des signes évocateurs ont été décrits tels que le signe « de la cible » qui témoigne d’une atteinte musculaire (Figure 1) (4).

De la même manière, des modifications inattendues des paramètres ventilatoires (polypnée, désaturation, difficultés de ventilation si malade intubé avec augmentation des résistances) ou hémodynamiques (tension artérielle, pulsations cardiaques) doivent retenir l’attention de l’opérateur en collaboration avec l’équipe anesthésique puisqu’elles peuvent être en rapport avec une effusion gazeuse péritonéale ou médiastinale. Il faut également savoir cliniquement rechercher un pneumopéritoine (distension abdominale, percussion aérique et disparition de la matité hépatique en décubitus dorsal) et/ou un emphysème cutané. L’utilisation de la fluoroscopie lors d’une procédure thérapeutique sera évidemment aidante à la recherche d’une clarté aérique diffuse, voire contenue dans l’espace rétro péritonéal lors d’une CPRE.

Site de résection

Figure 1 – Sites de résection avec signe « de la cible » en faveur d’une perforation post mucosectomie de type III selon la classification de Sydney

Signes cliniques post procédures

Ils doivent alerter l’opérateur et permettre la réalisation d’une iconographie adaptée (scanner sans et avec injection de produit de contraste) de manière urgente afin de confirmer le diagnostic et déterminer l’importance des lésions associées éventuelles. Ils sont résumés dans le Tableau 3.

Dans tous les cas, deux éléments sont fondamentaux et ont fait l’objet de recommandations fortes de l’ESGE (1) :

  1. La survenue d’une perforation lors d’une endoscopie doit être clairement spécifiée dans le compte rendu de l’examen, décrite de la manière la plus précise possible (circonstances de survenue, localisation, taille) ainsi que les moyens utilisés pour la traiter avec un support iconographique adapté (photos, vidéo) – le malade (ou à défaut sa famille) devra être systématiquement tenu informé de la complication au décours de l’examen et des moyens mis en œuvre pour sa prise en charge ;
  2. Un scanner sans et avec injection doit être réalisé dans les suites d’un geste endoscopique compliqué de perforation ou en cas de suspicion de perforation et dans les délais les plus brefs. L’opacification de la lumière digestive est un moyen efficace de vérifier la persistance d’une brèche digestive qui imposerait une ré L’injection à la seringue de produit de contraste en amont de la zone de perforation au décours d’une fermeture endoscopique avec scanner sans injection dans les heures qui suivent, pourrait être également une alternative intéressante.
Hypotension/tachycardie isolée
Signes de sepsis
Douleur abdominale aigue d’allure péritonéale
Nausées/vomissements
Intolérance alimentaire complète
Douleurs des flancs/dorsales
Distension abdominale anormale
Gonflement/œdème anormalement situé (cou, scrotum, etc.)
Douleur thoracique
Difficultés inspiratoires
Pneumothorax
Détresse neurologique (syndrome confusionnel)

Tableau 3 : Signes retardés de perforation (>24 h après la procédure)

Principes et matériaux élémentaires

Gestion émotionnelle

Le comportement de l’opérateur est fondamental en cas de complication lors d’une endoscopie digestive, a fortiori lors d’une perforation : celui-ci doit rester calme et continuer à donner clairement ses instructions. Cette attitude permet de rassurer l’ensemble du personnel présent dans la salle opératoire et optimise la prise en charge du patient. Une formation basée sur la mise en situation virtuelle avec simulateur est à présent progressivement proposée dans le cursus des plus jeunes gastro-entérologues afin de répondre à cette nécessité (6).

Insufflation au CO2

L’ESGE recommande d’utiliser pour toute procédure thérapeutique, et si possible dès qu’un geste de résection est envisagé, le dioxyde de carbone (CO2) pour l’insufflation (1). Sa résorption tissulaire rapide permet en cas de diffusion médiastinale ou péritonéale une diminution du retentissement ventilatoire et hémodynamique. Son utilisation réduit significativement le taux de complications (pneumopéritoine, douleurs) en cas de perforation digestive par rapport à une procédure endoscopique réalisée avec une insufflation à l’air. Si son utilisation « universelle » pour toute procédure endoscopique digestive n’est pas encore recommandée, elle est gage de sécurité et semble être un pré requis technique indispensable en 2021.

Matériel et techniques (Tableau 4)

Matériel utile endoscopie

Tableau 4 : Matériel utile dans la gestion des perforations endoscopiques

Les clips passant par le canal opérateur ou « Through the scope » (TTS)

Il s’agit d’une méthode standard de fermeture endoscopique, très souvent utilisée en première intention. Une revue de la littérature publiée en 2010 indiquait un taux de succès de fermeture variant de 69 à 100 % des cas selon la localisation avec ce matériel seul (7). Ces clips initialement utilisés à visée hémostatique sont à présent rotatifs, recapturables, avec une ouverture parfois de 16 à 17 mm, les dédiant plus favorablement à l’exercice de la fermeture de perforation.

Les principes de pose restent toujours les mêmes :

  • aspiration douce des berges de la perforation pour les rapprocher ;
  • fermeture et largage, toujours en débutant par les extrémités puis vers le centre de la lésion ; disposer les clips côte à côte (en glissière) pour assurer une bonne étanchéité ;
  • favoriser la couverture muqueuse mais si l’orifice est trop large, la fermeture de la musculeuse sera à privilégier.

Pour les perforations plus larges, deux autres techniques sont possibles : la technique dénommée « King Closure », nécessitant idéalement l’utilisation d’un endoscope à double canal opérateur ; elle consiste à encercler la perforation avec une anse largable de type Polyloop (Olympus, Tokyo, Japon) et fixer des clips classiques par-dessus. Une fois l’anse fixée aux berges, il suffit de serrer cette dernière pour rapprocher les bords de la perforation (8). La seconde technique est l’épiploplastie (en patch) par traction dans l’orifice de perforation du grand épiploon, visible à travers celui-ci, qui est ensuite clippé aux berges (9).

Les clips de type Over The Scope (OTSC)

Il s’agit de clips pré-montés sur un capuchon et positionnés à l’extrémité du tube. Depuis 2010, le système OTSC a permis de faciliter la fermeture endoscopique, notamment pour les perforations supra-centimétriques. En effet, ce clip en nitinol possède un diamètre d’ouverture plus important que les clips TTS, ainsi qu’un design lui conférant une meilleure préhension des tissus (aspiration dans le cap ou par manœuvre de traction avec une pince spécifique). La limite supérieure de taille de perforation pouvant être traitée serait de 30 millimètres à l’aide d’un clip OTSC (10). Une taille de 15 à 20 mm est plus usuellement admise. Le clip OTSC seul permet une gestion efficace des complications iatrogènes endoscopiques avec un taux de succès clinique de près de 80 %. Khater et al. (11) ont ainsi évalué le taux de succès technique et clinique par clips OTSC en cas de perforation iatrogène depuis sa commercialisation. Il était respectivement de 100 % et de près de 82 % entre des mains expérimentées.

Les prothèses métalliques couvertes

Les prothèses métalliques couvertes extirpables ont également fait preuve de leur efficacité dans la prise en charge de perforations gastro-intestinales hautes, des fistules, ou des fuites anastomotiques.

La principale limite de cette technique est la migration, qui peut être totale ou partielle, entraînant une diminution de son efficacité et augmentant le taux de complications. Une étude rétrospective publiée en 2015 identifiait un taux de migration de prothèse de l’ordre de 40 % et un taux de succès clinique de l’ordre de 50 % lorsque cette technique est utilisée seule dans les perforations du tractus digestif haut (12). L’utilisation de clip, pour fermeture première de la perforation en complément, semble augmenter leur efficacité (13). Pour diminuer également le taux de migration des prothèses, les clips TTS peuvent être utilisés pour « amarrer » l’extrémité de la prothèse à la muqueuse (14). Plusieurs études ont également décrit l’intérêt des clip OTSC et la suture à l’aide du système Overstitch™ (Apollo endosurgery, Austin, Texas, États-Unis) dans cette indication (15, 16). Il faut tout de même souligner les inconvénients liés à ces techniques qui sont leur coût et leur extirpabilité (en particulier pour le clip OTSC).

L’autre problématique des prothèses métalliques est leur retrait. La durée recommandée du maintien de la prothèse, suffisante pour entraîner une ré épithélialisation sans créer d’impaction rendant un retrait difficile, n’a pas été établie. Elle se situe probablement entre une semaine et trois mois, mais un délai de deux à quatre semaines semble être le meilleur compromis.

Les systèmes de suture endoscopique

Le système Overstitch™ (Apollo endosurgery, Austin, Texas, États-Unis), développé pour les endoscopes à double canal opérateur, et plus récemment le système Overstitch Sx™ (Apollo endosurgery, Austin, Texas, États-Unis) s’adaptant sur un gastroscope standard, est le plus communément répandu. Ces systèmes de suture sont pour la plupart des dispositifs utilisant le système de points ou de T-tags introduits à travers une aiguille de ponction qui permet de les larguer de part et d’autre de la paroi à suturer. Les premières données avec ces systèmes de sutures sont prometteuses mais les études disponibles portent sur des modèles animaux et il n’existe que quelques cas rapportés de sutures endoscopique lors de perforation iatrogène chez l’homme (17).

Les systèmes de thérapie endoluminale par le vide

Ce système d’éponge à pores ouverts en polyuréthane fixée autour d’un drain multi-perforé, permet de traiter les perforations à l’aide du vide.

Il s’agit du même principe que celui utilisé en chirurgie, qui permet de diriger les cicatrisations de larges plaies en favorisant la détersion et la granulation des tissus. En endoscopie, le système Endo-SPONGE® (B-Braun, Melsungen, Allemagne) développé pour le traitement des fuites anastomotiques, notamment coliques, fonctionne également pour le tractus digestif haut, notamment en cas de perforation. Une cohorte prospective publiée en 2016, retrouvait un taux de succès clinique de près de 95 % avec ce système. Les patients inclus présentaient tous des perforations digestives hautes (fuite anastomotique, perforation iatrogène, syndrome de Boerhaave) (18). À noter que les deux décès sur les 52 patients inclus dans cette cohorte étaient secondaires à une hémorragie imputable au système de thérapie par le vide. Les indications de son utilisation doivent donc être prudemment posées.

L’utilisation de fibres résorbables d’acide polyglycolique

Ce composé est utilisé en chirurgie pour la cicatrisation et la fermeture des tissus. Des études retrouvent une efficacité satisfaisante de cette technique pour la fermeture de large perforation, notamment œsophagienne ou dans le cas de perforations secondaires à des gestes de résections comme une dissection sous muqueuse. Les données sont pour la plupart des cas rapportés et il existe peu d’études comparatives. Cette technique est une option thérapeutique à réserver aux centres experts, dans certains cas bien sélectionnés.

Prise en charge globale

Une prise en charge multidisciplinaire

Dans tous les cas, la gestion d’une perforation digestive doit se faire de manière pluridisciplinaire, en associant à l’équipe de gastroentérologie, une équipe de chirurgie digestive, de radiologie interventionnelle et d’anesthésie-réanimation. Chaque centre devrait rédiger une conduite à tenir en cas de perforation iatrogène, permettant ainsi de gérer au mieux ces situations, à l’instar des hémorragies digestives (1). L’équipe de chirurgie doit être informée de la complication même si la fermeture est jugée complète lors de la procédure endoscopique. En effet, un recours chirurgical peut être nécessaire en cas de dégradation de l’état clinique du patient.

Gestion de la distension aérique abdominale

L’ESGE recommande l’utilisation d’une insufflation au CO2 pour chaque procédure endoscopique longue, pour une procédure thérapeutique ou pour une procédure jugée à risque. Cependant en cas de perforation survenue lors d’une procédure à l’air, il est recommandé de changer immédiatement pour une insufflation au CO2. Malgré la résorption du CO2, le gaz emprisonné dans les cavités peut entraîner une instabilité hémodynamique ou des troubles ventilatoires devant faire réaliser une décompression en urgence.

Emphysème sous-cutané

Il est le plus souvent asymptomatique et régresse avec la perforation, sauf au niveau cervical où il peut être responsable d’une compression trachéale nécessitant une intubation en urgence.

Pneumopéritoine

Il doit être géré rapidement par l’insertion d’un trocart (18 ou 20 Gauge), le patient étant en décubitus dorsal, après une désinfection locale.

Deux zones sont recommandées pour l’insertion du trocart :

  • soit sur la ligne blanche 2 cm sous l’ombilic ;
  • soit sur les côtés, 5 cm au-dessus et en dedans des épines iliaques antéro supérieures.

L’aiguille est ensuite retirée pour ne laisser que le cathéter en place permettant d’évacuer l’air.

Pneumothorax

Un pneumothorax compressif doit être exsufflé par la mise en place d’un cathéter pleural, voire d’un drain pleural selon son importance. Un pneumothorax minime et asymptomatique peut être simplement surveillé à l’aide de radiographies thoraciques, associé à une oxygénothérapie si nécessaire selon la tolérance ventilatoire.

Dérivation du contenu digestif et antibiothérapie

Sonde naso-gastrique en aspiration et inhibiteur de la pompe à protons (IPP)

Lorsqu’une perforation survient et qu’elle est constatée en per-procédure, l’enjeu premier est d’éviter une fuite de liquide digestif et de matières fécales dans une cavité stérile qui entrainerait un sepsis grave. La fermeture du défect pariétal est requise à ces fins mais il faut savoir compléter cette action par la dérivation du contenu digestif à l’aide d’une sonde gastrique en aspiration et/ou par la pose d’une prothèse complètement couverte sur la zone incriminée. En cas de perforation gastrique ou duodénale, la sonde naso-gastrique apparaît nécessaire. Par contre, en cas de réparation œsophagienne, sa pose peut s’avérer délicate, moins utile et risquant de mobiliser le matériel de fermeture utilisé. Dans tous les cas de perforation digestive haute, la mise sous IPP permet de réduire le volume des sécrétions gastriques et favorise la cicatrisation.

La difficulté réside probablement dans la décision de la pose de la sonde (invasive et souvent mal vécue par le malade) et la durée de son utilisation pour lesquelles il n’y a pas de littérature permettant de répondre à ces questions : la taille de la perforation et la réussite de sa fermeture endoscopique doivent être principalement prises en compte.

Nutrition artificielle

Une alimentation parentérale va parfois s’avérer nécessaire également en cas de mise à jeun prolongée au-delà de 48 à 72 h.

Antibiothérapie

Une antibiothérapie à large spectre, ciblant les germes digestifs doit également être instaurée dès le diagnostic de perforation digestive. Il n’y a pas de consensus concernant la durée de l’antibiothérapie mais une durée moyenne de 5 à 7 jours est souvent retrouvée dans la littérature. Cela est bien entendu à adapter à l’évolution clinico-biologique du patient (19).

Gestion endoscopique des perforations

À chaque fois que cela est possible, la fermeture endoscopique doit être privilégiée. Ainsi en cas de perforation œsophagienne, une prise en charge médicale et endoscopique a démontré qu’elle permettait d’obtenir une réduction significative de la durée médiane d’hospitalisation par rapport à une prise en charge chirurgicale. La fermeture endoscopique dépend du type de perforation, de la taille de l’orifice de perforation et du degré d’expérience de l’endoscopiste. La taille de l’orifice de perforation est un des principaux facteurs limitant, mais les perforations de moins de trois centimètres de grand axe sont, pour la majorité, accessibles à une fermeture endoscopique.

Œsophage (Figure 2)

Arbre décisionnel endoscopie

Figure 2 – Arbre décisionnel en cas de perforations œsophagiennes
Abréviations : TDM : Tomodensitométrie ; TTS : Trough the scope ; OTS : Over the scope

Tiers supérieur

Les perforations de la partie proximale de l’œsophage sont rares. La prise en charge la plus adaptée est la pose de clips TTS si la taille de l’orifice le permet, la pose d’OTSC pouvant être plus délicate devant le manque de place dans cette région. Si la distance avec la bouche de Killian est supérieure à 1 cm, la pose de prothèse couverte cervicale à largage proximal est possible sous double contrôle endoscopique et radiologique. Dans les autres cas, le pôle supérieur dépasserait de la bouche de Killian, et entraînerait une intolérance majeure avec dysphagie. La prise en charge devrait donc être chirurgicale, mais pour les perforations millimétriques la fermeture spontanée est fréquente.

Tiers moyen et inférieur

Les perforations dans cette zone sont plus fréquentes et de diagnostic souvent immédiat. La prise en charge consiste en la fermeture par clips plus ou moins associée à la mise en place d’une prothèse. La fermeture par clips standards nécessite plusieurs clips mais avec une efficacité démontrée (7). Les clips OTSC sont probablement plus efficaces et permettent de s’affranchir de la pose de prothèse.

Lorsque la brèche est large, il est préférable d’associer la pose d’une prothèse métallique couverte qui vient s’ancrer sur les clips en place minimisant ainsi le risque de migration, qui reste cependant élevé au niveau du cardia (20). Leur retrait, recommandé à environ 15 jours, doit être réalisé selon une technique en « chaussette », c’est-à-dire en attrapant l’extrémité distale et en la retirant progressivement. Dans tous les cas, outre les mesures générales, il est important de s’assurer de la bonne étanchéité de la fermeture avant d’envisager une réalimentation orale avec la réalisation d’une imagerie avec opacification digestive (scanner ou transit œso-gastro-duodénal).

Estomac

Pour les perforations de l’estomac, l’approche thérapeutique dépend de la taille de l’orifice. Schématiquement, pour les perforations infra- centimétriques, une fermeture par clips TTS est le plus souvent suffisante. Depuis l’avènement des clips OTS, les perforations gastriques supra- centimétriques sont traitées avec une efficacité de 95 % (10). Même si la fermeture de perforations allant jusqu’à 30 mm a été décrite, la limite de 20 mm est plus communément admise. En cas de large perforation et si l’épiploon est visible à travers l’orifice de perforation, la technique de l’épiploplastie est possible. En cas de perforation lors d’une dilatation d’anastomose gastro-jéjunale ou gastro-duodénale, l’utilisation d’une prothèse métallique couverte est recommandée (1). Une prise en charge médicale (patient à jeun strict, sonde naso-gastrique en aspiration douce et inhibiteurs de la pompe à proton à forte dose) peut parfois être envisagée, même en cas de retard diagnostic, si les patients sont peu symptomatiques (21).

Duodénum et région bilio-pancréatique

Le duodénum est également une localisation fréquente de perforations iatrogènes du fait de sa fragilité. La prise en charge endoscopique des perforations dépend de leur localisation et de leur taille.

Les clips standards et OTSC sont utiles et l’utilisation d’une prothèse métallique en complément semble parfois augmenter leur efficacité.

Pour les perforations faisant suite à une CPRE, les types II et III selon la classification de Stapfer sont dans la quasi-totalité accessible à un traitement par diversion biliaire endoscopique avec pose de prothèse plastique, métallique complètement couverte ou un drain naso-biliaire. Le recours à la chirurgie ne sera finalement nécessaire que pour un malade sur 10 grâce à ces mesures (1). Un drainage rétro péritonéal (radiologique ou écho- endoscopique) en cas de collection pourra être rendu nécessaire en fonction des constatations iconographiques et de la tolérance clinico-biologique du patient.

Colon et rectum (Figure 3)

Lors d’une coloscopie diagnostique, la perforation siège le plus souvent au niveau d’une boucle sigmoïdienne et relève, le plus souvent, de la chirurgie car elle est liée à une large déchirure de la paroi. La perforation directe sera traitée selon sa taille principalement. Une fermeture endoscopique après résection muqueuse doit être envisagée dès lors qu’un type II de la classification de Sydney est observé permettant une prise en charge ambulatoire dans 85,5 % des cas (4). En effet, l’utilisation des clips TTS ou OTSC permet d’obtenir un taux de succès clinique de fermeture de près de 90 %, en cas de prise en charge immédiate, pour des orifices de perforation allant jusqu’à 20 mm de grand axe.

Arbre décisionnel endoscopie 2

Figure 3 – Arbre décisionnel en cas de perforation colique
Abréviations : TTS : Trough the scope ; OTS : Over the scope

Surveillance et recours à la chirurgie ?

L’hospitalisation est la règle, en soins intensifs si l’hémodynamique du patient le nécessite avec une surveillance dite « armée » en cas de chirurgie nécessaire. Toutefois pour les perforations infra centimétriques, après geste de résection recto-colique notamment, une prise en charge ambulatoire avec simple antibiothérapie a été possible dans 85,5 % des cas dans l’étude Burgess et al. (4).

Le recours à la chirurgie est nécessaire en cas d’échec de fermeture endoscopique de la perforation, de dégradation de l’état clinico-biologique du patient après gestion endoscopique de la perforation (signes péritonéaux ou rétro-péritonéaux), en cas de persistance de fuite extra-digestive au scanner de contrôle avec opacification et en cas de large perforation, de plus 25-30 mm, non accessible à un traitement endoscopique (1). Le bon sens exige également qu’une contamination péritonéale par des matières fécales, constatées lors de l’endoscopie ou lors de l’imagerie immédiate nécessite ce même recours chirurgical.

Il faut savoir être attentiste et avoir une attitude médicale en cas de syndrome post résection notamment en région recto-colique où le tableau clinico- biologique peut être pseudo-péritonéal avec fièvre, douleur, syndrome inflammatoire intense : dans ces cas, une discussion médico-chirurgicale doit pouvoir s’engager et le volume de l’épanchement aérique et liquidien péritonéal doit probablement être principalement pris en compte.

La stratégie chirurgicale est influencée par l’âge du patient, ses comorbidités, la localisation de la perforation, la sévérité de la maladie sous-jacente (bénigne, cancer) et l’expertise du centre. Elle peut consister en une suture simple avec drainage, une mise à la peau de l’orifice de perforation, une résection plus ou moins étendue, le plus souvent associée à une diversion digestive par stomie. Dans le cas de perforation de la région duodénale et bilio-pancréatique, une dérivation biliaire voire une exclusion duodénale pourra parfois se discuter.

Conclusion

Bien que rares, les perforations digestives iatrogènes endoscopiques peuvent être de gestion délicate et nécessitent une prise en charge rapide et pluridisciplinaire. La détection précoce d’une perforation lors d’un geste endoscopique permet d’améliorer le pronostic. L’arsenal thérapeutique à disposition (clips, prothèses…) permet dans la plupart des cas une prise en charge endoscopique seule, sans recours à la chirurgie. Les systèmes de sutures endoscopiques, et les nouvelles méthodes en cours de développement semblent être de nouveaux outils prometteurs qui permettent d’améliorer encore aujourd’hui la gestion de ces complications.

Références

  1. Paspatis GA, Arvanitakis M, Dumonceau JM, et al. Diagnosis and management of iatrogenic endoscopic perforations: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Position Statement – Update Endoscopy 2020; 52: 792–810
  2. Benazzato L, Zorzi M, Antonelli G, et al. Colonoscopy-related adverse events and mortality in an Italian organized colorectal cancer screening program. Endoscopy 2020; Jul 28
  3. Stapfer M, Selby RR, Stain SC, et al. Management of duodenal perforation after endoscopic retrograde cholangiopancreatography and Ann Surg 2000; 232: 191–198
  4. Burgess NG, Bassan MS, McLeod D, et Deep mural injury and perforation after colonic endoscopic mucosal resection: a new classification and analysis of risk factors. Gut 2017; 66: 1779–1789
  5. La Torre M, Velluti F, Giuliani G, et al. Promptness of diagnosis is the main prognostic factor after colonoscopic Colorectal Dis Off J Assoc Coloproctology G B Irel 2012; 14: e23-26
  6. Waschke KA, Coyle Advances and Challenges in Endoscopic Training. Gastroenterology 2018; 154: 1985–1992
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