Surveillance des MICI

POST’U 2021

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les modalités de surveillance endoscopique
  • Connaître les modalités de surveillance par l’imagerie, et la biologie
  • Connaître les modalités de surveillance selon la classe thérapeutique

Les 5 points forts

  1. La surveillance des MICI a pour objectifs d’évaluer l’efficacité d’un traitement et de prévenir l’apparition de complications.
  2. L’endoscopie digestive est l’examen de référence dans le cadre de la surveillance.
  3. L’échographie digestive et l’entéro-IRM sont deux alternatives non invasives recommandées dans la surveillance de la maladie de Crohn luminale.
  4. La calprotectine fécale permet de détecter précocement les patients à risque de rechute.
  5. Les patients atteints de MICI avec atteinte colique sont à risque élevé de cancer colorectal, nécessitant un programme de surveillance spécifique par coloscopie.

LIENS D’INTÉRÊTS

Amgen, Biogen, Gilead, Takeda

MOTS-CLÉS

surveillance, maladie de Crohn, rectocolite hémorragique

ABRÉVIATIONS

CCR : cancer colorectal CRP : protéine C-réactive, CSP : cholangite sclérosante primitive, ECCO : European Crohn’s and Colitis Organisation, IRM : imagerie par résonnance magnétique, MC : maladie de Crohn, MICI : maladie inflammatoire chronique intestinale, RCH : rectocolite hémorragique, VCE : vidéocapsule endoscopique

Modalités de surveillance endoscopique

Évaluer l’efficacité du traitement

L’efficacité du traitement est définie selon des critères cliniques, biologiques et morphologiques. L’endoscopie digestive est l’examen de référence dans le cadre de la surveillance et représente plus particulièrement un outil essentiel d’évaluation de la cicatrisation muqueuse, témoignant de l’efficacité du traitement. En 2015, le consensus international STRIDE (Selecting Therapeutic Targets in Inflammatory Bowel Disease) préconisait comme objectif thérapeutique dans les MICI l’obtention de la cicatrisation endoscopique (1). De nombreuses études suggèrent que l’obtention de la cicatrisation endoscopique permet de diminuer le taux de rechute, d’hospitalisation et de diminuer le recours à la chirurgie. En 2019, un consensus français a été publié en vue d’apporter des outils pour le suivi des patients atteints de MICI : les experts ont adopté la cicatrisation endoscopique comme cible thérapeutique pour la MC [absence d’ulcération(s)] et la RCH (sous-score endoscopique de Mayo ≤ 1) (2). Celle-ci peut être évaluée par l’endoscopie conventionnelle et la vidéocapsule endoscopique en cas d’atteinte grêlique (sous réserve de l’absence de sténose(s) du grêle à éliminer à l’aide de critères cliniques et idéalement après réalisation d’une entéro-IRM). Concernant la MC, aucun consensus n’a été retenu concernant le délai pour atteindre cette cible thérapeutique, les délais les plus souvent retenus étant de 9 et 12 mois après instauration du traitement (2). Pour la RCH, la recto-sigmoïdoscopie et la coloscopie ont été retenues comme outils de surveillance avec un délai de 3 à 4 mois pour atteindre la cible thérapeutique (2).

Prédire la récidive postopératoire

L’iléo-coloscopie est l’examen de référence après résection iléocolique afin de dépister une éventuelle récidive postopératoire. La réalisation de cet examen est recommandée dans un délai de 6 à 12 mois (3). Le score de Rutgeerts est utilisé en pratique pour décrire les lésions endoscopiques. Il prédit la probabilité de récidive postopératoire et permet ainsi d’orienter la prise en charge thérapeutique après l’intervention chirurgicale (4).

Dépister la dysplasie ou le cancer colorectal associés pouvant compliquer les MICI coliques

Les recommandations de l’ECCO (European Crohn’s and Colitis Organisation) préconisent la réalisation d’une coloscopie systématique d’évaluation après huit ans d’évolution de toute colite inflammatoire, à l’exception des proctites ou de la MC limitée à un segment du côlon, dans le cadre du dépistage de la dysplasie et du cancer colorectal (CCR). Le rythme de la surveillance endoscopique est défini après stadification du risque du malade (5). Les patients considérés à haut-risque sont les suivants : antécédent de cholangite sclérosante primitive (CSP), antécédent de sténose(s) ou dysplasie (quel que soit son grade) durant les cinq dernières années, colite étendue avec inflammation active sévère, antécédent familial de CCR au premier degré avant l’âge de 50 ans. Les patients à haut risque de CCR doivent bénéficier d’une coloscopie annuelle, y compris dans la CSP après transplantation hépatique. Les patients à risque intermédiaire sont ceux présentant une colite étendue avec inflammation modérée ou faible, la présence de pseudopolypes, un antécédent familial de CCR au premier degré après l’âge de 50 ans. Ils doivent bénéficier d’une coloscopie à 2-3 ans d’intervalle. Tous les autres patients sont ceux considérés à risque faible et doivent bénéficier d’une coloscopie tous les 5 ans. Il est préconisé de réaliser les coloscopies de surveillance si possible en période de rémission. Actuellement, l’ECCO recommande la coloration endoscopique à l’indigo carmin avec biopsies ciblées comme procédure de choix pour les endoscopistes entraînés. À défaut, la réalisation de biopsies aléatoires en quadrant tous les 10 cm (1 flacon de prélèvement par segment de 10 cm), avec des biopsies ciblées pour la coloscopie standard en lumière blanche est recommandée.

Dépister le cancer du réservoir

Après coloproctectomie totale et anastomose iléo-anale avec réservoir, le risque résiduel de cancer du réservoir est réel, même s’il est inférieur à 5 %. La surveillance endoscopique annuelle du réservoir, avec biopsies, doit être envisagée en raison de ce risque décrit chez les patients ayant un antécédent de dysplasie ou de CCR sur la pièce de colectomie, ayant une CSP associée, ou ayant une atrophie ou une inflammation sévère persistant au niveau du réservoir de l’anastomose iléo-anale.

Modalités de surveillance par l’imagerie et la biologie

Évaluer l’efficacité d’un traitement

Si l’endoscopie est la méthode de référence pour détecter l’inflammation muqueuse chez les patients atteints de MICI, certaines localisations de la MC ne sont pas accessibles lors d’une iléo-coloscopie. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et l’échographie abdominale sont deux techniques non invasives recommandées par le consensus français pour surveiller la cicatrisation endoscopique dans la MC (2). La vidéocapsule endoscopique (VCE) peut être une alternative à ces examens, en s’assurant que le patient n’a pas de sténose du grêle (symptômes cliniques, entéro-IRM préalable).

Concernant l’atteinte ano-périnéale de la MC, une surveillance par IRM périnéale est préconisée (3).

La cicatrisation muqueuse peut également être évaluée de manière non invasive par la calprotectine fécale ; il s’agit d’une alternative importante pour le suivi des patients. Le consensus français concernant le suivi des patients atteints de MICI a inclus la protéine C-réactive (CRP) (< 5 mg/L) et la calprotectine fécale (< 250 mg/g de selles ou < 100 mg/g en situation post-opératoire) comme mesures d’efficacité du traitement dans la MC. Dans la RCH, c’est la CRP qui a été retenue comme cible à évaluer lors du suivi (2). Néanmoins, des études récentes suggèrent que la calprotectine fécale pourrait devenir une cible à évaluer dans la RCH.

Dépister les patients à risque de rechute

Un des objectifs de la surveillance est de détecter précocement les patients asymptomatiques à risque de rechute. Les données de la littérature montrent l’intérêt d’un suivi répété de la calprotectine fécale, facteur prédictif de rechute ultérieure. Il a été montré que le taux de calprotectine fécale commence à s’élever 3 mois avant les signes cliniques de récidive de la maladie. Aucun consensus n’a été obtenu pour la fréquence d’évaluation de la calprotectine fécale, que ce soit pour la MC ou la RCH (2). Une élévation des marqueurs biologiques doit amener à la réalisation d’une iléo- coloscopie ou d’un examen d’imagerie pour confirmer l’activité de la maladie.

Surveiller l’état nutritionnel et dépister les carences

Les patients suivis pour une MICI sont à risque de dénutrition. Celle-ci doit être dépistée au diagnostic puis régulièrement au cours du suivi. Le consensus français du suivi des patients atteints de MICI a retenu l’état nutritionnel (poids et albuminémie) comme une cible à évaluer lors du suivi de la MC (2). Les recommandations de l’European Society for Enteral and Parenteral Nutrition (ESPEN) proposent une évaluation de l’hémogramme, des concentrations de ferritine et de CRP tous les 6 à 12 mois en cas de rémission et tous les 3 mois si la maladie est active (6). Les carences en calcium et 25(OH)-vitamine D doivent être dépistés en cas de traitement par corticoïdes et/ou de maladie active. Il en est de même pour la carence en micronutriments (tels que le zinc par exemple, la vitamine K, le sélénium, la vitamine A, la vitamine C, la vitamine B1 et la vitamine B6), plus particulièrement chez les patients à risque (grêle court, atteinte étendue du grêle). En cas de résection iléale, le dosage de la cobalamine (vitamine B12) doit être réalisé tous les ans. La carence en vitamine B9 (folates) doit également être dépistée.

Dépister le cholangiocarcinome

Les patients présentant une MICI et une CSP sont à haut risque de cholangiocarcinome par rapport à la population générale. Ce sur-risque est secondaire à l’association entre cholangiocarcinome et CSP. Les recommandations de l’International PSC Study Group préconisent une surveillance annuelle par cholangio-IRM et dosage du Ca 19,9 (7).

Modalités de surveillance selon la classe thérapeutique

Un traitement d’entretien par dérivés 5-aminosalicylés (5-ASA) nécessite un contrôle semestriel de la créatininémie et de la protéinurie en raison du risque d’insuffisance rénale. En cas de traitement par sulfasalazine, le dépistage de la carence en vitamine B9 est recommandé.

En cas de traitement immunosuppresseur par azathioprine ou 6-mercaptopurine, il existe un risque de toxicité hématologique nécessitant une surveillance de l’hémogramme toutes les semaines pendant les quatre premières semaines du traitement, puis tous les mois jusqu’au troisième mois de traitement, et enfin trimestrielle au long-cours. La survenue d’une toxicité hépatique est également décrite dans 1 à 3 % des cas ; une surveillance des enzymes hépatiques mensuelle pendant les trois premiers mois de traitement puis trimestrielle est donc préconisée. Des cas isolés d’hyperplasie nodulaire régénérative ont été rapportés sous azathioprine. L’apparition de perturbations du bilan hépatique cytolytique ou cholestatique et/ou d’une thrombopénie doit faire évoquer ce diagnostic (8). Un sur-risque de cancer non-mélanocytaire de la peau a également été rapporté, indiquant une surveillance dermatologique régulière (habituellement annuelle). Enfin, un bilan gynécologique annuel avec réalisation d’un frottis cervico-vaginal est préconisé en raison d’un sur-risque de dysplasie ou de cancer du col.

Un traitement d’entretien par méthotrexate, en raison d’une hépatotoxicité et d’une hématotoxicité, impose une surveillance hématologique et hépatique hebdomadaire durant le premier mois de traitement, puis mensuelle pendant deux mois et enfin trimestrielle au long-cours.

Une surveillance dermatologique est requise chez les malades sous anticorps anti-TNF en raison d’un risque accru de cancer cutané mélanocytaire ou non-mélanocytaire en cas d’association avec les thiopurines (9). Il n’existe pas de consensus concernant la surveillance biologique en cas de traitement par anticorps anti-TNF.

Il n’y a actuellement pas de surveillance particulière recommandée en cas de traitement par anticorps anti-intégrines (vedolizumab) ou anti- interleukine 12/23 (ustekinumab).

Enfin, le tofacitinib, inhibiteur sélectif de la famille des Janus Kinases, peut être responsable d’une toxicité hématologique, hépatique et de perturbations du bilan lipidique. Il nécessite un suivi biologique régulier avec surveillance de l’hémogramme et du bilan hépatique un à deux mois après son initiation puis tous les trois mois. La réalisation d’un bilan lipidique deux mois après l’introduction de ce traitement est recommandée.

Références bibliographiques

  1. Peyrin-Biroulet L, Sandborn W, Sands BE, Reinisch W, Bemelman W, et al. Selecting therapeutic targets in inflammatory bowel disease (STRIDE): determining therapeutic goals for treat-to-target. Am J Gastroenterol 2015;110:1324-38.
  2. Bonnaud G, Bouhnik Y, Hagege H, Hebuterne X, Pariente B, et al. Monitoring of inflammatory bowel disease in 2019: A French consensus for clinical Dig Liver Dis 2020;52:704-20.
  3. Maaser C, Sturm A, Vavricka SR, Kucharzik T, Fiorino G, et al. ECCO-ESGAR Guideline for diagnostic assessment in IBD Part 1: Initial diagnosis, monitoring of known IBD, detection of complications. J Crohns Colitis 2019;13:144-64.
  4. Rutgeerts P, Geboes K, Vantrappen G, Beyls J, Kerremans R, Hiele Predictability of the postoperative course of Crohn’s disease. Gastroenterology 1990;99:956-63.
  5. Magro F, Gionchetti P, Eliakim R, Ardizzone S, Armuzzi A, et al. Third European Evidence-based Consensus on Diagnosis and Management of Ulcerative Colitis. Part 1: Definitions, diagnosis, extra-intestinal manifestations, pregnancy, cancer surveillance, surgery, and ileo-anal pouch J Crohns Colitis 2017;11:649-70.
  6. Forbes A, Escher J, Hébuterne X, Kłęk S, Krznaric Z, et al. ESPEN guideline: Clinical nutrition in inflammatory bowel Clin Nutr 2017;36:321-47.
  7. Schramm C, Eaton J, Ringe KI, Venkatesh S, Yamamura MRI working group of the IPSCSG. Recommendations on the use of magnetic resonance imaging in PSC-A position statement from the International PSC Study Group. Hepatology 2017;66:1675-88.
  8. Pariente Hyperplasie nodulaire régénérative et maladies inflammatoires cryptogénétiques de l’intestin. Hépato-Gastro & Oncologie Digestive. 2009;16:249-54.
  9. Le Blay P, Mouterde G, Barnetche T, Morel J, Combe B. Risk of malignancy including non-melanoma skin cancers with anti-tumor necrosis factor therapy in patients with rheumatoid arthritis: meta-analysis of registries and systematic review of long-term extension studies. Clin Exp Rheumatol 2012;30:756-64.