Gestion péri-opératoire en endoscopie digestive (hors anticoagulants, antiagrégants, antibiotiques)

POST'U 2022

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications d’un bilan biologique péri-opératoire
  • Connaître la gestion péri-opératoire de l’alimentation
  • Connaître les situations justifiant de moduler la nature et les délais de préparation colique
  • Connaître la gestion péri-opératoire des pace maker et dispositifs implantables

Les 5 points forts

  1. Les consultations effectuées avant l'examen par le gastro-entérologue et l'anesthésiste sont le préalable indispensable à la gestion péri-opératoire en endoscopie.
  2. Les règles de jeûne ont été assouplies permettant l'absorption de liquides clairs jusqu’à 2 heures avant une anesthésie et facilitant donc la préparation colique fractionnée (la veille et le matin de l’examen).
  3. Les traitements anti-hypertenseur et anti-diabétique devront être adaptés au jeûne et à l’heure de passage au bloc d’endoscopie.
  4. Le bilan biologique pré opératoire n’est pas systématique. Il est adapté aux risques propres du patient et à la procédure endoscopique envisagée.
  5. Les dispositifs implantables (cardiaques, neurologiques…) nécessitent certaines précautions lors de l'utilisation d'un bistouri électrique, à préciser en pré opératoire avec l’anesthésiste et/ ou le spécialiste concerné.

LIEN D’INTÉRÊTS

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MOTS-CLÉS

Endoscopie digestive, jeûne, examens pré-opératoires, médicaments à risque

ABRÉVIATIONS

IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion,

ARA : antagoniste du système rénine-angiotensine

Introduction

Une endoscopie digestive est un acte invasif le plus souvent réalisé sous anesthésie générale qui nécessite un certain nombre de conditions pour garantir la sécurité des patients. Les procédures thérapeutiques, de plus en plus fréquentes, ajoutent un risque potentiel de complications qui doivent être anticipées en particulier chez des patients ayant des comorbidités connues. La gestion péri-opératoire est donc essentielle en particulier avant l’examen avec des mesures préventives qui seront coordonnées par le prescripteur de l’acte, le gastro-entérologue qui le réalise et l’anesthésiste lors  de sa consultation pré-opératoire. Parmi celles-ci, il faut souligner l’importance de l’interrogatoire du patient afin de connaître des facteurs de risques cardio-vasculaires ou autres, les médicaments qu’il faudrait interrompre, les examens biologiques à prescrire, les modalités du jeûne pré-opératoire et de la préparation intestinale en cas de coloscopie.

La gestion péri-opératoire de l’alimentation

Les règles du jeûne pré-opératoire en cas d’anesthésie générale sont bien codifiées par la SFAR. Le but est d’éviter tout risque d’inhalation à l’induction ou lors de l’intervention mais aussi d’assurer la vacuité de la cavité gastrique lors d’un examen du tractus digestif supérieur. La prise de liquide clair est autorisée jusqu’à 2 heures avant l’examen mais aucun autre aliment ne doit être absorbé dans les 6 heures qui précèdent. Il faudra tenir compte de certaines situations qui risquent de ralentir la vidange gastrique tels que le diabète sous insuline, certaines chirurgies œso-gastriques, une gastroparésie connue ou un méga-œsophage. Dans ce cas, il faudra appliquer un jeûne alimentaire plus prolongé en privilégiant les liquides seuls et utiliser éventuellement des prokinétiques en pré-opératoire. Il faut rappeler aussi que cette règle de 6 heures s’applique aussi pour l’interdiction de fumer.

Les modalités de la préparation intestinale pour une coloscopie

Obtenir la vacuité colique, donc une préparation colique optimale est un des principaux critères de qualité de la coloscopie. Cette préparation repose sur 2 piliers : une limitation de l’alimentation avec un régime sans résidus au moins la veille et la prise d’une solution laxative en utilisant soit des PEG soit des pico-sulfates. La prise hydrique est dans tous les cas importante avec 2 ou 3 litres d’eau mélangée ou associée à ces produits. Le choix du produit est plus une question d’habitude de prescription car leur efficacité est comparable avec très peu d’effets secondaires. Cependant le choix de la préparation sera également adapté en fonction des antécédents (maladie inflammatoire intestinale en poussée, insuffisance rénale ou cardiaque grave) ou de la prise de médicaments pouvant favoriser les troubles hydroélectrolytiques ou l’insuffisance rénale. Des précautions doivent être prises avec certains médicaments dont l’effet peut être diminué par l’effet laxatif puissant, tels que les anti-épileptiques, les neuroleptiques ou le lithium, les contraceptifs oraux. Il a été montré que la prise en 2 fois (la veille au soir et le matin) augmentait significativement la réussite de la préparation mais le délai minimum de 2 heures entre la dernière prise orale et l’anesthésie dot être respecté. Il faut donc bien informer le patient lors de la consultation préalable des modalités de la préparation et adapter celle-ci en fonction de l’heure prévue de la coloscopie en particulier pour la prise du matin. Si  l’on craint un ralentissement de la vidange gastrique, il sera préférable de faire la préparation en totalité la veille de l’examen.

Gestion des traitements habituels (hors anti-thrombotiques oraux)

De plus en plus de patients présentent des affections chroniques nécessitant la prise quotidienne de médicaments très actifs comme ceux prescrits  pour une maladie cardio-vasculaire ou un diabète. Le jeûne, la préparation colique ou l’anesthésie nécessite la prise en compte de ces traitements afin d’éviter un incident per-opératoire. C’est lors de la consultation de pré-anesthésie que l’adaptation de ces médicaments sera fixée mais il est utile que le gastro-entérologue ait connaissance des ces modifications.

En cas de diabète traité par hypoglycémiants oraux, il faut supprimer la prise du matin de l’examen. Si le diabète est insulino-dépendant, on devra diminuer la dose de la veille au soir et supprimer, le cas échéant, l’injection d’insuline rapide le matin. Un contrôle de la glycémie est recommandé avant l’examen en particulier si le diabète est connu pour être mal équilibré avec la survenue d’épisodes d’hypoglycémie.

En cas d’hypertension, la gestion du traitement dépend du type d’anti-hypertenseurs utilisé et de l’état cardio-vasculaire du patient. Les associations de médicaments sont fréquentes pouvant aller jusqu’à une tri-thérapie en cas de HTA sévère. Une évaluation cardiovasculaire doit être faite avant l’intervention chez ces patients en cas d’insuffisance cardiaque même modérée ou de modification récente du traitement.

Les traitements bêtabloquants et les inhibiteurs calciques doivent être poursuivis en péri-opératoire. En revanche, les recommandations sont d’arrêter les IEC et les ARA2 (sartans) avant l’anesthésie sauf en cas d’insuffisance cardiaque.

Les diurétiques sont arrêtés le jour de l’intervention et leurs conséquences sur l’équilibre ionique doivent être vérifiées.

Dans tous les cas, le monitoring de la tension artérielle sera assuré durant toute la durée de l’intervention et poursuivi au réveil.

Parmi les autres médicaments, on retiendra que la prise du matin des anti-arythmiques sera suspendue, et au contraire les anti-épileptiques seront maintenus.

Le bilan biologique pré-opératoire

Dans la grande majorité des cas, aucun bilan sanguin ne doit être pratiqué à titre systématique. Il doit être indiqué en fonction des co-morbidités, des antécédents ou des traitements en cours. L’interrogatoire est donc une étape essentielle pour décider d’un bilan biologique le plus souvent lors de la consultation de pré-anesthésie.

Ainsi un bilan d’hémostase est recommandé en cas de saignements spontanés, notamment des épistaxis, l’apparition d’hématomes lors de chocs minimes, des hémorragies lors de soins dentaires ou a fortiori une complication hémorragique lors d’une chirurgie antérieure. Ce bilan comprendra au minimum un taux de prothrombine, une numération plaquettaire et un TCA mais une recherche plus avancée d’anomalies acquises ou génétiques peut s’avérer nécessaire. On retiendra que 1 % de la population générale souffre d’un trouble congénital de l’hémostase dont la majeure partie est représentée par la maladie de Willebrand, l’hémophilie et les thrombopathies constitutionnelles. Idéalement, ces anomalies sont détectées en préopératoire lors de la consultation d’anesthésie permettant la mise en place d’un traitement substitutif adapté tenant compte de l’importance du déficit et du risque hémorragique de l’intervention. Ainsi aucune prévention ne sera nécessaire pour un geste endoscopique seulement diagnostique au même titre que lors de la prise d’un anticoagulant oral. Les troubles ioniques doivent être recherchés chez un patient sous diurétiques, insuffisant rénal ou atteint de vomissements en dosant le ionogramme sanguin et la clairance de la créatinine. L’évaluation de la fonction rénale est également essentielle en cas de prise d’un AOD car son effet sera prolongé si la clairance est inférieure à 30 ml/mn. Enfin la glycémie sera vérifiée en cas de diabète afin d’apporter les corrections nécessaires avant la procédure endoscopique.

En dehors des bilans adaptés au patient (antécédents et traitement en cours), certaines procédures endoscopiques thérapeutiques (exemples : ampullectomie, dissection sous muqueuse) vont nécessiter un bilan biologique préopératoire (hémostase, ionogramme ou fonction rénale) à adapter au cas par cas.

Dispositifs cardiaques implantables et électrocoagulation

Les dispositifs implantables cardiaques sont les pace-makers (PM) et les défibrillateurs.

Les PM ont soit un fonctionnement sentinelle se déclenchant lors d’une arythmie, soit continu imposant un rythme de base. Les défibrillateurs n’interviennent que pour déclencher un choc électrique lors d’une arythmie ventriculaire sévère. Certains dispositifs peuvent associer ces 2 fonctions. Dans la très grande majorité des cas, ils ne doivent pas être déconnectés en per-opératoire lors d’une endoscopie car le risque d’interférences avec le courant diathermique est faible si l’on respecte un certain nombre de précautions. En revanche un aimant de cardiologue doit toujours être disponible en salle.

Évaluation préopératoire par l’anesthésiste et le cardiologue

La nature du trouble rythmique et de la cardiopathie associée doit être bien connue de même que les caractéristiques du pacemaker (carnet du pacemaker) et la dépendance du patient au pacemaker. Tous symptômes fonctionnels et/ ou anomalies sur l’ECG seront analysés.

Précautions en per-opératoire

Le but est de diminuer le risque d’interférences avec le bistouri électrique et ses conséquences (dysfonctionnement, fibrillation ventriculaire). La pose d’un aimant de cardiologue en salle est réservée en cas de dysfonctionnement avéré avec arythmie ventriculaire ou pause cardiaque.

Les actions de l’anesthésiste

  • Pouvoir faire face sans délai à une arythmie ventriculaire ou à un dysfonctionnement du pacemaker ou du défibrillateur ;
  • Pose d’électrodes de défibrillation externe auto-adhésives sur le thorax (cas du défibrillateur) ;
  • Monitorage continu du rythme ECG et de la courbe du saturomètre.

Les actions du gastro-entérologue

  • Utilisation d’un courant de coagulation le plus faible possible, en application brève et intermittente ;
  • Privilégier le mode bipolaire versus monopolaire ;
  • Non-interposition du boîtier entre la plaque de terre et le site de

En 2018, une fiche pratique a été publiée par l’HAS stipulant que la reprogrammation ou la déprogrammation du stimulateur peut être nécessaire « en cas d’interférence électromagnétique prévisible chez des patients dépendant du stimulateur ». En période post opératoire, il est conseillé une vérification du boîtier selon les consignes du cardiologue référent consulté en préopératoire et une reprogrammation éventuelle si le programme a été modifié en préopératoire.

Conclusion

L’identification des facteurs de risque individuels en consultation d’hépatogastroentérologie puis d’anesthésie permet de sélectionner au mieux les examens pré-opératoires nécessaires et suffisants. Cela permet ainsi la réalisation des actes d’endoscopie dans des conditions de sécurité optimale.