Les polypes gastriques : diagnostic et prise en charge

POST'U 2022

Gastro-entérologie

Objectifs pédagogiques

  • Ne pas parler des TNE
  • Connaître l’histologie des polypes gastriques et de la muqueuse environnante
  • Connaître leurs facteurs de risque
  • Connaître leur sémiologie endoscopique
  • Connaître leurs risques évolutifs
  • Connaître les indications de traitement et de surveillance

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LIEN D’INTÉRÊTS

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MOTS-CLÉS

adénome

polype glandulokystique polype hyperplasique polype fibro inflammatoire hamartome

Définition et épidémiologie

Les polypes gastriques sont des lésions tissulaires intra gastriques se développant dans la lumière digestive. Ils arborent tout type de développement, pédiculé, sessile, de taille variable de quelques millimètres à plus de 10 cm dans de rares cas.

De découverte fortuite dans la majorité des situations, ces lésions peuvent être également symptomatiques surtout en cas de taille supra centimétrique, ils peuvent alors être responsables de douleur par obstruction pylorique ou cardiale, d’une anémie ou d’un saignement extériorisé. La prévalence des polypes gastriques est de 2 à 9,6 % en fonction des populations (1,2,3).

Ils se différencient par leur origine cellulaire avec

  • les polypes épithéliaux : les polypes glandulokystiques, les polypes hyperplasiques, les adénomes, les hamartomes ;
  • les polypes non épithéliaux : les tumeurs stromales (GIST et tumeur musculaires), les xanthelasma, les polypes fibroïdes (ou fibro- inflammatoires), les pancréas aberrants, les lipomes, les tumeurs

Leur répartition a été largement modifiée ces 20 dernières années par l’introduction et la prescription massive dans les pays occidentaux des IPP et par le dépistage étendu et l’éradication d’Helicobacter Pylori (Hp). Ces changements favorisent le développement des polypes glandulokystiques devenus franchement majoritaires, notamment en Amérique du Nord. En effet, dans une large étude américaine de 2015 (2) avec plus de 700 000 patients, ils représentaient près de 80 % des polypes décrits. Une étude rétrospective espagnole plus restreinte (1) menée sur 10 ans et environ 40 000 endoscopies hautes, notait une répartition plus équilibrée avec 42,2 % de polypes hyperplasiques et 37,7 % de polypes glandulokystiques, 3 % d’adénomes, 1,32 % d’adénocarcinomes et 3,8 % de polypes inflammatoires.

Les polypes épithéliaux

Les polypes glandulokystiques

Décrits pour la première fois par Kurt Elster en 1976, ils sont rencontrés majoritairement chez les femmes pour la forme sporadique avec un âge moyen de 40 à 60 ans. Leur localisation est fundique, de petite taille (1 à 7 mm), leur forme est arrondie avec un aspect légèrement translucide en surface. Ils peuvent dans de rares cas apparaitre sous forme de « pseudo grappe » avec un pédicule (cf. photos 1). Ils sont facilement unitaires ou de quelques unités mais peuvent atteindre une centaine de lésions dans les formes syndromiques, formant alors un réel « tapis » de polypes fundiques. En histologie, ils sont caractérisés par la présence de glandes fundiques dilatées microkystiques tapissées de cellules pariétales aplaties, de cellules principales et d’un nombre variable de cellules du collet muqueux. La muqueuse environnante gastrique est normale sans atrophie ni métaplasie.

Photo 1

Photo 1

A : Aspect endoscopique de polypes glandulokystiques multiples parfois polylobés supra- centimétriques.
B : Aspect histologique au faible grossissement d’un polype glandulokystique avec dilatations kystiques des glandes fundiques.

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Le développement de ces lésions est significativement liée à la prise d’IPP et à sa durée (4,5). La suppression acide par les IPP au long cours (à partir de 6 à 12 mois) induit une augmentation du taux de gastrine, avec pour effet une hyperplasie et une protrusion des cellules pariétales qui pourrait être une étape préliminaire à la formation des polypes glandulokystiques.

Polypes glandulokystiques syndromiques

Dans les formes syndromiques, leur taille est souvent petite, la répartition est identique en fonction du genre, les aspects microscopiques notent fréquemment des petits kystes recouverts presque uniquement d’un épithélium fundique sans hyperplasie significative des cellules pariétales (6).

La Polypose Adénomateuse Familiale (PAF) est probablement la maladie génétique la plus fréquente. Due à une mutation du gène APC situé sur le chromosome 5, de transmission dominante, elle touche 1 personne sur 6 800 à 29 000. Le risque de cancer gastrique est inférieur à 1 % dans cette maladie. Le dépistage endoscopique haut doit débuter à l’âge de 20 à 25 ans. Et le rythme de surveillance est guidé par le score de Spigelman. Dans 10 à 30 % des cas cette pathologie apparait de novo, il est donc nécessaire d’y penser devant une polypose glandulokystique surtout si ces lésions gastriques sont associées à un ou des adénomes duodénaux.

Une autre maladie génétique extrêmement rare possiblement due également à la mutation du gène APC (promoteur de l’exon 1B) est décrite de façon plus récente : « Gastric adénocarcinoma and Proximal Polyposis of the stomach » GAPPS (7,8,9). Seulement quelques familles dans le monde sont connues à ce jour (USA, Canada, Japon, Europe), elle pourrait correspondre à une forme particulière de PAF.

Son mode de transmission est autosomique dominant, le phénotype spécifique est marqué par une polypose gastrique glandulokystique fundique, sans aucune lésion dans l’antre, sans lésion duodénale ou colique, ce qui contraste avec une PAF. Le risque de cancer gastrique est majeur, développé sur des lésions de dysplasie des polypes glandulo-kystiques, des adénomes ou des dysplasies planes (10). Une gastrectomie curative ou préventive chez les apparentés dépistés a été réalisée dans la totalité des cas décrits.

Les polypes glandulo-kystiques sont aussi décrits dans la polypose sur Mutation du gène MUTYH ou MAP. De transmission autosomique récessive, cette maladie génétique induit un risque de cancer gastrique de 1 %, duodénal de 4 % mais surtout un risque de cancer colique de 42 à 100 %.

Les polypes glandulokystiques et risque de transformation néoplasique

Le risque de transformation néoplasique des formes sporadiques est faible mais non nul, estimé à 1 %.

D’après Lloyd en 2017 (11) sur une étude reprenant les données histologiques de plus de 2 500 polypes glandulokystiques réséqués, 8,5 % soit 215 cas présentaient de la dysplasie. Seulement 25 patients avaient une forme de polypes glandulokystiques sporadiques soit 1 % de tous les polypes, le reste était lié à une forme syndromique. Les polypes dysplasiques des formes sporadiques étaient quasi tous infra centimétriques.

Ce faible risque ne justifie pas de surveillance dans les formes sporadiques Dans le cadre des maladies génétiques la surveillance des lésions gastriques est importante et doit permettre de vérifier l’absence d’ulcération macroscopique sur les polypes, une taille homogène et en cas de doute préférer réséquer ou au moins prélever la lésion cible. Le phénotype, les modalités de prise en charge et de surveillance sont détaillés dans le tableau 1.

Type de polypes Présentation Localisation Taille / Nombre Aspect endoscopique Muqueuse gastrique adjacente Prise en charge
Glandulo kystique sporadique fundus 5 mm, rarement supra centimétrique / 1 à 5 unités Arrondi, régulier aspect perlé, translucide Ou pédicule avec aspect en grappe Normale ou modification induite par les IPP Pas de surveillance Arrêt ou diminution des IPP si possible
PAF fundus 5-10 mm / 50 à 100 unités EOGD à 25 ans Intervalle de surveillance fonction du score de Spigelman
Hyperplasique Sporadique Antre+++

> fundus

> cardia

5 mm à 50 mm souvent < 10 mm / Souvent unique sessile, base d’implantation large parfois ulcéré, plus clair que muqueuse adjacente en NBI Gastrite atrophique  avec métaplasie intestinale Gastrite Hp+ Gastrite auto immune Éradication Hp + contrôle à 3 mois : Taille < 10 m surveillance car Dysplasie rare
20 mm < taille > 10 mm Résection à discuter +++ si cirrhose
taille > 20 mm résection Surveillance à 3-6 mois après résection car risque de récidive et dysplasie sur muqueuse adjacente
Hamartome Sporadique Fundus > antre Unique Souvent Pédiculé Normale Résection si > 10 mm Surveillance dans le cadre des polyposes
Peutz Jeghers Juvénile Maladie de Cowden Fundus Multiples Pédiculé Parfois ulcéré
Adénome Sporadique Antre++ 5 mm à 50 mm / Souvent unique Aspect tubulaire avec muqueuse glandulaire, crypte +/- régulières Disparition de vascularisation si transformation Gastrite Hp+ atrophique  avec métaplasie intestinale Résection systématique monobloc Mucosectomie ou dissection si > 20 mm Surveillance gastrite ++
Xanthelasma Sporadique fundus 5-10 mm Arrondi régulier aspect jaune ocre Gastrite atrophique métaplasie intestinale Gestrectomie partielle, reflux biliaire Surveillance de la gastrite sous jacente
Fibroide inflammatoire sporadique Antre 10 à 20 mm / unique Lésion sous muqueuse Parfois ulcérée Gastrite chronique atrophique ou inflammatoire Pas de suivi, Résection si symptôme ou doute diagnostique
Hétérotopie pancréatique Sporadique Antre 10 mm / unique Lésion sous muqueuse arrondie régulière, centre ombiliqué normale Pas de suivi

Tableau 1 : Polypes gastriques Metivier

Les polypes hyperplasiques

Aspects macroscopiques et endoscopiques

Les polypes hyperplasiques sont de taille variable souvent infra centimétriques mais peuvent parfois atteindre plusieurs centimètres et exceptionnellement plus de 10 cm. (cf. photos 2).Leur localisation préférentielle est antrale mais ils sont également retrouvés dans le fundus et  plus rarement sur le cardia. Leur nombre est majoritairement unitaire ou de quelques unités, multiples dans 15 % des cas. Ils sont souvent sessiles, parfois pédiculés avec un pied court et une base d’implantation qui peut être très large. Leur tête est lobulée, arrondie, souple sous la pince. L’aspect superficiel présente des motifs cérébriformes parfois allongés, réguliers. En NBI (Narrow band Imaging- Olympus®) il apparaît plus clair que la muqueuse antrale adjacente. Il peut être ulcéré au sommet avec parfois des traces de saignements récents, ou recouvert d’une pellicule de fibrine stigmate de frottements.

Photo 2

Photo 2

A : Aspect endoscopique d’un polype hyperplasique dans l’antre en lumière blanche et NBI.
B : Aspect histologique à faible et plus fort grossissement d’un polype hyperplasique : hyperplasie fovéolaire avec cryptes irrégulières et parfois dilatatées, epithelium hypermucosécrétant et chorion abondant oedémateux.

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Description histologique

Les polypes hyperplasiques sont des lésions inflammatoires résultant d’une réparation de la muqueuse à un processus d’agression chronique. Le diagnostic histologique repose sur les critères suivants : une hyperplasie fovéolaire avec des cryptes irrégulières, longues, profondes, et hyper sécrétantes, des dilatations kystiques, le chorion est inflammatoire et abondant, parfois sont décrites des protrusions de cellules musculaires lisses en disposition radiaire évoquant notamment des phénomènes de protrusion de la structure tissulaire, possiblement secondaire à des contraintes de traction. De la métaplasie intestinale est présente dans 4 à 16 % et plus rarement des zones de dysplasie voire des sites de transformation en adénocarcinome à distance de la lésion hyperplasique.

Évolution et facteurs de risques

Toutes les pathologies induisant des lésions inflammatoires chroniques de la muqueuse gastrique sont pourvoyeuses de polypes hyperplasiques. On retiendra notamment : les gastrites atrophiques, auto immunes, la cirrhose avec notamment la présence d’ectasies vasculaires antrales (EVA) et l’hypertension portale, le portage chronique d’Hp, un antécédent de résection chirurgicale gastrique, la Maladie de Ménétrier, une métaplasie intestinale, une gastropathie chimique ou réactionnelle.

Le risque de transformation néoplasique est réel mais avec une fréquence variable d’une étude à l’autre. Des données de 2009 d’une population asiatique incluant 269 polypes hyperplasiques (12), estime ce risque à 5,2 % (3,5 % pour la transformation en adénocarcinome et de 1,7 % pour la dysplasie). Une taille supérieure à 1 cm était significativement liée à la transformation néoplasique. Le taux de transformation néoplasique était de 1,9 % (dont 0,3 % de cancer) sur une analyse rétrospective israélienne publiée en 2021 de 591 polypes hyperplasiques réséquées avec une taille moyenne de 2 cm (13).

Les données histologiques disponibles d’une étude française également récente rétrospective de Forté et al. (14) portant sur 144 polypes hyperplasiques réséqués retrouvaient 15 lésions avec des signes de transformation soit 10,4 % des polypes réséqués. Il s’agissait essentiellement de lésions de dysplasie de bas grade (12 sur 15 polypes réséqués), 2 présentaient des lésions de dysplasie de haut grade et un seul un adénocarcinome. La taille est un caractère déterminant puisque ces 3 derniers polypes mesuraient tous plus de 5 cm. Les facteurs de risque de transformation identifiés étaient : l’âge inférieur à 65 ans, l’absence de prise d’IPP, la présence de métaplasie intestinale, et une taille supérieure à 25 mm : seuls ces 2 derniers critères étaient retrouvés en analyse multi variée.

Ce risque de transformation tumorale dans ce contexte est également lié au risque évolutif de la muqueuse adjacente pathologique, qui nécessite une surveillance endoscopique adéquate régulière avec des biopsies multiples.

La disparition spontanée des polypes hyperplasiques après éradication d’Helicobacter pylori est possible mais non systématique, et plus fréquente pour les lésions de taille centimétrique ou infra centimétrique (15).

Risque de récidive des polypes hyperplasiques

Les données de la littérature sont minces pour répondre à cette question. Dans l’étude de Forté, 108 lésions hyperplasiques réséquées ont bénéficié d’un contrôle ; 74 d’entre elles ont récidivé chez 55 patients, soit 51 %. Le risque de récidive semble augmenter avec le nombre de résections réalisées. Les facteurs de risque de récidive dans cette étude récente étaient : l’âge inférieur à 65 ans, une cirrhose, la localisation antrale du polype, ces deux derniers critères étant retrouvés aussi bien en analyse univariée qu’en multi variée.

Enfin, il semble exister une entité spécifique de polypes hyperplasiques dans le cadre de l’hypertension portale avec cirrhose décrite notamment par Lemmers et al. (16,17,18,19). Le terme proposé est polype hyperplasique d’hypertension portale avec comme spécificité anatomopathologique une majoration nette des structures vasculaires artériolaires dans la lamina propria. De localisation quasi exclusivement antrale, leur prévalence serait de 1 à 8 % en cas d’hypertension portale, avec une diminution ou disparition spontanée possible après éradication d’Hp et la résolution de l’hypertension portale (TIPS ou bêtabloquant), notamment après transplantation hépatique. Ils présentent une forte tendance à la récidive de 40 à 79 %. Leur résection doit être donc clairement discutée en fonction du pronostic de la maladie hépatique sous-jacente, du fait d’un vraisemblable moindre risque de transformation néoplasique et des risques encourus par un geste invasif avec une hémostase pathologique.

Photo 2

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A : Aspect endoscopique d’un large adénome en dysplasie de haut grade face postérieure de l’antre Paris 0-Iia en lumière blanche et NBI.
B : Aspect histologique d’un adénome à faible et fort grossissement : architecture tubulo-villeuse, dysplasie focalement de haut grade.

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Prise en charge pratique.

Ces éléments impliquent un examen endoscopique minutieux des polypes hyperplasiques et de la muqueuse gastrique adjacente à la recherche d’une pathologie facilitatrice. Les polypes doivent être prélevés pour authentifier leur nature et rechercher une dysplasie. Certaines gastropathies sont à risque de transformation néoplasique comme la gastrite atrophique avec métaplasie intestinale et induisent une surveillance adaptée avec un échantillonnage représentatif par des biopsies (20).

Compte tenu du faible risque de dégénérescence des polypes hyperplasiques infra centimétriques, leur résection n’est pas recommandée, en cas de doute macroscopique des biopsies seront réalisées.

La présence d’Hp est recherchée et traitée. En cas de persistance d’un polype hyperplasique supra centimétrique à 3 mois de l’éradication, sa résection se discute. En effet doivent être considérés alors la présence d’HTP et le risque de récidive. Dans certains cas (taille centimétrique et cirrhose sévère) et en l’absence de symptômes une surveillance semble légitime

Les polypes de plus de 20 mm devront être réséqués en prenant en compte le risque important de récidive, notamment chez les patients cirrhotiques, qui nécessiteront une surveillance régulière (14,21,22). Après la résection un contrôle à 3 mois, 6 mois et un an est nécessaire avec la poursuite de la surveillance de la muqueuse gastrique à proximité et à distance.

Les hamartomes

Un hamartome est défini par une excroissance de tissu normal dans sa localisation habituelle native. Les hamartomes gastriques sont des polypes impossibles à distinguer des polypes hyperplasiques (22). Ces polypes peuvent atteindre une taille significative et créer, même dans l’estomac, des occlusions (23). Dans les formes sporadiques ils sont souvent uniques au contraire des polyposes où ils sont multiples et de taille différentes. Leur transformation est extrêmement rare, relatée dans quelques cas publiés (24).

La présence de multiples polypes de type hamartome doit donc faire rechercher une maladie génétique : la polypose juvénile, le syndrome de Peutz Jeghers, le syndrome de tumeur hamartomateuse ou maladie de Cowden (PTEN).

Il existe quelques caractéristiques anatomopathologiques qui permettent d’orienter le diagnostic vers ces différentes maladies :

  • un polype de Peutz-Jeghers présente des cordons de musculaire muqueuse arborisés. Il est vrai que dans l’estomac l’aspect typique peut manquer et il est alors difficile de les distinguer de polypes hyperplasiques. Dans cette maladie le risque cumulé de cancer gastrique est de 29 %.
  • dans un polype juvénile, la surface est ulcérée, le stroma est abondant, œdémateux et Il est possible de faire une immunohistochimie avec l’anticorps anti-SMAD4 qui n’est pas exprimé dans environ 50 % des polypes juvéniles en lien avec une mutation germinale de SMAD4 ;
  • dans la maladie de Cowden, l’aspect est très polymorphe et non spécifique, ressemblant à un polype hyperplasique dans l’estomac.

Il est donc nécessaire de les identifier par des biopsies, de réséquer les plus larges (supra centimétriques), de connaitre ces maladies génétiques et leur phénotype pour dépister les maladies associées et proposer au patient une prise en charge cohérente, une surveillance adaptée et un dépistage des apparentés.

Les adénomes

Les adénomes gastriques sont des lésions pré cancéreuses au même titre que les adénomes coliques. Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Ils se développent majoritairement dans l’antre et dans 3 principales circonstances : au sein d’une gastrite atrophique (surtout gastrite auto immune, métaplasie intestinale) ou dans le cadre de maladie génétique syndromique (cf. tableau) (6). Leur prévalence est variable en fonction des régions du globe (de 3 à 25 %), clairement plus importante en Asie qu’en Europe (1) ou Amérique du Nord.

Les adénomes gastriques suivent la même séquence de transformation de la dysplasie de bas à haut grade et jusqu’au cancer. Les caractéristiques histologiques permettent de distinguer les adénomes provenant d’une métaplasie intestinale des adénomes développés aux dépens des glandes de type gastrique pylorique.

Leur aspect endoscopique est similaire aux adénomes coliques avec une morphologie devant être appréciée selon la classification de Paris (cf. photos 4). L’examen endoscopique en lumière blanche et en chromo-endoscopie virtuelle (NBI ou LCI) est recommandé (20). Il s’attache à rechercher des zones de dysplasie (dyschromie, architecture glandulaire irrégulière, zone pseudo nodulaire) et surtout des arguments pour un cancer (disparition de la trame vasculaire, zone ulcérée). Les biopsies risquent de sous-estimer le degré de dysplasie, les zones les plus suspectes peuvent êtres biopsiées avec parcimonie en raison de la nécessité absolue ensuite de recourir à une résection endoscopique. En cas de doute, et en l’absence de critères d’infiltration profonde, il est préférable d’adresser le patient en centre expert pour la résection. Cette résection doit être préférentiellement monobloc, peut être réalisée par mucosectomie si la lésion est inférieure à 2 cm, en privilégiant une résection par dissection pour les lésions de plus de 2 cm.

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Photo 4

Photos 4

Le développement des résections endoscopiques et des conservations gastriques engendre de facto la nécessité d’une surveillance en raison du risque de cancer métachrone, ce risque est moindre en Europe que dans la population asiatique.

Parallèlement à la résection, la recherche et l’éradication d’Hp sont nécessaires pour éviter l’apparition de cancers métachrones (26). La littérature est riche d’études asiatiques, l’une d’entre elles montrant que le risque d’apparition de cancer après la résection d’un adénome gastrique en dysplasie de bas grade n’est pas significativement différent de celui décrit après la résection d’un adénome de haut grade ou d’un cancer précoce (27). La surveillance endoscopique gastrique après résection d’une lésion dysplasique sera annuelle après un premier contrôle entre 3 et 6 mois.

Les polypes non épithéliaux

Les xanthelasma

Ce sont des lésions rares de l’estomac. Leur prévalence est estimée entre 0,3 et 7 % en fonction des études et des populations (28). Décrits préférentiellement dans l’antre, ils sont asymptomatiques. Leur aspect macroscopique correspond à des lésions blanchâtres ou ocres planes ou avec un léger relief, arrondies, de quelques millimètres à une dimension centimétrique.

Sur le plan anatomopathologique les critères diagnostiques sont : de larges cellules spumeuses contenant une combinaison de lipides tels que du cholestérol et des lipoprotéines de bas poids moléculaire. La plupart de ces larges cellules sont des histiocytes (29).

Comme les polypes hyperplasiques, les xanthelasma se développent sur une muqueuse gastrique sous-jacente inflammatoire et ou pré-néoplasique telle qu’une gastrite chronique avec métaplasie intestinale, une gastrite atrophique, des ulcères ou des altérations muqueuses induites par un reflux biliaire secondaire à une gastrectomie partielle. Ils peuvent être associés à la présence d’Hp et persistent après son éradication.

Dans la large étude japonaise (28) incluant 1 823 patients avec 107 xanthelasma (prévalence de 5,9 %) les facteurs significativement liés à la présence des xanthelasma étaient l’âge supérieur à 65 ans, le genre masculin, la présence d’une atrophie gastrique et un diabète. Dans le suivi de cette population asiatique, 29 personnes ont présenté un cancer gastrique superficiel (1,6 %) dont 15 des 107 patients de la sous population des xanthelasma, soit 14 %. L’analyse identifiait la présence de xanthelasma comme élément prédictif de l’apparition d’un cancer même dans le sous- groupe à haut risque associant atrophie gastrique et diabète.

Les Polypes fibroïdes

Les polypes fibroïdes (ou fibro-inflammatoires, ou tumeurs de Vanek) sont des lésions rares du tractus digestifs (1 %). Ils se développent sur le versant sous muqueux et sont donc recouverts d’une muqueuse gastrique normale (cf. photos 5). Ils peuvent également prendre un aspect pseudo tumoral ulcéré (30). La localisation la plus courante est antrale. Leur identification est difficile en endoscopie en raison de leur aspect de lésion sous muqueuse. Les biopsies en surface sont souvent non contributives, ne notant qu’une muqueuse gastrique inflammatoire. La résection est souvent nécessaire en raison des difficultés diagnostiques ou en cas de symptômes de type hémorragie ou occlusion sur des lésions de grande taille obstruant le pylore. L’analyse histologique correspond à une lésion siégeant dans la sous-muqueuse avec présence de cellules fusiformes sans atypie au sein d’un stroma myxoïde renfermant un infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles.

Photo 5

Photo 5

A : Aspect endoscopique d’un polype fibroide inflammatoire dans l’antre en lumière blanche.
B : Faible et fort grossissement d’un polype fibroide : la lésion siège dans la sous-muqueuse avec présence de cellules fusiformes sans atypie au sein d’un stroma myxoïde renfermant un infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles.

Photos 5

Certaines mutations du gène PDGFRA (retrouvé dans les GIST) sont sur exprimées dans les polypes fibro-inflammatoires (31), avec un potentiel pathogénique vraisemblable. Sur le plan immuno histochimique ils n’expriment pas le KIT mais le CD34.

Ces polypes se développent préférentiellement sur une muqueuse atrophique ou inflammatoire, nécessitant donc la recherche d’Hp.

Les autres polypes non épithéliaux

Les tumeurs stromales (GIST)

Les GIST gastriques peuvent s’identifier sous la forme de polype car bombant parfois dans la lumière gastrique. Les GIST gastriques de grande taille, peuvent être révélées par des douleurs ou des épisodes d’hémorragie ou encore fortuitement. Entité à part entière, leur diagnostic et prise en charge spécifique ne sont pas différents des autres sièges de développement dans le tractus digestif, et bien décrits dans le TNCD.

Les pancréas ectopiques

Ces lésions d’allure sous muqueuse sont souvent infra-centimétriques, développées dans l’antre, recouvertes d’une muqueuse normale avec une zone ombiliquée au centre. Très souvent unique, le diagnostic de certitude repose sur des biopsies qui permettent d’authentifier en histologie la présence de tissu pancréatique normal. Ils sont très souvent asymptomatiques mais peuvent être la cause, pour des lésions volumineuses, d’hémorragies digestives hautes.

Les polypes gastriques sont des lésions fréquemment rencontrées durant les endoscopies digestives hautes et ne doivent pas être sous-estimés. Ils doivent être en effet considérés principalement en raison de leur risque néoplasique pour les adénomes et les larges polypes hyperplasiques, mais aussi par l’orientation de maladies génétiques associées dans le cadre des polyposes. Certains comme les polypes hyperplasiques, les xanthélasma et les adénomes nous signifient également clairement une gastropathie sous-jacente qu’il est nécessaire d’authentifier et de surveiller.

Références

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