Cholangiocarcinome hilaire : quelle prise en charge endoscopique ?

POST'U 2023

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications de la gastro-entéro-anastomose sous échoendoscopie
  • Connaître le matériel indispensable à la procédure
  • Connaître les différentes modalités techniques de la procédure
  • Connaître les techniques endoscopiques de rattrapage en cas de complication

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Les 5 points forts

  1. La prise en charge des patients avec un cholangiocarcinome péri-hilaire doit être réalisée au sein d’un centre expert incluant radiologues, gastro- entérologues, endoscopistes interventionnels, chirurgiens digestifs et oncologues.
  2. Une preuve anatomopathologique est indispensable en cas de non résécabilité sur le bilan initial si une chimiothérapie est envisagée (situation néo-adjuvante ou palliative).
  3. Un bilan pré-thérapeutique morphologique standardisé incluant scanner thoraco-abdominopelvien triphasique et IRM hépatique avec séquences de cholangio IRM est indispensable pour évaluer la résécabilité et préciser les modalités du drainage.
  4. Le drainage biliaire n’est jamais une urgence en dehors de l’angiocholite. Il convient de privilégier l’abord endoscopique par voie rétrograde (CPRE) ou par échoendoscopie thérapeutique (EUS-BD) à l’abord percutané transhépatique, pour diminuer le risque de dissémination tumorale en cas de tumeur résécable et pour optimiser le confort chez les patients non opérables.
  5. Seules la résection chirurgicale R0 et la transplantation hépatique permettent d’obtenir une survie prolongée : la chirurgie doit toujours être discutée chez les patients non métastatiques.

Lien d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec sa communication

Mots-clés

Multidisciplinarité, drainage endoscopique, résécabilité

Définition et diagnostics différentiels

Le cholangiocarcinome est une tumeur primitive maligne développée à partir de l’épithélium biliaire, correspondant à un adénocarcinome dans plus de 90 % des cas, pouvant être intra- ou extra-hépatique. Ce cancer touche préférentiellement les hommes (sexe-ratio 2) et survient le plus souvent après 60 ans (1).

S’il reste rare (2-3 % des cancers digestifs, 10-15 % des cancers primitifs hépato-biliaires), son pronostic n’en demeure pas moins sombre compte tenu d’un diagnostic souvent tardif à un stade localement avancé, avec des taux de survie à 1 et 5 ans respectivement de 25 % et 7 % (2).

Certains facteurs de prédisposition bien connus ne permettent d’expliquer que 5 à 10 % des cholangiocarcinomes : les causes d’inflammation chronique des voies biliaires (la cholangite sclérosante primitive, la lithiase biliaire, la cholangite bactérienne récidivante et les infections parasitaires), les malformations congénitales (le kyste du cholédoque, la fibrose hépatique congénitale, le syndrome de Caroli et les anomalies de la jonction bilio-pancréatique), les maladies chroniques du foie (les hépatites virales B et C, le syndrome métabolique, la papillomatose et la cirrhose) et le tabagisme.

Le cholangiocarcinome péri-hilaire (CPH), également appelé tumeur de Klatskin, correspond aux cholangiocarcinomes extra-hépatiques atteignant   à la fois le canal hépatique commun et la convergence biliaire supérieure. Il représente 50 % à 60 % des cholangiocarcinomes extra-hépatiques. Les autres tumeurs malignes péri-hilaires sont représentées par les tumeurs intra-hépatiques envahissant le hile et dont la prise en charge est similaire à celle des CPH.

Avec 90 % de lésions hilaires tumorales, les diagnostics différentiels du cholangiocarcinome péri-hilaire sont rares. Cependant, ces derniers étant bénins, ils doivent systématiquement être évoqués devant un tableau d’ictère associé à une atteinte péri-hilaire sur le bilan morphologique, compte tenu de l’enjeu thérapeutique. Les diagnostics différentiels à éliminer sont la cholangite sclérosante, le syndrome de Mirizzi, la cholangite auto- immune à IgG4, la cholangite à éosinophiles, l’échinococcose alvéolaire.

La présentation clinique, bien qu’aspécifique, est le plus souvent représentée par un ictère d’apparition progressive, associé ou parfois précédé d’un prurit. Un tableau d’altération de l’état général avec un amaigrissement parfois important s’installe ensuite rapidement.

Classifications

Plusieurs classifications sont disponibles pour la caractérisation des CPH.

La plus ancienne et toujours la plus utilisée, est celle de Bismuth et Corlette, publiée en 1975 puis en 1992 (5) (figure 1). Cette classification n’est basée que sur le niveau proximal d’extension endo-biliaire de la tumeur. Sa principale limitation est qu’elle ne prend pas en compte l’éventuelle atteinte vasculaire associée, sous-estimant ainsi l’extension tumorale chez près d’un tiers des patients. Très simple d’utilisation, elle ne permet cependant pas à elle seule de prédire la résécabilité.

Figure 1 : Classification des cholangiocarcinomes selon Bismuth et Corlette

Figure 1 : Classification des holangiocarcinomes selon Bismuth et Corlette
Type I : lésion atteignant le plancher de la convergence ; persistance d’une communication foie droit/foie gauche
Type II : lésion atteignant le toit de la convergence ; absence de communication foie droit/foie gauche
Type IIIa : lésion de la convergence envahissant les canaux biliaires secondaires à droite
Type IIIb : lésion de la convergence envahissant les canaux biliaires secondaires à gauche
Type IV : lésion de la convergence envahissant le canal biliaire droit et le canal biliaire gauche avec atteinte bilatérale des canaux biliaires secondaires

La classification de l’équipe de Zurich établie en 2011, prend en compte la taille de la tumeur, les envahissements biliaire, vasculaire artériel et portal, ganglionnaire et métastatique, le volume du futur foie restant et l’existence d’une maladie chronique du foie sous-jacente. Malgré son caractère exhaustif, elle demeure peu utilisée en pratique courante (6).

L’équipe de Rennes en 2013 a proposé la classification XY, plus simple et pragmatique, qui repose sur l’atteinte de la confluence des canaux biliaires des segments II et III au niveau du lobe gauche (7) (figure 2). Le type X fait référence aux cancers péri-hilaires envahissant les segments B2-B3, quelle que soit leur étendue à droite et rarement résécables : hépatectomie gauche étendue au segment antérieur droit et au segment I (nécessite un canal sectoriel postérieur droit de longueur suffisante pour obtenir une marge carcinologique satisfaisante). Le type Y fait référence aux cancers péri- hilaires épargnant la convergence des voies biliaires du lobe gauche (segments II et III, B2-B3) et qui sont toujours résécables : hépatectomie droite élargie aux segments I et IV.

Enfin, la classification TNM-UICC-AJCC, dont la 8e édition en fait la plus récente (2017), constitue la classification de référence pour la standardisation du compte rendu anatomopathologique et définit plusieurs stades pronostiques (8).

Figure 2 : Classification XY de l’équipe de Rennes, basée sur l’atteinte de la confluence des canaux du lobe gauche (B2-B3)

Figure 2 : Classification XY de l’équipe de Rennes, basée sur l’atteinte de la confluence des canaux du lobe gauche (B2-B3)

Bilan pré-thérapeutique

Le bilan morphologique associe l’échographie, la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne (TDM TAP) triphasique et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) hépatique.

L’échographie est souvent l’examen initial réalisé devant la découverte de l’ictère cholestatique qui permet d’objectiver la dilatation des voies biliaires intra-hépatiques sans dilatation des voies biliaires extra-hépatiques.

La TDM TAP triphasique permet de localiser le niveau de l’obstruction biliaire et met parfois en évidence la tumeur lorsque celle-ci prend la forme d’une masse. Elle évalue également le parenchyme hépatique (dysmorphique ou non) et son volume, ainsi que l’existence d’adénopathies régionales. Son rôle déterminant est de permettre l’évaluation de l’atteinte vasculaire artérielle et portale, notamment par des séquences de reconstruction, qui guideront la stratégie thérapeutique. Une volumétrie hépatique TDM doit être réalisée dès lors qu’une hépatectomie majeure est envisagée.

L’IRM hépatique constitue l’examen de référence pour déterminer l’extension hépatique et biliaire, en précisant le niveau d’atteinte en amont et en aval et l’envahissement ou non des canaux biliaires secondaires. Elle doit impérativement comporter des séquences de cholangiographies (cholangio-IRM) et des séquences avec injection de gadolinium.

Le bilan d’imagerie en coupes doit toujours être réalisé avant tout drainage biliaire, qu’il soit radiologique ou endoscopique.

La réalisation d’une tomographie par émission de positons au 18F-fluorodésoxyglucose (TEP-FDG) est une option envisageable en complément de la TDM TAP s’il existe un doute concernant la présence de métastases à distance mais ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Sa sensibilité est faible en cas de cholangiocarcinome de type infiltrant et diminue en cas de cholangite sclérosante sous-jacente ou de prothèse biliaire plastique en place.

Les marqueurs sériques tumoraux ne sont pas spécifiques des cancers biliaires. Les plus utilisés sont l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) et le carbohydrate antigène (CA) 19-9. Le CA 19-9 a une sensibilité et une spécificité plus élevées, de l’ordre de 80 %, mais il est également élevé en cas d’obstruction biliaire bénigne.

Au terme de ce bilan pré-thérapeutique standardisé, il est indispensable de pouvoir statuer sur la résécabilité tumorale et donc de définir les contre-indications opératoires.

Principes du traitement chirurgical et contre-indications à la résection chirurgicale d’emblée

L’exérèse chirurgicale avec des marges saines (R0) et la transplantation hépatique constituent actuellement l’unique traitement curatif. En l’absence de métastases, ces options thérapeutiques doivent toujours être discutées au sein de centres experts. Cependant, en raison de la complexité des rapports anatomiques de la région péri-hilaire et des modalités d’extension du cholangiocarcinome (transversale et surtout longitudinale), le traitement chirurgical n’est possible que chez une faible proportion des patients au moment du diagnostic.

Le principe du traitement chirurgical repose sur la résection de la voie biliaire principale, de la convergence biliaire supérieure associée à une hépatectomie droite ou gauche, parfois élargie. Compte tenu de leur drainage biliaire à tous les niveaux du hile, les segments I et IVb doivent toujours être réséqués au cours du geste et un curage ganglionnaire (7 ganglions minimum) doit être associé.

Les contre-indications à la chirurgie d’un CPH sont listées dans le tableau 1.

Contre-indications formelles à la résection chirurgicale des CPH
  • Présence de métastases à distance
  • Présence de métastases hépatiques bilatérales
  • Envahissement d’adénopathies para-aortiques ou cœliaques (N2)
  • Envahissement vasculaire bilatéral
  • Hépatopathie sous-jacente : cirrhose et hypertension portale, atrophie hépatique
  • Comorbidités majeures
Contre-indications relatives à la résection chirurgicale des CPH : Optimisation pré-opératoire indispensable
  • Envahissement vasculaire (artère hépatique ou veine porte) controlatéral à l’atteinte biliaire
  • Volume du futur foie restant insuffisant sur volumétrie (< 30%) : discuter l’embolisation portale après drainage biliaire
  • Extension biliaire bilatérale avec atteinte des canaux biliaires secondaires : évaluation au cas par cas (marges requises 10-20 mm pour R0)

Tableau 1 : Contre-indications à la chirurgie dans le CPH

Il s’agit principalement de l’existence de métastases à distance ou hépatiques bilatérales, de l’envahissement vasculaire bilatéral, de l’envahissement des ganglions régionaux para-aortiques et cœliaques, d’une hépatopathie sous-jacente (cirrhose avec hypertension portale), d’un volume de foie restant estimé insuffisant et de l’existence de comorbidités sévères (9).

Certaines contre-indications dites relatives doivent être discutées de manière multidisciplinaire pour essayer « d’amener » le patient à une potentielle chirurgie et déterminer la stratégie de préparation préalable optimale. L’objectif étant d’obtenir des marges curatives R0, tout en évitant le risque d’insuffisance hépato cellulaire post résection, qui représente la première cause de mortalité post-opératoire (8-14 %) avec le sepsis. Pour permettre cela, une modulation volumétrique peut être effectuée par embolisation portale de la branche portale du foie qui sera réséquée. Elle doit alors être précédée d’un drainage biliaire indispensable pour permettre l’hypertrophie du futur foie restant dont le volume minimum doit correspondre à plus  de 30 % du foie total.

Concernant la transplantation hépatique, sa place est limitée aux patients de moins de 65 ans non métastatiques et en bon état général, chez qui la résection chirurgicale n’est pas possible en raison de l’extension bilatérale aux canaux biliaires secondaires (Bismuth IV). Elle est alors précédée d’une radio-chimiothérapie néoadjuvante selon le protocole de la Mayo Clinic (10).

La cœlioscopie exploratrice préalable au traitement chirurgical constitue un apport non négligeable du bilan de résécabilité, afin d’éliminer notamment une carcinose péritonéale. Bird N et al (11) ont ainsi montré sur une large cohorte de plus de 400 patients avec un diagnostic de CPH jugé résécable après bilan morphologique (incluant TDM et IRM avec séquences de cholangio), que 27 % d’entre eux ont finalement été récusé du traitement chirurgical en per-opératoire suite à la cœlioscopie exploratrice.

Indications d’une preuve anatomopathologique et modalités d’obtention

Plusieurs techniques endoscopiques peuvent être utilisées afin d’obtenir une preuve anatomopathologique, avec des rendements diagnostiques différents.

Un algorithme de démarche diagnostique endoscopique dans le CPH est proposé en figure 3.

Figure 3 : Algorithme de la démarche diagnostique endoscopique dans le CPH

Figure 3 : Algorithme de la démarche diagnostique endoscopique dans le CPH

Une confirmation histologique n’est pas obligatoire pour valider la prise en charge chirurgicale chez les patients présentant une tumeur jugée résécable sur le bilan pré-thérapeutique dans les recommandations actuelles. Elle demeure néanmoins hautement recommandée dès lors qu’il existe  un doute diagnostique ou sur un terrain à risque après évaluation chirurgicale notamment en cas de maladie chronique du foie sous-jacente (cirrhose). Rappelons en effet que 10 à 20 % des résections hépatiques à visée carcinologique sont réalisées à tort pour des lésions bénignes selon plusieurs  séries (12,13).

A contrario, en cas de non résécabilité initiale, une preuve histologique devient indispensable si un traitement par chimiothérapie est envisagé (traitement néo-adjuvant ou palliatif).

Compte tenu de son caractère infiltrant longitudinal, la preuve histologique au cours du CPH est parfois difficile à obtenir, notamment cas de cholangite sclérosante sous-jacente.

Le brossage biliaire réalisé au cours de la CPRE présente une sensibilité de 45 % et une spécificité de 99 % (14). Les biopsies endo-biliaires trans- papillaires réalisées au cours du même geste n’améliorent pas la sensibilité (48 %) malgré une spécificité également satisfaisante (99 %). Certains auteurs signalent néanmoins que la rentabilité des biopsies endo-biliaires est liée au nombre de biopsies réalisées avec un gain de sensibilité significatif au-delà de 5 prélèvements (15).

La ponction sous écho-endoscopie permet l’obtention d’un diagnostic histologique dans les formes nodulaires ou une masse est visible, mais sa rentabilité est moindre dans les CPH infiltrants. Son principal atout réside dans la détection et la ponction d’adénopathies régionales tumorales qui vont à la fois confirmer le diagnostic et modifier la stratégie thérapeutique (16).

En cas de projet de transplantation hépatique, la ponction sous écho-endoscopie est contre-indiquée par certaines équipes chirurgicales compte tenu du risque potentiel de dissémination tumorale le long du trajet de ponction (17).

Enfin, en l’absence de diagnostique histologique après recours aux techniques précédentes, l’utilisation de la cholangioscopie au cours d’une nouvelle CPRE permet une visualisation directe de la sténose et la réalisation de biopsies ciblées. Une seule étude prospective à ce jour, incluant un faible nombre de patients, objectivait une supériorité des biopsies réalisées sous cholangioscopie comparativement aux biopsies endo-biliaires sous fluoroscopie (18). Outre son apport sur le diagnostic histologique, la cholangioscopie permet de confirmer ou d’infirmer la stadification établie sur le bilan morphologique initial avec une modification dans la classification de Bismuth ayant intéressé 40 % des patients dans une étude (19).

Indications et modalités du drainage biliaire

Le drainage biliaire doit impérativement être réalisé après la réalisation du bilan pré-thérapeutique standardisé et notamment des imageries en coupes (TDM triphasique et IRM avec séquences de cholangio) après validation au cours d’une discussion pluridisciplinaire.

L’élaboration de cette stratégie thérapeutique est primordiale aussi bien pour valider l’indication du drainage que pour déterminer ses modalités.

Les indications du drainage biliaire au cours du CPH sont répertoriées dans le tableau (2).

Patient opérable : situation potentiellement curative
  • Angiocholite ou hyper-bilirubinémie > 150µmol/L
  • Hépatectomie droite envisagée
  • Modulation volumétrique (embolisation portale) : drainer le futur foie restant
Patient non opérable : situation palliative
  • Caractère symptomatique : angiocholite, prurit
  • Avant chimiothérapie

Tableau 2 : Indications du drainage endoscopique au cours du CPH

Le principal adage est de drainer les secteurs fonctionnels et idéalement tout secteur opacifié au cours de la procédure.

En situation palliative, le drainage biliaire est quasiment toujours indiqué, soit pour permettre l’initiation d’une chimiothérapie, soit à visée symptomatique exclusive chez les patients ne souhaitant pas recevoir ce traitement où dont l’état général ne le permet pas. Le choix du type de prothèse utilisée (plastique, métallique couverte ou non couverte) est libre même si le recours aux prothèses métalliques semble diminuer le taux d’angiocholite et de réinterventions en comparaison aux prothèses plastiques (20).

Chez les patients potentiellement opérables, en dehors de la survenue d’une angiocholite ou d’un ictère avec hyperbilirubinémie > 150 µmol/L, l’indication du drainage biliaire pré-opératoire est souvent en lien avec les modalités thérapeutiques choisies : drainage biliaire systématique avant hépatectomie droite et en cas de nécessité d’une modulation volumétrique (embolisation portale) car seul un foie drainé pourra s’hypertrophier.

Concernant les modalités du drainage biliaire au cours du CPH, le choix peut se faire entre la voie rétrograde endoscopique, percutanée transhépatique, voire écho-endoscopique transgastrique avec parfois une association nécessaire de ces techniques.

Un consensus d’experts américains en 2015 concluait qu’un drainage biliaire pré-opératoire était plus facilement réalisé par voie radiologique que par voie endoscopique (21). Plus récemment, deux études contrôlées randomisées ont comparé le drainage biliaire endoscopique et le drainage transhépatique percutané avant la résection chirurgicale pour CPH. La première étude américaine a été arrêtée en raison d’un manque d’inclusion, la seconde, néerlandaise, a été interrompue compte tenu d’une mortalité globale plus élevée dans le groupe drainage biliaire transhépatique percutané, sans montrer de différence entre les taux de complications post-drainage (22,23).

Les recommandations établies en 2021 par la société américaine d’endoscopie digestive (ASGE) concernant le drainage biliaire pour CPH, étaient similaires à celles de la société européenne d’endoscopie digestive (ESGE) de 2017 : privilégier un drainage radiologique à un drainage endoscopique chez les patients opérables (24). Ce choix était principalement basé sur le résultat d’une méta-analyse montrant qu’un succès du drainage biliaire était plus souvent atteint par voie percutanée transhépatique que par voie endoscopique, sans différence sur la survenue d’évènements indésirables ou de la mortalité à 30 jours (25).

Pourtant, une étude japonaise a observé un taux de survie globale supérieur chez les patients drainés en pré-opératoire par voie endoscopique comparativement à ceux drainés par voie percutanée transhépatique (26). En analyse multivariée, le drainage percutané transhépatique était un facteur prédictif indépendant d’une diminution du taux de survie globale, et un facteur de risque de dissémination tumorale métastatique.

L’ESGE a établi de nouvelles recommandations publiées en 2022 (27). Elle y recommande désormais le recours initial à un drainage biliaire endoscopique par cholangio-pancréatographie rétrograde (CPRE) ou par écho-endoscopie thérapeutique (EUS-BD) associée plutôt que percutanée transhépatique après échec d’une tentative de drainage par CPRE dans la prise en charge du CPH de type Bismuth III ou IV (recommandation   forte, niveau de preuve modéré). Elle précise également que le drainage biliaire par écho-endoscopie thérapeutique (EUS-BD) de type hépatico- gastrostomie devrait être réservé aux patients avec CPH non résécables présentant une dilatation biliaire des voies gauches (recommandation faible, niveau de preuve modéré).

Une étude prospective multicentrique publiée en 2021 a d’ailleurs comparé le drainage endoscopique combinant CPRE et EUS-BD au drainage bilatéral par voie percutanée. L’approche combinée endoscopique montrait un taux de récidive de l’obstruction biliaire à 3 et 6 mois plus faible que l’approche percutanée, sans différence sur la survenue d’évènements indésirables ou sur la mortalité (28).

Au cours du CPH, la seule urgence au drainage biliaire endoscopique est l’angiocholite. Lorsque le drainage en urgence est indispensable, il doit être réalisé a minima après la réalisation d’un TDM TAP triphasique, voire si possible d’une IRM hépatique avec séquences de cholangiographie. Si cette dernière n’a pu être effectuée avant le geste chez un patient ne présentant pas de contre-indication évidente à une potentielle chirurgie, l’utilisation de prothèse(s) plastique(s) et non métallique(s) en cas de recours à un drainage endoscopique doit être la règle afin de limiter les artéfacts lors de la réalisation du bilan standardisé pré-thérapeutique ultérieur pour permettre l’évaluation de l’extension biliaire et vasculaire.

Une récente étude multicentrique italienne incluant plus de 600 patients opérés pour CPH a montré le bénéfice d’un drainage biliaire réalisé en centre expert avec un taux d’échec de première tentative de drainage (radiologique ou endoscopique) de 36 % contre 52 % pour les autres centres (29). Cette même étude observait l’impact de la réussite de ce drainage puisque les patients en échec de premier drainage biliaire présentaient un taux de mortalité à 90 jours après la chirurgie significativement plus important.

Il ne semble pas exister de supériorité à un drainage biliaire bilatéral comparativement au drainage unilatéral dans le CPH non résécable (30).

Enfin, l’ablation par radiofréquence (RFA) intra-canalaire est à l’étude depuis plusieurs années dans la prise en charge du CPH non résécable. Une méta-analyse récente incluant 9 études a comparé plus de 200 patients traités par l’association RFA et drainage biliaire endoscopique à un groupe de patients traités par drainage biliaire endoscopique seul (31). On observait un allongement statistiquement significatif de la survie globale dans le groupe RFA de 9,5 mois versus 7 mois pour le groupe drainage endoscopique seul.

Conclusion

Le cholangiocarcinome péri-hilaire est une tumeur rare mais dont le pronostic demeure sombre avec une survie médiane inférieure à 6 mois en l’absence de tout traitement et de 12 mois en l’absence de chirurgie. Une survie prolongée n’est possible qu’en cas de résection chirurgicale avec des marges saines R0 mais cette dernière ne s’adresse qu’à une minorité de patients au moment du diagnostic. La complexité des rapports anatomiques  du hile hépatique et des modalités d’extension du cholangiocarcinome, nécessite une prise en charge multidisciplinaire au sein d’un centre expert.

Une preuve anatomopathologique du cancer est nécessaire sauf en cas de maladie résécable d’emblée et en l’absence de doute diagnostique. Celle-ci est obtenue par l’échoendoscopie avec ponction et/ ou la CPRE avec brossage et biopsies endobiliaires.

Le drainage biliaire est quasiment toujours nécessaire en contexte palliatif et souvent en situation curative chez les patients potentiellement opérables. L’abord endoscopique rétrograde doit être privilégié, parfois associé à un abord percutané transhépatique, voire échoendoscopique transgastrique en fonction des caractéristiques de la tumeur et des compétences locales.

Références

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Abréviations

ACE : antigène carcino-embryonnaire

ASGE : société américaine d’endoscopie digestive CA 19-9 : carbohydrate antigène 19-9

CPH : cholangiocarcinome péri-hilaire

CPRE : cholangiographie-pancréatographie rétrograde endoscopique ESGE : société européenne d’endoscopie digestive

EUS : écho-endoscopie

IRM : imagerie par résonance magnétique

RFA : ablation par radiofréquence intra-canalaire

TEP-FDG : tomographie par émission de positons au 18F-f