Comment bien réaliser une coloscopie diagnostique ?

POST'U 2023

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les critères de qualité de la coloscopie
  • Savoir quelle préparation colique utiliser et comment l’adapter aux situations cliniques
  • Savoir monter une coloscopie en limitant les risques et les boucles
  • Connaître et utiliser les outils et techniques qui améliorent le taux de détection d’adénome
  • Savoir autoévaluer sa pratique en coloscopie

Les 5 points forts

  1. Il est indispensable de connaitre et respecter les critères de qualité de la SFED à chaque étape de la coloscopie.
  2. Il faut sensibiliser le patient à la nécessité d’une bonne préparation colique afin d’en améliorer l’acceptabilité et d’optimiser le résultat.
  3. La maitrise des techniques de la coloscopie permet d’obtenir une complétude dans plus de 90 % des cas et d’en limiter les risques.
  4. L’autoévaluation est indispensable et repose sur la surveillance d’indicateurs de qualité dont le taux de détection des adénomes.
  5. Les outils technologiques améliorent les performances de la coloscopie mais ne se substituent pas au respect des critères de qualité.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en lien avec sa communication

Mots-clés

Critères qualités coloscopie ; Taux de détection des adénomes (TDA) ; Autoévaluation ; Intelligence-artificielle (IA)

Introduction

En France près de 1,5 million de coloscopies sont réalisées par an (1). En raison de ses capacités diagnostiques et thérapeutiques, la coloscopie est l’examen de référence dans l’exploration des pathologies coliques. Cependant la validité des résultats d’une coloscopie, comme pour tout autre examen, est dépendante du patient, de la pathologie explorée, de ses conditions matérielles de réalisation et bien sûr de l’opérateur (2,3). En permettant la détection et la résection précoce des adénomes, la coloscopie est l’outil incontournable de la prévention du cancer colorectal, problème majeur de santé publique avec plus de 43 000 cas par an en 2018 (4). La hantise du coloscopiste est alors le cancer colorectal d’intervalle – CCRi – (survenant entre 6 mois et 3 ans après une coloscopie jugée normale), dont plus de 75 % sont explicables par un défaut de procédure laissant des lésions méconnues ou incomplètement retirées lors de l’examen initial. Afin d’améliorer les pratiques et de limiter la part subjective de la coloscopie, des critères de qualité ont été établis, pour la coloscopie, pour la rédaction du compte-rendu [recommandations SFED (5,6)], ainsi que pour la préparation colique [recommandations spécifiques, (SFED-SFAR (Société Française d’Anesthésie Réanimation) (7), ESGE (8)]. Ces critères, différenciés en majeurs indispensables, et en mineurs souhaitables sont repris dans le tableau I.

 

Tableau 1

Tableau 1

L’hépato gastro-entérologue doit connaître, et veiller, au respect rigoureux de ces critères qualités indispensables et d’en assurer le suivi en s’aidant éventuellement d’outils nouveaux, avec pour objectif l’amélioration du service rendu au patient et une meilleure application en pratique clinique quotidienne.

Critères préopératoires

La consultation préalable est indispensable (critère majeur)

La consultation préalable à la coloscopie, est indispensable y compris pour les patients hospitalisés, celle-ci doit être réalisée dans plus de 90 % des coloscopies. Il est parfois possible de partager ce devoir d’information sous certaines conditions, chacun conservant sa propre responsabilité (recommandation SFED). Elle permet de :

  • Valider l’indication de l’examen (un taux d’indication adéquat > 90 % est un critère mineur) ;
  • Identifier les comorbidités et leurs traitements (pouvant notamment influer sur le choix de la préparation et ses modalités : diabète, Parkinson…) et le contexte familial ;
  • Organiser en collaboration avec les médecins anesthésiques, l’arrêt ou la modification des traitements anti thrombotiques ;
  • Expliquer les modalités pratiques de l’examen et de la préparation ;
  • Délivrer l’information sur le rapport bénéfices/ risques ;
  • Recueillir le consentement à l’examen ;
  • Raccourcir au maximum le délai entre un résultat positif d’un FIT et la réalisation de la coloscopie ;
  • Tracer l’information dans le dossier médical.

Les autres critères majeurs préopératoires…

La note d’information et le consentement signé du patient doivent figurer dans 90 % des dossiers.

La check-list doit être effectuée en salle d’endoscopie pour tout patient (100 %).

La préparation optimale…

La littérature rapporte 20 à 30 % de mauvaise préparation colique (9), impactant directement la qualité de l’examen, sa tolérance, sa sécurité, sa complétude et surtout le taux de détection des adénomes (TDA) (10,11). L’obtention d’une très bonne préparation, passe par une explication adaptée au patient, lors de la consultation préalable. Ce temps d’éducation thérapeutique, réalisé sous la responsabilité du médecin, avec l’aide éventuelle d’une infirmière, pourrait être encore amélioré par un suivi, via un smartphone (12). Cette étape permettra un choix personnalisé de la préparation (galénique), en veillant au respect des recommandations de prescriptions et de contre-indication : âge, état général, traitements, problèmes  cardiaques, hépatiques, rénaux, diabète. Toutes les préparations coliques peuvent donner des troubles électrolytiques et le choix du produit sera fonction de l’évaluation des facteurs de risque (tableau 2).

Tableau 2 : Troubles électrolytiques
Hypokaliémie NaP

Stock potassique bas. diurétiques

Hyponatrémie PEG
Dialysé, diurétiques. insuffisance cardlaque
Trop d’apports hypotoniques
Hypernatrémie NaP
Insuffisance rénale terminale, gastroparésie ? Impossibilité de réponse à la soif, vomissements Insuffisance cardiaque
Hyperphosphatémie NaP Surdosage Sujet âgé, IRC
Diminution de la motilité gastrique Insuffisance cardiaque ou hépatique Déshydratation
Traitements concormitants comme diurétiques
(IEC, Sartans, femme pour la néphropathie hyperphosphatémique)

(PEG : Polyéthylène Glycol NaP ; Fleetphosphosoda ; IEC ; Inhibiteur enzyme conversion)

 

La qualité de cette préparation sera évaluée, le plus objectivement possible, le plus souvent en France par le score de Boston le plus consensuel. Il  est calculé, segment par segment, après lavage-aspiration d’où l’intérêt manifeste d’une pompe de lavage, et sera éventuellement complété par une iconographie. Il est attendu ≥ 7, aucun segment ne devant être coté 1. Il apparaîtra sur le compte-rendu d’examen, dans plus de 90 % des cas (13). La majorité des études insistent sur la prise fractionnée « Split-dosing », améliorant la qualité de la préparation en réduisant l’intervalle de temps entre la fin de la prise du produit laxatif et l’examen (14), soit, selon les règles du jeûne préopératoire établies avec la SFAR, anesthésie deux à trois heures après l’ingestion de liquides clairs (sauf situations particulières perturbant la vidange gastrique : diabète, maladie de Parkinson, grossesse, …) (15,16). La prise fractionnée est supérieure en termes de tolérance, efficacité et observance (17) ; elle améliore significativement le TDA (et d’adénomes avancés) (18). Pourtant, ce type de préparation, qui doit être privilégié, se heurte souvent en pratique, non pas au patient qui l’accepte généralement (19), mais surtout à nos anesthésistes qui craignent une inhalation, malgré les études physiologiques sur la vidange gastrique de liquides clairs et les recommandations des sociétés savantes (20).

Il existe des facteurs prédictifs de mauvaise préparation colique : comorbidités, antécédents de chirurgie abdomino-pelvienne, constipation, traitement antidépresseur (21-22). L’optimisation de la préparation semble indiquée chez ces patients, mais en l’absence de modèles prédictifs ou d’algorithmes validés d’aides à la prescription, les habitudes de chacun couplées au lavage per endoscopique, aidé par une pompe de lavage, restent acceptables. Il conviendra d’être rigoureux sur sa décision de refaire ou non la coloscopie, les endoscopistes ayant les meilleures performances sont, en règle générale, les plus exigeants sur la qualité de la préparation colique (23,24).

Une restriction diététique (régime sans résidus) reste recommandée, pouvant être raccourcie à 24 ou 48 heures précédant l’examen. Ainsi, les recommandations SFED sont :

  • La qualité de la préparation doit être ≥ Boston 7 dans 90 % des cas (hors coloscopies d’urgence) et figurer dans le compte-rendu (critère majeur) ;
  • La préparation fractionnée doit être utilisée dans 90 % des cas (critère majeur) ;
  • L’accès à une pompe de lavage doit être possible dans 100 % des cas.

Critères peropératoires

Un travail d’équipe, autour d’un gastroentérologue formé…

D’apprentissage, long et difficile, la coloscopie, nécessite une étroite collaboration entre un médecin formé et expérimenté (25), et un(e) infirmier(e) aide endoscopiste formé(e), au mieux au sein d’une équipe. Après sa formation initiale dont la recommandation est d’avoir réalisé 200 coloscopies, 80 gestes d’hémostase endoscopique, 50 polypectomies, à la fin de son cursus de spécialité, l’endoscopiste entretiendra ensuite tout au long de sa carrière ses connaissances par le biais de sa formation post universitaire. Il en est de même pour nos infirmiers d’endoscopie, notamment par l’intermédiaire du GIFE. Cette collaboration en équipe est un facteur améliorant le TDA, notamment par le biais du compagnonnage (26), par la possibilité de mettre en place des programmes d’amélioration du suivi des critères de qualité [doublement des TDA dans une étude dijonnaise (27)], et par d’éventuelle participation à des études cliniques (28).

En France la majorité des coloscopies est réalisée sous anesthésie générale, améliorant l’adhésion et le confort de l’examen pour le patient et facilitant l’acte pour l’opérateur, mais l’impact de l’anesthésie sur le TDA n’a pas été montré (28).

La coloscopie doit être complète (avec visualisation des repères anatomiques spécifiques) dans 90 % des cas (critère majeur)

Une coloscopie est complète quand elle visualise la fossette appendiculaire et la valvule. L’intubation iléale garantit cette complétude et améliore les performances diagnostiques de l’examen, même si une publication montre que l’intubation iléale n’apparaît pas comme un facteur améliorant   le TDA, notamment à droite (29). La coloscopie est précédée par un toucher rectal avec un examen de la marge anale, et se termine par un examen attentif et soigneux de la partie basse du rectum, avec ou sans rétro vision. Plusieurs passages sont nécessaires, notamment au niveau des angles coliques, en modifiant l’insufflation, en s’aidant des technologies de sublimation des images (cf. infra), avec un temps de retrait moyen de plus de 6 minutes, ce temps de retrait est considéré comme un critère majeur par l’ESGE en cas de TDA faible (< 25 %).

Le temps d’intubation caecale est un indicateur de la difficulté technique de la coloscopie. Il est aussi corrélé à la fatigue de l’endoscopiste, à une baisse de la qualité de la coloscopie et ainsi à un taux de détection de polypes inférieurs à 10 mm, sans oublier l’augmentation des douleurs abdominales post coloscopiques et une augmentation du risque de complications (30).

Un opérateur doit maîtriser la technique de la réduction et de maintien des boucles, en maintenant l’endoscope libre et en facilitant sa progression, permettant ainsi une exploration rapide et complète, un cathétérisme éventuel de la dernière anse iléale et d’améliorer le positionnement pour un éventuel geste thérapeutique. L’endoscopiste doit connaître les principales boucles, rester vigilant à leur formation et doit maîtriser les méthodologies de réduction en s’aidant d’une compression externe ou d’un changement de position :

  • Boucle alpha sigmoïdienne réduite par aspiration et retrait en rotation horaire + pression FID en direction de l’épine iliaque gauche ;
  • Boucle alpha sigmoïdienne inversée réduite par aspiration et retrait en rotation anti-horaire + pression FID en direction de l’épine iliaque gauche ;
  • Boucle sigmoïdienne oméga réduite par retrait en aspiration, compression externe et avancer en rotation horaire ;
  • Passage de l’angle gauche par un retrait de l’endoscope en rotation horaire et compression conjointe du sigmoïde et de l’angle gauche ou mieux passage du patient en décubitus dorsal ou latéral droit ;
  • Boucle splénique inversée réduite par retrait en rotation anti-horaire et compression conjointe du sigmoïde et de l’angle gauche ;
  • Boucle du transverse réduite en redressant et « tassant l’endoscope » par compression conjointe du sigmoïde et du transverse ;
  • Passage de l’angle droit en direction du cæcum, en aspiration et en retrait dans l’axe de la lumière, en maintenant le transverse par une main en position épigastrique, maintien de l’angle gauche et parfois « une remontée » cæcale, souvent en position de décubitus dorsal…

L’utilisation des endoscopes à rigidité variable active et passive, d’utilisation simple, permet la réduction de la durée de l’examen complet, des changements de position du patient, des manœuvres de compression abdominale, de la dose des produits pour la sédation, et l’augmentation du pourcentage d’intubation cæcale réussie, mais les résultats ne sont pas significatifs (31).

La qualité de la préparation ne fait pas tout, la distension luminale est également essentielle pour une étude optimale, mais l’insufflation de gaz, entre 8 à 18 litres (32) occasionne douleurs et inconfort. La généralisation des insufflateurs à CO² permet d’améliorer la tolérance grâce à une résorption plus rapide (33). Par ailleurs l’insufflation peut aussi être remplacée par l’eau pour un coût optimal. La première description de coloscopie en immersion date de 1984 (34), utilisée alors pour faciliter la progression chez les patients ayant une maladie diverticulaire sévère. L’endoscopie   en immersion encore peu utilisée paraît prometteuse. Il existe 2 procédés techniques « water immersion » : injection d’eau par pompe péristaltique (1,7 à 10 ml/s), aspiration des poches d’air, aspiration de l’eau au retrait ou « water exchange » : injection d’eau et aspiration à la montée. Une revue récente de la littérature (35) conclut que :

  • La progression est facilitée, avec une intubation cæcale systématique, avec une longueur de 75 à 85 cm d’endoscope en moyenne. La progression se fait avec moins de boucles, un abdomen moins distendu et un côlon mieux préparé, en diminuant les besoins de sédation ;
  • Le TDA est alors augmenté de 16 %, la qualité de la préparation est significativement meilleure, notamment dans le côlon droit ;
  • La durée d’examen allongée, en moyenne d’une minute de plus ;
  • L’apprentissage de la coloscopie est simplifié et la progression des jeunes endoscopistes plus rapide.

Dans une étude rétrospective sur près de 2 000 coloscopies, les facteurs corrélés à une plus grande difficulté d’intubation cæcale sont l’âge supérieur à 70 ans et à une mauvaise préparation (Boston < ou = à 5), sans retrouver de rôle aux facteurs anthropométriques (BMI, masse grasse ou musculaire…) (36).

La fatigue de l’opérateur influe négativement sur la qualité de l’endoscopie comme le montre une étude chinoise sur plus de 34 000 coloscopies, avec une diminution des TDA lors des coloscopies réalisées après 10 actes, l’après-midi, les vendredis (37).

Le TDA doit être ≥ 25 % pour les coloscopies « primaires » et ≥ 45 % pour les coloscopies post-FIT (le taux de détection des polypes festonnés du côlon droit doit être ≥ 1 % – critère mineur)

Le taux de détection des adénomes (TDA), facile à calculer, est le marqueur le plus pertinent d’une exploration colique attentive et minutieuse et d’une coloscopie de qualité, tant pour les examens de diagnostic que ceux de dépistage. Il se doit d’être de 25 % (20 % chez la femme, 30 % chez l’homme) pour les coloscopies de dépistage chez les individus à risque moyen (3), et 45 % pour les coloscopies suivant un test immunologique   (FIT) positif (38). Le TDA est une valeur moyenne liée à l’opérateur. Chaque endoscopiste doit s’approprier ce paramètre et évaluer son niveau de performance. Le TDA apparaît donc comme le marqueur le plus pertinent d’une exploration attentive de la muqueuse et d’une coloscopie de qualité, très bien corrélé au risque de CCRi. Parmi les autres marqueurs pertinents il faut signaler le taux de détection des adénomes avancés (TDAA) car le traitement endoscopique précoce de ces lésions est le seul à avoir un réel impact à terme sur le risque de CCR ; Il en est de même du taux de détection des polypes festonnés du côlon droit (TDPFCP) car ces lésions sont susceptibles d’être à l’origine de 20 à 30 % des CCR (39) et sont mal détectées par le FIT.

Comment améliorer la détection…

Allonger les temps d’exploration, même dans les meilleures conditions techniques, ne compense pas totalement le défaut de détection, ainsi des outils se multiplient pour améliorer nos capacités :

  • Sur les endoscopes : l’utilisation de vidéo-coloscopes hautes définitions doit être la règle avec zoom dans l’idéal, en attendant les progrès dans l’extension du champ de vision, (Third Eye Panoramic Saneso 360 system).
  • Par la sublimation des images par la chromoendoscopie au colorant ou électronique. L’indigo carmin est surtout utile à la surveillance des patients avec syndrome HNPCC et aux colites inflammatoires (40) ; les données concernant les colorations virtuelles (chromoendoscopies électroniques : narrow band imaging d’oLympus – NBI –, le Linked color imaging – LCI – de Fuji) n’avaient pas jusqu’ici d’intérêt clairement documenté pour la détection de polypes sporadiques (36-39). Néanmoins, l’examen, notamment du côlon droit, au LCI semble intéressant.
  • En augmentant mécaniquement la surface de muqueuse explorée, les dispositifs de type capuchon («Add-on-device») peuvent être utilisés en population à risque moyen pour améliorer la détection lésionnelle [CAP, Endocuff (41)] Les dispositifs amovibles fixés à l’extrémité de l’endoscope («add-on-device») améliorent la détection lésionnelle mais il semble que ce bénéfice soit surtout significatif pour les opérateurs à TDA faible (< 25 %) ou moyen (< 35 %) dans le cadre des coloscopies issues du dépistage organisé du CCR pour lesquelles les objectifs de détection sont plus ambitieux (42). Dans le cadre des coloscopies, tout venant, ces méthodes, si elles augmentent les taux de détection, souvent de façon homogène tout au long du tractus colique, ne semblent profiter qu’aux bons détecteurs.
  • La solution serait d’améliorer notre seuil de visualisation par l’utilisation de l’intelligence artificielle (43). De multiples études montrent un apport majeur des algorithmes de lecture d’image per coloscopique tant dans la détection des polypes plans, dans l’augmentation des taux de détection des adénomes que dans le dépistage des carcinomes manqués au cours d’une coloscopie avec globalement des doublements des taux (44).

Traiter la lésion…

Une fois détectée la lésion doit être caractérisée et classée. La classification CONNECT (45) est un outil simple et reproductible, et peut être considéré aujourd’hui comme la référence. Cette classification est complémentaire à celle de PARIS. Elle permet d’identifier les lésions à ne pas réséquer (type IH ou polypes hyperplasiques), celles à réséquer de préférence en monobloc (type IS et IIA : polype festonné sessile et adénome simple), celles relevant d’une dissection sous-muqueuse (type IIC : adénomes à risque de cancer superficiel) et celles relevant d’emblée d’un geste chirurgical (type III : adénocarcinome profond) avec éventuellement un geste de guidage opératoire (tatouage, clip).

La résection incomplète de polypes serait à l’origine d’un quart des CCR d’intervalle (46). L’étude CARE (Complete Adenoma REsection study) montre que le taux de résidu adénomateux sur les berges d’une polypectomie est d’environ 10 % (47) ; (le risque de résection incomplète augmente avec la taille du polype ; il est plus élevé pour les polypes festonnés.

Plusieurs techniques de résection de polypes sont disponibles et il convient donc d’utiliser l’outil le plus approprié selon la taille et les caractéristiques de la lésion avec comme objectif une résection macroscopique et histologique complète. La SFED reprend les recommandations spécifiques européennes (48) : pince froide pour les polypes de moins de 3 mm, anse froide pour les lésions de 4 à 9 mm, anse diathermique au-delà et mucosectomie à chaque fois que nécessaire, avec un objectif de 80 % de résection à l’anse (froide ou diathermique) pour toute lésion de plus de   3 mm, au mieux monobloc.

La « pince chaude » doit être définitivement abandonnée : la récupération et l’étude histologique d’au moins 90 % (100 % ?) des polypes de plus de 5 mm réséqués constitue un critère mineur de qualité.

Critères post opératoires

Gestion des complications

Les principales complications pendant l’acte sont l’hémorragie ou la perforation, dont les prises en charge font l’objet de leurs propres recommandations. Il faut cependant y rajouter le risque majeur du cancer du côlon d’intervalle dont il faut se prémunir, il est intimement lié aux critères qualité de la coloscopie.

Remettre un compte rendu dès la sortie et programmer le suivi…

La SFED et le CNP HGE ont publié les critères qualité du compte rendu de coloscopie, celui-ci doit être établi avec le plus grand soin, il est intégré au dossier patient mais ne s’y substitue pas. Il doit être structuré, témoigner de la qualité de la prise en charge et être en accord avec les recommandations (49).

Un travail de thèse récent a étudié la qualité des comptes-rendus coloscopiques dans le cadre de la campagne de dépistage organisé, considérée comme satisfaisante dans presque trois quarts des cas et s’est améliorée au cours du temps entre 2015 et 2018, mais reste perfectible (notamment   sur la qualité de la préparation, les temps de retraits, la classification des polypes…). Par ailleurs, lorsqu’ils étaient disponibles, les principaux indicateurs de qualité de la coloscopie (score de Boston, taux de coloscopie complète, temps de retrait moyen, TDA) dépassent les seuils minimums recommandés par les sociétés savantes (50).

Une iconographie est conseillée, constituant une preuve supplémentaire médico-légale celle-ci permet également une éventuelle discussion en RCP sur les modalités de prise en charge d’une lésion polypoïde.

La surveillance post polypectomie, la prise en charge des éventuelles complications ainsi que le suivi, selon les recommandations, après récupération histologique définitive, doivent faire l’objet d’une traçabilité.

On peut s’attendre à une amélioration continue de la qualité du compte-rendu de coloscopie avec l’adoption plus large des nouvelles recommandations par la communauté gastroentérologique française, en particulier grâce à l’élaboration de ce type de programmes de formations spécifiques, comme démontré dans une étude de la Mayo Clinic (51). Certains pays ont dès à présent introduit l’utilisation de logiciels dédiés à la rédaction de comptes-rendus d’endoscopie standardisés (Royaume-Uni avec la solution ENDOBASE, Pays-Bas avec le système Endo ALPHA, développés par OLYMPUS®), afin de permettre, le respect et le suivi des indicateurs de qualité.

Savoir s’autoévaluer

Le principe de l’autoévaluation est indispensable à titre individuel et en équipe, et le sera probablement pour l’accréditation future des centres d’endoscopie (52). Elle permet de mesurer les écarts par rapport aux recommandations et d’envisager les mesures correctives.

Cette autoévaluation va concerner essentiellement les critères majeurs de qualité et notamment le TDA. Le TDA est facile à calculer, même dans la pratique quotidienne. Il peut être calculé par les centres de gestion dans le cadre du dépistage organisé mais en cas d’effectifs insuffisants, la SFED recommande un calcul sur au minimum 60 coloscopies de dépistage par praticien, plus le nombre de coloscopies est important, plus faible est la marge d’erreur.

Il est également recommandé de participer à une ou plusieurs revues de morbi-mortalité annuelles.

En conclusion

En conséquence, pratiquer une coloscopie diagnostique de qualité c’est :

  • Obtenir une bonne préparation au cours d’une consultation préalable, permettant l’éducation du patient ;
  • Améliorer l’acceptabilité de la préparation et de la coloscopie ;
  • Utiliser un coloscope de haute définition permettant une chromo endoscopie ;
  • Atteindre le cæcum dans plus de 90 % des cas ;
  • Optimiser la technique en limitant les boucles et en maîtrisant les compressions abdominales ;
  • Réaliser un examen muqueux minutieux, avec de multiples passages, voire en rétro vision, éventuellement aidé par les multiples outils mécaniques ou numériques à notre disposition ;
  • Caractériser les lésions retrouvées selon CONNECT et faire un rapport précis, et traiter les lésions, dans le même temps ou après l’avis d’un consultant ou d’une RCP appropriée, en utilisant la technique ablative la plus adaptée…
  • Évaluer son taux de détection des adénomes.

Ainsi, le « monitoring » des indicateurs de qualité a pour but de mesurer les écarts par rapport aux recommandations et de mettre en place les mesures correctives adaptées indispensables à la sécurité des examens diagnostiques et de dépistage.

Bibliographie

  1. Bernardini D, Bulois Ph, Barthet M, et al. « Une semaine de coloscopie en France » : résultats 2017 de l’enquête annuelle de la Société Française d’Endoscopie Digestive. Acta Endosc (2017) 47: 242-251.
  2. Denis B, Gendre I et Perrin Ph. Le programme français de dépistage organisé du cancer colorectal par Hemoccult™: bilan et enseignements. Hépato-Gastro et Oncologie Digestive 2017; 2: 142-51.
  3. Bretthauer M, Kaminski MF, Loberg M, et al. Population-based colonoscopy screening for colorectal cancer: a randomised clinical trial. JAMA Intern Med 2016; 176: 894-902.
  4. Defossez G, Le GuyaderPeyrou S, Uhry Z, Grosclaude P, Colonna M, Dantony E, et al. Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Synthèse. SaintMaurice : Santé publique France, 2019. 20 p.
  5. Lapuelle J, Bernardini D, Robaszkiewicz M, et al. Critères de qualité de la coloscopie. Recommandations du CNP-HGE et de la SFED. Hépato- Gastro et Oncologie Digestive 2019 ; 26: 15-28.
  6. Bernardini D, Lapuelle J, Chaussade S, et al. Critères de qualité du compte-rendu de la coloscopie – Recommandations du CNP-HGE et de la SFED. Hépato-Gastro et Oncologie Digestive 2019; 26: 29-33.
  7. Bulois P, Bazin JE, Lapuelle J, et al. Préparation colique et anesthésie générale position commune SFED/SFAR. Acta Endosc 2017; 47 :2-5.
  8. Hassan C, James East J, Radaelli F, et al. Bowel preparation for colonoscopy: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline – Update 2019. Endoscopy 2019; 51: 775-94.
  9. Besley J, Epstein O, Heresbach D. Systematic review oral bowel preparation for colonoscopy Aliment Pharmacol Their 2007; 25: 373-4.
  10. Froehlich F, Nietlesbach V, Gonvers JJ, Barnard B, Vader JP. Impact of colonic cleasing on quality and diagnostic yield of colonoscopy: the European Powel multicenter study. Gastrointest Endosc 2005; 61: 378-84.
  11. Hassan C, James East J, Radaelli F, et al. Bowel preparation for colonoscopy: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline – Update 2019. Endoscopy 2019; 51: 775-94.
  12. Peng Li, et al. Patient education by smartphones for bowel preparation before colonoscopy. – J Gastroenterol Hepatol 2022 Jul; 37(7): 1349-1359.
  13. Lai EJ, Calderwood AH, Doro SG. The Boston Bowel preparation scale: a valid and reliable instrument for colonoscopy oriented research. Gastrointest Endosc 2009; 69: 620-5.
  14. Siddique AA, Yang K, Spechler SJ. Duration of the interval between the completion of bowel preparation and the start of colonoscopy predicts bowel preparation quality. Gastrointestinal Endosc 2009; 69: 700-6.
  15. Bulois P, Bazin JE, Lapuelle J, et al. Préparation colique et anesthésie générale position commune SFED/SFAR. Acta Endosc 2017; 47: 2-5.
  16. Hassan C, James East J, Radaelli F, et al. Bowel preparation for colonoscopy: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline – Update 2019. Endoscopy 2019; 51: 775-94.
  17. Marmo R, Rotondamo F, Riccio G. Effective bowel cleansing before colonoscopy: a randomized study of split dosage versus non split dosage regimens of high-volume versus low-volume polyethylene glycol solution. Gastrointestinal Endoscopy 2010; 72: 313-20.
  18. Radaelli F, Paggi S, Hassan C, et al. Split- dose preparation for colonoscopy increases adenoma detection rate: a randomised controlled trial in an organised screening program. Gut 2017; 60: 270-7
  19. Unger RZ, Amstatz SP, Seoda H, Huffman M, Rex DK. Willinguess to undergro split dose bowel preparation for colonoscopy and compliance with split dose instructions. Dig dis sci 2010; 55: 2030-4.
  20. Huffman M, Unger RZ, Thatikonda C, Amstatz S, Rex DK. Split dose bowel preparation for colonoscopy and residual gastric fluid volume: an observational study. Gastrointest Endosc 2010 ; 72: 516-22.
  21. Gimeno-García A, Baute J, Hernandez G, et al. Risk factors for inadequate bowel preparation: a validated predictive Endoscopy 2017; 49: 536–543.
  22. Dick VK, Moons LMG, Hüyük M, et al. Predicting inadequate bowel preparation for colonoscopy in participants receiving split-dose bowel preparation: development and validation of a prediction score Gastrointest Endosc 2015; 81: 665-72.
  23. Lapuelle J, Abdini E, Canard JM, Coulom P, Croguennec B., Letard J.C., et al. Évaluation prospective multicentrique de la qualité de la préparation colique en coloscopie chez 1 019 patients. Gastroenterol Clin Biol 2009; 33: A180.
  24. Thomas-Gibson S, Rodgers P, Cooper S, Man R, Rutter MD, Suzuki N, et al. Judjement of the quality of bowel preparation at screening flexible sigmoidoscopy is associated with variability in adenoma dectection rats. Endocopy 2006; 38: 456-460.
  25. Matthew Mazurek, et al. Association Between Endoscopist Specialty and Colonoscopy Quality: A Systematic Review and Meta-analysis. – Clin Gastroenterol Hepatol 2022 Sep; 20(9): 1931-1946.
  26. James L Araujo, et al. Impact of Fellow Participation During Colonoscopy on Adenoma Detection Rates. – Dig Dis Sci 2022 Jan; 67(1): 85-92.
  27. Rémi Palmier, et al. Colonoscopy quality improvement intervention in an endoscopy unit. – Sci Rep 2022 Jan 17; 12(1): 817.
  28. Liang M, Zhang X, Xu C, Cao J and Zhang Z (2022). Anesthesia Assistance in Colonoscopy: Impact on Quality Indicators. Front. Med 9:872231.
  29. Buerger, et al. Ileal intubation is not associated with higher detection rate of right-sided conventional adenomas and serrated polyps compared to cecal intubation after adjustment for overall adenoma detection rate – BMC Gastroenterology (2019) 19:190
  30. Barclay RL, Vicari JJ, Doughty AS, Johanson JF, Greenlaw RL. Colonoscopic withdrawal times and adenoma detection during screening colonoscopy. N Engl J Med 2006; 355: 2533–4.
  31. Sola-Vera J, Uceda F, Brotons A, Sáez J, Girona E, Pérez E, et al. Does the use of a variable stiffness colonoscope offer advantages during colonoscopy under deep sedation? Results of a randomized trial. Eur J Gastroenterol Hepatol. 2011 Jul; 23(7):593-7. doi: 10.1097/ MEG.0b013e32834793d3. PMID: 21593674.
  32. GE Technology Assessment Committee, Maple JT, Banerjee S, Barth BA, et al. Methods of luminal distention for colonoscopy. Gastrointest Endosc 2013; 77: 519-25.
  33. Kim HG. Painless Colonoscopy: Available Techniques and Instruments. Clin Endosc 2016; 49: 444-8.
  34. Falchuk ZM, Griffin PH. A technique to facilitate colonoscopy in areas of severe diverticular disease. N Engl J Med 1984 ; 310 : 598.
  35. Claudee G, Koch S. La coloscopie en immersion : le gaz ou l’eau a tous les étages. Hépato Gastro 2018; 25: 607-612. doi: 10.1684/ hpg.2018.1629.
  36. Kim HY. Cecal intubation time in screening colonoscopy. Medicine 2021; 100:19.
  37. Zhiyu Dong, et al. Negative Effects of Endoscopists’ Fatigue on Colonoscopy Quality on 34,022 Screening Colonoscopies – J Gastrointestin Liver Dis, September 2021 Vol. 30 No. 3: 358-365.
  38. Robertson DJ, Lee JK, Boland CR, et al. Recommendations on fecal immunochemical testing to screen for colorectal neoplasia: a consensus statement by the US Multi-SocietyTask Force on colorectal Gastrointestinal Endosc 2017; 85: 2-21.
  39. East JE, Vieth M et Rex DK. Serrated lesions in colorectal cancer screening: detection, resection, pathology and surveillance. 2015; 64: 991-1000.
  40. Pohl J, Schneider A, Vogell H, et al. Pancolonic chromoendoscopy with indigo carmine versus standard colonoscopy for detection of neoplastic lesions: a randomised two-centre trial. Gut 2011; 60: 485-90.
  41. Karsenti D, Tharsis G, Perrot B, Cattan P, Tordjman G, Venezia F, et al.. Adenoma detection by Endocuff-assisted versus standard colonoscopy in routine practice: a cluster-randomised crossover trial – Gut 2020 Dec; 69(12): 2159-2164.
  42. Williet N, Tournier Q, Vernet C, et al. Effect of Endocuff-assisted colonoscopy on adenoma detection rate: meta-analysis of randomized controlled trials. Endoscopy 2018; 50: 846-80.
  43. Joseph J, LePage EM, Phillips Cheney C, Pawa R. Artificial intelligence in colonoscopy – World J Gastroenterol 2021 August 7; 27(29): 4802-4817.
  44. Michael B. Wallace, et al. Impact of Artificial Intelligence on Miss Rate of Colorectal Neoplasia – Gastroenterology 2022; 163: 295–304.
  45. Brule C, Pioche M, Albouys J, Rivory J, Geyl S, Legros R, et al. The COlorectal NEoplasia Endoscopic Classification to Choose the Treatment classification for identification of large laterally spreading lesions lacking submucosal carcinomas: A prospective study of 663 lesions. United European Gastroenterol J. 2022 Feb;10(1):80-92. doi: 10.1002/ueg2.12194. Epub 2022 Jan 28. PMID: 35089651; PMCID: PMC8830277.
  46. Pohl H, Srivastava A, Bensen SP, et al. Incomplete Polyp Resection During Colonoscopy—Results of the Complete Adenoma Resection (CARE) Gastroenterology 2013; 144: 74-80.
  47. Ferlitsch M, Alan Moss A, Cesare Hassan C, et al. Colorectal polypectomy and endoscopic mucosal resection (EMR): European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Clinical Guideline. Endoscopy 2017; 49:270-97.
  48. Ferlitsch M, Moss A, Hassan C, Bhandari P, Dumonceau JM, Paspatis G, et al. Colorectal polypectomy and endoscopic mucosal resection (EMR): European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Clinical Guideline. Endoscopy 2017;49(3):270-97.
  49. Bernardini D, Lapuelle J, Chaussade S, Robaszkiewicz M. Critères de qualité du compte rendu de coloscopie – CNPHGE / SFED Hépato- Gastro et Oncologie Digestive 2019 ; 26: 29-33.
  50. David Deutsch. Qualité du compte-rendu de coloscopie dans le cadre du programme de dépistage organisé du cancer colorectal de Paris entre 2015 et 2018. Médecine humaine et pathologie. 2019. ffdumas-03143916f.
  51. Coe SG, Panjala C, Heckman MG, Patel M, Qumseya BJ, Wang YR, et al. Quality in colonoscopy reporting: an assessment of compliance and performance improvement. Dig Liver Dis Off J Ital Soc Gastroenterol Ital Assoc Study Liver 2012 Aug; 44(8): 660–4.
  52. Rumi Shin, et al. Guidelines for accreditation of endoscopy units: quality measures from the Korean Society of Coloproctology – Ann Surg Treat Res 2021;100(3): 154-165.

Abréviations

TDA : Taux de détection des adénomes

IA : Intelligence-artificielle

CCRi : cancer colorectal d’intervalle

BMI : body mass index

FIT : test immunologique fécal

TDAA : taux de détection des adénomes avancés