Consensus en hypertension portale : Baveno VII

POST'U 2023

Synthèses des nouvelles recommandations

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. L’hypertension portale (HTP) cliniquement significative se caractérise par la présence d’au moins un des critères suivants : une ascite y compris uniquement radiologique, une circulation collatérale, une mesure de l’élasticité ≥ 25 kPa (hors obésité), la présence de varices oesogastriques quel que soit le grade et le Child-Pugh, ou un gradient d’HTP ≥ 10mmHg.
  2. Une mesure de l’élasticité ≤ 15 kPa avec un taux de plaquettes ≥ 150 000 mm3 permet d’exclure une HTP cliniquement significative.
  3. Les béta-bloquants non cardio-sélectifs sont indiqués chez les patients compensés avec HTP cliniquement significative pour prévenir la survenue d’une décompensation, et chez ceux ayant une ascite clinique pour prévenir une hémorragie en cas de varices quelle que soit leur grade. Le carvedilol est plus efficace que le propranolol ou le nadolol.
  4. En cas de cirrhose, les anticoagulants sont indiqués si thrombose du tronc porte non tumorale datant de moins de 6 mois complète ou partielle
    (> 50%) ou en cas de thrombose symptomatique ou chez les candidats à la transplantation hépatique.
  5. Les anticoagulants oraux directs peuvent être prescrits chez les patients atteints de cirrhose Child-Pugh A ou avec prudence pour le Child-Pugh B.

Liens d’intérêt

Gilead, Ipsen, Roche. Pas de lien d’intérêt avec le travail

Mots-clés

Hypertension portale, cirrhose, thrombose porte

Introduction

La première réunion de consensus dédiée à l’hypertension portale (HTP) a eu lieu à Baveno en 1986. Les recommandations ont ensuite été révisées tous les 5 ans. A la suite de la 7ème réunion d’octobre 2021, la version VII a été publiée dans J Hepatol en janvier 20221. Les grades de recommandation sont rappelés en annexe 1. Ce Post U rappelle quelques acquis de BavenoVI, reprend les points clefs et/ou nouveaux du texte original de BavenoVII et apporte quelques éléments de publications récentes qui viennent étayer les recommandations.

Baveno VII distingue 4 situations pathologiques non exclusives les unes des autres : la maladie chronique avancée du foie (Hépatopathie chronique avancée compensée (HCAc)), la cirrhose (compensée, décompensée, re-compensée), la thrombose veineuse splanchnique (Budd-Chiari, thrombose porte), et la maladie vasculaire porto-sinusoïdale (MVPS).

En présence d’une HCAc ou d’une cirrhose

Glossaire à connaître

  • Hépatopathie chronique avancée compensée (HCAc) (traduction de Compensated advanced chronic liver disease) : La notion de maladie chronique du foie avancée n’ayant jamais décompensé, souligne le caractère de continuité de la fibrose sévère F3 vers la cirrhose F4, mais également son potentiel régressif en fonction de l’existence ou non d’une maladie du foie chronique active ou non contrôlée. De ce fait, comme souligné dans Baveno VI, les termes HCAc et cirrhose compensée ne sont pas tout à fait équivalents.
  • Hypertension portale cliniquement significative (HTPCS) : (traduction de Clinical significant portal hypertension) : La notion d’hypertension portale (HTP) cliniquement significative définie dans Baveno VI joue un rôle majeur dans Baveno VII. Le gold standard du diagnostic reste la mesure du gradient porto-cave ≥ 10 mmHg, par cathéter à ballonnet gonflable sans anesthésie (A1). En pratique c’est rarement possible de le faire sauf en centres experts. D’un point de vue clinico-radiologique, ce terme recouvre de manière indépendante la présence d’ascite dont l’ascite uniquement radiologique, ou la présence de varices oeso-gastriques quelle que soit leur taille, avec ou sans signe rouge et quel que soit le score de Child-Pugh, ou la présence de dérivations porto-systémiques (ex : veine para-ombilicale, dérivation spléno-rénale…), ou la mesure d’une élasticité ≥ 25 kPa. La splénomégalie à elle seule n’est pas considérée comme un signe d’HTPCS.
  • Décompensation : Elle comprend la survenue d’ascite clinique ou d’hydrothorax (albumine sérique – albumine ascite > 11 g/L), ou d’encéphalopathie grade ≥ 2 selon West-Haven, ou d’une hémorragie par rupture de varices oeso-gastriques (B1). L’ictère n’est pas un signe de décompensation mais d’insuffisance hépatique
  • Recompensation : Elle découle de la possibilité de régression de la fibrose et de l’HTP dans certaines Cela suppose l’éradication ou le parfait contrôle de la cause de la maladie du foie (par exemple en cas de réponse virologique soutenue dans l’hépatite C, mais une régression de la fibrose est également possible dans la NASH et l’hépatite autoimmune) (A1), l’absence de diurétiques, de lactulose ou de rifaximine, l’absence d’hémorragie depuis au moins 1 an et une fonction hépatique stable (albumine, INR, Bilirubine). (C2)
Annexe 1 : Grade des recommandations selon la HAS
Grade des recommandations Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature
A – Preuve scientifique établie Niveau 1

  • essais comparatifs randomisés de forte puissance ;
  • méta-analyse d’essais comparatifs randomisés ;
  • analyse de décision fondée sur des études bien menées.
B – Présomption scientifique Niveau 2

  • essais comparatifs randomisés de faible puissance ;
  • études comparatives non randomisées bien menées ;
  • études de cohortes.
C – Faible niveau de preuve scientifique Niveau 3

  • études cas-témoins.
Niveau 4

  • études comparatives comportant des biais importants ;
  • études rétrospectives ;
  • séries de cas ;
  • études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale).
D – Accord d’experts Pas de niveau de preuve

 

L’élastométrie hépatique mesurée par élastographie impulsionnelle (FibroScan®) prend une place clef pour dépister les patients à risque de première décompensation ou de décès2 (A1)

L’élastométrie impulsionnelle (FibroScan®) utilise une onde de cisaillement stable et contrôlée de 50 Hertz ce qui fait d’elle la technique parfaitement reproductible de référence. Les risques de décompensation et de décès liés au foie sont étroitement liés à l’HTP et existent dès le stade d’HCAc (A1). Dans Baveno VI, une élasticité < 20 kPa associée à des plaquettes > 150 G/L permet d’exclure la présence de varices oeso-gastriques à risque hémorragique (varices oesophagienne ≥ grade 2 ; ou varices de grade 1 avec signes rouges ou associées à un score Child-Pugh C) avec un risque d’erreur suffisamment faible pour être acceptable et éviter une endoscopie qui ne déboucherait pas sur une prévention primaire d’hémorragie. Dans la continuité de Baveno VI, Baveno VII renforce la place de l’élastométrie hépatique dans l’évaluation de l’HTPCS et la prédiction d’une HCAc. Elle doit être réalisée à jeun, n’est pas réalisable en présence d’ascite et peut être surestimée en cas de perturbation importante des tests hépatiques. Pour pallier le risque de faux positifs d’HCAc, la première élastométrie ≥ 10 kPa devrait être rapidement être confirmée par une seconde ou un test non invasif sanguin de fibrose (FIB-4 ≥ 2,67, ELF Test ≥ 9,8, FibroTest alcool et virus ≥ 0,58, FibroTest NAFLD ≥ 0,48) (B2). Elle peut facilement être répétée tous les 12 mois pour suivre les patients (B2).

Quelle que soit la cause, le risque d’évènements liés à la maladie du foie est corrélé à l’élasticité qui reflète le risque d’HTPCS et la présence ou pas d’une HCAc. Les valeurs prédictives positives d’une élasticité ≥ 25 kPa pour prédire une HTPCS sont respectivement de 92,3%, 100% et 96,6% en cas d’hépatite virale C, d’hépatite virale B et de maladie alcoolique du foie avec une spécificité de 90%. La valeur prédictive positive est de 91,7% en cas de NASH chez les patients non obèses (IMC< 30 kg/m2), mais seulement de 62,8% en cas d’obésité3. L’existence ou non d’une obésité doit donc absolument être prise en compte dans l’interprétation de l’élastométrie. Une autre particularité de la NASH est que, si le risque de décompensation n’est que de 12% à 3 ans lorsque l’élasticité est ≥ 25 kPa, paradoxalement une décompensation peut survenir même si le gradient de pression porto- cave est < 10 mmHg en défaveur d’une HTPCS.

Une diminution significative de l’élasticité est associée à une réduction du risque de décompensation et de décès liés au foie (>20% par rapport à baseline et élasticité < 20 kPa ou élasticité < 10 kPa) (C2).

Elasticité mesurée par élastographie impulsionnelle (FibroScan®) et diagnostic d’une hépatopathie chronique avancée compensée et d’une hypertension portale cliniquement significative

Annexe 2 : Elasticité mesurée par élastographie impulsionnelle (FibroScan®) et diagnostic d’une hépatopathie chronique avancée compensée et d’une hypertension portale cliniquement significative

La place de l’élastométrie splénique reste à préciser et les meilleurs seuils à établir avec une onde de cisaillement de 100 Hz. Dans les hépatites virales B et C, une HTPCS est exclue si l’élasticité splénique est < 21 kPa, et certaine si elle est > 50 kPa (B2). Par analogie à Baveno VI, lorsque l’élasticité splénique est ≤ 40kPa, le risque de varices à risque hémorragique est faible, permettant d’éviter l’endoscopie comme chez les patients qui ont des plaquettes > 150 G/L et une élasticité hépatique < 20 kPa (C2).

Les conclusions schématiques pratiques de Baveno VII sont que (annexe 2) :

  • Une élasticité mesurée par élastographie impulsionnelle (FibroScan®) < 10kPa permet d’exclure une HCAc avec un risque de décompensation et de décès négligeables (<1%) et une élasticité > 15 Kpa est très en faveur d’une HCAc (B1).
  • Une élasticité ≤ 15 kPa associée à des plaquettes ≥150 G/L exclut une HTPCS (sensibilité et valeur prédictive positive > 90%) (B2), alors qu’une élasticité > 25 kPa est très en faveur d’une HTPCS (spécificité et valeur prédictive positive > 90%) mais pas chez les patients obèses (IMC ≥ 30 kg/m2) ayant une NASH3 (B1).
  • Le modèle de l’étude ANTICIPATE suggère qu’il est possible de suspecter une HTPCS chez les patients non obèses dès le seuil d’élasticité  de 15 kPa en fonction de la sévérité de la thrombopénie (élasticité entre 20 et 25 kPa avec des plaquettes < 150 G/L ou élasticité entre 15 et 20 kPa avec des plaquettes < 110 G/L) mais le risque d’erreur peut aller jusqu’à 40%3 (B2).

Prévenir la décompensation en cas d’hépatopathie chronique avancée compensée ou de cirrhose compensée

Prévenir la décompensation en cas d’hépatopathie chronique avancée compensée ou de cirrhose compensée

Annexe 3 : Prévenir la décompensation en cas d’hépatopathie chronique avancée compensée ou de cirrhose compensée

Bétabloquants non cardio-sélectifs (BBNCS) : pour qui ? comment ? (annexe 3)

L’indication des BBNCS s’élargit à la prévention de la première décompensation en plus de celle de l’hémorragie (B1) (annexe 3). Cela signifie que la décision de traiter par BBNCS peut être prise indépendamment de la mesure du gradient d’HTP et de la présence d’un risque hémorragique. Dans Baveno VII, les BBNCS sont indiqués en cas de signes d’HTPCS prédictifs de décompensation (ascite uniquement radiologique, ou circulation collatérale, ou élasticité ≥ 25 kPa, ou varices oesogastriques, ou gradient ≥ 10mmHg) (B2). La taille des varices (grade 2 ; grade 1 associé à la présence de signes rouges ou d’un score Child-Pugh C) ne conditionne donc plus la prescription des BBNCS. Cette recommandation, applicable à tous les patients ayant une HTPCS, quelle que soit l’étiologie, présente des limites si on ne se fie qu’aux critères non invasifs :

  • Premièrement elle repose sur l’étude PREDESCI qui comportait une forte proportion d’hépatites virales C (plus de la moitié des patients), avait le gradient porto-cave ≥ 10 mmHg comme critère d’inclusion et non l’élasticité. Les patients pouvaient recevoir du carvedilol ou du propanolol comparé au Trente trois patients seulement ont reçu du carvédilol et 67 du propanolol. L‘incidence de décompensation ou de décès était significativement réduite chez les patients traités par bétabloquants par rapport au placebo (HR=0.51, 95%CI=0.26-0.97, p=0.041), principalement par réduction de l’ascite (HR=0.42, 95%CI=0.19-0.92, p=0.03)4. Le carvédilol diminuait davantage le gradient d’HTP que le propanolol à 12 mois (p=0.036) et à 24 mois (p=0.048). Une méta-analyse récente confirme le bénéfice du carvédilol sur la prévention de la première décompensation (HR=0.506, 95%CI=0.289-0.887, p=0.017), principalement par réduction du risque d’ascite (HR=0.491, 95%CI=0.247-0.974, p=0.042) et de décès (HR=0.417, 95%CI=0.194-0.896, p=0.025)5.
  • Deuxièmement il n’y a pas à ce jour d’étude qui démontre que les BBNCS préviennent la décompensation chez des patients ayant une HTPCS, sélectionnés sur le critère d’élasticité ≥ 25kPa ou autres critères simples d’HTPCS.

Si on accepte un risque d’erreur allant jusqu’à 40% de prescription par excès en suivant les critères de l’étude ANTICIPATE, les BBNCS peuvent être prescrits sans endoscopie, chez les patients non obèses ayant une élasticité entre 20 et 25 kPa et des plaquettes < 150 G/L ou une élasticité entre 15 et 20 kPa et des plaquettes < 110 G/L.

Chez les patients décompensés avec ascite clinique (annexe 4), l’intérêt des BBNCS est démontré pour prévenir l’hémorragie. C’est la raison pour laquelle en cas de décompensation d’ascite chez un patient non encore traité par BBNCS (pas d’HTPCS initialement ou contre-indication), il faut dépister les varices en Contrairement à Baveno VI, les BBNCS peuvent être prescrits si des varices sont présentes, quelle que soit leur taille, leur aspect et le score de Child-Pugh (B1-B2). En revanche, en cas d’intolérance ou de contre-indication aux BBNCS, des ligatures sont indiquées uniquement en cas de varices à risque hémorragique (grade ≥ 2 ou grade 1 avec signes rouges ou associée à un score de Child-Pugh C).

Mise en œuvre et surveillance

Avant l’introduction de BBNCS la recherche de contre-indications doit être particulièrement rigoureuse. Un électrocardiogramme doit être systématiquement réalisé avant leur mise en route. Parmi les BBNCS, le carvedilol de par son effet alpha bloquant vasodilatateur est plus efficace que le propranolol ou le nadolol sur la réduction de l’hypertension portale (A1) et la prévention de la décompensation (B1). Il est également mieux toléré lorsque la cirrhose est compensée (B1). Les doses de départ sont pour le carvedilol de ½ comprimé de 6,25 mg matin et soir (maximum 25 mg/j) et pour le propanolol de 40mg matin et soir (maximum 160mg LP/j). Les doses sont progressivement augmentées sur une période de 3 semaines en fonction de la tolérance. L’objectif hémodynamique est une diminution d’au moins 10% du gradient porto-cave de départ ou un gradient ≤ 12 mmHg. Néanmoins le contrôle des pressions n’est pas recommandé en routine et l’objectif de réduire la fréquence cardiaque de 25%, ou d’obtenir un pouls voisin de 55 battements/min avec une pression artérielle systolique ≥ 90 mmHg peut être utilisé en pratique clinique4. La dose de BBNCS doit être diminuée chez les patients avec ascite et le traitement arrêté si la PAS < 90 mmHg ou la PAM < 65 mmHg, et/ou en cas de syndrome hépato-rénal (B1). Une réintroduction à dose réduite peut être envisagée (B1) à distance de l’épisode aigu. Une étude récente montre la supériorité du carvedilol comparé au propanolol en prévention de la récidive de décompensation, sur la prévention du décès (p=0,036), l’aggravation de l’ascite (p=0,012) et la récidive hémorragique (p=0,027). Dans cette étude, la fonction rénale n’était pas aggravée de façon significativement différente sous propanolol comparé au carvedilol (p=0,225)6. En revanche, une autre étude récente montre que le propanolol altère la fonction rénale chez les patients avec ascite récidivante7. Compte tenu des risques rénaux, un shunt porto-systémique par voie transjugulaire (transjugular intrahepatic porto-systemic shunt ou TIPS) doit être envisagé en cas d’ascite récidivante, définie par ≥ 3 ponctions de grand volume par an (A1), car le TIPS diminue le risque de décompensation et de décès8. Chez les patients décompensés, la transplantation doit être discutée.

Prévenir l’hémorragie en cas d’ascite décompensée

Annexe 4 : Prévenir l’hémorragie en cas d’ascite décompensée

Cadre médicolégal

Les BBNCS, quels qu’ils soient, sont prescrits hors AMM dans l’HTP. De plus selon le Résumé des Caractéristiques du Produit qui synthétise les conditions d’emploi officielles, dans son AMM chez les patients insuffisants cardiaques, le carvédilol devrait être prescrit par un cardiologue ou un médecin interniste et débuté sous surveillance. L’Association Française pour l’Etude du Foie et le Club Francophone pour l’Etude de l’Hypertension Portale proposent d’établir un protocole de prescription compassionnelle vu sa supériorité d’efficacité et la bonne tolérance du carvédilol dans les essais cliniques lorsque la cirrhose est compensée. En attendant que les démarches aboutissent, les hépato-gastro-entérologues peuvent au choix : adresser le patient à un cardiologue, privilégier le propranolol, ou encore instaurer le traitement en milieu hospitalier.

Peut-on envisager l’arrêt des BBNCS ? (annexe 5)

Compte tenu de la régression possible de la fibrose et de l’hypertension portale (A1), le risque de décompensation peut diminuer (B1) chez les patients recompensés, mais l’HTPCS peut également persister malgré la recompensation (B1). Certaines situations permettent de discuter l’arrêt des BBNCS si les signes d’HTPCS disparaissent (B1). Cela suppose le contrôle de la cause initiale (éradication virale C ou contrôle viral B, sevrage d’alcool prolongé) (A1). Dans tous les cas il faut tenir compte de la présence de cofacteurs de fibrose (diabète, alcoolisation, surpoids et obésité) (A1).

Dans quels cas peut-on envisager l’arrêt des bétabloquants non cardiosélectifs et de la surveillance ?

Annexe 5 : Dans quels cas peut-on envisager l’arrêt des bétabloquants non cardiosélectifs et de la surveillance ?

  • En l’absence de cofacteur, les patients ayant une éradication virale C avec élasticité < 12 kPa et plaquettes > 150 000/mm3peuvent arrêter les BBNCS ainsi que la surveillance endoscopique et par élastométrie car ils n’ont pas d’HTPCS ni de risque de décompensation. Le dépistage du carcinome hépatocellulaire (CHC) doit être poursuivi au cas par cas.
  • En l’absence de cofacteur, les critères de Baveno VI (élasticité < 20 kPa et plaquettes > 150 000/mm3) peuvent aussi être utilisés après éradication virale C ou contrôle viral B (B1) et les BBNCS peuvent être arrêtés sans refaire de dépistage endoscopique.
  • Les patients ayant une HCAc traitée par BBNCS avec une élasticité < 25 kPa après éradication virale C ou contrôle viral B, ou abstinence alcoolique totale prolongée, doivent avoir une endoscopie après 1 à 2 En l’absence de varices ou d’autre signe d’HTPCS, les BBNCS peuvent être arrêtés (C2)

En résumé

  • Les BBNCS sont indiqués chez les patients ayant une HTPCS (gradient ≥ 10 mmHg ou ascite uniquement radiologique ou varices oeso- gastriques indépendamment de leur taille, du child, des signes rouges ou dérivations porto-systémiques ou élasticité ≥ 25 kPa) pour prévenir la première décompensation et plus seulement l’hémorragie.
  • Si on se fie à l’étude ANTICIPATE, les BBNCS peuvent être prescrits plus largement selon des critères établissant une haute probabilité de HTPCS mais le risque de prescription en excès peut aller jusqu’à 40%.
  • Chez les patients déjà ascitiques les BBNCS sont indiqués pour prévenir l’hémorragie, s’il y a des varices quelle que soit leur taille et indépendamment de la présence de signes rouges et du score de Child-Pugh. Un TIPS doit être envisagé dès le seuil de 3 ponctions d’ascite annuelles de grand volume.
  • Le carvédilol est le plus efficace et mieux toléré des BBNCS dans la cirrhose compensée. Sa mise en route nécessite des précautions. Une attention particulière doit être accordée à la fonction rénale sous BBNCS.
  • Dans certaines situations les BBNCS peuvent être arrêtés si les signes d’HTPCS disparaissent, en l’absence de cofacteurs et si et seulement si la cause initiale de l’HTP est parfaitement contrôlée.

L’endoscopie reste indiquée : chez qui ? pourquoi ? (annexe 6)

Les indications d’endoscopie de dépistage

Annexe 6 : Les indications d’endoscopie de dépistage

  • Chez les patients non déjà traités et sans contre-indication aux BBNCS, qui n’ont pas d’HTPCS évidente (pas d’ascite y compris radiologique, ni de circulation collatérale, ni de gradient >10mmHg disponible) et dont l’élasticité est > 15 kPa mais < 25 kPa, ou chez ceux dont l’élasticité est > 10kPa mais < 15kPa dès lors que les plaquettes sont < 150 000/mm3. Le but est de dépister des varices justifiant un traitement par BBNCS quelle que soit leur taille, la présence de signes rouges ou non, et le score de Child-Pugh (B2). En revanche si on utilise les critères plus larges de l’étude ANTICIPATE, avec le risque d’erreur de 40% que cela comporte, elle n’est indiquée que chez les patients non obèses ayant une élasticité entre 20 et 25 kPa avec des plaquettes ≥ 150 G/L ou une élasticité entre 15 et 20 kPa et des plaquettes ≥ 110 G/L.
  • Chez les patients obèses ayant une NASH pour lesquels la valeur prédictive positive de l’élastométrie pour prédire une HTPCS n’est pas suffisante
  • Chez les patients ayant une contre-indication ou une intolérance aux béta-bloquants si l’élasticité est ≥ 20kPa ou les plaquettes sont ≤ 150 000/mm3(correspondant à des patients hors critères de Baveno VI chez lesquels on ne peut exclure la présence de varices à risque hémorragique) pour éventuellement réaliser des ligatures en prévention primaire (A1). Dans ce cas les ligatures de varices oesophagiennes sont indiquées selon les mêmes règles que Baveno VI c’est-à-dire uniquement chez les patients ayant des varices à risque hémorragique (grade ≥ 2 ; grade 1 avec signes rouges ou associé à un score Child-Pugh C).
  • Chez les patients non décompensés, en l’absence de mesure possible du gradient ou d’élasticité, si le patient n’a pas d’autre signe d’HTPCS (circulation collatérale, ascite radiologique). Le but est de dépister des varices justifiant un traitement par BBNCS quelle que soit leur taille et la présence de signes rouges ou pas.
  • Chez les patients non encore traités par BBNCS ayant une ascite clinique (B1) pour dépister des varices.
  • En cas d’hémorragie avec mise en œuvre du traitement par ligature puis prévention secondaire par bithérapie associant ligatures et BBNCS en l’absence de contre-indication.
  • Chez les patients nécessitant une surveillance endoscopique en l’absence d’indication à une prévention primaire par BBNCS
    • En l’absence de contre-indication aux BBNCS

Chez les patients n’ayant pas de varices même minime en endoscopie, l’endoscopie doit être renouvelée dans un délai de 1 à 3 ans selon Baveno VI, en fonction de la persistance de l’étiologie de l’hépatopathie et/ou de cofacteurs, sauf si 1) d’autres signes d’HTPCS apparaissent en cours de suivi indiquant l’instauration de BBNCS ou 2) si l’élasticité est ≤ 15 kPa et les plaquettes ≥ 150 000/mm3 excluant une HTPCS, ou 3) si une ascite clinique apparaît posant l’indication de l’endoscopie.

    • En cas de contre-indication ou intolérance aux BBNCS

Chez les patients qui ont eu une endoscopie mais qui n’ont pas d’indication aux ligatures (varices absentes ou grade 1 sans signes rouges ni child C), l’endoscopie doit être renouvelée dans un délai de 1 à 3 ans selon Baveno VI, en fonction de la persistance de l’étiologie de l’hépatopathie et/ou de cofacteurs. Les patients qui ont les critères favorables de Baveno VI (< 20kPa et plaquettes > 150G/L) et qui n’ont pas eu d’endoscopie peuvent être suivis annuellement par élasticité et plaquettes. S’ils sortent des critères favorables de Baveno VI au cours du suivi, l’endoscopie doit être réalisée (D1).

En résumé, l’endoscopie reste indiquée

  • S’il n’y a pas de contre-indication aux BBNCS, en l’absence de signes d’HTPCS si l’élasticité et/ou le taux de plaquettes ne permettent pas de l’exclure.
  • Chez les patients obèses ayant une NASH
  • En cas d’impossibilité de réaliser une mesure d’élasticité (indisponible, présence d’ascite).
  • En cas de contre-indication ou d’intolérance au BBNCS, si l’élasticité sort des critères favorables de Baveno VI.
  • Pour traiter l’hémorragie et en assurer la prévention secondaire.
  • Dans le cadre de la surveillance en l’absence d’indication aux BBNCS en prévention primaire.

En cas d’hémorragie aigue

Réanimation et traitements endoscopiques

  • L’objectif du taux d’Hb est de 7-8g /dl (A1).
  • La transfusion de PFC n’est pas recommandée car elle peut augmenter l’HTP (B1).
  • La transfusion plaquettaire ou de fibrinogène est à discuter au cas par cas malgré l’absence de preuve d’efficacité (D2).
  • Le facteur VII et l’acide tranexamique (Exacyl®) ne sont pas recommandés (A1) en raison de l’absence d’amélioration du contrôle de l’hémorragie et du risque thrombotique
  • Les drogues vasoactives (terlipressine, octréotide, somatostatine) doivent être débutées dès que possible et maintenues 2 à 5 jours (A1).
  • Il faut faire une recherche systématique de foyer infectieux (ECBU, ponction d’ascite exploratrice, radiographie thoracique, hémoculture et examen cutané) (A1)
  • Une antibiothérapie intra-veineuse par ceftriaxone 1g/j est recommandée et les quinolones doivent être évitées (A1).
  • Si des IPP ont été prescrits, ils doivent être arrêtés en l’absence d’indication (D2).
  • Le lactulose est indiqué per os ou en lavement en cas d’hémorragie active en prévention (B1) ou en traitement de l’encéphalopathie hépatique (D1).
  • Une imagerie injectée 4 temps (D1) est recommandée pour dépister un CHC, une thrombose veineuse portale (TVP) et d’éventuelles collatérales. A défaut une échographie doppler doit être réalisée.
  • L’endoscopie doit être réalisée après réanimation hémodynamique dans les 12 heures (B1) ou dès que possible en milieu sécurisé chez les patients dont l’hémorragie n’est pas contrôlée (D1). De l’érythromycine (250 mg en perfusion intra-veineuse lente) peut être administrée 30-120 min avant l’endoscopie en l’absence de QT long (B1). L’intubation est recommandée avant une endoscopie chez les patients ayant une conscience altérée ou des vomissements de sang actifs (D1).
  • Les ligatures élastiques sont recommandées en cas de varices oesophagiennes et la colle hémostatique (cyanoacrylate) en cas de varices cardiales ou gastriques (A1). Les ligatures peuvent aussi être réalisées en cas de varices cardiales GOV1 (D1).
  • La poudre hémostatique n’est pas indiquée en première intention en cas de varices oesogastriques (D1).
  • Les traitements par argon, radiofréquence, hémospray et ligatures peuvent être utilisés en cas d’hémorragie de gastropathie d’HTP (D1) et d’ectasies vasculaires gastriques antrales (dont GAVE est l’acronyme anglais).
  • La prothèse métallique auto-expansive (prothèse de Danis®) est plus sure et aussi efficace que le ballon de tamponnement en cas d’hémorragie réfractaire en attendant un TIPS (B1).

TIPS ou pas TIPS ? (annexe 7)

  • Un TIPS préemptif (« Early TIPS ») avec prothèse couverte est indiqué dans les 72 heures (idéalement dans les 24 heures) en cas de rupture de varices oesophagiennes ou de GOV1-2 chez les patients Child-Pugh C < 14 ou Child-Pugh > B7 avec saignement actif pendant l’endoscopie ou de gradient > 20 mmHg (A1). L’étude GAVAPROSEC actuellement en cours a pour objectif d’évaluer s’il existe un bénéfice dans le cas des varices gastriques hors GOV1.
  • Le TIPS préemptif (« Early TIPS ») n’est pas contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique aiguë, d’encéphalopathie hépatique ni d’ictère (B1).
  • Un TIPS de sauvetage est indiqué en cas d’hémorragie non contrôlée ou de récidive dans les 5 jours (B1).
  • Le TIPS de sauvetage peut être futile chez les patients avec Child-Pugh ≥ C14 ou un MELD > 30 et des lactates > 12 mmol/l sauf si une greffe est prévue à court terme (B1)
  • Le TIPS peut être associé à une embolisation de varices ectopiques, notamment si le flux porte est encore dévié dans les collatérales. L’embolisation pourrait réduire le risque d’encéphalopathie mais le bénéfice sur la mortalité et la récidive hémorragique n’est pas démontré.
  • Le TIPS est le traitement de choix en cas d’hémorragie récidivante malgré BBNCS et ligatures (B1).
  • Un TIPS doit être envisagé en cas d’hémorragie de gastropathie d’HTP réfractaire aux BBNCS (A1) et aux traitements endoscopiques, mais pas en cas de GAVE (C1).
  • L’objectif de pression post TIPS en cas d’hémorragie est un gradient < 12mmHg (A1) ou la réduction du gradient de 50% par rapport à la baseline (B2). La mesure doit se faire entre le tronc porte et la veine cave inférieure (B1).
  • Bien que le TIPS améliore l’état nutritionnel, la présence d’une sarcopénie avant la pose de TIPS augmente le risque d’encéphalopathie hépatique et ralentit la résolution de l’ascite. L’indication doit donc être prudente.
Quid du TIPS ?

Annexe 7 : Quid du TIPS ?

Risque chirurgical

  • En cas de cirrhose, une HTPCS majore le risque de décompensation et de mortalité post résection hépatique d’un CHC (A1).
  • Un gradient ≥ 16 mmHg est associé à un risque de mortalité élevé après chirurgie abdominale non hépatique (C1) mais Baveno VII ne recommande pas de réaliser systématiquement un TIPS préopératoire pour autant car cela ne réduit pas la mortalité post opératoire. Une étude récente suggère que dans la cirrhose, le fait d’avoir un TIPS réduirait le risque de défaillance multiviscérale et de décompensation de la maladie hépatique en particulier en cas de chirurgie viscérale chez les patients ayant un score pronostique CLIF-C AD > 459. Cependant dans cette étude le TIPS n’avait pas été posé préventivement en préopératoire. La décision doit prendre en considération plusieurs facteurs : le type de chirurgie, les comorbidités, la fonction hépatique et autant que possible le gradient de pression porto-cave. En cas d’hypertension portale non cirrhotique le TIPS préopératoire ne semble pas associé à une meilleure évolution post opératoire10.

Thrombose veineuse portale récente sur cirrhose (annexe 8)

  • En cas de cirrhose les anticoagulants sont indiqués en cas de thrombose non tumorale du tronc porte récente (< 6 mois), complète ou partielle > 50%, en cas de thrombose du tronc porte symptomatique et chez les candidats à la transplantation (C2).
  • Les anticoagulants sont à discuter lorsque la thrombose du tronc porte touchant initialement < 50% de la lumière, s’étend dans les 3 mois en l’absence d’anticoagulants ou si elle s’étend d’emblée à la veine mésentérique supérieure (C2).
  • La poursuite des anticoagulants au-delà de 6 mois est indiquée si une transplantation est envisagée, sinon à discuter (C1).
  • Chez les patients dont les plaquettes sont < 50 G/L, les anticoagulants sont à discuter au cas par cas en raison du risque hémorragique (C2).
  • En l’absence de recanalisation un TIPS est à envisager notamment s’il existe une indication à une transplantation pour protéger le réseau veineux d’une extension afin de ne pas compromettre les anastomoses futures (C2).
  • En cas de cirrhose, une HBPM est préférée au début du traitement, relayée par un AVK (mais le TP et l’INR sont difficiles à interpréter) ou un AOD (C1). Les AOD peuvent être prescrits en relais des HBPM chez les malades Child-Pugh A et prudemment chez malades Child-Pugh B (B2), mais ne sont pas recommandés chez les malades Child-Pugh C ni chez ceux dont la clearance de la créatinine est < 30 ml/min (C2).
  • Il n’a pas été précisé comme cela a été fait dans l’HTP non cirrhotique (cf ci-dessous) si les ligatures peuvent se faire sans arrêter les antivitamines K (AVK), sans doute car le risque thrombotique est moindre à arrêter les anticoagulants dans le contexte de cirrhose. En effet l’indication des AVK est plus souvent une arythmie qu’un état prothrombotique sous-jacent qu’il n’est pas indiqué de dépister systématiquement dans ce contexte. Cependant, il existe des données publiées rassurantes sur la ligature sous AVK et HBPM dans le contexte de cirrhose. Il faut vérifier au préalable l’absence de surdosage en dosant l’INR. Il n’y a pas de données concernant les ligatures sous AOD.
Thrombose de la veine porte et cirrhose

Annexe 8 : Thrombose de la veine porte et cirrhose

Autres traitements d’intérêt

  • L’aspirine n’est pas contre-indiqué en cas de cirrhose (B2). Il pourrait réduire le risque de CHC, de complications et améliorer la survie.
  • Les statines peuvent être prescrites en cas de cirrhose, à ½ dose chez les Child-Pugh B/C (simvastatine 20mg/j maximum) (A1). Elles pourraient réduire l’HTP et améliorer la survie (B1). Il y a moins de données chez le patient Child-Pugh C (D1).
  • L’albumine à court terme est indiquée en cas d’infection d‘ascite (A1), d’insuffisance rénale aiguë > stade 1A (C1), de ponction d’ascite de grand volume (A1), et de syndrome hépato-rénal, associée à la terlipressine (B1). L’albumine au long cours ne peut pas encore être recommandée malgré les données qui suggèrent qu’elle pourrait réduire les complications de la cirrhose et améliorer la survie sans transplantation (B2).
  • Les antibiotiques sont indiqués en cas d’hémorragie gastro-intestinale (ceftriaxone 1g/j par voie intraveineuse), et chez les malades Child-Pugh C en prévention primaire de l’infection du liquide d’ascite lorsque les protides dans l’ascite sont < 15g/l (B1) et en prévention secondaire (A1) (cf recommandations du Club pour l’Etude de l’Hypertension Portale sur les « Alternatives à la noroxine pour la prévention de l’infection spontanée du liquide d’ascite chez les malades atteints de cirrhose » en accès libre sur le site du club : https://clubfrancophone-hypertensionportale.fr).
  • La rifaximine n’est indiquée qu’en prévention secondaire de l’encéphalopathie hépatique (A1) et en prévention primaire post TIPS seulement en cas d’antécédents d’encéphalopathie hépatique (B2). A noter qu’une étude randomisée a également montré que la rifaximine instaurée 14 jours avant la pose d’un TIPS prévenait le premier épisode d’encéphalopathie mais ce schéma n’a pas été retenu dans Baveno VII11. La rifaximine n’est pas indiquée en prévention de l’infection du liquide d’ascite (C1). L’étude française ProPILA-RIFAX actuellement en cours a pour objectif principal de déterminer si la rifaximine améliore le pronostic des patients ayant un taux de protides dans l’ascite < 15g/l.
  • L’évaluation nutritionnelle et l’activité physique sont à promouvoir chez tous les patients cirrhotiques car la malnutrition est un facteur de risque de complications et de mortalité chez ces patients (B1). La réalimentation par voie orale doit être débutée dès que possible en cas d’hémorragie par rupture de varices (D2).

En l’absence d’HCAc et de cirrhose

Thrombose veineuse portale récente (< 6 mois) et cavernome porte sans cirrhose (annexes 9 et 10)

  • Le diagnostic repose sur l’échographie doppler en 1ère intention et est confirmé par une imagerie injectée 4 Les arguments pour une TVP récente sont la douleur, la fièvre, des nausées/vomissements, un thrombus hyperdense sur l’imagerie injectée. Un cavernome est généralement considéré comme une TVP chronique, mais peut s’installer rapidement en moins d’un mois.
  • Après avoir recherché tous les facteurs prothrombotiques connus (annexe 8) (A1), lorsque la mutation JAK 2 V617F est négative, il faut systématiquement rechercher les autres mutations responsables de syndrome myéloprolifératif telle que la mutation de la calréticuline, et de l’exon 12 du gène JAK 2 (quelle que soit la taille de la rate et le taux de plaquettes) puis faire une recherche de variants occultes impliqués dans la survenue de syndrome myéloprolifératifs en « next generation sequencing » (NGS) (A1). Ces variants ont été mis en évidence chez 40% des patients ayant une thrombose idiopathique ou secondaire à une cause locale et ont un caractère pronostique.
  • La biopsie ostéomédullaire se discute en dernier recours, indépendamment de la numération formule sanguine et du taux de plaquettes, en particulier en l’absence de mise en évidence d’un facteur prothrombotique à haut risque de thrombose (B2).
  • Il faut rechercher des arguments pour une maladie vasculaire du foie (D1).
  • Les HBPM doivent être débutées au diagnostic à dose curative (B1) et peuvent être relayées par les AVK (B1) ou les AOD en l’absence de syndrome des antiphospholipides si les fonctions hépatique et rénale sont conservées (clearance de la créatinine > 30 ml/min) (C2). En l’absence de données de sécurité suffisantes, les AOD ne sont pas recommandés en cas de thrombose des veines sus hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) associée.
  • Une imagerie injectée 4 temps est recommandée à 6 mois (C1).
  • En l’absence de recanalisation à 6 mois une endoscopie doit être réalisée (B1) et une prophylaxie primaire par BBNCS ou ligatures doit être débutée en présence de varices à haut risque hémorragique selon les recommandations de Baveno VI (C2). En l’absence de varice oesogastrique, l’endoscopie doit être renouvelée à 1 an puis tous les 2 ans (B1). En prévention secondaire BBNCS et ligatures doivent être associés (D1).
  • Les ligatures peuvent être réalisées sans arrêter les AVK au vu du risque thrombotique lié au switch AVK/HBPM dans ce contexte où il existe souvent un facteur prothrombotique (C2). Il faut vérifier au préalable l’absence de surdosage en dosant l’INR. En revanche il n’y a pas de données de sécurité en ce qui concerne les AOD.
  • L’arrêt des anticoagulants peut être envisagé après 6 mois en cas de TVP sans facteur majeur prothrombotique à haut risque de thrombose et sans infarctus mésentérique (B2). Un dosage des D Dimères < 500 ng/ml à un mois de l’arrêt des anticoagulants est associé à un faible risque de récidive12. (C2). Une étude récente montre qu’un taux de facteur VIII > 150 UI/ml au diagnostic de TVP est associé à un risque de récidive accru13.
Thrombose de la veine porte sans cirrhose

Annexe 9 : Thrombose de la veine porte sans cirrhose

 

Annexe 10 : Facteurs prothrombotiques à rechercher en cas de thrombose veineuse portale non cirrhotique d’après Plessier et al11
Facteurs prothrombotiques majeurs à haut risque de thrombose Facteurs prothrombotiques mineurs à faible risque thrombotique
  • ATCD personnel ou familial du premier degré de thrombose veineuse non provoquée
  • Facteurs prothrombotiques sanguins héréditaires ou acquis (mutations homozygotes ou hétérozygote composite G20210A du facteur II ou G1691A du facteur V Leiden, déficit familial héréditaire en protéine S, C ou antithrombine III, syndrome myéloprolifératif, syndrome des antiphospholipides)
  • Grossesse et jusqu’à 6 semaines du post partum
  • Hémoglobinurie nocturne paroxystique
  • Maladie de Behcet
  • Cancer évolutif
  • Mutations hétérozygotes G20210A du facteur II ou G1691A du facteur V Leiden
  • Déficit isolé en protéine S, C ou antithrombine III, mais d’origine héréditaire non démontré
  • Hyperhomocystéinémie
  • Contraception orale oestroprogestative

Maladie vasculaire portosinusoïdale (MVPS) (annexes 11, 12 et 13)

Le terme anglais Portosinusoïdal Vascular Disease a été révisé pour celui de Portosinusoïdal Vascular Disorder, mais la traduction française reste Maladie vasculaire portosinusoïdale (MVPS). La MVPS est un spectre anatomo-clinique qui regroupe la fibrose portale non cirrhotique, l’HTP idiopathique ou HTP intra-hépatique non cirrhotique, l’hyperplasie nodulaire régénérative, la veinopathie portale oblitérante, la sclérose hépatoportale et la cirrhose septale incomplète.

Elle doit être évoquée en cas de signes d’HTP cliniques ou radiologiques lorsque le gradient est < 10 mmHg ou l’élasticité est < 10 kPa, que la surface du foie est régulière sans atrophie du segment IV, s’il existe des shunts veino-veineux intrahépatiques, et devant des anomalies des tests hépatiques même sans signes d’HTP. (B1)

Le diagnostic nécessite une biopsie de foie > 20 mm ou considérée comme adéquate par un anatomopathologiste expert (C1), excluant une cirrhose (B1) avec au moins un signe spécifique d’HTP ou histologique spécifique de MVPS, ou un signe non spécifique histologique associé à un signe non spécifique d’HTP (annexe 10) (C2). Les étiologies connues à rechercher sont résumées annexe 11 (D2).

L’endoscopie est indiquée au diagnostic (C1) car les critères non invasifs de Baveno VI de la cirrhose ne peuvent s’appliquer pour dépister les varices (B1). En revanche ils s’appliquent pour les indications de prophylaxie primaire ou secondaire (D2).

Une TVP doit être recherchée tous les 6 mois par échographie doppler chez les patients qui ont une HTP (C1), et une imagerie injectée 4 temps en cas de douleur abdominale (B1).

Annexe 11 : Critères du « Vascular Liver Diseases Group » pour le diagnostic de Maladies vasculaires
portosinusoïdales (MVPS)
Signes d’hypertension portale (HTP) Lésions histologiques en faveur de MVPS selon un anatomopathologiste expert
Spécifiques
  • Varices oesophagiennes, gastriques ou ectopiques – Hémorragie liée à l’HTP
  • Réseaux collatéraux à l’imagerie
  • Veinopathie portale oblitérante (épaississement vasculaire pariétal, occlusion de la lumière, disparition des veines portales)
  • Hyperplasie nodulaire régénérative
  • Fibrose septale incomplète (ou cirrhose septale incomplète) ; évaluable seulement sur explant
Non spécifiques
  • Ascite
  • Plaquettes < 150 000/mm3
  • Rate ≥ 13 cm dans plus grand axe
  • Anomalies portales (multiplication, dilatations artérielles, réseau vasculaire périportal, vaisseaux aberrants)
  • Modification de l’architecture : distribution irrégulière du réseau porte et des veines centro-lobulaires
  • Dilatation sinusoïdale non zonale
  • Fibrose périsinusoïdale modérée

 

Annexe 12 : Pathologies associées aux Maladies vasculaires portosinusoïdales (MVPS)
Type États spécifiques
Maladies du sang Anémie aplasique, Syndrome myéloprolifératif, Lymphome de Hodgkin,

myélome multiple, Waldenström

États prothrombotiques Déficit en protéine C ou S, mutations des facteur II ou V, Syndrome des antiphospholipides, déficit en ADAMTS 13
Pathologies dysimmunitaires
  • Déficit commun immunitaire variable (hypogamma globulinémie quelle que soit la cause, défaut de production d’anticorps après immunisation, susceptibilité aux infections)
  • Hépatite autoimmune
  • Lupus
  • Sclérodermie
  • Polyarthrite rhumatoïde
  • Virus d’immunodéficience humaine (VIH)
  • Maladie coeliaque
  • Maladies inflammatoires de l’intestin
Infections Infections gastrointestinales répétées
Médicaments Didanosine, Azathioprine, 6-Thioguanine, Oxaliplatine
Génétiques Syndrome de Turner, Syndrome d’Adams-Oliver, Mutations TERT, mucoviscidose, cas familiaux
Maladies vasculaires portosinusoïdales (MVPS)

Annexe 13 : Maladies vasculaires portosinusoïdales (MVPS)

Conclusion

De ces nouvelles recommandations de BAVENO VII, on retiendra particulièrement :

  • L’importance de l’élastométrie mesurée par élastographie impulsionnelle (FibroScan®) dont les valeurs diagnostique et pronostique sont confirmées dans l’HTPCS.
  • Les risques d’HTPCS, de décompensation et de décès lié au foie présents dès le stade d’HCAc tel que défini dans Baveno VI, tenant compte de l’existence ou non d’une maladie hépatique chronique active ou non contrôlée.
  • La possibilité de réduire davantage les indications de l’endoscopie de dépistage au-delà de ce qui était préconisé dans Baveno VI.
  • L’indication systématique de BBNCS en cas d’HTPCS sur HCAc ou cirrhose compensée même en l’absence de varices à risque hémorragique dans le but de prévenir la première décompensation, avec une priorisation du carvedilol.
  • L’élargissement des indications du TIPS de l’ascite réfractaire à l’ascite récidivante à partir de seulement 3 grandes ponctions sur un an.
  • Des directives précises sur la recherche étiologique et la gestion des anticoagulants dans la thrombose porte.
  • Un développement important des connaissances de la maladie vasculaire porto-sinusoïdale.

Plusieurs questions du quotidien restent à trancher dans 5 ans par Baveno VIII comme :

  • La place du TIPS avant chirurgie abdominale en cas d’HTPCS.
  • La place des tests non invasifs biologiques dans l’algorithme de décision thérapeutique en alternative à l’élastométrie.
  • Les indications de la rifaxime en prévention de l’encéphalopathie hépatique dans le TIPS programmé et dans l’infection du liquide d’ascite.
  • Les indications des perfusions d’albumine au long cours.
  • La prise en charge de l’HTP en cas de carcinome hépatocellulaire et réciproquement.

Références

  1. De Franchis R, Bosch J, Garcia-Tsao G, Reiberger T, Ripoll C. Baveno VII. Faculty.J Hepatol. 2022 Apr;76(4):959-74. Baveno VII- Renewing consensus in portal hypertension.
  2. Shen Y, Wu SD, Ling Wu L, et al. The prognostic role of liver stiffness in patients with chronic liver disease: a systematic review and dose– response meta-analysis. Hepatol International. 2019 Jul:1-13.
  3. Pons M, Augustin S, Scheiner B, et al. Noninvasive Diagnosis of Portal Hypertension in Patients With Compensated Advanced Chronic Liver Am J Gastroenterol. 2021 Apr;116(4):723-32.
  4. Villanueva C, Albillos A, Genescà J, et al. b blockers to prevent decompensation of cirrhosis in patients with clinically significant portal hypertension (PREDESCI): a randomised, double-blind, placebo-controlled, multicenter trial. Lancet. 2019 Apr 20;393(10181):1597-608.
  5. Villanueva C, Torres F, Sarin SK, et al. Carvedilol reduces the risk of decompensation and mortality in patients with compensated cirrhosis in a competing-risk meta-analysis. J Hepatol 2022 May 31:S0168-8278(22)00336-1.
  6. Jachs M, Hartl L, Simbrunner B, et al. Carvedilol Achieves Higher Hemodynamic Response and Lower Rebleeding Rates Than Propranolol in Secondary Prophylaxis. Clinical Gastroenterology and Hepatology. 2022 Jul 14;S1542-3565(22)00642-5.
  7. Tellez L, Ibanez-Samaniego L, Perez del Villar C, et al. Non-selective beta-blockers impair global circulatory homeostasis and renal function in cirrhotic patients with refractory ascites. J Hepatol. 2020 Dec;73(6):1404-14.
  8. Larrue H, Olivas P, Lv Y, et al. Covered TIPS reduces the risk of further decompensation: results from an individual patient data meta-analysis of 3924 patients with cirrhosis. J Hepatol vol.77 (S1) S630, 2022.
  9. Chang J, Höfer P, Böhling N, et al. Preoperative TIPS prevents the development of postoperative acute-on-chronic liver failure in patients with high CLIF-C AD score. JHEP resp. 2022 Jan 21;4(3):100442.
  10. Elkrief L, Ferrusquia-Acosta J, Payancé A, et al. Abdominal Surgery in Patients With Idiopathic Noncirrhotic Portal Hypertension: A Multicenter Retrospective Study. Hepatology. 2019 Sep;70(3):911-24.
  11. Bureau C, Thabut D, Jezequel C, et al. The use of rifaximine in the prevention of overt hepatic encephalopathy after transjugular intrahepatic portosystemic shunt. Ann Intern Med. 2021May;174(5):633-40.
  12. Plessier A, Goria O, Cervoni JP, et al. Prophylaxis of recurrent thrombosis by rivaroxaban in patients with non-cirrhotic chronic portal vein thrombosis (PVT): a multicentre randomized controlled study testing rivaroxaban vs. no anticoagulation. J Hepatol Suppl 2021;75: S197.
  13. Baiges A, Procopet B, Silva-Junior G, et al. Incidence and factors predictive of recurrent thrombosis in patients with non-cirrhotic portal vein J Hepatol. 2022 Sep 1;S0168-8278(22)03054-9.

Remerciements

Pr Thông Dao pour relecture critique

Abréviations

  • AOD : Anticoagulant oraux direct
  • AVK : Antivitamine K
  • BBNCS : Bétabloquant non cardiosélectif
  • CHC : Carcinome hépatocellulaire
  • GAVE : Gastric antral vascular ectasia
  • HTP : Hypertension portale
  • HTPCS : Hypertension portale cliniquement significative
  • HCAc : Hépatopathie chronique avancée compensée
  • NASH : Non-Alcoholic Steato-Hepatitis
  • MVPS : Maladie Vasculaire Porto-Sinusoïdale
  • TIPS : Transjugular intrahepatic porto-systemic shunt
  • TVP : Thrombose veineuse portale