Maladie de Verneuil : nouvelles recommandations
POST'U 2023
Colo-proctologie
Objectifs pédagogiques
- Connaître la physiopathologie
- Connaître les signes cliniques de la maladie de Verneuil ano-périnéale
- Connaître l’association avec la maladie de Crohn
- Connaître les principes du traitement médical et chirurgical
- Connaître la stratégie thérapeutique
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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.
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Les 5 points forts
- La maladie de Verneuil ou hidrosadénite suppurée est une affection dermatologique dont la prévalence est estimée en France à 1 % de la population de plus de 15 ans.
- Les facteurs étiopathogéniques identifiés à ce jour sont principalement génétiques, hormonaux et dysimmunitaires.
- En cas de lésions diffuses et/ou inflammatoires, on fera appel en première intention au traitement médical avec des antibiotiques à visée anti-inflammatoire.
- En cas d’échec ou de formes très sévères, on aura recours aux anti-TNF.
- Dans le cas de lésions suppurées ou de lésions cicatricielles rétractiles, la chirurgie est utile et nécessaire et consiste en une résection ou mise à plat large des lésions.
Liens d’intérêt
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Mots-clés
Maladie de Verneuil, hidrosadénite suppurée, physiopathologie, traitement médical, traitement chirurgical
Définition, prévalence
La maladie de Verneuil (MV) ou hidrosadénite suppurée (HS) est une affection commune dont la prévalence est estimée en France à 1 % de la population âgée de plus de 15 ans (1) dont 10 % de formes sévères. Il ne s’agit donc pas d’une maladie rare mais elle reste encore mal connue. Dans la très grande majorité des cas, la maladie n’apparaît qu’après la puberté. Les femmes seraient plus touchées que les hommes avec un sex ratio de 4 pour 1 et une localisation préférentielle au niveau axillaire alors que la localisation ano-périnéale serait plus fréquente chez l’homme. La MV représente moins de 5 % de l’ensemble des suppurations ano-périnéales.
Diagnostic et retentissement
Le diagnostic de la MV est clinique. Les formes ano-périnéales représentent 20 % de l’ensemble des localisations de la maladie. La MV ano-périnéale s’associe fréquemment à une atteinte des plis inguinaux, du scrotum ou du pubis (90 % des cas), des aisselles (26 %), de la région rétro-auriculaire (6 %) ou des mamelons (4 %). La maladie évolue par poussées. La symptomatologie initiale est souvent discrète et le diagnostic n’est quasiment jamais fait à la phase initiale. Le diagnostic est plus facile plus tardivement quand coexistent des éléments d’âge différents, inflammatoires, suppuratifs et cicatriciels. Les diagnostics différentiels sont ceux des suppurations ano-périnéales : kyste pilonidal, fistule anale crypto-glandulaire et maladie de Crohn qui peuvent cependant être associés. La recherche par l’interrogatoire et l’examen d’atteintes des autres territoires peut être évocatrice. Aucun examen complémentaire ne permet de faire le diagnostic : les analyses bactériologiques des sécrétions purulentes sont inutiles et l’histologie n’est pas spécifique de la maladie.
La classification de Hurley (2) repose sur la sévérité des lésions et permet de guider le traitement. La maladie commence par l’apparition d’un nodule ferme, souvent violacé, peu douloureux au niveau de l’hypoderme (stade Hurley I). Ce nodule peut disparaître spontanément ou persister, et évoluer vers la suppuration avec formation d’abcès pouvant se rompre pour laisser place à un ou plusieurs orifices suppurants ou cicatriser, avec de façon caractéristique des cicatrices prenant un aspect rétractile dit « en pattes de crabes » (stade Hurley II). À un stade plus tardif, les lésions se multiplient, des lésions jeunes coexistant avec des lésions suppurantes plus évoluées et des cicatrices. Parfois, l’extension de la suppuration est telle qu’il se forme de véritables galeries purulentes sous la peau (stade Hurley III). Même si cette classification est imparfaite, elle a le mérite d’être simple et reproductible. En pratique courante, elle est à privilégier aux autres classifications (3-5). Figure 1.
On comprend ainsi aisément que la MV ait un impact majeur sur la qualité de vie des patients, avec un handicap lié notamment à la douleur, et un retentissement corrélé à l’étendue des lésions. Du fait de l’altération de l’image corporelle et de l’atteinte fréquente des zones inguino-scrotales et ano-périnéales, on note aussi un retentissement sexuel souvent majeur, sans parler de l’impact sur l’absentéisme et de la productivité au travail (6).
Les patients atteints d’une MV peuvent bénéficier d’une ALD (affection de soins longue durée) hors liste.
Étiopathogénie
La topographie de la maladie limitée aux territoires comportant des glandes apocrines a fait naître plusieurs hypothèses concernant le rôle de ces glandes dans la genèse de la maladie. Certains ont évoqué une obstruction du canal par lequel ces glandes s’abouchent au follicule pileux. D’autres évoquent plutôt une obstruction située en amont, au niveau du follicule pileux lui-même et cette dernière hypothèse est la plus communément admise actuellement. Les facteurs étiopathogéniques identifiés à ce jour sont principalement d’ordre génétique (34 % des apparentés au 1er degré souffrent de la maladie – transmission a priori autosomale dominante à pénétrance variable), hormonaux (la maladie survient après la puberté – il existe un déséquilibre hormonal, notamment des androgènes, qui favoriseraient l’occlusion folliculaire –, des travaux montrent une efficacité des œstrogènes et des anti-androgènes dans la MV) et dysimmunitaires (on a identifié des anomalies d’expression de certaines protéines microbiennes, un déficit de plusieurs interleukines et une surexpression d’autres types de cytokines, une augmentation du TNF alpha dans les lésions cutanées et dans le sang circulant, ce qui constitue le substrat du traitement par les anti-TNF). Comme souvent, l’obésité et la consommation tabagique active représentent des co-facteurs importants.
En résumé, sous l’influence de facteurs environnementaux (tabac, obésité notamment), chez des patients qui présentent une susceptibilité génétique, dans le territoire des glandes apocrines (oreilles, seins, zones axillaires, pubiennes, inguinales et ano-périnéales), on observe une hyperkératose des follicules pileux qui va aboutir à une obstruction dans le derme adjacent avec une surinfection. Ceci entraîne une dysrégulation des défenses immunitaires, s’autonomisant dans le derme et aboutissant aux phases successives inflammatoires et suppuratives de la maladie. Figure 2.
D’après D. Jullien – Symposium JDP 2015
Prens E, et al. J Am Acad Dermatol. 2015 Nov;73(5 Suppl 1):S8-S11
Association à la maladie de Crohn
L’association de la MV avec la maladie de Crohn est classiquement décrite mais reste rare dans notre pratique. Des études de cohorte déjà anciennes, analysées par le prisme de la dermatologie ou de la gastro-entérologie rapportent une association dans 10 à 25 % des cas. À partir de travaux plus récents, on peut relativiser cette association puisque le risque d’avoir une maladie inflammatoire intestinale (MICI) dans une population atteinte de maladie de Verneuil (cohortes de dermatologie) est estimé aux environ de 0,6/100 000 et le hazard ratio aux alentours de 2, l’association semblant un peu plus forte entre maladie de Crohn et Verneuil qu’avec la RCH (7).
Par ailleurs, des études ont identifié des gènes de susceptibilité communs entre ces deux maladies. Il semble donc y avoir un substrat relationnel assez objectif même si l’étiopathogénie commune reste pour l’instant obscure.
L’association de ces deux maladies inflammatoires survient donc probablement sur un terrain dysimmunitaire particulier et doit nous rendre vigilants quant à la prise en charge des patients atteints de MICI. En cas de lésions dermatologiques pouvant faire évoquer une maladie de Verneuil chez un patient atteint de MICI, il faut en référer à un dermatologue spécialisé et s’orienter vers une prise en charge multi-disciplinaire. Le but est ensuite notamment de passer rapidement à un traitement par anti-TNF en cas de formes sévères combinées puisque ces biothérapies ont prouvé leur efficacité dans les deux maladies.
Les grands principes de prise en charge
Les grands principes de prise en charge de la maladie de Verneuil reposent sur une association médico-chirurgicale. Des algorithmes décisionnels pratiques ont été mis à jour en 2019 par la Société Française de Dermatologie (SFD) et sont disponibles sur le site de la SFD (8). En cas de lésions diffuses et/ ou inflammatoires, on fera appel au traitement médical avec des antibiotiques à visée anti-inflammatoire. Lors des poussées, on utilisera amoxicilline-acide clavulanique ou pristinamycine en cas d’allergie à la pénicilline, et des cyclines sur plusieurs mois
à plusieurs années en cas d’efficacité et de bonne tolérance sur des formes récurrentes. Dans un second temps, en cas d’échec ou de formes très sévères, on aura recours aux anti-TNF, et notamment à l’adalimumab qui est le seul à avoir obtenu pour le moment l’autorisation de mise sur le marché en 2016 (dose de 40 mg par semaine ou 80 mg tous les 14 jours). Dans le cas de lésions suppurées ou de lésions cicatricielles rétractiles, la chirurgie est nécessaire et consiste en une résection ou mise à plat large des lésions. Une cicatrisation dirigée est préférée aux plasties, greffes ou lambeaux dans les zones périnéo-fessières en raison des tensions (entraînant douleurs et/ ou lâchage des points) mais ces techniques ont toute leur utilité dans d’autres zones, notamment axillaires. Évidemment, les médicaments et la chirurgie doivent s’inscrire dans une prise en charge globale visant à diminuer les facteurs de risque associés (lutte contre le tabagisme et contre le surpoids) et contre les répercussions de la maladie sur la qualité de vie (aide psychologique, adaptation des postes au travail…).
Références bibliographiques
- Revuz JE, Canoui-Poitrine F, Wolkenstein P, Viallette C, Gabison G, Pouget F, et al. Prevalence and factors associated with hidradenitis suppurativa: results from two case-control studies. J Am AcadDermatol. 2008 Oct;59(4):596-601.
- Hurley H. Axillary hyperhidrosis, apocrine bromhidrosis, hidradenitis suppurativa and familial benign pemphigus. Surgical approach. In: Roenigk R, Roenigk H, eds. Dermatologic Surgery, Principles and Practice. New York, New York: Marcel Dekker; 1989.
- Sartorius K, Lapins J, Emtestam L, Jemec GBE. Suggestions for uniform outcome variables when reporting treatment effects in hidradenitis
suppurativa. Br J Dermatol. 2003;149(1):211-213. - Kimball AB, Jemec GBE, Yang M, et al. Assessing the validity, responsiveness and meaningfulness of the Hidradenitis Suppurativa Clinical Response (HiSCR) as the clinical endpoint for hidradenitis suppurativa treatment. Br J Dermatol. 2014;171(6):1434-1442.
- Zouboulis CC, Tzellos T, Kyrgidis A, et al. European Hidradenitis Suppurativa Foundation Investigator Group. Development and validation of the International Hidradenitis Suppurativa Severity Score System (IHS4), a novel dynamic scoring system to assess HS severity. Br J Dermatol. 2017;177(5):1401-1409.
- Montero-Vilchez T, Diaz-Calvillo P, Rodriguez-Pozo JA, Cuenca-Barrales C, Martinez-Lopez A, Arias-Santiago S, et al. The Burden of Hidradenitis Suppurativa Signs and Symptoms in Quality of Life: Systematic Review and Meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health. 2021 Jun 22;18(13):6709.
- Egeberg A, Jemec GBE, Kimball AB, Bachelez H, Gislason GH, Thyssen JP, et al. Prevalence and Risk of Inflammatory Bowel Disease in Patients with Hidradenitis Suppurativa. J Invest Dermatol. 2017 May;137(5):1060-1064.
- Algorithme de recommandations de prise en charge de l’hidradénite suppurée, Centre de Preuves en Dermatologie (sfdermato.org)
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