Prise en charge de l’Endobrachy œsophage (EBO) (Recommandations américaines)

POST'U 2023

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Les 5 points forts

  1. Le dépistage et la surveillance de l’EBO doivent se faire en lumière blanche et avec de la chromo-endoscopie virtuelle. Le temps d’inspection doit être supérieur à une minute par cm d’EBO circonférentiel.
  2. L’échantillonnage de l’EBO doit s’effectuer selon le protocole de Seattle avec 4 biopsies tous les 1-2 cm en plus des biopsies ciblées. L’endomicroscopie confocale par laser peut être utilisée pour guider les biopsies.
  3. Les patients ayant une œsophagite érosive grade C ou D de Los Angeles doivent avoir une nouvelle endoscopie après 8 semaines de traitement par IPP à double dose.
  4. Les patients ayant un diagnostic d’EBO non dysplasique doivent avoir une endoscopie de surveillance tous les 3-5 ans et un traitement quotidien par IPP au long cours.
  5. Après traitement endoscopique de l’EBO, la réalisation annuelle de biopsies en quatre quadrants est nécessaire au niveau de la jonction œso-gastrique, du cardia, et 2 cm en amont de la néo-ligne Z pour dépister les récidives.

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Mots-clés

Endobrachyœsophage ; Dysplasie ; Surveillance

Introduction

Le dépistage de l’endobrachyœsophage (EBO) est un enjeu important à l’heure où des progrès technologiques récents ont multiplié les options de détection des lésions cancéreuses précoces et d’éradication de l’EBO. Le but final est de diminuer la morbidité et la mortalité liées à cette maladie. Rajoutons également que l’on peut s’attendre encore à une forte progression des adénocarcinomes sur EBO liées à l’augmentation de l’obésité et aux modifications des habitudes de vie dans les décennies à venir. Cependant, à l’heure actuelle, moins de 20 % des patients ayant un adénocarcinome de l’œsophage ont un antécédent connu d’EBO, suggérant que le dépistage selon les modalités habituelles est largement insuffisant (1). Dès lors, la société américaine de gastroentérologie [American Gastroenterology Association (AGA)] vient d’émettre de nouvelles recommandations pour refondre les modalités de dépistage et de surveillance de l’EBO en y intégrant les innovations récentes (2). Le but de ce texte est de présenter ces recommandations au public des gastroentérologues français et de les discuter.

Dépistage de l’EBO

Conseil pratique 1 : Le dépistage de l’EBO devrait être envisagé chez les sujets ayant au moins 3 facteurs de risque parmi les suivants: 1) sexe masculin, 2) caucasien, 3) de plus de 50 ans, 4) avec antécédents personnels de reflux gastro-œsophagien (RGO) chronique, de tabagisme, d’obésité, ou familiaux d’EBO ou d’adénocarcinome œsophagien.

La plupart des guidelines actuelles recommandent un dépistage des « sujets à risque » d’EBO, ce qui est assez flou. Cette nouvelle recommendation a le mérite d’être beaucoup plus précise, mais s’adresse finalement à une partie très importante de la population générale. Le rationnel est basé sur une méta-analyse suggérant que la prévalence de l’EBO est estimée à 3 % de la population générale américaine, et que cette prévalence augmente pour chaque facteur de risque additionnel (3). Ainsi, la prévalence peut atteindre 24 % chez les sujets ayant une RGO chronique et un antécédent familial d’EBO. Il est important de rappeler que le RGO est absent dans plus de 50 % des cas chez les patients ayant un diagnostic récent d’adénocarcinome œsophagien comme cela a été montré dans des cohortes américaines et britanniques où 86,5 % et 61,4 % des patients, respectivement, n’avaient pas de RGO et n’avaient donc pas eu de dépistage (4,5). Le pari de cette nouvelle recommandation est donc d’élargir considérablement la possibilité d’offrir un dépistage à des patients asymptomatiques. Il restera à évaluer par de nouvelles études la rentabilité, l’innocuité et le coût de cette nouvelle approche.

Conseil pratique 2 : L’utilisation d’outils non endoscopiques permettant la collecte de tissu œsophagien est une option à considérer pour le dépistage de l’EBO.

Bien que l’endoscopie œsogastroduodénale (EOGD) avec biopsies reste le gold standard pour le diagnostic d’EBO, il y a un besoin significatif de méthodes alternatives mini-invasives et coût-efficaces. En plus de celles-ci, l’AGA propose de développer la réalisation d’endoscopie par voie nasale sans sédation. Soulignons que cette approche est déjà largement utilisée dans nombre de centres français, notamment dans le secteur public en raison de la carence de créneaux d’anesthésie. Elle est probablement la plus simple et la moins « transgressive » à proposer, avec d’excellents résultats en termes de tolérance et de rentabilité diagnostique. Elle nécessite cependant la mise à disposition de temps de gastroentérologue et d’infirmier(e) d’endoscopie limitant sa diffusion à l’échelle de la population dans un contexte de démographie médicale défavorable pour la spécialité dans les années à venir…

L’AGA propose également l’utilisation d’outils tels que le Cytosponge (Medtronic), l’EsophaCap (Capnostics) et l’EsoCheck (Lucid Diagnostics) (figure 1) qui permettent la collecte de tissu œsophagien avec des profils de bonne tolérance, sécurité d’emploi, et sensibilité sans recours à l’endoscopie standard. Ces outils doivent néanmoins faire l’objet d’une réflexion plus aboutie pour la sélection des patients et les moyens utilisés pour leur utilisation. Ils ne sont pas encore commercialisés en France à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Nouveaux outils de détection non endoscopique de l’endobrachyoesophage (EBO)

Figure 1 : Nouveaux outils de détection non endoscopique de l’endobrachyoesophage (EBO)

(A) Cytosponge (Medtronic). (B) EsophaCap (Capnostics). (C) EsoCheck (Lucid Diagnostics).
Les deux premiers se présentent sous la forme d’une capsule ingestible qui libère une éponge abrasive alors que le troisième se présente sous la forme d’un ballon qui se gonfle dans l’oesophage. Le principe commun de ces 3 systèmes est de permettre l’obtention de microbiopsies capables de faire le diagnostic d’EBO sans recourir à une endoscopie ni à une anesthésie, et donc d’être réalisables chez le médecin généraliste.

 

Exploration endoscopique de l’EBO

Conseil pratique 3 : Le dépistage et la surveillance endoscopique de l’EBO doivent se faire avec des endoscopes haute-résolution à la fois en lumière blanche et avec de la chromoendoscopie virtuelle, en passant un temps suffisant pour l’inspection de l’EBO.

Le but du dépistage et de la surveillance de l’EBO est la détection des lésions dysplasiques et de l’adénocarcinome superficiel. L’utilisation de la chromoendoscopie virtuelle a été démontrée comme plus efficace que l’examen en lumière blanche seule pour la détection de ces lésions (risque relatif 1,44). La chromoendoscopie virtuelle est disponible sur tous les systèmes d’endoscopie actuellement commercialisés, et permet une inspection homogène de la muqueuse œsophagienne par rapport à une chromoscopie à base de colorants réels sans matériel ni coût additionnels. La technique de narrow band imaging (NBI) est la mieux validée mais les résultats semblent transposables aux autres techniques de chromoendoscopie virtuelle (6). Toutes ces techniques permettent non seulement l’analyse de la micro-architecture muqueuse (pit-pattern) mais également celle des micro-vaisseaux qui sont un élément important de la sémiologie des lésions précancéreuses et cancéreuses, par rapport à la chromoscopie par colorants réels. Elles doivent faire l’objet de modules d’enseignement et d’entrainement pour faciliter leur apprentissage (7).

Bien que l’AGA ne se prononce pas sur le temps exact à passer pour examiner un EBO, l’European Society for Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) propose un temps minimal de 7 minutes pour la réalisation d’une EOGD et de 1 minute par centimètre d’EBO circonférentiel pour mieux détecter les lésions superficielles (8). Ceci est lié au fait qu’un certain nombre de lésions dysplasiques voire cancéreuses semblent négligées par les endoscopistes en raison d’une méconnaissance de leur sémiologie fine et d’un temps d’inspection trop court. Par exemple, plusieurs méta-analyses et études de cohorte montrent qu’une proportion importante de zones de dysplasie de haut grade et d’adénocarcinome superficiel (DHG/Ca) ont été manquées lors de la première année de surveillance de l’EBO (9,10). Pour limiter ce risque, un groupe d’experts internationaux a proposé une approche en 10 étapes (tableau 1).

Approche Rationnel
Identifier les repères essentiels, notamment 1) la pince diaphragmatique, 2) le sommet des plis gastriques et 3) la ligne Z Évaluer la nécessité ou non des examens ultérieurs
Considérer l’utilisation d’un capuchon transparent distal, notamment chez les patients ayant un antécédent de dysplasie au sein de l’EBO Faciliter l’inspection
Laver la muqueuse avec une pompe de lavage et aspirer le liquide avec précaution pour éviter les artefacts Limiter la présence de mucus et éviter les micro-traumatismes muqueux
Insuffler et exsuffler Aider à la détection de lésions subtiles
Passer un temps suffisant pour l’examen de l’EBO et faire une rétroversion gastrique Augmenter le pourcentage de lésions dysplasiques détectées
Examiner l’EBO en lumière blanche C’est la base !
Examiner l’EBO en chromoscopie virtuelle Caractériser la micro-architecture muqueuse et vasculaire
Utiliser la classification de Prague pour décrire l’atteinte circonférentielle et maximale de l’EBO Homogénéiser la description de l’EBO
Utiliser la classification de Paris pour décrire les lésions détectées Homogénéiser la description des lésions
Faire le protocole de Seattle dans un œsophage partiellement exsufflé pour échantillonner l’EBO Augmente la détection des lésions dysplasiques (notamment en dysplasie de bas grade)
Tableau 1 : Étapes essentielles pour l’analyse d’un endobrachyœsophage (EBO)

Conseil pratique 4 : Le dépistage et la surveillance endoscopique de l’EBO doivent décrire précisément la hauteur de l’EBO en utilisant la classification de Prague (figure 2) ainsi que la localisation et l’aspect des lésions éventuelles (nodules, ulcérations).

Ce paragraphe appelle peu de commentaires, puisque la classification de Prague est maintenant largement diffusée et a fait les preuves de sa robustesse pour homogénéiser la description de l’EBO. En revanche, la description (et la photodocumentation) des lésions visibles reste un enjeu majeur.

Classification de Prague pour décrier la hauteur et le type d’EBO

Figure 2 : Classification de Prague pour décrier la hauteur et le type d’EBO

Le sommet des plis gastriques est considéré comme le niveau 0, puis l’endoscopiste décrit la hauteur d’EBO circonférentiel (A) et la hauteur maximale (B). Dans cet exemple, l’EBO est donc classé C2M5.

Conseil pratique 5 : Les techniques d’imagerie avancées peuvent être utilisées en complément de la lumière blanche et de la chromoscopie pour améliorer la détection de la dysplasie.

Le panel d’experts s’est prononcé en faveur de l’utilisation de ces technologies, parmi lesquelles on peut citer l’endomicroscopie confocale par laser (ECL) et l’endomicroscopie volumétrique par laser (EVL). En France, seule l’ECL est commercialisée actuellement et fait d’ailleurs l’objet d’un remboursement dans cette indication (code CCAM HEQE263 : « endoscopie œsophagienne avec biopsie guidée par ECL ») ; cependant, elle reste peu utilisée en raison de la diffusion limitée du matériel et de l’apprentissage nécessaire à cette nouvelle technologie.

Pourtant, une méta-analyse de 14 études regroupant 4 047 lésions chez 789 patients avait montré une sensibilité et une spécificité per lésion de 77 % et 89 %, respectivement (11). L’EVL non encore disponible sur le plan commercial, s’avèrera probablement intéressante car elle propose à la fois la possibilité de marquer au laser les zones identifiées comme suspectes pour les relocaliser et les biopsier/réséquer, et qu’elle s’appuie sur l’intelligence artificielle pour faciliter l’interprétation des images.

Conseil pratique 6 : L’échantillonnage du tissu au sein de l’EBO doit s’effectuer selon le protocole de Seattle (4 biopsies tous les 1-2 cm et biopsies ciblées des lésions visibles).

Cette méthode ancienne reste recommandée par un panel récent d’experts car elle permet d’augmenter le taux de détection de la dysplasie avec un risque relatif de 2,75 (12). Le principal problème de cette méthode reste la faible adhésion des gastroentérologues puisque l’on estime, dans une méta-analyse récente portant sur 58 709 endoscopies, qu’au moins 20 % des endoscopies réalisées ne respectent pas le protocole de Seattle avec une diminution des risques de non adhésion de 31 % par 1 cm d’extension de l’EBO (13). Dès lors, très peu d’EBO longs font l’objet d’un protocole de Seattle strict, alors qu’il est démontré qu’il s’agit d’un facteur de survenue de dysplasie.

Conseil pratique 7 : La méthode de brossage cytologique WATS-3D peut être proposée comme méthode d’échantillonnage de l’EBO (en complément du protocole de Seattle).

Cette méthode, non commercialisée en France, permet l’analyse de véritables micro-biopsies sur de plus larges étendues d’EBO que le protocole de Seattle. Le tissu récupéré est analysé par ordinateur de manière automatique et le diagnostic est ensuite confirmé par un pathologiste. Une méta- analyse récente sur 7 études suggère une augmentation de la rentabilité de 7,2 % pour le diagnostic de dysplasie (14). De plus, cette méthode diminue la variabilité inter-observateur des pathologistes, avec un indice kappa de 0,86. Cette méthode pourrait s’avérer intéressante pour stratifier les patients à plus haut risque nécessitant une surveillance accrue, ou au contraire pour limiter la surveillance de ceux ayant un risque très faible.

Conseil pratique 8 : Les patients ayant une œsophagite érosive peuvent faire l’objet de biopsies en cas de suspicion de dysplasie ou de dégénérescence, en insistant sur le fait qu’ils devront avoir une nouvelle endoscopie après 8 semaines d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) à double dose.

Cette nouvelle recommandation vise à diminuer le délai de diagnostic en cas de suspicion de néoplasie associée à l’EBO, et s’appuie sur le fait que les pathologistes experts peuvent différencier l’inflammation de la « vraie » dysplasie (15). À noter que les experts rappellent que seules les œsophagites grade C et D de Los Angeles nécessitent ce contrôle endoscopique à 8 semaines, et que la cicatrisation permet de révéler un EBO sous- jacent dans environ 12 % des cas (16).

Stratification du risque de dégénérescence de l’EBO

Conseil pratique 9 : Les outils moléculaires peuvent être utilisés pour stratifier le risque de dégénérescence chez les patients ayant un EBO non dysplasique.

Cette recommandation n’est pas encore applicable en France où l’outil en question n’est pas commercialisé. Il s’agit du Tissue Cypher qui permet, à partir de biopsies œsophagiennes, de quantifier 9 biomarqueurs moléculaires (p53, p16, AMACR, HER2, Cytokératine 20, CD68, COX-2, HIF-1alpha, CD-45R0) en parallèle de la morphologie nucléaire et de l’architecture tissulaire. Les résultats sont rendus sous la forme d’un score numérique de 1 à 10 correspondant au risque de progression néoplasique de l’EBO. Les études ayant évalué ce dispositif sont encourageantes. Par exemple, les patients ayant un score numérique élevé ont un risque de progression vers la dysplasie de haut grade et le cancer (DHG/Ca) de 7 %, équivalent à la présence de dysplasie de bas grade (17). Cet outil pourrait notamment être utilisé pour stopper la surveillance chez les patients à bas risque, mais des études complémentaires seront encore nécessaires pour obtenir sa validation.

Conseil pratique 10 : Les modèles prédictifs peuvent être utilisés pour identifier les patients à haut risque de dégénérescence.

Il n’existe à ce jour qu’un seul modèle validé. Il s’agit du Score de Progression de l’Œsophage de Barrett. Ce score a été développé à partir d’une cohorte de 2 697 patients dont 154 (5,7 %) ont développé une DHG/Ca (18). Les facteurs mis en évidence pour la dégénérescence sont les suivants : présence d’une dysplasie de bas grade, âge, sexe masculin, tabagisme et longueur de l’EBO. Trois groupes ont été identifiés : très bas risque (0,13 %), risque intermédiaire (0,73 %) et haut risque (2,1 %). À noter que la présence d’une dysplasie de bas grade était, de loin, le facteur le plus significatif, ce qui confirme la nécessité d’un échantillonnage optimal par la réalisation d’un protocole de Seattle rigoureux lors de la première endoscopie de surveillance. D’autres modèles sont en cours de développement et de validation.

Importance de l’expertise dans la gestion de l’EBO

Conseil pratique 11 : Compte-tenu de la grande variabilité inter-observateur des pathologistes, le diagnostic de dysplasie/cancer devrait être validé par une relecture de pathologiste expert.

Cette recommandation est identique aux guidelines précédentes (notamment de l’ESGE) mais s’appuie sur des données récentes, confirmant que la relecture des lames par un pathologiste expert aboutit à une modification du diagnostic (stade de dysplasie) dans 55 % des cas (19). Dès lors, on ne peut que rappeler que toute découverte de dysplasie sur EBO doit faire l’objet d’une relecture par un pathologiste expert.

Conseil pratique 12 : Les patients ayant un diagnostic de DHG/Ca sur EBO doivent être pris en charge par des endoscopistes experts en caractérisation optique, résection et ablation endoscopique.

Par rapport à des non-experts, les endoscopistes experts dans la gestion des patients ayant un EBO ont des taux plus élevés de détection des lésions néoplasiques et pré-néoplasiques (20). La définition de l’expertise devrait s’appuyer sur le volume de patients pris en charge, le matériel disponible, la rigueur exercée sur les procédures concernées et la capacité à évaluer ses résultats. La recommandation reste cependant relativement floue sur les chiffres de ces différents paramètres. Rappelons que l’ESGE, quant à elle, précise qu’un endoscopiste expert est défini comme prenant en charge au moins 10 nouveaux cas par an de DHG/Ca sur EBO et doit avoir reçu un entrainement supervisé sur au moins 30 procédures de résection et 30 procédures d’ablation (radiofréquence) (21).

Suivi et surveillance de l’EBO

Conseil pratique 13 : Les patients ayant un diagnostic d’EBO doivent prendre un traitement quotidien par IPP.

Plusieurs études de cohorte et au moins une méta-analyse ont montré que la prise d’IPP réduit de 71 % le risque de dégénérescence de l’EBO (22). D’après l’étude AspECT, la prise d’une double dose ralentirait significativement le risque de survenue de DHG/Ca, voire la mortalité par rapport à une simple dose (23). Néanmoins, compte-tenu de l’insuffisance de connaissance sur la carcinogenèse dans l’EBO, de l’effet relativement faible de la double dose par rapport à la simple dose et des multiples biais de cette étude, le panel d’experts chargé de ces nouvelles recommandations a préféré opter pour une recommandation « sage ». Cette recommandation est donc : simple dose quotidienne d’IPP a minima, tout en sachant que la double dose peut être proposée en cas de contrôle symptomatique insuffisant ou en complément du traitement endoscopique afin d’améliorer la cicatrisation des lésions.

Conseil pratique 14 : Les patients ayant un diagnostic d’EBO non dysplasique doivent avoir une endoscopie de surveillance tous les 3-5 ans.

L’avantage de cette nouvelle recommandation est d’offrir une certaine souplesse afin de prendre en compte non seulement l’état de l’EBO mais aussi les comorbidités du patient, et de proposer une surveillance « à la carte ». La délivrance d’une information éclairée et la prise en compte des souhaits du patient sont également d’une grande importance. Il serait probablement également d’inscrire, à l’instar de ce qui se fait dans le colon, le projet de surveillance dans le compte-rendu d’examen.

Conseil pratique 15 : Chez les patients ayant une surveillance après traitement de l’EBO, la réalisation de biopsies quadratiques est indispensable au niveau de la jonction œso-gastrique, du cardia, et 2 cm en amont de la néo-ligne Z en complément des biopsies ciblées sur des anomalies visibles éventuelles.

Cette nouvelle recommandation rompt avec la recommandation précédente qui proposait des biopsies quadratiques tous les 1 cm au sein de l’ancien EBO. Elle s’appuie sur le fait que la majorité des récidives non visibles est observée au niveau de la jonction œso-gastrique alors que les récidives visibles s’observent au sein de l’œsophage tubulaire. Ce taux de récidive, après une éradication complète de l’EBO, est de l’ordre de 20 % dont 98 % peuvent être détectées si l’on adopte le nouveau protocole de biopsies proposé par cette recommandation (24-26).

En conclusion, ces nouvelles recommandations américaines ont le mérite de simplifier et clarifier certains points et de présenter les innovations qui feront prochainement partie de notre pratique clinique. De nombreuses questions restent cependant ouvertes, dont la place de l’intelligence artificielle qui devrait rapidement s’imposer comme l’un des outils majeurs d’aide au diagnostic.

Références

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Abréviations

  • EBO : Endobrachyoesophage
  • AGA : American Gastroenterology Association
  • RGO : Reflux Acide Oesophagien
  • EOGD : Endoscopie Oeso-Gastro-Duodénale
  • NBI : Narrow Band Imaging
  • ESGE : European Society for Gastrointestinal Endoscopy
  • DHG : Dysplasie de Haut Grade
  • Ca : cancer
  • ECL : Endomicroscopie confocale par laser
  • EVL : Endomicroscopie volumétrique par laser
  • IPP : pompes à protons