Prise en charge du cancer anal
POST'U 2023
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Les 5 points forts
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Le carcinome épidermoïde de l’anus est, dans 9 cas sur 10, lié au papillomavirus et son incidence est en progression. Une prophylaxie primaire par vaccin nonavalent est en cours de déploiement.
- Les personnes à dépister sont celles ayant une sexualité anale et vivant avec le VIH, celles transplantées d’organes solides depuis plus de 10 ans et celles ayant un antécédent de cancer HPV induit.
- Le dépistage et le traitement de la dysplasie de haut grade de l’anus sont recommandés car ils diminuent l’incidence du carcinome épidermoïde invasif.
- L’IRM ano-périnéale est l’examen de référence pour évaluer l’extension loco-régionale d’un cancer invasif de l’anus.
- La radiochimiothérapie comportant l’association de 5 FU et mitomycine C reste depuis plusieurs décennies le traitement de référence des cancers invasifs non métastatiques.
Liens d’intérêt
Aucun
Mots-clés
Dysplasie anale, human papilloma virus, carcinome épidermoïde avancé
Introduction et position du problème
Longtemps considéré comme un cancer rare, le cancer de l’anus représente 3 à 6 % des cancers digestifs et son incidence est en augmentation (1). Le cancer de l’anus a la particularité d’être un cancer viro-induit dans l’immense majorité des cas et le virus en cause, Human Papillomavirus (HPV), de loin l’infection sexuellement transmise la plus fréquente. Il s’agit, près de neuf fois sur dix, d’un carcinome épidermoïde présentant des stigmates d’intégration virale HPV (2). C’est un cancer d’assez bon pronostic dans les formes non métastatiques mais de plutôt mauvais pronostic dans les formes dites « avancées » (récidives non résécables et/ ou métastatiques). De fait, il ne s’agit plus d’un recrutement de recours : l’ensemble du monde gastro-entérologique est aujourd’hui concerné par sa prise en charge. Indépendamment de la prise en charge oncologique spécifique, la sollicitation s’entend à deux niveaux : celui du dépistage et de la prise en charge des lésions précancéreuses d’une part, celui du diagnostic lésionnel et du suivi des cancers invasifs d’autre part. Les récentes recommandations pour la pratique clinique de la Société Nationale Française de Colo Proctologie (SNFCP 2023), de l’European Society of Medical Oncology (ESMO 2021) et la mise à jour du Thésaurus (SNFGE 2022) en font un vrai sujet d’actualités (3).
Qui est à risque de cancer de l’anus et quelles sont les conditions précancéreuses ?
L’augmentation d’incidence du cancer de l’anus s’observe particulièrement dans certains groupes dits à risque représentés par les personnes vivant avec le VIH et notamment les hommes ayant une sexualité avec des hommes. Les autres groupes à risque sont représentés par les personnes ayant un antécédent personnel de cancer induit par le papillomavirus humain (HPV), notamment gynécologique, et les femmes ayant une transplantation d’organe solide après plusieurs années d’évolution (figure 1) (4). La quantification du risque peut désormais être mesurée par une échelle de risque qui tient compte du taux incident de cancer dans la population considérée. Dans les récentes recommandations de la SNFCP, le dépistage systématique est proposé aux personnes ayant un niveau de risque supérieur 40 pour 100 000 patients/année (figure 1). L’apparition du cancer est précédée de lésions précancéreuses dites de dysplasie anale : HSIL (High Squamous Intrepithelial Lesion) définit les lésions dysplasiques de haut grade du canal anal qui sont la cible du diagnostic et du traitement. Elles peuvent être définies en cytologie (cHSIL) ou en histologie (pHSIL). pHSIL comprend l’ensemble des lésions histologiques AIN2+ (Anal Intraepithelial Neoplasia). L’histoire naturelle de la dysplasie anale et du carcinome épidermoïde invasif conditionne les stratégies de dépistage. Dans la cohorte prospective australienne menée pendant trois ans au sein d’une population d’hommes ayant une sexualité avec des hommes ou mixte, le taux de clairance spontanée de la dysplasie de haut grade est élevé (22 pour 100 patients/années) et le taux de progression vers un cancer invasif bas (0,224 pour 100 patients/années pour les pHSIL). Les facteurs associés à la clairance des lésions en dysplasie de haut grade sont l’âge < 45 ans, des lésions dysplasiques de plus bas grade, une taille de lésion macroscopique plus petite et l’absence d’HPV 16 (5). Le délai médian entre le diagnostic de la dysplasie de haut grade et l’apparition d’une lésion invasive est supérieure à deux ans (6).
MSM : homme ayant une sexualité anale avec un homme
SOTR : personne ayant eu une transplantation d’organe solide
Conditions précancéreuses en 2023 : quelle stratégie de dépistage et de traitement ?
Le traitement des lésions précancéreuses diminue de moitié l’apparition du cancer invasif dans certaines populations à risque (7). Il est donc justifié de dépister les lésions de dysplasie et de les traiter. Le dépistage des lésions de dysplasie anale repose sur plusieurs types de tests. Une première catégorie est représentée par les tests de triage visant, de façon non invasive et par des marqueurs indirects, à identifier des signes microscopiques ou virologiques associés à la dysplasie du canal anal. Les principaux tests sont l’analyse cytologique d’un frottis (cytologie en phase de liquide), la sensibilisation par d’éventuels immunomarquages témoins indirects d’une prolifération cellulaire ou de l’intégration du génome viral dans la cellule. Les tests virologiques appartiennent à cette catégorie permettant, par méthode PCR, d’identifier des types d’HPV. Cette approche permet de caractériser les virus selon leurs propriétés oncogènes à haut ou bas risque. La recherche d’HPV 16 est au cœur des tests de triage (8). La réalisation d’un frottis de requiert pas de compétence particulière. Il est assez proche des conditions de réalisation d’un frottis gynécologique en utilisant une brossette souple spécifique qui est ensuite plongée dans un liquide de préservation (cytologie en phase liquide). La récupération du culot cellulaire permet à la fois une analyse cytologique et virologique. Il n’a, pour l’instant, pas de prise en charge et de remboursement pour ces tests. La seconde catégorie est représentée par des tests diagnostiques visant à identifier les lésions suspectes de dysplasie de haut grade du canal anal. Il ne s’agit donc pas de tests de triage mais d’examens de référence pour le diagnostic positif de la dysplasie et du cancer. L’examen clinique consciencieux avec un toucher anorectal, une anuscopie et la biopsie des zones d’intérêt est recommandé annuellement chez les personnes vivant avec le VIH (rapport Morlat). Cette méthode simple est cependant peu décrite dans les stratégies de dépistage et de suivi. L’anuscopie haute résolution (la colposcopie du gastro-entérologue) a vu, en revanche, sa procédure standardisée dans le sillage de recommandations européennes et impose un apprentissage (9). Cette méthode consiste à une analyse consciencieuse de la muqueuse du canal anal (et notamment de la zone transitionnelle) en utilisant un colposcope afin d’obtenir une magnification de l’image. L’endoscope souple de type coloscope n’est pas adapté à cette pratique. Une sensibilisation par application d’acide acétique à 5 % puis de Lugol permet de mieux caractériser les lésions de dysplasie de haut grade (classiquement très acidophiles et iodonégatives). Aujourd’hui, le nombre de centres et de praticiens français formés à cette technique est très limité et la diffusion des critères de qualité de l’examen également. L’ensemble de ces tests peut être combiné pour améliorer les performances diagnostiques et stratifier les modalités du dépistage. La SNFCP a proposé une stratégie de dépistage basée sur les tests de triage et de diagnostic résumée dans l’algorithme de la figure 2.
(1) L’examen clinique est indispensable en cas de symptôme. L’examen clinique est constitué d’une analyse visuelle et palpatoire de la région périanale, d’un toucher anal et rectal bas et d’une anuscopie attentive. La présence de lésions suspectes doit faire l’objet de biopsies. La palpation des aires inguinales fait partie de l’examen clinique. Cette exploration doit être réalisée dans l’année qui suit l’identification d’HPV16.
(2) La recherche de stigmates viraux d’infection HPV16 est au cœur des tests de triage car ce type viral est associé au carcinome épidermoïde du canal anal avec une prévalence très élevée. Cette stratégie limite le recours à une consultation spécialisée. L’histoire naturelle de l’infection HPV16 et la clairance autorisent un espacement des tests de surveillance à 5 ans en l’absence de stigmate HPV16. L’incidence cumulée d’infection HPV16 est de 16 % à 3 ans dans les populations à risque n’ayant pas d’HPV16 initialement.
(3) Dans l’état actuel des connaissances, la normalité de l’examen cytologique rend très peu probable la présence de lésions de dysplasie de haut grade (4 %).
(4) En présence de stigmates d’infection HPV16, lorsque l’examen clinique est normal, la clairance du virus se fait lentement et il n’est observé que chez un peu plus d’un tiers des patients après 3 ans de suivi. Il ne semble donc pas opportun de répéter le test de façon trop rapprochée dans cette population, a fortiori lorsque l’examen clinique est normal. La répétition d’un examen cytologique normal rend peu probable la survenue d’une dysplasie de haut grade dans les 3 ans qui suivent.
(5) La présence d’anomalies cytologiques est associée à une dysplasie de haut grade une fois sur trois, et plus de deux fois sur trois lorsque les lésions cytologiques sont de haut grade. Dans l’attente de tests non invasifs plus discriminants (test de méthylation, P16 Ki-67), une anuscopie haute résolution doit être réalisée dans des conditions optimales avec biopsies. En l’absence d’anuscopie haute résolution accessible, l’examen clinique avec anuscopie doit être répété au minimum annuellement.
Les stratégies de traitement de la dysplasie reposent sur des procédés physiques qui ont pour objectif secondaire de limiter les processus cicatriciels et les handicaps fonctionnels. La photocoagulation infrarouge et l’électrocoagulation sont les plus utilisées. Les alternatives chimiques sont représentées par l’imiquimod. La vaccination n’a qu’un intérêt prophylactique et n’a pas de place actuellement dans les stratégies thérapeutiques de la dysplasie. Enfin, la chirurgie d’exérèse se conçoit dans les formes limitées, notamment lorsqu’il existe un doute sur la nature infiltrante de la lésion (biopsie exérèse). Les récidives après traitement sont fréquentes et les stratégies de surveillance sont de ce fait contraignantes à la fois pour les patients (suivi semestriel) et pour les praticiens (anuscopie haute résolution) tous les 6 à 12 mois (10).
Faire le diagnostic de cancer invasif
Le cancer du canal anal doit être évoqué devant tout symptôme proctologique chez des personnes dites à haut risque ou très haut risque, même si la grande majorité des cancers du canal anal est diagnostiquée chez des personnes qui ne présentent aucun facteur de risque connu. Il s’agit dans la majorité des cas de femmes de plus de 65 ans. Ce constat un peu perturbant questionne d’autres facteurs de risque non encore identifiés : des stratégies de dépistage futures pourraient imposer un élargissement des populations cibles comparables à celles proposées dans le dépistage des cancers du col de l’utérus. Les symptômes sont atypiques mais les saignements (anorragies), la perception d’une tuméfaction indurée ou des douleurs en dominent l’expression. Les examens utiles au diagnostic ont été stratifiés dans les recommandations récentes de l’ESMO en trois catégories (figure 3) (3). Les examens classiques essentiels comprennent la palpation des aires ganglionnaires, l’examen proctologique détaillé et le scanner thoraco abdominopelvien. L’IRM pelvienne (bilan lésionnel et ganglionnaire régional précis) et l’examen gynécologique (frottis et recherche de lésions HPV induites synchrones) sont encore trop souvent oubliés en pratique de soins. Il est important de réaliser ces explorations y compris en cas de petits cancers T1 parce que les atteintes ganglionnaires peuvent être observées dans 18 % des cas de certaines cohortes (11). Après un engouement pour le recours au TEP Scan, cette exploration garde sans doute une place à certaines étapes de la prise en charge (classement de certaines lésions avancées, avant radiothérapie ou avant chirurgie de rattrapage) mais plus de façon systématique. Une ponction ganglionnaire sous contrôle échographique avec analyse cytologique est utile lorsque les données de l’IRM ou du TEP scan sont douteuses.
FR : facteur de risque, VIH virus de l’immunodéficience humaine HPV papillomavirus humain p16 surexpression lésionnelle de la protéine p16, EE échographie endocavitaire AG anesthésie générale
Déterminer le pronostic pour guider la stratégie de traitement
Dans les recommandations de l’ESMO comme dans celles du Thésaurus National de Cancérologie Digestive (TNCD), le pronostic lésionnel est déterminé par la classification pTNM de l’UICC (huitième édition) (tableau 1) (12). Cette classification conditionne aujourd’hui les orientations de prise en charge thérapeutique. Les données de l’IRM en séquence pondérée T2 permettent l’évaluation précise de la taille de la lésion, de l’atteinte ganglionnaire et du rapport lésionnel au sacrum dans la perspective de la radiothérapie. Le statut VIH est utile à prendre en compte dans les populations à risque dans les recommandations de l’ESMO et il est jugé obligatoire dans le TNCD. Le statut HPV et p16 de la tumeur sont utiles parce qu’ils sont des marqueurs de meilleur pronostic lorsqu’ils sont présents (survie spécifique, survie sans progression et survie globale).
Stade |
T |
N |
M |
---|---|---|---|
Stade 0 |
Tis |
N0 |
M0 |
Stade I |
T1 |
N0 |
M0 |
Stade IIA |
T2 |
N0 |
M0 |
Stade IIB |
T3 |
N0 |
M0 |
Stade IIIA |
T1-T2 |
N1 |
M0 |
Stade IIIB |
T4 |
N0 |
M0 |
Stade IIIC |
T3-T4 |
N1 |
M0 |
Stade IV |
tout T |
tout N |
M1 |
Finalement, les éléments qui interviennent défavorablement dans le pronostic des cancers invasifs de l’anus sont la taille de la lésion primitive (plus de 5 cm de grand axe), la présence d’une lésion ulcérée en territoire malpighien, d’une atteinte ganglionnaire et de métastases (3). Certains éléments de moins bon pronostic évoqués dans le TNCD méritent également attention (genre masculin, lésion peu différenciée).
Traiter un cancer invasif non métastatique d’emblée
Les recommandations ESMO sont pondérées en fonction du niveau de preuve scientifique en utilisant une échelle de gradation reproduite dans le tableau 2 (13). L’algorithme de prise en charge d’un cancer invasif du canal anal non métastatique d’emblée est reproduit dans la figure 4 (3). Les petits cancers de la marge anale peuvent être traités par une excision locale avec une marge de sécurité d’au moins un millimètre à condition qu’il n’y ait pas d’atteinte du sphincter anal interne (cT1N0M0) (Grade B). Dans toutes les autres situations ou lorsque ces conditions ne sont pas atteintes, une chimioradiothérapie est recommandée (Grade B). Le traitement de première intention repose sur la classique association chimioradiothérapique comportant 5 FU et Mitomycine C pour les carcinomes épidermoïdes localisés (Grade A). Une irradiation de plus de 50 Gy est recommandée dans les formes localement étendues mais le niveau optimal de dose en fonction de la taille de la lésion reste à définir (Grade B). La capecitabine est une alternative au 5 FU en association à la mitomycine (Grade B). Les personnes âgées doivent faire l’objet d’une prise en charge comparable sauf si l’état général n’autorise qu’une radiothérapie seule (Grade C). Les techniques d’analyse de définition et de contournage du volume anatomique pour définir la cible radiothérapique est recommandée (Grade B). La chirurgie locale a peu de place dans les stratégies de prise en charge : il ne doit pas y avoir de chirurgie locale préalable à la radiothérapie dans les cancers invasifs sauf en cas de biopsie exérèse et de formes superficielles (cf. supra). Cependant, une stomie de dérivation doit être discutée dans trois situations : douleurs pelviennes intenses, incontinence fécale, fistule rectovaginale (grade C). Enfin, une chirurgie d’amputation abdominopérinéale peut être envisagée d’emblée en cas de radiothérapie pelvienne préalable pour d’autres indications (Grade C).
Grade de recommandation | Niveau de preuve |
---|---|
A | niveau de preuve élevé avec un impact clinique significatif permettant de recommander fortement |
B | niveau de preuve moyen à élevé avec un impact clinique limité permettant de recommander dans des conditions habituelles |
C | niveau de preuve insuffisant ou mal compensé par les risques ou les inconvénients rendant la recommandation optionnelle |
D | niveau de preuve modéré en défaveur d’une technique ou d’un traitement, les rendant habituellement non recommandables |
E | niveau de preuve élevé en défaveur d’une technique ou d’un traitement, les rendant jamais recommandables |
La période optimale pour l’évaluation de la réponse à la chimio-radiothérapie est 26 semaines après la fin de la séquence thérapeutique (Grade B). Elle est d’abord basée sur une évaluation clinique (indispensable avant et après traitement) (Grade B). Une évaluation comparative des IRMs avant et après traitement est souhaitable afin d’analyser la qualité de la réponse anatomique (Grade A). Il n’y pas de preuve suffisante pour proposer l’utilisation du TEP scan pour évaluer la réponse au traitement (Grade C). Chez les malades en rémission complète, le rythme de surveillance ultérieur est de 3 à 6 mois pendant deux ans puis de 6 à 12 mois pendant trois ans. Les modalités de surveillance comportent au moins un examen clinique (Grade C). Dans les formes localement importantes avec atteinte ganglionnaire, la surveillance IRM doit être intensifiée pendant les 12 premiers mois de suivi (Grade C). Sauf situations particulières, il n’est pas nécessaire d’envisager une imagerie de surveillance après trois ans de rémission complète (Grade B).
Traiter les récidives locales ou les résidus tumoraux
Une chirurgie de sauvetage doit être discutée dans ces situations (Grade B). La suspicion d’une récidive locale doit être confirmée sur le plan histologique (Grade B). Une évaluation IRM et multidisciplinaire est indispensable avant de poser l’indication de chirurgie de sauvetage (Grade A). L’amputation abdominopérinéale est la méthode de référence mais des chirurgies plus larges peuvent être indiquées (exentération pelvienne) afin d’atteindre l’objectif R0 (Grade C). L’amputation abdominopérinéale est sensiblement différente de celle proposée pour le traitement du cancer du rectum parce que l’excision anopérinéale est plus large et qu’elle impose le plus souvent une plastie cutanéomusculaire de recouvrement (Grade C). De nombreuses organisations suggèrent l’adressage dans un centre de recours dans cette situation (Grade B).
Traiter les formes métastatiques d’emblée
Le traitement des formes métastatiques d’emblée repose sur la chimiothérapie lorsqu’elle est possible (figure 5). L’association carboplatine et paclitaxel est recommandée en première ligne dans les formes avancées (Grade B). Le recours au cisplatine 5 FU & capecitabine, carboplatine et/ou l’association à docetaxel sont des alternatives possibles (Grade B).
Besoins non couverts et perspectives
Il existe encore de nombreuses limites au déploiement du dépistage de la dysplasie anale : compte tenu de la variabilité inter-centre et inter- observateur du diagnostic de dysplasie anale, il est recommandé que les praticiens et les anatomopathologistes qui font le diagnostic positif de la dysplasie suivent une formation préalable et comparent leurs performances diagnostiques entre eux. Il est recommandé de tester les protocoles de dépistage en vraie vie afin d’analyser l’adhésion des personnes exposées et les conditions de remboursement des tests. Dans le cadre du dépistage de lésions précoces et du suivi des lésions de dysplasie, il est important de pouvoir s’appuyer sur une prise en charge et un remboursement par les pouvoirs publics des tests virologiques, de l’analyse cytologique et d’une cotation spécifique de l’anuscopie haute résolution.
L’utilisation de marqueurs tels que le dosage de l’ADN circulant pourrait représenter des alternatives de surveillance à la fois des cancers traités mais aussi dans le suivi des patients ayant des lésions de dysplasie de haut grade du canal anal.
La prise en charge thérapeutique des petits cancers du canal anal (T1N0M0) pourrait accorder une place plus importante à la chirurgie d’excision parce que les séquelles fonctionnelles du traitement sont plus réduites et parce que la chimioradiothérapie est toujours possible en cas de contrôle local insuffisant. Cette option non encore envisagée dans les recommandations de l’ESMO impose un bilan préopératoire rigoureux (TEP scan) afin de ne pas méconnaître d’atteinte ganglionnaire. Les données récentes non encore publiées de la cohorte ANABASE y invitent.
Le pronostic des malades ayant une forme avancée est mauvais, seul un malade sur trois étant encore vivant à cinq ans. Les recommandations de l’ESMO conservent une stratégie classique alors que des espoirs importants reposent sur des associations comportant docetaxel, cisplatine et 5 FU, et pour certains patients, les anti-PD1 (14,15).
Conclusions
Le cancer de l’anus doit faire l’objet d’une attention particulière du monde de la gastro-entérologie. Son augmentation d’incidence et la meilleure connaissance des lésions précancéreuses doivent conduire la profession à accentuer son niveau de compétence pour le dépistage et le traitement des lésions dysplasiques du canal anal. La prise en charge thérapeutique des cancers invasifs non métastatiques est aujourd’hui mieux encadrée mais il persiste des interrogations concernant les doses d’irradiation en fonction du volume tumoral. Le traitement des formes avancées ou des récidives après prise en charge chimioradiothérapique reste un challenge.
Références
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- Lièvre Anti-PD-1 for pretreated advanced anal carcinoma: which patients will benefit? Lancet Gastroenterol Hepatol. mai 2022;7(5):384-6.
Abréviations
- 5 FU : 5 fluoro uracile
- ADN : acide désoxyribonucléique
- ESMO : European Society of Medical Oncology
- HPV : Human Papilloma Virus
- HSIL : High Squamous Intrepithelial Lesion. Les lésions dysplasiques de haut grade du canal anal peuvent être définies en cytologie (cHSIL) ou en histologie (pHSIL)
- IRM : imagerie par résonance magnétique nucléaire
- MSM : homme ayant une sexualité anale avec un homme
- PCR : Polymerase Chain Reaction
- SNFCP : Société Nationale Française de Colo Proctologie
- SNFGE : Société Nationale Française de Gastro Entérologie
- SOTR : personne ayant eu une transplantation d’organe solide
- TEP Scan : imagerie par émission de positon couplée au scanner
- TNCD : Thésaurus National de Cancérologie Digestive
- UICC : Union for International Cancer Control
- VIH : virus de l’immunodéficience acquise
FMC HGE : Organisme certifié Qualiopi pour la catégorie ACTIONS DE FORMATION