Radioprotection en endoscopie interventionnelle : Tout ce que vous devez savoir !
POST'U 2023
Endoscopie
Objectifs pédagogiques
- Connaître les aspects réglementaires
- Connaître les principes de justification de l’utilisation des rayonnements ionisants
- Connaître les moyens de protection du patient
- Connaître les moyens de protection de l’opérateur et de son équipe
- Savoir évaluer sa pratique
Les 5 points forts
-
En France, les trois organismes en charge de la régulation de la radioprotection sont l’ASN (réglementation), l’IRSN (scientifique) et l’ANSM (sécurité).
- Les effets déterministes apparaissent obligatoirement à partir d’une dose seuil et les effets stochastiques sont aléatoires mais leur probabilité d’apparition augmente avec la dose.
- Le produit de dose surface (PDS) est le seul indicateur dosimétrique qui doit figurer dans le compte rendu.
- La réduction des rayonnements ionisants comprend l’optimisation des doses (diminution du temps, augmentation de la distance par rapport à la source, collimation, scopie pulsée) et la mise en place de protections individuelles et collectives.
- La formation à la radioprotection « patient » est valable 7 ans et « travailleur » 3 ans.
Liens d’intérêt
Boston Scientific ; Norgine
Mots-clés
Justification ; Optimisation ; Niveaux de référence diagnostiques
Introduction
Les rayonnements ionisants sont utilisés couramment en endoscopie interventionnelle (1). Ces rayonnements ne sont pas dénués d’effets secondaires à court, moyen et long terme aussi bien pour l’endoscopiste que pour le patient.
Instances régulatrices
Les bases de la radioprotection
Au niveau international, la radioprotection est gérée par une dizaine d’organismes indépendants les uns des autres (ICRU : International Committee for Radiological Units, UNSCEAR : United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation, ICRP : International Commission
on Radiological Protection, EURATOM : EURopean ATOMic energy community treaty). En France, les trois organismes ayant pour mission de contrôler l’application de cette réglementation sont :
- L’ASN (Autorité de Sureté Nucléaire) : une autorité administrative française qui assure, entre autres, les missions de contrôle de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés à l’utilisation du nucléaire.
- L’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) : c’est l’expert public en matière de recherche et d’expertise scientifique sur les risques nucléaires et radiologiques. Il réalise notamment des analyses, des mesures pour des organismes publics ou privés, français ou étrangers.
- L’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) : Elle est chargée d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des dispositifs médicaux tout au long de leur cycle de vie. Elle a le pouvoir d’interdire l’utilisation d’un dispositif en cas de non-conformité faisant suite à une maintenance ou à un contrôle qualité.
Les acteurs de la radioprotection au cœur de nos institutions
Les deux principaux acteurs intervenant dans le cadre de la radioprotection au sein des établissements sont :
- Le conseiller en radioprotection (CRP) coté radioprotection travailleur.
- Le physicien médical, coté radioprotection
Bases Physiques
La production des rayons X
Les arceaux de bloc opératoires sont constitués d’un générateur, d’un tube, d’un récepteur. Au niveau du dispositif lorsque l’opérateur le déclenche, un faisceau de rayons X est émis depuis le tube en direction du récepteur. Ce dernier traverse le patient installé sur la table. Trois phénomènes physiques interviennent :
- Une majorité du faisceau est absorbé par le patient [Dose reçue par le patient, en Gray (Gy)].
- Une autre partie est diffusée essentiellement en direction du tube. On parle de rayonnement rétrodiffusé [Dose reçue par le travailleur en Sievert (Sv)].
- Seule une petite partie du faisceau est transmise et atteindra le récepteur, ce qui participe à la formation de l’image.
La quantification de l’irradiation
Le gray représente une quantité d’énergie absorbée par la matière. Cette unité sera utilisée dans l’évaluation des effets déterministes. Ces effets apparaissent obligatoirement à partir d’une certaine dose seuil (exemple : radiodermite, cataracte, alopécie…). Ces effets peuvent apparaître de quelques jours à quelques années après l’exposition. Plus la dose est élevée, plus les effets sont importants.
Le sievert quant à lui permet de rendre compte de l’impact des rayonnements sur la matière et ainsi d’estimer les effets stochastiques. Ces effets sont aléatoires et d’après le modèle le plus courant leur probabilité d’apparition augmente avec la dose. Ces effets surviennent des années après l’exposition aux rayonnements ionisants (exemple : cancers, leucémies, malformation au niveau de la descendance…).
Les indicateurs dosimétriques
La quantification de la dose n’est pas facilement accessible à l’utilisateur d’arceau de bloc. Pour cette raison, des indicateurs, facilement mesurables ou calculables ont été mis en place. En France, on se base sur le produit dose surface (PDS) qui est mesuré par des chambres d’ionisations qui se situent au niveau du tube du dispositif médical. Il est exprimé en cGy.cm² le plus souvent. Le PDS est constant tout au long de son parcours depuis le tube jusqu’au patient. La dose est inversement proportionnelle au carré de la distance alors que la surface augmente avec le carré de la distance car le faisceau de rayon ionisant est divergent. Seul le PDS doit figurer dans le compte rendu (Arrêté du 22 septembre 2006 JORF). Il est recommandé d’ajouter également toutes informations utiles à l’estimation des risques déterministes et stochastiques pour le patient.
La radioprotection patient
Principes fondamentaux
Les deux fondamentaux de la radioprotection du patient sont : la justification et l’optimisation des actes de radiologie. Concernant l’optimisation, la première étape est le choix de l’équipement. Il doit être adapté à la pratique clinique. Dans la phase d’optimisation, un travail collaboratif entre l’ingénieur d’application du fournisseur, l’endoscopiste et le physicien médical doit être entrepris. Il va permettre d’adapter les protocoles en fonction du besoin clinique (scopie pulsée, collimation…).
Une méthode permettant l’optimisation est la comparaison de ces données par rapport aux niveaux de référence diagnostiques (NRD) officiels (décision de l’Autorité de sûreté nucléaire n° 2019-DC-0667 du 18 avril 2019), par rapport à la littérature (rapport SFPM n° 40, CPRE NDR 11 Gy.cm2, Temps de scopie 6,4 min), par rapport à ses propres pratiques en établissant ses propres niveaux de référence [Niveaux de Référence Locaux (NRL)] (2).
Formation à la radioprotection patient
Les décisions n° 2017-DC-0585 du 14 mars 2017 et n° 2019-DC-0669 du 11 juin 2019 de l’Autorité de sûreté nucléaire définissent le cadre de la formation radioprotection patient (3). Cette formation doit être actuellement renouvelée tous les 7 ans.
Information dosimétrique
En amont de l’endoscopie nécessitant l’utilisation d’une radioscopie, le patient doit recevoir une information liée à cette éventuelle exposition (Décision ASN n° 2019-DC-0660). Cette information doit être renseignée dans les fiches explicatives remises au préalable au patient ou dans le consentement. Par exemple, une phrase type peut être incorporée à la documentation fournie au patient : « lors de votre prise en charge sur le plateau technique d’endoscopie, il est probable que l’endoscopiste ait recours à une technique d’imagerie radiologique. Le rapport bénéfice-risque est très largement favorable à l’utilisation de cette technique malgré les effets liés à cette exposition X ».
Dans le cadre d’une démarche qualité, il convient de déclarer les évènements significatifs de radioprotection (ESR) sur le site de ASN (https:// teleservices.asn.fr).
La Radioprotection des professionnels
Classement des travailleurs en fonction de l’exposition
Des limites de dose réglementaires ont été définies pour soustraire les travailleurs exposés aux effets déterministes et réduire autant que possible la survenue d’effets aléatoires. Les médecins endoscopistes réalisant des actes avec rayonnement ionisants appartiennent habituellement à la classe B des travailleurs exposés avec une dose annuelle maximale de 6 mSv/an (Tableau 1).
La prévention et la protection du risque lié à l’exposition aux rayonnements ionisants
Pour préserver les professionnels des effets liés à ces expositions, il est nécessaire de veiller à ce qu’ils restent sous les limites réglementaires fixées dans le tableau 1, et essayer de réduire leurs doses le plus bas possible (4). Sur les lieux de travail, une surveillance dosimétrique de l’exposition individuelle des professionnels est obligatoire. Il est important de rappeler que la surveillance dosimétrique n’a d’intérêt que si elle est portée correctement et régulièrement. Une surveillance à la médecine du travail renforcée doit être mise en place (Art. R.4451-82 du Code du travail) dont la périodicité est définie selon la catégorie de (travailleur : A = Annuelle ou B = tous les deux ans).
La mise en place d’équipements de protection individuelle doit être systématique (EPI). Le port d’une veste et d’une jupe ou d’une chasuble ainsi que d’un cache-thyroïde est systématique. Pour les actes de d’endoscopie digestive, on peut proposer des EPI de 0,35 mm équivalent de plomb en face avant. En complément de l’utilisation des protections individuelles, il est conseillé d’utiliser autant que possible des équipements de protection collective (EPC).
L’information et la formation des travailleurs (Art. R.4451-58 du Code du travail) sont obligatoires. Pour le personnel exposé classé A ou B, cette formation est à renouveler tous les 3 ans.
Tableau 1 : Classement des travailleurs en fonction de l’exposition
CLASSEMENT ZONE D’EXPOSITION |
TRAVAILLEUR
Dose maximale annuelle mSv/An |
PUBLICMINEUR de moins de 16 ans ENFANT DE LA TRAVAILLEUSE
ENCEINTE à compter de la déclaration de grossesse (mSv/an) |
||
---|---|---|---|---|
CLASSE
Cat A |
CLASSE
Cat B |
NON EXPOSE | ||
Dose efficace (Corps entier) |
20 |
6 | 1 |
1 |
Dose équivalente (extrémités, peau, avant-bras, jambes) |
500 |
150 | 50 |
50 |
Dose équivalente (Cristallin) |
20 |
15 | 15 |
15 |
Comment réduire les rayonnements ionisants au quotidien ?
La radioprotection du patient va conditionner une partie de la radioprotection des professionnels et les grands principes suivants doivent être respectés (figure 1) :
Le temps
Il convient de privilégier les expositions courtes de type scopie pulsée, d’éviter les images inutiles comme la graphie ou la scopie continue.
La distance
Il est important de prendre ses distances par rapport à la source et au patient lors des émissions de rayonnement. En effet la dose de rayonnement est inversement proportionnelle au carré de la distance de la source. Parallèlement il convient de minimiser la distance entre le détecteur et le patient.
Les écrans
Le port des protections individuelles doit être systématique et la mise en place des protections collectives est recommandée autant que possible.
L’optimisation
Collimater le champ permet de diminuer la dose de rayonnements ionisants et d’augmenter la qualité de l’image. Il faut privilégier le zoom numérique et éviter le zoom analogique.
Conclusion
L’optimisation quotidienne des pratiques ainsi qu’un suivi régulier des niveaux de référence sont la base de la radioprotection.
Références
- Dumonceau JM, Garcia-Fernandez FJ, Verdun FR, et al. Radiation protection in digestive endoscopy: European Society of Digestive Endoscopy (ESGE) guideline. Endoscopy 2012; 44 : 408–421.
- https://www.sfpm.fr/actualites/publication-rapport-sfpm-ndeg40-niveaux-reference-pratiques-interventionnelles.
- https://www.asn.fr/espace-professionnels/activites-medicales/guides-professionnels-de-formation-continue-a-la-radioprotection/guide-pratique-destine-aux-medecins-et-specialistes-realisant-des-pratiques-interventionnelles-radioguidees.
- Décret N°2018-437 du 4 juin 2018 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants (tous travailleurs confondus).
Remerciements
Dr Christine Lefort, Hôpital Privé Jean Mermoz, Service d’hépato-gastroentérologie, 55 av. Jean Mermoz, 69008 Lyon.
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