Tumeurs neuroendocrines : tout ce qu’il faut savoir sur la radiothérapie interne vectorisée (RIV)

POST'U 2023

Cancérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les principes et les modalités de la RIV
  • Connaître les indications
  • Connaître le bilan pré-thérapeutique
  • Connaître les résultats et les effets indésirables

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. La radiothérapie interne vectorisée (RIV) est une nouvelle classe thérapeutique. Elle consiste à administrer par voie veineuse ou orale un radio pharmaceutique peptidique, qui va se fixer préférentiellement sur les cellules cibles cancéreuses.
  2. La principale indication en oncologie digestive est la tumeur neuroendocrine de l’intestin grêle métastatique. Elle doit être validée en RCP RENATEN.
  3. La RIV est une thérapie ciblée dont l’efficacité dépend de la cible qu’il faut évaluer préalablement par une scintigraphie dédiée.
  4. La tolérance est très bonne avec une toxicité limitante qui est principalement hématologique.
  5. Le patient devenant potentiellement irradiant et contaminant pour son entourage (urines, selles, salive, sang…), son niveau de radioactivité doit être contrôlé avant la sortie.

Liens d’intérêt

Financements recherche : Covidien/Mallinkrodt, IBA, Roche, GEHC

Expertise : Covidien/Mallinkrodt ; Ipsen ; Novartis ; Norgine ; Bayer ; GEHC ; Cyclopharma ; AAA ; Vect-horus

Mots-clés

Tumeurs neuro-endocrines ; Radiothérapie interne vectorisée

Connaître les principes et les modalités de la radiothérapie interne vectorisée (RIV)

À la différence de la radiothérapie externe qui utilise des rayonnements photoniques ou électroniques produits par des accélérateurs, l’action radiobiologique de la RIV est basée sur des rayonnements particulaires émis lors des processus de transformation radioactive de radio-isotopes administrés aux patients (per os ou en intraveineux) sous forme de médicaments radiopharmaceutiques (MRP).

Dénommée radiothérapie métabolique en référence au ciblage du métabolisme de l’iode pour le traitement de pathologies thyroïdiennes, la notion de métabolisme n’apparaît pas pertinente lorsqu’on utilise des molécules vectrices telles que des anticorps monoclonaux ou des peptides ; d’où le terme de « Radiothérapie Interne Vectorisée (RIV) » retenu également par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) (1).

S’agissant de la RIV des Tumeurs Neuro Endocrines (TNE), le terme anglo-saxon est « Peptide Receptor RadioNuclide Therapy », soit PRRT ou PRRNT (2), car le ciblage de TNE se fait par l’intermédiaire d’un vecteur peptidique (agoniste en routine clinique du sous-type 2 des récepteurs à la somatostatine).

Le marquage du vecteur, qui doit être stable et ne pas altérer la spécificité du ciblage, se fait le plus souvent par l’utilisation d’un chélateur plus ou moins cyclique (formant une sorte de « cage ») qui piège et solidarise de manière stable in vivo le radio-isotope à la molécule vectrice.

On administre donc au patient un Médicament Radio Pharmaceutique (MRP) qui est une source radioactive non scellée (à la différence de la curiethérapie, autre technique d’irradiation qui utilise des sources scellées, tels que des grains d’iode 125 pour la curiethérapie de la prostate).

Après l’injection, le patient devient une « source radioactive » potentiellement irradiante et contaminante pour l’entourage (urines, selles, salives, sang…). En pratique, le niveau de radioactivité du patient doit être contrôlé avant la sortie et la durée de séjour est adaptée, au cas par cas, en tenant compte de l’environnement du patient à domicile et sur son lieu de travail.

La RIV est une activité médicale nucléaire qui bénéficie de l’attention de l’Autorité de Sûreté Nucléaire qui veille au respect des règles de radioprotection des patients, de l’environnement et des personnels. Le directeur de l’établissement et le médecin nucléaire sont co-responsables du respect de cette réglementation.

Comment ça marche ?

Les molécules vectrices sont administrées à des concentrations très faibles, il n’y a donc pas d’action pharmacologique du vecteur, l’efficacité thérapeutique mais aussi les effets secondaires ne sont liés qu’aux radiations ionisantes. La RIV est une radiothérapie systémique qui délivre une irradiation localisée du tissu fixant car les isotopes radioactifs émettent de particules (β- et α) qui ont un parcours bref « à faible rayon d’action » dans la matière.

En radiothérapie externe, la dose est délivrée par irradiation à fort débit de dose (de l’ordre du Gy/ minute) en plusieurs fractions (dose totale/ nombre de séances) et selon un étalement prédéfini (séances/ jours).

En RIV, il n’y a pas de fractionnement car l’irradiation est permanente (décroissante selon la période effective du MRP). Le plus souvent, les protocoles thérapeutiques reposent sur des injections répétées, l’intervalle dépendant de la cinétique du MRP et de la toxicité. Cet intervalle est généralement de 6 à 10 semaines selon les MRP et des concessions temporelles sont envisageables en cas de toxicité.

La RIV apporte la possibilité de délivrer localement plusieurs centaines de gray sans irradier significativement les tissus environnants (si le ciblage est spécifique) du fait du très faible parcours dans la matière des particules émises. Cependant, les connaissances radiobiologiques sont nettement moins développées pour la RIV que pour la RTE et nous ne connaissons pas précisément la dose (Gy) délivrée aux tumeurs et aux tissus sains après l’injection.

L’expérience acquise à propos de la radio-immunothérapie et du traitement des goitres enseigne que ce mode d’irradiation est peu adapté pour les tumeurs rapidement évolutives.

De manière pratique, une tumeur dédifférenciée (n’exprimant plus la cible) ou mal vascularisée va moins capter le MRP et pour une grosse tumeur, la profondeur de pénétration des rayonnements ne sera pas assez importante, ce à quoi s’ajoute la radiorésistance des régions hypoxiques en profondeur. Tout ceci justifie le rôle fondamental du bilan d’imagerie pré thérapeutique. L’importance de la captation initiale du MRP autrefois évaluée par une scintigraphique avec un traceur mono-photonique analogue du MRP thérapeutique, peut être anticipée, on utilise maintenant des émetteurs de positons TEP ; cette approche est dite théranostique.

Cependant, la dose absorbée dépend aussi de la durée de rétention que l’on peut essayer de déterminer par de l’imagerie séquentielle post injection. La variation de concentration du MRP en fonction du temps au niveau de la cible permet de déterminer une aire sous la courbe (AUC) C’est la méthode de base pour arriver au calcul de la dosimétrie rarement fait en pratique du fait de la lourdeur de mise en œuvre.

Les modalités de la RIV avec du 177LuDOTATATE (ciblant les Récepteurs à la somatostatine) en pratique

  • La RIV est une thérapie ciblée dont l’efficacité dépend de l’expression de la cible qu’il faut évaluer préalablement ; c’est donc un préalable indispensable à toute indication de RIV. Dans le cadre des TNE, au mieux, on réalise un examen TEP/TDM au 68Ga octréotide. Une fixation des sites tumoraux, équivalente ou supérieure à celle du foie, est un prérequis indispensable.
  • Le lutécium (177Lu) oxodotréotide ou 177Lu-DOTA0-Tyr3- octreotate dit « 177Lu-DOTATATE » est commercialisé par la société AAA/ Novartis sous le nom de Lutathéra®. Sa fixation hépatosplénique et rénale est comparable à celle du 111In-DTPA-octreotide (Octreoscan®) mais avec une fixation tumorale in vivo 4 fois supérieure.
  • Le Lutathéra® est un médicament à prescription restreinte, avec une péremption rapide (72 heures). La chaîne logistique est donc délicate : il n’y a pas de stock possible, la commande se fait pour chaque patient.
  • Mécanisme d’action

Le lutécium (177Lu) oxodotréotide a une haute affinité pour les récepteurs de la somatostatine de sous-type 2 (sst2).

Le 177Lu a des caractéristiques physiques qui en font un très bon agent de RIV :

  • Émission béta- d’énergie moyenne de 0,13 MeV (et maximale de 0,5 MeV), conférant un parcours moyen, moins pénétrant qu’avec l’Yttrium 90 donc moins toxique et plus adapté aux petites tumeurs ;
  • Une faible énergie gamma est émise également, principalement de 113 keV (6,2 %) et 208 keV (11 %), suffisante pour un contrôle scintigraphique (imagerie scintigraphique après injection), dans des conditions peu contraignantes de radioprotection (hospitalisation de moins de 24 heures en secteur protégé de médecine nucléaire).

À la concentration utilisée (environ 10 μg/mL au total, à la fois pour les formes libre et radiomarquée), le peptide oxodotréotide n’exerce pas d’effet pharmacologique significatif.

Dans le cadre de la RIV des TNE au 177Lu oxodotréotide le schéma thérapeutique de l’AMM est le suivant :

  • Posologie fixe de 7,4 GBq de 177Lu oxodotréotide par voie intraveineuse périphérique en 30 minutes.
  • Perfusion d’un litre de solution d’acides aminés (Lysacare®) en 4 heures, débutée 60 à 30 minutes avant l’injection thérapeutique. En effet, le lutécium (177Lu) oxodotréotide est presque exclusivement éliminé par le système rénal, il est donc obligatoire d’administrer simultanément une solution d’acides aminés contenant de la L-lysine et de la L-Arginine. Cette solution d’acides aminés contribue à diminuer la réabsorption du lutécium (177Lu) oxodotréotide à travers les tubules  proximaux, ce qui a pour conséquence une diminution significative des doses de rayonnement au niveau du rein d’environ 47 %.
  • 4 cycles d’injection avec un intervalle de 8 semaines, avec des concessions temporelles et posologiques en cas de toxicité (Dose Modifying Toxicity : DMT).
  • Le traitement peut se faire en ambulatoire dans un secteur dédié de médecine nucléaire, mais il faut recueillir les urines pendant 6 heures après l’injection et conserver celles-ci en décroissance dans des cuves.

Connaître les indications

En préambule, du fait de son mode d’action, le 177Lutécium oxodotréotide n’est pas un médicament de l’urgence cancérologique ou des pathologies rapidement évolutives.

La dernière mise à jour en 2020 du thésaurus national de cancérologie digestive (TNCD®) permet de positionner le traitement par 177LuDOTATATE pour les TNE gastro-entéro-pancréatiques ainsi que la démarche diagnostique (3).

L’AMM

Selon l’avis de la commission de transparence de l’HAS en 2018 le 177Lutécium oxodotréotide Lutathera® est indiqué pour le traitement des  tumeurs neuroendocrines gastro-entéro-pancréatiques (TNE-GEP) inopérables ou métastatiques, progressives, bien différenciées (G1 et G2) et exprimant des récepteurs de somatostatine chez les adultes avec un service médical rendu important, mais l’amélioration du service médical rendu (ASMR) pour les TNE pancréatiques est jugée non évaluable en l’absence d’essai. L’essai NETTER-1 en effet ne concernait que des patients atteints de TNE du grêle bien différenciée : 229 patients ont été traités ou par Lutathera® ou par octreotide double dose à libération prolongée (60 mg/ mois). Le taux de réponse objective était respectivement de 18 % pour la RIV versus 3 % et la survie sans progression à 20 mois était estimée à 65,2 % versus 10,8 % (3).

Donc le remboursement ne concerne que les tumeurs de l’intestin grêle où la PPRT est indiquée en première ligne en cas de progression et/ ou de métastases symptomatiques malgré un traitement bien conduit par analogues de la somatostatine (qui est la première ligne du traitement symptomatique) et/ ou d’envahissement hépatique > 50 % et/ou de Ki67 > 10 % et/ou en cas de métastases osseuses (4).

La Commission de transparence recommande que la mise en place du traitement par Lutathéra® soit discutée dans le cadre des réunions de

concertations pluridisciplinaires dans le cadre du réseau national spécifique aux TNE, RENATEN, labellisé par l’INCa.

L’AMM non remboursée : TNE du pancréas

De nombreuses études rapportent l’intérêt du traitement par 177LuDOTATATE pour les TNE bien différenciées du pancréas. L’étude rétrospective NETTER-R en vie réelle donne des résultats comparables à Netter-1 en termes de survie globale ou survie sans progression. En revanche, l’absence d’étude randomisée comparant le 177LuDOTATATE à une première ligne de traitement de référence n’a pas permis d’obtenir un remboursement ni d’avoir un rationnel fort pour le positionnement de la RIV par rapport aux standards thérapeutiques du moment.

L’étude de phase II randomisée (Occlurandom NCT02230176) 1:1 (177LuDOTATATE 4×7,4 GBq versus 37,5 mg/j de sunitinib), présentée en septembre 2022 à l’ESMO, est en faveur de la RIV avec chez 41 patients, 80 % de non progression à 1 an vs. 42 % dans le bras sunitinib. On   peut espérer que des études de promotion industrielle cette fois-ci (COMPETE (NTC03049189), NETTER-2 (NCT03972488), COMPOSE (NTC04919226) confirment la possibilité de changer nos pratiques pour les TNE pancréatiques progressives en espérant que l’indication puisse finalement être remboursée comme c’est le cas dans d’autres pays européens.

Cependant, l’ANSM a permis une extension de ce traitement à d’autres pathologies dans le cadre de la Prescription Compassionnelle (CPC) de Lutathera® (6).

La CPC est un référentiel unique des accès dérogatoires qui recense l’ensemble des médicaments disponibles dans le cadre soit :

  • D’autorisations d’accès compassionnel (AAC),
  • D’autorisations d’accès précoce (AAP),
  • De prescription compassionnelle (CPC).

Plus d’informations sont disponibles sur ce lien (5).

Selon le contexte dérogatoire, chaque produit comporte des informations utiles comme les critères d’octroi, les conditions d’utilisation, les résumés des caractéristiques du produit (RCP) ou les Protocoles d’Utilisation Thérapeutique (PUT). Le laboratoire Advanced Accelerator Applications    (AAA) est responsable de la mise en place et du suivi de ce CPC. Le suivi national de pharmacovigilance dans le cadre du présent CPC est assuré par le Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) de Poitiers.

Un petit détail : il faut que les praticiens renseignent la demande sur la Plateforme web ICTA pour permettre l’évaluation de l’efficacité, de la sécurité en conditions réelles. Ce travail de collecte de données donne lieu à une compensation financière forfaitaire modulée selon la complétude des dossiers.

Dans ce contexte, les indications de 177LuDOTATATE sont :

Phéochromocytome/paragangliome (PPGL) métastatique ou localement avancé inopérable, sur proposition de la RCP nationale COMETE.

Carcinoïde bronchique, métastatique ou localement avancée inopérable, progressif ou de forme sécrétante non contrôlée et exprimant les récepteurs de la somatostatine et après échec ou contre-indication d’un traitement par Evérolimus et sur proposition de la RCP nationale RENATEN.

Tumeur neuroendocrine thymique, métastatique ou localement avancée inopérable, progressive ou de forme sécrétante non contrôlée et exprimant les récepteurs de la somatostatine sur proposition de la RCP nationale RENATEN.

Autre tumeur neuroendocrine (TNE) y compris une TNE de primitif inconnu, métastatique ou localement avancée inopérable, progressive ou de forme sécrétante non contrôlée et exprimant les récepteurs de la somatostatine et sur proposition de la RCP nationale RENATEN.

Méningiome de tous grades, exprimant les récepteurs de la somatostatine de type 2 lors de l’imagerie TEP sur proposition de la RCP nationale OMEGA.

Connaître le bilan pré-thérapeutique de la RIV des TNE gastro-entéro-pancréatiques

La démarche peut être résumée de la manière suivante :

1° discussion en RCP (RENATEN)

2° documenter la progression

3° définir les objectifs thérapeutiques : contrôle de la progression tumorale et/ ou des syndromes sécrétoires.

Les éléments de la décision sont :

  • La localisation de la tumeur primitive ; (TNE pancréatique vs TNE non-pancréatique) ;
  • Le grade (OMS) et la différenciation des tumeurs ;
  • La pente évolutive ;
  • L’expression des récepteurs à la somatostatine évaluée par TEP au 68GaDOTA avec une fixation tumorale au moins aussi élevée que la fixation hépatique normale. On appréciera également l’étendue de l’atteinte osseuse et on évaluera le risque de syndrome occlusif post radique selon l’étendue de l’infiltration mésentérique et de ses répercussions radiologiques (6) ;
  • Le volume tumoral, notamment le taux d’atteinte métastatique hépatique, qui peut être classé semi-quantitativement en quatre catégories (0-10, 11-25, 26-50 et > 50 %)
  • L’existence de métastases extra-hépatiques (en particulier os, péritoine) ;
  • La résécabilité de la tumeur primitive et de la maladie métastatique ;
  • La présentation clinique des patients (âge, comorbidités, état général) ;
  • Les traitements antérieurs et leur tolérance ;
  • L’intensité du métabolisme glucidique évalué en TEP au 18FDG peut être considérée comme un élément pronostique décisionnel.

À ces éléments, s’ajoutent des considérations relatives à la RIV concernant la radioprotection telle que l’incontinence urinaire, ou les précautions d’emplois liées à la toxicité limitante (fonction rénale, réserve médullaire…). Le médecin nucléaire fournira les consignes de radioprotection adaptées au patient (7).

On doit proposer une échocardiographie en cas de facteur de risque d’insuffisance cardiaque ou de cœur carcinoïde ou de cardiopathie sous-jacente.

Facteurs de risque d’évènements indésirables (7)

Un patient présentant une ou plusieurs des conditions suivantes est plus enclin à développer des effets indésirables et un bilan initial et de surveillance est préconisé en cas de :

  • Anomalies morphologiques du tractus rénal ou urinaire ;
  • Chimiothérapie antérieure ;
  • Toxicité hématologique supérieure ou égale au grade 2 (CTCAE) avant le traitement, autre que la lymphopénie ;
  • Métastases osseuses étendues ;
  • Des signes radiologiques de subocclusion important ;
  • Une radiothérapie externe antérieure impliquant plus de 25 % de la moelle osseuse ;
  • Une insuffisance cardiaque sévère définie comme étant de classe III ou IV dans la classification NYHA ; la pratique de la RCP RENATEN est de proposer une évaluation cardiaque systématique avec échocardiographie compte tenu de l’atteinte valvulaire cardiaque possible en cas de TNE sécrétante et de l’hyperhydratation avec la solution d’acide aminés ;
  • Une insuffisance rénale avec clairance de la créatinine < 50 mL/min ;
  • Une atteinte hématologique avec soit Hb < 4,9 mmol/L (8 g/dL), plaquettes < 75 g/L (75×103/mm3), ou leucocytes < 2 G/L (2 000/mm3) (à l’exception de la lymphopénie ;
  • Une altération de la fonction hépatique avec bilirubinémie totale > 3 fois la limite supérieure de la normale ou albuminémie < 30 g/L et taux de prothrombine < 70 %.

Bilan biologique avant traitement

Les analyses biologiques minimales à réaliser avant chaque perfusion sont :

Fonction hépatique – fonction rénale – hématologie et doivent être effectuées au moins une fois 2 à 4 semaines avant l’administration. Il est aussi recommandé d’effectuer ces analyses toutes les 4 semaines pendant au moins 3 mois après la dernière perfusion de Lutathera® et ensuite tous les  6 mois afin de pouvoir détecter des effets indésirables tardifs potentiels.

Cas particuliers :

Personnes âgées : une augmentation du risque d’hématotoxicité a été décrite chez les personnes âgées (≥ 70 ans).

Insuffisance rénale : le traitement par Lutathera® est contre-indiqué chez ces patients avec un DFG < 30 ml.min-1. Le seul facteur de risque de toxicité rénale aiguë ou chronique (tous grades) identifié à ce jour est l’hypertension artérielle. Cette toxicité est associée significativement à une anémie.

Insuffisance hépatique : le traitement par Lutathera® n’est pas recommandé chez ces patients.

Population pédiatrique : il n’y a pas d’utilisation pertinente de Lutathera® dans la population pédiatrique dans l’indication du traitement des TNE-GEP.

Connaître les effets indésirables (7)

Le profil de sécurité général établit par l’EMA de Lutathera® se base sur des données groupées de patients ayant participé à des essais cliniques principalement NETTER-1 phase III et Erasmus phase I/II (patients néerlandais).

L’EMA recommande une vigilance particulière pour ce qu’elle considère comme une nouvelle classe thérapeutique orpheline (8).

Nausées et vomissements

Les effets indésirables les plus fréquents chez les patients recevant le traitement par Lutathera® sont les nausées et les vomissements qui se produisent au début de la perfusion, respectivement, chez 58,9 % et 45,5 % des patients. La relation de causalité entre les nausées/ vomissements et Lutathera® est difficile à déterminer en raison de l’effet émétisant de la perfusion concomitante d’acides aminés administrés pour protéger les reins. Un point de vigilance est cependant l’hyperkaliémie infra-clinique post perfusion d’acides aminés.

Toxicité hématologique

Compte tenu de la toxicité de Lutathera® sur la moelle osseuse, les effets indésirables les plus probables sont liés à la toxicité hématologique : thrombopénie (25 %), lymphopénie (22,3 %), anémie (13,4 %), pancytopénie (10,2 %).

Autres effets secondaires

D’autres effets indésirables très fréquents rapportés incluent fatigue (27,7 %) et perte d’appétit (13,4 %).

Syndrome myélodysplasique et leucémie aiguë (LA)

Des syndromes myélodysplasiques (SMD) de survenue tardive et des leucémies aiguës (LA) ont été observés après le traitement par Lutathera®, apparaissant en moyenne 28 mois (9 à 41) pour le SMD et 55 mois (32 à 125) pour la LA après la fin du traitement.

L’étiologie de ces néoplasies myéloïdes secondaires liées au traitement n’est pas clairement établie. Des facteurs comme un âge > 70 ans, une insuffisance rénale, des cytopénies préexistantes, le nombre de traitements antérieurs, une exposition antérieure aux agents chimiothérapeutiques (en particulier les agents alkylants) et une radiothérapie antérieure constitueraient des risques potentiels et/ ou des facteurs prédictifs pour le SMD/LA.

Crises hormonales

Des crises liées à la libération excessive d’hormones ou de substances bioactives peuvent survenir à la suite du traitement par Lutathera®. C’est pourquoi, dans certains cas (p.ex. patients dont les symptômes sont peu contrôlés pharmacologiquement), une hospitalisation de nuit doit être envisagée. Il est en effet recommandé de respecter une période de « washout » des analogues retard de la somatostatine (21 jours) et un relai par la forme sous cutanée peut être proposé ce qui réduit à 24 heures la fenêtre thérapeutique.

Les critères d’interruption définitive du traitement par Lutathera® sont (extrait des résumés et caractéristique du produit) :

  • Insuffisance cardiaque sévère (définie comme étant de grade III ou IV de la classification NYHA) ;
  • Grossesse ;
  • Hypersensibilité au principe actif ou à l’un des excipients de ce médicament ;
  • Si des réactions indésirables spécifiques persistent ou réapparaissent, comme l’hématotoxicité retardée de grade 3-4 (G3-G4). Il faut noter que la lymphocytopénie isolée n’est pas un critère de concession temporelle ou posologique même si elle est sévère.

Les critères de Toxicité Modifiant la Dose (TMD) :

  • Thrombocytopénie de grade 2 ou supérieur (CTCAE) (< 75 000/mm3) ;
  • Toute toxicité hématologique de grade 3 ou supérieure au grade 3 ;
  • Toxicité rénale ;
  • Toxicité hépatique ;
  • Toute autre toxicité de grade 3 ou 4 selon les critères CTCAE potentiellement liée à Lutathera®.

Conduite à tenir dans la conduite du traitement en cas de TMD

  1. Suspendre le traitement ;
  2. Surveiller les paramètres biologiques toutes les 2 semaines ;
  3. Les règles d’adaptation de la posologie recommandées sont les suivantes :
    1. Si la toxicité observée persiste au-delà de 16 semaines après la dernière perfusion, le traitement par Lutathera®doit être arrêté définitivement.
    2. Si la toxicité observée se résout dans les 16 semaines qui suivent la dernière perfusion, il est possible de continuer le traitement en perfusant (3,7 GBq) (concession posologique de 50 %).
  • Si la demi-dose est bien tolérée (c.-à-d. que la TMD ne réapparaît pas), la ou les administrations suivantes du traitement peuvent être poursuivies avec la dose complète (c.-à-d. 7,4 GBq).
  • Si la toxicité réapparaît après le traitement avec une demi-dose, le traitement par Lutathera®doit être

Conclusion

Ce qu’il faut savoir mettre en œuvre absolument pour la RIV des TNE c’est la multidisciplinarité, nourrie quotidiennement de la collaboration entre médecins spécialistes et non spécialistes de médecine nucléaire et formalisée par la participation aux RCP.

Plus spécifiquement, à l’attention des médecins nucléaires, la RIV induit obligatoirement une inflexion clinique de la formation et de la pratique.

Références

  1. https://www.asn.fr/l-asn-informe/publications/rapports-de-l-asn/la-surete-nucleaire-et-la-radioprotection-en-france-en-20213
  2. https://www.snmmi.org/AboutSNMMI/Content.aspx?ItemNumber=29883
  3. Strosberg J, El-Haddad G, Wolin E, et al. N Engl J Med 2017 ; 376 : 125-35.
  4. https://www.snfge.org/content/11-neoplasies-neuroendocrines-nne-digestives#ancre6487
  5. https://www.youtube.com/watch?v=6E-35zFrtyk
  6. Strosberg JR, Al-Toubah T, Pell E, Smith J, Haider M, Hutcchinson T, et Risk of Bowel Obstruction in Patients with Mesenteric or Peritoneal Disease Receiving Peptide Receptor Radionuclide Therapy J Nucl Med 2021; 62:69–72 DOI: 10.2967/jnumed.120.242875
  7. https://www.ema.europa.eu/en/documents/product-information/lutathera-epar-product-information_en.pdf
  8. https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/orphan-designations/eu307523

Take home messages

La radiothérapie peptidique est une nouvelle classe thérapeutique. C’est une pratique multidisciplinaire.

L’évaluation du bénéfice repose sur la mise en évidence en imagerie de l’expression de la cible et sur l’évaluation de la pente de progression.

La toxicité limitante est principalement hématologique.

L’évaluation de la radioprotection est un élément clef de la mise en œuvre de ce traitement.

Le nouveau régime compassionnel permet d’étendre le 177LuDOTATATE à d’autres TNE et d’autres pathologies.