Vidéo session – Gastroentéro-anastomose sous écho-endoscopie : comment simplifier la procédure ?

POST'U 2023

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les indications de la gastroentéro-anastomose sous échoendoscopie
  • Connaître le matériel indispensable à la procédure
  • Connaître les différentes modalités techniques de la procédure
  • Connaître les techniques endoscopiques de rattrapage en cas de complication

Liens d’intérêt

Aucun

Mots-clés

Sténose duodénale, gastro-entéro anastomose, cancer du pancréas

Préambule

La gastro-entéro-anastomose sous écho-endoscopie (GEA-E) est une technique nouvelle dont le principe est simple (anastomoser estomac et intestin grêle). Elle est réalisée le plus souvent dans un contexte palliatif. Il s’agit en réalité d’une avancée majeure pour l’endoscopie digestive en réalisant une technique qui était jusqu’alors chirurgicale.

Indications

Les indications sont un peu plus larges que celle de la GEA chirurgicale :

  • La GEA-E est quasiment exclusivement utilisée en situation palliative pour assurer l’alimentation par voie orale des patients en cas de sténose cancéreuse de l’antre gastrique ou du duodénum. En cas d’ictère concomitant, le risque de reflux biliaire à travers les prothèses biliaires posées sous échoendoscopie (hépaticogastrostomie, cholédocoduodénostomie) conduit à poser de plus en plus l’indication de GEA-E dans les suites de ces drainages biliaires, la GEA-E assurant une meilleure clairance biliaire que la prothèse duodénale.Certaines sténoses duodénales bénignes (notamment pancréatite chronique, dystrophie kystique sur pancréas aberrant, maladie de crohn duodénale) chez des patients non-candidats à une chirurgie sont éligibles.
  • En cas de nécessité d’un abord duodénal endoscopique chez des patients avec montage chirurgical, il s’agit alors d’anastomose gastro-jéjunale ou gastro-duodénale permettant le passage d’un duodénoscope ou d’un autre endoscope pour accéder au duodénum initialement
  • La GEA-E peut être utilisée pour les syndromes de l’anse afférente, qui est une obstruction de l’anse afférente après La GEA-E court- circuite la zone sténosée et permet ainsi de vider l’anse afférente.
  • Une variante de la GEA-E dans certaines indications est l’entéro-entérostomie guidée par échoendoscopie.

Technique

La GEA-E est une procédure de dérivation gastro-duodénale ou gastro-jéjunale, sans résection gastrique.

Nous allons prendre comme modèle la technique de GEA-E pour une sténose duodénale par cancer de la tête du pancréas. Le principe est de mettre sous écho-endoscopie une prothèse d’apposition luminale c’est-à-dire métallique, entièrement couverte, en forme de diabolo, qui rapproche et finit par fusionner la paroi gastrique et la paroi intestinale, tout en évitant une fuite péritonéale. Cette prothèse sera positionnée entre la paroi postérieure  de l’estomac et l’angle duodéno-jéjunal ou une anse jéjunale proximale. L’utilisation d’une prothèse d’apposition luminale avec cystotome intégré   est obligatoire et est le matériel-clef de la procédure. En effet, l’extrémité du cathéter porteur de la prothèse comporte une électrode qui permet de percer les deux parois digestives très facilement directement sans fil-guide par un courant de coupe pure. À ce jour, 2 compagnies fournissent ce type de cathéter. Les prothèses de 15 ou 20 mm de diamètre sont les prothèses adaptées à cette procédure.

Les difficultés sont de 2 types :

  • Repérer l’anse intestinale adéquate
  • Traverser les parois gastrique et intestinale de manière à ce que l’extrémité du cathéter de la prothèse soit suffisamment enfoncée dans la lumière intestinale pour permettre le largage de la collerette distale, l’anse visée étant évidemment mobile.

La clef est de remplir le plus possible de liquide l’anse visée pour avoir une cible facile et pour déployer aisément la prothèse.

Plusieurs techniques ont été décrites mais deux principales prédominent. La technique assistée est la plus sécuritaire. S’il est possible d’avoir encore accès au duodénum distal ou au jéjunum proximal par les voies naturelles à travers la sténose avec un fil-guide, il est mis en place sur ce fil-guide un dispositif qui va permettre de repérer l’anse. Il peut s’agir d’un cathéter de type nasokystique ou nasobiliaire de diamètre de 7 à 10 F, d’un ballonnet qui peut servir de cible ou encore d’un cathéter muni de deux ballons permettant d’isoler une portion du duodénum ou du jéjunum proximal (EPASS technique « EUS-guided double-balloon-occluded gastroenterostomy bypass »). Ce dernier dispositif n’est pas disponible en France. L’anse intestinale à ponctionner peut alors être remplie de liquide (ici un mélange de sérum physiologique, de colorant bleu et de produit de contraste) par une pompe péristaltique. L’administration d’un antipéristaltique (Glucagon) est nécessaire pour éviter une vidange trop rapide de l’anse. Celle-ci est repérée à partir de l’estomac sous écho-endoscopie et est ponctionnée directement avec le cathéter cystotome-prothèse. Dès l’extrémité du cathéter dans la lumière intestinale, le déploiement de la prothèse se déroule en 4 étapes bien codifiées essentiellement sous contrôle échoendoscopique :

1) Largage de la collerette distale ; 2) Retrait du cathéter pour réalisation de l’apposition luminale ; 3) Largage de la collerette proximale dans le canal opérateur ; 4) Poussée du cathéter porteur pour permettre le déploiement complet de la collerette proximale en dehors du canal opérateur. La technique directe est utilisée lorsqu’aucun accès au duodénum distal ou au jéjunum proximal n’est possible. Celui-ci est repéré par écho-endoscopie comme étant une anse qui longe la grande courbure puis est ponctionné par une aiguille, habituellement de 19G, qui permet d’injecter du produit de contraste pour confirmer le bon positionnement de l’aiguille et la nature de l’anse ponctionnée et qui permet ensuite d’injecter du liquide de façon

à distendre l’intestin. La suite de la procédure est similaire à celle employée pour la première technique. Quant au fil-guide, il permet certes de sécuriser la route mais peut aussi repousser l’anse quand la prothèse est avancée. Son utilisation n’est donc pas souhaitable en première intention.

Résultats – Morbidité

Une méta-analyse récente montre que la GEA-E a un moindre résultat technique que la GEA chirurgicale ou que la prothèse duodénale (moins 5 % en valeur absolue), mais que le taux de morbidité et les résultats sur le plan clinique sont les mêmes entre GEA-E, GEA chirurgicale et prothèse duodénale. Le point fort de la GEA-E (comme la GEA) par rapport à la prothèse est le maintien de l’effet clinique, la prothèse duodénale exposant au risque d’obstruction précoce. Par le passé, la prothèse duodénale dans un contexte palliatif était préférée pour éviter un geste chirurgical même limité. La GEA-E semble maintenant s’imposer comme la meilleure solution à la fois non invasive et à la fois plus efficace dans le temps. Elle est même recommandée comme traitement de première intention par l’ESGE en 2022.

Une autre question est celle de sa faisabilité en cas d’ascite. Une publication récente a comparé GEA-E à GEA chirurgicale. Bien que les cas endoscopiques aient été plus avancés avec un score ASA plus défavorable, les résultats techniques et cliniques ont été équivalents et excellents pour les 2 techniques. Mais la morbidité (8 % pour GEA-E) et le taux récidive de l’obstruction ont été moindres avec GEA-E.

La morbidité totale est de 11-12 % et la morbidité sévère entre 3 et 5 %. Il s’agit essentiellement à la phase précoce de mauvais déploiement de la prothèse avec risque de péritonite et à la phase plus tardive, de migration de la prothèse, d’obstruction de celle-ci et d’ulcérations intestinales en regard de l’extrémité distale de la prothèse.

Échec technique et modalités de prise en charge immédiate

La principale cause d’échec technique est la malposition de la prothèse d’apposition luminale avec notamment une collerette distale positionnée entre l’estomac et la paroi intestinale. Dans ce cas, 2 situations sont possibles : 1) l’extrémité distale du cathéter de la prothèse est dans l’intestin cible et il est donc possible d’introduire un fil-guide pour sécuriser l’accès et ensuite mettre en place une prothèse entièrement couverte œsophagienne, par exemple, pour réaliser l’anastomose. 2) En cas d’impossibilité d’introduction d’un fil-guide dans l’anse intestinale ou cas d’échec de la première technique de sauvetage, une technique NOTES devra être employée. Enfin, en cas d’échec des techniques endoscopiques de sauvetage, une prise en charge chirurgicale sera nécessaire.

Perspectives

La GEA-E est une première étape vers les anastomoses digestives endoscopiques de tous types par exemple pour endoscopie bariatique. Restera à clarifier le devenir de la prothèse elle-même à long terme, l’anastomose ayant tendance à se refermer après l’ablation de celle-ci.

Références

  1. Cheung SLH, Teoh AYB. Optimal Management of Gastric Outlet Obstruction in Unresectable Malignancies ; Gut Liver 2022 ; 16 : 190-197.
  2. Papanikolaou IS, Siersema P. Gastric Outlet Obstruction: Current Status and Future Directions. Gut Liver 2022 ; 16 : 667-675.
  3. Bomman S et al. Endoscopic ultrasound-guided gastroenterostomy versus surgical gastrojejunostomy in treatment of malignant gastric outlet obstruction: Systematic review and meta-analysis. Endosc Int Open 2022; 10: E361-E365.
  4. Van der Merwe SW et al. Therapeutic endoscopic ultrasound : European Society of Gastrointestinal Endoscopy Guideline. Endoscopy 2022; 54: 185-205.
  5. Abbas A et al. Endoscopic ultrasound-guided gastroenterostomy versus surgical gastrojejunostomy for the palliation of gastric outlet obstruction in patients with peritoneal carcinomatosis. Endoscopy 2022 ; 54 : 671-679.

Abréviations

GEA-E : Gastro-entéro-anastomose endoscopique

GEA : Gastro-entéro-anastomose