Causes extra digestives de vomissements chez l’adulte

POST'U 2024

Gastro-entérologie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la physiopathologie et les différentes causes de vomissements extra digestives
  • Connaître les examens complémentaires à réaliser en fonction de l’orientation clinique
  • Savoir diagnostiquer et prendre en charge l’hyperemesis cannabinoïde
  • Savoir diagnostiquer et prendre en charge les vomissements cycliques idiopathiques
  • Connaître les principes du traitement des vomissements répétés

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Nous vous invitons à tester vos connaissances sur l’ensemble des QCU tirés des exposés des différents POST'U. Les textes, diaporamas ainsi que les réponses aux QCM seront mis en ligne à l’issue des prochaines journées JFHOD.

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Les 5 points forts

  1. La compréhension de la physiopathologie des vomissements permet d’orienter l’enquête étiologique, la prise en charge thérapeutique dont le choix de l’anti-émétique.
  2. En l’absence de cause digestive évidente de vomissements, il faut rechercher d’autres causes : abdominales, neurologiques, ORL, endocriniennes, métaboliques, toxiques.
  3. Le syndrome d’hyperémesis cannabinoïde survient chez les consommateurs chroniques de cannabis et se caractérise par des vomissements incoercibles calmés par la prise de bains ou de douches chaudes.
  4. Le syndrome des vomissements cycliques idiopathiques est défini par des accès de vomissements durant en moyenne 6 jours, survenant tous les 4 à 12 mois et entrecoupés d’intervalles libres sans symptôme.
  5. Le traitement des vomissements doit inclure la prévention et la prise en charge de leurs complications.

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Mots-clés

Vomissements, hyperémesis cannabinoïde, vomissements cycliques

Abréviations

SVC : Syndrome des Vomissements Chroniques ; HTIC : HyperTension IntraCrânienne ; HCS : Hyperemesis Cannabinoid Syndrome ; CTZ : Chemoreceptor Trigger Zone ; LCR : Liquide Céphalo-Rachidien ; SNC : Système Nerveux Central

Introduction

Les vomissements sont des contractions violentes et cycliques, à la fois de la musculature abdominale, du diaphragme et des muscles respiratoires qui conduisent au rejet brutal par la bouche de tout ou partie du contenu gastrique. Les vomissements peuvent être aigus ou chroniques s’ils durent plus de 7 jours.

Le bilan étiologique a une importance particulière car dans la majorité des cas, le meilleur traitement des vomissements est le traitement de la cause.

Physiopathologie des vomissements

Centre du vomissement, efférences et afférences

Le vomissement est un phénomène moteur actif. Il prend naissance dans le centre du vomissement situé dans le tronc cérébral au niveau du bulbe rachidien le long de la partie ventrale du tractus solitaire.

Le centre du vomissement, lorsqu’il reçoit des stimuli, émet des messages efférents moteurs à l’origine des vomissements (fig. 1) :

  • modification de la motricité duodéno-pylorique induisant une hypertonicité duodénale, une inversion du péristaltisme, une fermeture pylorique ;
  • modification de la motricité fundique permettant un relâchement et une ouverture cardiale ;
  • contraction diaphragmatique et musculaire abdominale.

Un réflexe d’élévation vélopalatine prévient l’entrée du matériel expulsé dans le naso-pharynx, un second réflexe de fermeture glottique et d’inhibition respiratoire prévient l’inhalation du contenu expulsé.

Figure 1 : Physiopathologie des vomissements

Le centre du vomissement reçoit des stimuli via différentes voies afférentes :

  • la chemoreceptor trigger zone ou CTZ est une zone gâchette chémoréceptrice uniquement sensible à des stimuli chimiques, située dans l’area postrema sous le plancher du 4e ventricule dans le tronc cérébral : elle est partiellement localisée en dehors de la barrière hémato-encéphalique, elle est exposée au sang et au LCR et est donc sensible à la détection des stimuli chimiques endogènes et exogènes tels que les médicaments et toxiques, les toxines bactériennes, les troubles métaboliques et endocriniens, la radiothérapie. Les neurotransmetteurs qui la stimulent sont la dopamine, la sérotonine (R 5HT3), la substance P (R NK1). La CTZ reçoit elle aussi des afférences des projections des noyaux vestibulaires, des nerfs vagues et splanchniques.
  • le système nerveux central ou SNC (le cortex, les méninges, le système limbique et le diencéphale) : il est stimulé par des afférences sensorielles (vue, goût, odorat), les émotions telles que la peur ou l’anxiété, la douleur, l’hypertension intracrânienne, les lésions cérébrales telles que les tumeurs primitives ou métastases, l’atteinte méningée. Il n’y a pas de neurotransmetteur spécifique pour cette voie afférente.
  • le système vestibulaire : il est stimulé en cas de mouvements, de stimulation visuelle, du mal des transports, de pathologie du système vestibulaire telle que la maladie de Ménière, d’infection, de tumeur ou lors de la prise d’opioïdes. Les neurotransmetteurs qui entrent en action sont l’acétylcholine et l’histamine.
  • le système nerveux sensitif périphérique : les voies nerveuses périphériques peuvent transmettre des messages du tractus gastro-intestinal (via des mécanorécepteurs, des chémorécepteurs et des récepteurs 5HT3), mais aussi des séreuses et des viscères (de la tête, du cou, du thorax, de l’abdomen et du pelvis) via des mécanorécepteurs. Ils sont véhiculés par les nerfs pneumogastriques (X) ou sympathiques. Les stimuli peuvent être des étirements mécaniques tels que l’occlusion intestinale, les distensions génito-urinaires ou biliaires, les lésions muqueuses digestives, biliaires et génito-urinaires, l’inflammation péritonéale, les toxines bactériennes, la toux et l’encombrement bronchique, les pathologies médiastinales ou coronariennes. Les neurotransmetteurs sont la dopamine et la sérotonine.

Récepteurs et neurotransmetteurs

Le déclenchement des vomissements implique la stimulation de différents types de récepteurs :

  • la sérotonine stimule les récepteurs sérotoninergiques de type 3 (R 5HT3).
  • la stimulation des R 5HT3 stimule la libération de dopamine qui active les récepteurs dopaminergiques D2 (R D2) du centre du vomissement.
  • l’histamine stimule les récepteurs histaminiques H1 (R H1) et l’acétylcholine stimule les récepteurs muscariniques M1 (R M1). Ces 2 types de récepteurs sont particulièrement abondants dans le système vestibulaire.
  • la substance P, présente dans le centre du vomissement, stimule les récepteurs NK1.
  • à l’inverse, la stimulation des récepteurs cannabinoïdes CB1 au niveau du système nerveux central inhibe l’activité du centre du vomissement.

Les différentes causes de vomissements extra-digestives

L’interrogatoire est primordial que le vomissement soit aigu ou chronique.

Diagnostics différentiels

En premier lieu, il faudra éliminer les diagnostics différentiels que sont la régurgitation et le mérycisme ou « rumination ». Ils correspondent à la remontée dans la bouche d’un contenu gastrique ou œsophagien sans effort musculaire thoraco-abdominal. La régurgitation est une remontée passive, sans effort de vomissements ni nausées, alors que le mérycisme est une remontée volontaire d’aliments qui sont à nouveau déglutis après avoir été à nouveau mastiqués (1).

Les vomissements quant à eux sont dus à un phénomène actif, souvent précédés et/ou associés à la nausée et accompagnés de symptômes d’activation du système nerveux autonome (malaise, tachycardie ou bradycardie, pâleur).

Caractérisation des vomissements

L’interrogatoire devra préciser le mode de survenue des vomissements (matinaux, post-prandiaux, …), la fréquence, le contenu (bilieux, alimentaires, fécaloïdes), leur caractère cyclique ou non, et la présence ou l’absence de troubles entre les crises, les signes associés digestifs et extra-digestifs.

Causes digestives et extra-digestives

Il faudra dans un premier temps rechercher les causes digestives aux vomissements et notamment rechercher des symptômes pouvant évoquer un syndrome dyspeptique : plénitude postprandiale gênante, satiété précoce, douleur épigastrique, brûlure épigastrique. Le lien temporel entre l’apparition de ces symptômes et l’ingestion d’un repas est un élément important dans la caractérisation de ce syndrome (2).

Les principales étiologies des vomissements sont résumées dans le tableau I.

Neurologiques
  • Méningite et hémorragies cérébro-méningées
  • Hypertension intracrânienne (tumorale ou non)
  • Migraine avec ou sans aura
  • Traumatisme crânien
ORL
  • Syndrome vestibulo-labyrinthique
  • Maladie de Ménière
  • Mal des transports
Génito-urinaires
  • Colique néphrétique
  • Pyélonéphrite aiguë
  • Grossesse
  • Grossesse extra-utérine
  • Salpingite…
Métaboliques
  • Hyponatrémie
  • Hypercalcémie
  • Hypoglycémie
  • Insuffisance rénale
Endocriniennes
  • Hyperthyroïdie
  • Insuffisance surrénalienne aiguë
  • Acidocétose diabétique
Cardiologiques
  • Infarctus du myocarde
  • Péricardite
Pneumologiques
  • Encombrement bronchique
  • Pneumopathie
Autres
  • Glaucome aigu par fermeture de l’angle
  • Syndrome des vomissements cycliques idiopathiques

Tableau I : Principales causes extra-digestives de vomissements

Les vomissements de causes neurologiques sont décrits le plus souvent comme faciles, en jet, et peuvent être associés à des céphalées, une phono- ou photo-phobie, des signes neurologiques moteurs ou sensitifs, une raideur méningée, une altération de l’état de conscience ou un syndrome confusionnel. Cependant ces signes peuvent être absents notamment en cas de lésion de la fosse postérieure (3).

Dans les syndromes vestibulaires, le vertige est quasi constant. Cette sensation vertigineuse sera à préciser et à différencier d’un syndrome vagal ou d’une lipothymie. Le vertige est une illusion de mouvement avec sensation rotatoire, horaire ou anti-horaire. Le nystagmus peut renforcer l’hypothèse de vomissements d’origine vestibulaire.

Causes médicamenteuses et toxiques

L’enquête médicamenteuse devra être réalisée de manière la plus exhaustive possible, à la fois sur les traitements pris de manière chronique et ponctuelle, sur l’automédication (tableau II).

Médicaments Toxiques
Traitements cardiologiques : Alcool
Digitaliques (surdosage), antiarythmiques, bétabloquants, inhibiteurs calciques Cannabis

Nicotine

Monoxyde de carbone, solvants, …
Antalgiques : opiacés, néfopam, tramadol, AINS
Anti-infectieux : érythromycine, tétracyclines, sulfamides, antituberculeux, quinine, acyclovir
Colchicine, Théophylline, Lévodopa, Salicylés, Anesthésiques, Chimiothérapies et antimitotiques…

Tableau II : Médicaments et toxiques à l’origine des vomissements

L’interrogatoire recherchera la prise de toxiques tels que l’alcool, le cannabis, la nicotine, l’exposition à des toxiques tels que les solvants ou monoxyde de carbone, et la prise de toutes les substances telles que les plantes, tisanes, huiles, industrielles ou artisanales.

La nicotine est un alcaloïde toxique issu principalement de la plante de tabac. Il existe plusieurs moyens de consommer de la nicotine : tabac inhalé en combustion à haute température (cigarettes manufacturées ou roulées, cigarillos, cigares, pipe), ou sans combustion (cigarette électronique), de manière ingérée (tabac à chiquer, snus) ou par le biais de substituts nicotiniques (patchs, gommes à macher, comprimé à sucer) (4). La consommation excessive et le surdosage en nicotine peuvent être à l’origine de nausées et de vomissements (5).

Causes fonctionnelles

Les vomissements psychogènes existent-ils ? Lorsque le patient n’a pas de trouble psychiatrique évident, la réalité des vomissements psychogènes est remise en cause. C’est ainsi qu’une nouvelle entité a été défini : les vomissements fonctionnels [6]. Ils sont définis par les critères de Rome III (Tableau III). Leur traitement est essentiellement symptomatique.

Le malade doit répondre à TOUS les critères suivants au cours des 3 mois précédents la consultation :
 • Au moins un épisode de vomissement hebdomadaire
• Absence d’argument pour un trouble du comportement alimentaire
• Absence de maladie psychiatrique caractérisée
• Absence d’argument pour des vomissements provoqués
• Pas de consommation chronique de cannabis
• Bilan étiologique négatif éliminant notamment une atteinte du SNC ou une maladie métabolique
• Durée globale d’évolution de la symptomatologie supérieure à 6 mois

Tableau III : Critères de définition des vomissements fonctionnels selon Rome III

Examens complémentaires à réaliser en fonction de l’orientation clinique

Les vomissements, qu’ils soient aigus ou chroniques, nécessitent un bilan étiologique et des examens complémentaires qui seront réalisés selon le contexte clinique.

Le scanner abdominal semble indispensable afin d’éliminer un syndrome occlusif et de rechercher une étiologie intra-abdominale digestive ou uro-génitale. Un bilan biologique complet devra être réalisé comprenant la créatininémie, un ionogramme, la glycémie, la calcémie, la TSH, la cortisolémie, la CRP, l’alcoolémie, les béta-HCG ainsi qu’une bandelette urinaire à la recherche de cétones et d’arguments pour une pathologie urinaire. Ce bilan biologique permettra à la fois d’orienter le bilan étiologique (7) mais aussi de rechercher le retentissement des vomissements notamment les troubles hydroélectrolytiques.

En cas de céphalées, de phono-photo-phobie, de signes neurologiques ou de doute sur un traumatisme crânien un scanner cérébral et/ou une IRM cérébrale devront être réalisés avec des coupes comprenant la fosse postérieure (3). Bien entendu, en cas de syndrome méningé associé à une fièvre une ponction lombaire devra être réalisée à la recherche d’une méningite virale ou bactérienne.

En cas de vertiges ou d’argument pour un syndrome vestibulo-labyrinthique, une consultation avec un ORL est indispensable.

Hyperémesis cannabinoïde

Le cannabis représente la substance illicite la plus consommée dans le monde. Alors que cette substance a pu être reconnue pour son effet antiémétique, sa consommation chronique peut induire, de manière paradoxale, le syndrome d’hyperémesis cannabinoïde (« cannabinoid hyperemesis syndrome » ou HCS) (8) décrit pour la première fois en 2004 (9).

Le cannabis contient plus de 60 composés actifs appelés cannabinoïdes. Le cannabinoïde le plus abondant est le delta 9-tétrahydrocannabinol (Δ9 THC) qui est la principale substance ayant un effet psychotrope. Son mode de consommation est variable : le plus habituel est l’inhalation (joints, pipe, pipe à eau) mais peut être aussi ingéré (soda, biscuits, cake, sauce, huile…) sous formes commercialisées ou artisanales.

Récepteurs et physiopathologie de l’hyperémesis cannabinoide

Les cannabinoïdes activent 2 types de récepteurs qui sont couplés à une protéine G permettant le transfert de l’information à l’intérieur de la cellule :

  • les récepteurs cannabinoïdes de type 1 (CB1) sont présents au niveau du système nerveux entérique, sur les terminaisons sensitives du nerf vague et des nerfs spinaux. Les récepteurs CB1 sont exprimés dans le tissu colique normal. Les cannabinoïdes, par les récepteurs CB1, participe à la régulation de la motricité digestive ;
  • les récepteurs cannabinoïdes de type 2 (CB2) sont essentiellement présents au niveau du système immunitaire. Les récepteurs CB2 sont exprimés surtout dans le tissu inflammatoire. La stimulation des récepteurs CB2 a un effet modulateur sur les cellules immunitaires, les macrophages et les lymphocytes B et T.

Le mécanisme de l’HCS est mal connu. Il semblerait que la consommation chronique et régulière de cannabis puisse induire une « auto- réintoxication » durant les périodes de jeûne avec lipolyse. En effet, un stockage du Δ9 THC dans le tissu adipeux prolongerait la demi-vie de ce produit et son accumulation dans le tissu adipeux. Une lipolyse provoquée par un stress, un apport alimentaire insuffisant ou une période de jeûne amènerait à son relargage massif dans la circulation. De plus, la consommation chronique de cannabis semble stimuler en permanence le CB1 et in fine contrecarrer son effet antiémétique sur le SNC.

Clinique de l’hyperémesis cannabinoide

Sur le plan clinique, l’HCS est marqué par 3 phases (8) :

  • la phase prodromique : elle est caractérisée par des nausées matinales, une peur de vomir et un inconfort abdominal qui peut durer quelques semaines à plusieurs mois.
  • la phase aiguë de vomissements : elle est marquée par des nausées intenses, des vomissements profus qui se déclenchent à une fréquence interdisant toute activité et des douleurs abdominales diffuses. Cette phase dure en général 24 à 48 heures ;
  • la phase de récupération : le sujet redevient rapidement asymptomatique.

La phase de vomissements est souvent marquée par un amaigrissement rapide, une déshydratation. Les complications secondaires aux vomissements de type œsophagite ou syndrome de Mallory-Weiss peuvent être constatées, ainsi que les troubles hydroélectrolytiques.

Un élément anamnestique très important est le bénéfice symptomatique des douches ou bains chauds répétés qui peuvent être compulsifs chez certains sujets. Il s’agit d’un élément quasi-pathognomonique. Le mécanisme de cet effet bénéfique est mal compris, mais une explication pourrait être la correction par l’effet de la chaleur de la mauvaise thermorégulation hypothalamique provoqué par le cannabis. L’augmentation de la température corporelle pourrait contrecarrer l’activation chronique des récepteurs CB1 dans l’hypothalamus.

En 2012, Simonetto et al. (10) ont défini des critères diagnostiques :

  • Condition préalable : consommation usuelle et prolongée de cannabis ;
  • Critères majeurs : nausées et vomissements sévères, résolution des symptômes à l’arrêt du cannabis, diminution des symptômes à la prise de douches ou de bains chauds, douleurs abdominales ;
  • Critères mineurs : âge < 50 ans, perte de poids de 5 kg, prédominance matinale des symptômes, transit intestinal normal, examens biologiques, radiographiques et endoscopiques normaux.

Traitement de l’hyperémesis cannabinoide

Le traitement de la phase aiguë repose sur les antiémétiques et notamment sur les antagonistes des récepteurs 5-HT3, sur la prévention des complications des vomissements : réhydratation, correction des troubles hydroélectrolytiques et prescription d’IPP. L’halopéridol peut aussi être utile dans cette indication (11), à la dose de 0.5 mg/kg intra-veineuse. Le traitement le plus efficace demeure la prise régulière de douches ou de bains chauds. Le traitement de fond repose bien entendu sur l’arrêt immédiat et définitif de la consommation de cannabis.

Qu’en est-il du CBD ?

Le CBD peut-il provoquer le HCS ? Actuellement, aucune donnée fiable n’existe sur ce sujet. Bien que le THC semble être le principal coupable, les autres cannabinoïdes comme le CBD pourraient jouer un rôle dans le HCS. Quelques cas cliniques présentant des similarités avec l’HCS ont été rapportés chez des consommateurs chroniques de CBD. Il semblerait que certains produits vendus comme du CBD puissent contenir des traces en plus ou moins grande quantité de THC. Il est donc difficile à l’heure actuelle de proposer le CBD comme substitut au THC chez les patients ayant souffert d’un HCS. Des études supplémentaires doivent être réalisées pour pouvoir conclure.

Le syndrome des vomissements cycliques idiopathiques

Le syndrome des vomissements cycliques (SVC) a d’abord été identifié chez l’enfant mais peut s’observer aussi chez l’adulte entre 30 et 40 ans (12). Il s’agit d’une affection mal connue et probablement sous-diagnostiquée. Sa prévalence varie entre 0,04 et 1,9 % selon les études.

Définition et clinique du syndrome des vomissements cycliques idiopathiques

Le SVC est défini par des accès de vomissements durant de quelques heures à plusieurs jours séparés par des intervalles libres de symptômes. La durée des crises est en moyenne de 6 jours (extrêmes 1 à 21 jours). Durant les crises, on dénombre 10 à 12 vomissements quotidiens en moyenne. On retrouve habituellement 4 à 12 périodes symptomatiques par an (6).

De nombreux symptômes peuvent précéder ou être associés à ces vomissements : nausées, douleurs abdominales, photophobie, fièvre, pâleur, déshydratation, salivation excessive, léthargie et retrait social. On retrouve fréquemment des facteurs déclenchant la crise : les infections, le stress psychologique, l’anxiété, l’excitation, le manque de sommeil, certains aliments (chocolat, fromage, glutamate), les modifications hormonales notamment les menstruations. Les patients sont asymptomatiques pendant les semaines ou les mois qui séparent les épisodes.

Le bilan étiologique est négatif. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. En effet, pour porter le diagnostic, il faut avant tout éliminer une cause organique, notamment digestive ou neurologique. L’interrogatoire devra aussi rechercher une consommation de cannabis afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un hyperémesis cannabinoïde. Il s’agit d’une affection fonctionnelle, il n’y a donc pas d’examen complémentaire dédié pour porter le diagnostic de SVC. On retrouve fréquemment un antécédent personnel ou familial de migraine, notamment du côté maternel. En effet, le SVC présente de nombreuses similarités avec la migraine et son traitement s’apparente au traitement antimigraineux. La physiopathologie de ce syndrome reste mal connue. On évoque comme dans la migraine des anomalies au niveau mitochondrial [13] et des canaux ioniques notamment calciques. Une activation excessive de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ainsi qu’une hypertonie du système nerveux autonome pourrait être aussi en cause.

Les critères de Rome IV ont été établis pour le SVC (Tableau IV) (14) :

Crises de vomissements répondant à tous les critères suivants :
 • Au moins 2 épisodes dans les 6 derniers mois de nausées intenses et continues associées à des vomissements paroxystiques durant quelques heures à quelques jours
• Les épisodes sont stéréotypés chez chaque patient
• Les épisodes sont séparés de quelques semaines à quelques mois avec un retour à l’état de santé initial entre les épisodes
• Après une évaluation médicale adaptée les symptômes ne peuvent être attribués à un autre trouble

Tableau IV : Critères de définition des vomissements cycliques idiopathiques selon Rome III

Traitement du syndrome des vomissements cycliques idiopathiques

Le traitement de cette affection comprend deux volets : la prévention des crises dans la mesure du possible et l’atténuation des symptômes pendant les crises. Éviter les facteurs déclenchants constitue la meilleure façon de prévenir les crises : limiter les aliments pourvoyeurs de crises, respecter le rythme et le temps de sommeil, éviter ou améliorer la gestion du stress et de l’anxiété.

Durant la phase émétique, il est important de rester au calme, de favoriser le repos dans un endroit confortable et peu éclairé comme cela est recommandé aux patients migraineux. Les traitements anti-nauséeux de première intention doivent être initiés rapidement. Les complications des vomissements telles que la déshydratation et les lésions du tube digestif doivent être prévenues : utilisation de solutés de réhydratation, voire hospitalisation pour perfusion intra-veineuse, prescription d’IPP. Chez les patients souffrant de SVC sévères, un traitement de fond pourra être envisagé par amytriptiline. L’enzyme Q10 (Decorenone ®) et de L-carnitine pourront être utilisées en association avec l’amytriptilline (15).

Principes du traitement des vomissements répétés

Quelle que soit l’étiologie, le meilleur traitement des vomissements est celui de la cause.

D’autre part, la prévention et la prise en charge des complications des vomissements ne doivent pas être oubliées. Une réhydratation orale ou intra-veineuse en cas de prise orale impossible doit être prescrite, les troubles hydroélectrolytiques doivent être recherchés et corrigés. Une attention particulière devra être portée pour les patients fragiles : diabète, insuffisance rénale chronique, âges extrêmes de la vie. En cas de prise orale des traitements habituels impossible, un relais intra-veineux des traitements devra être prescrit.

Le traitement symptomatique des vomissements repose sur les antiémétiques, la classe thérapeutique devra être choisie en fonction de l’étiologie suspectée des vomissements et en fonction des contre-indications éventuelles. Selon la classe d’antiémétique, la molécule a une action centrale, gastro-intestinale périphérique mais le plus souvent sur les deux.

Le mode d’action des différents traitement antiémétiques et leurs principales indications sont résumés dans le tableau V.

Classe thérapeutiques et molécules Mécanisme d’action Indications Contre-indications
PROKINETIQUES
Métoclopramide (Primpéran®) •    Antagoniste D2 : réduction de la relaxation gastrique, accélération vidange gastrique, action sur CTZ

•    Antagoniste 5HT3 : action sur CTZ

 

 

 

 

 

•    Stase gastrique

•    Infection ou inflammation gastro- intestinales ou abdominales

•    Vomissements induits par médicaments et toxiques

•    Vomissements neurologiques

•    Syndrome occlusif / hémorragie digestive / perforation digestive

•    Maladie de Parkinson

•    Antécédents de dyskinésie aux neuroleptiques ou métoclopramide

•    Epilepsie

•    Phéochromocytome

•    Association avec traitements dopaminergiques et lévodopa

•    Précaution si allongement du QT

Dompéridone (Motilium®) (Péridys®) •    Antagoniste D2 : action périphérique, réduction de la relaxation gastrique, accélération vidange gastrique, action sur la CTZ

→ Ne passe pas la barrière hémato- encéphalique

•    Syndrome occlusif / hémorragie digestive / perforation digestive

•    Tumeur hypophysaire à prolactine

•    Allongement du QT ou prise concomitante de médicaments allongeant le QT

•    Insuffisance hépatique

•    Moins d’effet extra-pyramidaux

Classe thérapeutiques et molécules Mécanisme d’action Indications Contre-indications
PROKINETIQUES
Métoclopramide (Primpéran®) •    Antagoniste D2 : réduction de la relaxation gastrique, accélération vidange gastrique, action sur CTZ

•    Antagoniste 5HT3 : action sur CTZ

 

 

 

 

 

•    Stase gastrique

•    Infection ou inflammation gastro- intestinales ou abdominales

•    Vomissements induits par médicaments et toxiques

•    Vomissements neurologiques

•    Syndrome occlusif / hémorragie digestive / perforation digestive

•    Maladie de Parkinson

•    Antécédents de dyskinésie aux neuroleptiques ou métoclopramide

•    Epilepsie

•    Phéochromocytome

•    Association avec traitements dopaminergiques et lévodopa

•    Précaution si allongement du QT

Dompéridone (Motilium®) (Péridys®) •    Antagoniste D2 : action périphérique, réduction de la relaxation gastrique, accélération vidange gastrique, action sur la CTZ

→ Ne passe pas la barrière hémato- encéphalique

•    Syndrome occlusif / hémorragie digestive / perforation digestive

•    Tumeur hypophysaire à prolactine

•    Allongement du QT ou prise concomitante de médicaments allongeant le QT

•    Insuffisance hépatique

•    Moins d’effet extra-pyramidaux

NEUROLEPTIQUES PHENOTHIAZIDIQUES
Métopimazine (Vogalène®) •    Antagoniste D2

•    Antagoniste H1

•    Traitement symptomatique

•    Vomissements induits par médicaments et toxiques

•    Mal des transports

•    Glaucome à angle fermé

•    Troubles urétro-prostatique (risque de rétention aiguë d’urine)

•    Phénylcétonurie

•    Association avec traitements dopaminergiques et lévodopa

Alizapride (Plitican®) Antagoniste D2 Vomissements chimio-induits •    Antécédents de dyskinésie aux neuroleptiques

•    Phéochromocytome

•    Association avec traitements dopaminergiques et lévodopa

Chlorpromazine (Largactil®) Antagoniste D2 •    Glaucome à angle fermé

•    Troubles urétro-prostatique (risque de rétention aiguë d’urine)

•    Allergie au blé

•    Antécédents d’agranulocytose

ANTAGONISTE DOPAMINERGIQUE
Halopéridol (Haldol®) Antagoniste D2 puissant Vomissements post-radiothérapie •    Etat comateux, dépression SNC, lésions connues des noyaux gris centraux

•    Manifestations cardiaques cliniquement significatives (IDM récent, insuffisance cardiaque décompensée, arythmie traitée par antiarythmiques de la classe Ia et III),

•    Allongement du QT

•    Antécédent d’arythmie ventriculaire ou torsades de pointes

•    Hypokaliémie non corrigée

ANTAGONISTES 5HT3 : SETRONS
Ondansétron (Zophren®)

Granisétron (Kytril®)

Antagoniste 5HT3 : action sur CTZ et centre du vomissement Vomissements induits par médicaments et toxiques
ANTAGONISTES NK1
Acrépitant (Emend®) Rolapitant (Varuby®) Antagoniste NK1 : bloque sécrétion de substance P par le centre du vomissement Vomissements chimio-induits
ANTI-HISTAMINIQUES
Diphenhydramine (Nautamine®) Dimenhydrinate (Mer calme®) Antagoniste histaminique : action sur l’appareil vestibulaire et le centre du vomissement Mal des transports •    Glaucome à angle fermé

•    Troubles urétro-prostatique (risque de rétention aiguë d’urine)

ANTICHOLINERGIQUES
Scopolamine (Scoburen®) Antagoniste histaminique : action sur l’appareil vestibulaire et le centre du vomissement Mal des transports HTIC

Radiothérapie cérébrale

•    Glaucome à angle fermé

•    Troubles urétro-prostatique (risque de rétention aiguë d’urine)

Tableau V : Traitements antiémétiques

Conclusion

Les étiologies des vomissements, aigus ou chroniques, sont multiples. Une enquête anamnestique, un interrogatoire minutieux et un examen clinique sont indispensables afin d’orienter au mieux les examens complémentaires à réaliser et le traitement à mettre en œuvre. Le traitement de la cause reste le meilleur traitement des vomissements associé à une prise en charge symptomatique par des antiémétiques qui devront être choisis en fonction de l’étiologie suspectée.

Références

  1. Item 274 : vomissements du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte. Collège des enseignants d’hépato-gastroentérologie, 2022.p.66-72
  2. Drossman DA. The functional gastrointestinal disorders and the Rome III process. gastroenterology. 2006 Apr 1;130(5):1377-90.
  3. Mann SD, Danesh BJ, Kamm MA. Intractable vomiting due to a brainstem lesion in the absence of neurological signs or raised intracranial pressure. Gut. 1998 Jun 1;42(6):875-7.
  4. Item 75: addiction au tabac. Collège des enseignants de pneumologie, 2023.p.
  5. Mills EJ, Wu P, Lockhart I, Wilson K, Ebbert JO. Adverse events associated with nicotine replacement therapy (NRT) for smoking cessation. A systematic review and meta-analysis of one hundred and twenty studies involving 177,390 individuals. Tobacco Induced Diseases. 2010 Dec;8:1-5.
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Remerciements

  • Professeur Frank ZERBIB
  • Docteur Christine LEFORT