Voyages et MICI : Conseils pratiques

POST'U 2024

MICI

Objectifs pédagogiques

  • Savoir anticiper et mettre à jour les vaccinations
  • Connaître les délais d’interruption et de reprise de traitement IS ou par biothérapie en cas d’utilisation d’un vaccin vivant
  • Savoir gérer le traitement et anticiper ses contraintes
  • Connaître les principes de prévention et de traitement de la diarrhée aiguë

Les 5 points forts

  1. Un diagnostic de MICI limite les possibilités de voyage pour certains patients.
  2. Les vaccins vivants sont contre indiqués chez les patients sous immunosuppresseurs, biothérapies ou corticothérapie.
  3. Le gastroentérologue doit s’impliquer dans l’aide à la préparation au voyage chez un patient porteur d’une MICI.
  4. Un voyage en pays à risques nécessite d’être anticipée sur les conseils du gastroentérologue et d’un professionnel de médecine tropicale.
  5. Les complications médicales au retour de voyage sont souvent indépendantes de la MICI et de son traitement.

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Liens d’intérêt

Conférencier pour Pfizer, AbbVie, Bristol Myers Squibb,Celltrion, Galapagos, Janssen et Takeda, et consultant pour Pfizer, AbbVie, Celltrion, Amgen, Glaxo Smith Kline, Galapagos, Janssen

Mots-clés

MICI Voyage ; vaccination ; prévention

Abréviations

IS : immunosupresseurs

Abstract

Lorsque la maladie inflammatoire est en rémission et qu’une qualité de vie est retrouvée, bon nombre de patients expriment le souhait de voyager pour des raisons professionnelles ou récréatives. La maladie inflammatoire ne doit pas constituer un frein pour un tel projet, mais il est utile de mettre en place à différents moments une prise en charge adaptée afin de limiter au maximum le risque de pathologies infectieuses chez cette population éventuellement fragilisée. L’incidence des pathologies infectieuses dans la population MICI qui voyage n’est pas connue, mais il n’y a pas de raison de croire qu’elle diffère d’une population contrôle dans les mêmes conditions.

Des mesures préventives sont nécessaires et doivent être adaptées pour minimiser le risque infectieux et par ailleurs, une prise en charge adéquate et conjointe par différents acteurs de santé est recommandée au retour du voyage. Le gastroentérologue doit donc être conscient de ces différents aspects et ne doit pas hésiter à référer son patient à un spécialiste en médecine tropicale.

Messages clés

  • Un diagnostic de MICI limite les possibilités de voyage pour certains patients
  • Les connaissances des patients et des gastroentérologues sur la prise en charge adéquate d’un patient en voyage sont relativement limitées
  • La préparation au voyage doit se faire de façon conjointe par le gastroentérologue et un professionnel de médecine tropicale
  • Les complications médicales post voyage dépassent souvent le cadre de la gastroentérologie
  • Les vaccins vivants sont contre indiqués chez les patients sous immunosuppresseurs ou biothérapies

Introduction

Les voyages à l’étranger constituent pour le patient un véritable challenge et sont associés à un risque accru de morbidité causée par des exacerbations de maladie inflammatoire intestinale (MICI), l’acquisition de maladies infectieuses, l’interruption des traitements médicamenteux et la faible disponibilité des soins de santé en voyage.

Une enquête réalisée auprès de 132 patients MICI a montré que la maladie inflammatoire a affecté le mode de voyage chez 62 % d’entre eux et qu’une réactivation de la pathologie inflammatoire était présente chez plus de 50 % d’entre eux lors du voyage. Seulement 23 % des voyageurs ont demandé une consultation médicale pré-voyage et 40 % ont obtenu une assurance voyage. La moitié des patients sous immunosuppresseurs n’étaient pas conscients de la contre-indication à l’administration de vaccins vivants (1). Les gastroentérologues ne semblent par ailleurs pas franchement confiants dans les conseils qu’ils prodiguent et une enquête réalisée chez 305 gastroentérologues à travers 23 pays a indiqué la compétence limitée de ces derniers dans ce domaine spécifique (2).

Mesures préventives et bilan avant le voyage

S’il existe des sites particuliers comme ceux de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (https://www.who.int/health-topics/travel-and- health#tab=tab_1), du Center for Disease Control and Prevention (CDC) (https://wwwnc.cdc.gov/travel/destinations/list) et www.mesvaccins.net qui peuvent apporter certaines informations au patient, il n’en reste pas moins que le voyage doit être préparé conjointement par le patient, son gastroentérologue et un professionnel en médecine tropicale.

Idéalement 6 à 8 semaines avant le voyage, une consultation dirigée doit avoir lieu pour avoir l’opportunité de mettre en place un calendrier vaccinal et d’utiliser au besoin une chimio prophylaxie contre le paludisme lorsque cela s’avère nécessaire. Les recommandations en termes de vaccination dépendent du pays visité, de la durée et des conditions de séjour ainsi que de l’état d’immunosuppression. Ces situations particulières nécessitent une prise en charge conjointe par le gastro-entérologue et un médecin spécialisé en médecine tropicale. Il est fortement conseillé de vacciner les patients avant le départ en raison de la sévérité potentielle de certaines infections chez le patient immunodéprimé. Le patient sans traitement immunomodulateur doit être considéré comme un patient standard en termes de vaccination. La décision de vacciner ou pas dépend du risque lié au voyage, des risques de la vaccination per se et des éventuelles conséquences d’un arrêt du traitement. Classiquement, le cas de figure difficile est celui rencontré pour un patient traité par immunomodulateur et/ou biologique et souhaitant se rendre dans un pays où la fièvre jaune est présente.

Cette situation est heureusement rare et limitée à ce vaccin en particulier puisque la majorité des vaccins proposés avant d’entreprendre un voyage sont non vivants et peuvent donc être administrés sans risque chez un patient, qu’il soit traité ou pas par un immunomodulateur. Depuis quelques années, des épidémies de rougeole sont régulièrement renseignées, y compris en Europe, en raison d’une couverture vaccinale sous optimale (vaccin vivant), indiquant la nécessité d’une prudence particulière pour les patients fragilisés (3).

Quel type de vaccin pour quel type de patient ?

Indépendamment de tout voyage, il est important de proposer un schéma de vaccination qui est adapté à la situation socioprofessionnelle et familiale du patient. Ainsi, on s’attardera particulièrement à protéger efficacement un travailleur en milieu médical ou carcéral contre l’hépatite B alors que ce même vaccin ne sera peut-être pas proposé à un patient sédentaire et âgé. Une attention particulière doit être apportée aux patients qui travaillent dans le milieu de la petite enfance et de l’enseignement (pneumocoque, rougeole, influenza, etc.).

Deux types de vaccins sont actuellement sur le marché : vivants ou non vivants. Les vaccins vivants contiennent une forme atténuée de l’organisme infectieux et engendrent une réponse immunitaire importante avec un risque de dissémination a minima de l’infection. Les vaccins non vivants constituent la majorité des vaccins utilisés couramment et produisent une réponse immunitaire souvent plus faible nécessitant des rappels à distance. Parallèlement, il est important de pouvoir évaluer correctement le degré d’immunosuppression du patient car cela va conditionner l’utilisation des différents types de vaccins.

Les nouveaux traitements biologiques n’ont à ce jour pas encore été classés de façon certaine comme immunosuppresseurs ou pas. Pour cette raison, l’utilisation de vaccins vivants lors de leur usage n’est actuellement pas recommandée. Il existe cependant de timides avancées dans ce domaine avec des rapports anecdotiques de vaccination contre la rougeole sous traitement par vedolizumab (4). En règle générale, l’utilisation de vaccins vivants atténués présente un risque chez le patient immunodéprimé en raison du risque d’infection disséminée. L’administration d’un vaccin vivant ne peut être envisagée habituellement qu’après 1 à 3 mois d’arrêt du traitement immunomodulateur. Ce délai est réduit à 1 mois en cas d’utilisation de dérivés corticostéroïdes en monothérapie, des doses inférieures à 20 mg/j de prednisone pendant moins de 14 jours ne constituant pas de contre- indication à une vaccination plus rapide. Peu de données existent concernant la période minimale à respecter entre l’injection d’un vaccin vivant et le début du traitement immunosuppresseur, mais on estime que le traitement immunosuppresseur peut être introduit 3 à 4 semaines après l’injection du vaccin vivant. Le patient sans traitement immunosuppresseur doit être considéré comme n’importe quel patient sain quel que soit le vaccin envisagé. Un résumé du schéma vaccinal et du degré d’immunosuppression a été mis à jour dans le dernier consensus sur les infections opportunistes (5).

Qu’il y ait des intentions de voyage ou pas, 5 vaccins sont à envisager chez les patients MICI : le vaccin contre le virus de l’hépatite B (chez les patients séronégatifs), le vaccin contre le virus influenza (annuellement), les vaccins contre le pneumocoque, le vaccin contre le virus herpès zoster (chez les patients sans antécédents de varicelle et avec une sérologie VZV négative) et le vaccin contre le papillomavirus (5). Les anticorps dirigés contre l’hépatite B doivent être vérifiés lorsque l’on planifie un voyage dans des régions à forte prévalence (Chine, Asie et Afrique tropicale) ou zones à prévalence intermédiaire (Europe de l’Est, Méditerranée, Russie, Europe centrale et Amérique du Sud). Pour les patients immunodéprimés, des tests réguliers et des injections de rappel lorsque les taux d’anticorps anti-HBs sont inférieurs à 10 mUI /mL sont recommandés par certaines équipes (6). C’est important parce que non seulement la réponse initiale à la vaccination standard peut être altérée, mais également parce que les titres d’anticorps peuvent diminuer avec le temps chez les sujets immunodéprimés précédemment correctement immunisés offrant ainsi peut-être une protection moindre (7). Il existe des vaccins dirigés conjointement contre l’hépatite A et l’hépatite B qui peuvent être utiles chez ces patients.

L’efficacité de la vaccination contre l’hépatite A et B est globalement moindre chez les patients sous anti-TNF (8, 9) et des doubles doses sont parfois nécessaires. Les virus de la grippe évoluent rapidement de saison en saison et par conséquent, le vaccin antigrippal doit être adapté chaque année. Ce vaccin comprend souvent 3 à 4 souches circulantes. Les virus de la grippe circulent dans le monde entier et les voyageurs doivent être protégés correctement lorsqu’ils planifient un voyage.

Idéalement, le programme de vaccination doit s’inscrire tôt dans l’histoire clinique du patient, c’est-à-dire avant la mise en route d’un traitement immunomodulateur afin de maximiser les chances d’efficacité. Il est par ailleurs souhaitable que le patient soit en ordre de vaccination pour les vaccins administrés en routine. Pour les voyageurs MICI venant de pays développés, la vaccination contre le tétanos, la diphtérie et poliomyélite doit être administrée selon le protocole vaccinal du pays d’origine (tous les 10 ans en Belgique, tous les 5 ans chez l’enfant en France avec un rappel à 25, 45 et 65 ans puis tous les 10 ans). Une dose de rappel contre la coqueluche est également conseillée car une recrudescence de cette pathologie a été documentée dans de nombreux pays industrialisés.

Une des difficultés majeures pour les patients voyageant dans les régions tropicales d’Amérique du Sud et d’Afrique subsaharienne est la protection contre la fièvre jaune. La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire ou recommandée et la preuve de vaccination peut être demandée lors de l’entrée dans de nombreux pays. Précédemment, l’OMS exigeait une vaccination de rappel tous les 10 ans afin de maintenir une protection mais des études plus récentes confortent l’idée d’une protection plus longue pour peu qu’elle ait été acquise en dehors d’un contexte d’immunosuppression (10). Il est par ailleurs possible de mesurer la persistance ou pas d’une protection sérologique anciennement acquise limitant ainsi la nécessité d’un rappel vaccinal.

Pour les patients nécessitant une immunosuppression continue, le voyage dans les zones endémiques doit être donc découragé. Cependant, l’efficacité de longue durée du vaccin permet son administration lors d’un arrêt des immunosuppresseurs en prévision d’un voyage futur dans des zones à risque.

La place des vaccins plus spécifiques comme ceux dirigés contre la méningite ACWY, la rage, l’encéphalite japonaise et l’encéphalite à tiques doit être discutée avec un professionnel de médecine tropicale car l’intérêt de la vaccination sera utilement pesé en fonction du type de voyage et du risque encouru.

Par ailleurs, des mesures sont nécessaires pour prévenir le choléra ainsi que les maladies diarrhéiques. Lorsque l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ne sont pas garantis, le vaccin anticholérique peut être discuté. Son efficacité n’a que trop peu été étudiée pour des patients atteints de MICI hormis sa moindre efficacité chez les patients sous vedolizumab (11). Par ailleurs, les vaccins dirigés contre Salmonella. typhi doivent être discutés et la forme parentérale (non vivant) privilégiée chez nos patients. Le gastroentérologue doit insister sur les mesures d’hygiène afin de limiter le risque de développer une diarrhée infectieuse.

Les patients dont la maladie inflammatoire n’est pas sous contrôle devraient idéalement différer leur voyage. Le risque thromboembolique lié à l’activité de la maladie combiné à un long voyage en avion (au-delà de 8 h) doit faire l’objet d’une discussion entre spécialistes afin d’envisager un traitement préventif par héparine de bas poids moléculaire (12). Le gastroentérologue peut faciliter le voyage de son patient en fournissant des documents spécifiques pour le transport des traitements (consignes concernant le transport des traitements en cabine plutôt qu’en soute pour éviter la perte des médicaments), le passage aux douanes (certificat remis au patient pour faciliter le passage des contrôles), un résumé de la pathologie, les ordonnances en français et dans la langue du pays de destination.

Problématiques éventuelles survenant en voyage

La première mesure à mettre en œuvre par les patients lors d’un voyage est d’éviter les contacts avec les pathogènes locaux. Ceci inclut une protection contre les moustiques et des mesures d’hygiène alimentaire. Les insectes peuvent être vecteurs d’infections comme le paludisme et les arboviroses (dengue, chikungunya, zika, fièvre jaune, etc.). Des conseils adéquats seront prodigués lors de la consultation pré-voyage. Le DEET (N, N-diéthyl-m-toluamide) reste le meilleur insectifuge actuellement disponible (13). D’autres mesures comme le port de vêtements appropriés (chemises à manches longues, pantalons longs, chapeau à l’extérieur) et éventuellement leur imprégnation sont également recommandées.

Pour limiter le risque de rage lors de voyages aventureux, il est important d’éviter le contact avec la salive des animaux (morsures et égratignures). En cas de suspicion d’exposition, un nettoyage rapide et complet de la plaie, une immunisation par le vaccin anti-rabique à débuter immédiatement et l’administration d’immunoglobulines est systématique chez les patients présentant une immunodéficience selon le site de Pasteur (14).

Les patients atteints de MICI doivent accorder une attention particulière à la prévention de la diarrhée du voyageur car indépendamment de l’inconfort généré, il existe des preuves indiquant que les infections intestinales peuvent induire une rechute (15). Il n’y a actuellement aucune preuve de la nécessité d’une chimioprophylaxie pour prévenir la diarrhée. La principale mesure de précaution réside en l’éviction des fruits/légumes non cuits et d’eau potable non traitée.

En cas de suspicion d’infection gastro-intestinale, l’utilisation d’azithromycine, acheté au préalable, est utile avant celle des fluoroquinolones en raison des résistances (5, 16).

Tableau 1 : Calendrier de vaccination des adultes pour les patients atteints de MICI
(d’après ECCO Guidelines on the Prevention, Diagnosis, and Management of Infections in Inflammatory Bowel Disease,
Journal of Crohn’s and Colitis, 2021, 879–913)

 

Posologie, calendrier et remarques

 

Type de vaccin

 

Au diagnostic

Au diagnostic et durant le suivi Fortement recommandé avant le traitement IS
Programme de vaccination spécifique des MICI
Grippe inactivée (trivalent/quadrivalent ou dose élevée) Vaccination annuelle recommandée pour tous les patients sous traitement immunosuppresseur, conformément aux directives nationales  

 

Non vivant

 

 

oui

 

 

oui

Varicelle Zona recombinant (RZV) [à préférer] Pour tous les patients ≥50 ans. À considérer chez les patients de moins de 50 ans présentant un risque accru d’infection par le zona Non vivant oui
Varicelle Zona vivant (ZVL) À utiliser uniquement si le RZV n’est pas disponible et que le patient est immunocompétent Vivant atténué  

oui

 

 

Vaccin pneumococcique 13-valent (PCV13)

Dose unique de PCV13 suivie de PPSV23 après 8 semaines et d’un rappel de PPSV23 après 5 ans. Rappel PPSV23 supplémentaire conformément aux directives nationales.
et

polyosidique 23-valent (PPSV23)

Si le PPSV23 a été administré en premier, administrer une dose unique de PCV13 après 1 an et un rappel de PPSV23 après 5 ans.

Rappel PPSV23 supplémentaire selon les directives nationales

Non vivant oui oui oui
 

 

Hépatite A

vaccination contre l’hépatite A à envisager. Calendrier et posologie selon les directives nationales  

Non vivant

 

oui

Papilloma virus (HPV) Deux ou trois doses selon l’âge, pour les patients non vaccinés, des deux sexes Non vivant oui oui
 

Hépatite B

Série à trois doses. Un rappel supplémentaire peut être nécessaire en fonction du niveau de séroprotection.

Les titres doivent être régulièrement vérifiés

 

Non vivant

 

oui

 

oui

 

oui

programme de vaccination systématique
Tétanos, diphtérie (Td), + coqueluche (Tdc) Si préalablement vacciné, dose unique de Tdc, puis Td ou Tdc tous les 10 ans selon les directives nationales  

Non vivant

 

oui

 

oui

 

méningocoque

Pour les patients présentant un risque élevé de méningococcie invasive. Calendrier et posologie selon les directives nationales  

Non vivant

 

oui

 

oui

Rougeole, oreillons, rubéole (ROR) Les adultes sans preuve d’immunité doivent recevoir 2 doses espacées d’au moins 28 jours. Vivant atténué oui oui
 

 

varicelle

Deux doses à 4 à 8 semaines d’intervalle uniquement chez les patients sans antécédent de varicelle ou

de zona, sans vaccination antérieure et avec une sérologie négative pour la varicelle et le zona

 

Vivant atténué

 

oui

 

oui

Poliomyélite (poliovirus parentéral inactivé) Calendrier et posologie selon les directives nationales Non vivant oui oui
Covid-19 Calendrier et posologie selon les directives nationales Non vivant oui oui

IS : immunosuppresseur

Les quelques études réalisées chez des patients MICI avec et sans immunosuppression ainsi que chez des patients contrôles non-MICI n’ont pas mis en évidence un sur-risque infectieux en termes de sévérité ou de fréquence lié à l’immunodépression (17, 18). Il existe cependant plus d’évènement- maladie indésirable chez les patients atteints de MICI que chez leurs contrôles en raison probablement de la réactivation de leur pathologie intestinale. Il a d’ailleurs été identifié qu’une rémission de plus de 3 mois avant le voyage était associée à une diminution du risque de maladie pendant le voyage (17). À ce sujet, un vaste projet mondial a été mis en place pour faciliter l’accès au soin à travers des gastroentérologues professionnels MICI pour subvenir aux besoins inattendus de patients à l’étranger. Ce projet intitulé IBD Passport (https://www.ibdpassport.com) est toujours en expansion et on peut actuellement déjà recenser bon nombre de centre d’expertises MICI sur divers continents.

Que faire au retour de voyage ?

Globalement, deux situations cliniques sont identifiables au retour de voyage.

Dans la situation d’un patient asymptomatique pendant le voyage et à son retour, la prise en charge peut se limiter à réaliser un test pour détecter un éventuel contact avec la tuberculose. Ce test se fera idéalement dans les 6-8 semaines qui suivent le voyage selon les recommandations nationales. Il est évident que le temps passé et les activités dans le pays est un facteur prédictif du risque infectieux et doit être pris en compte dans l’évaluation du patient. Ainsi, certaines pathologies parfois asymptomatiques se révèleraient catastrophiques en cas d’immunosuppression ultérieure (ex : Strongyloïdose) et doivent faire l’objet d’une recherche particulière.

La seconde situation clinique est celle d’une infection contractée pendant le voyage et s’exprimant sur place ou lors du retour. Dans cette situation, la place du gastroentérologue est à la fois décisive et secondaire. Ainsi, une fièvre nue ou avec des signes digestifs, au retour de voyage en Afrique ne doit pas faire évoquer d’emblée une complication abcédée dans le cadre d’une maladie de Crohn mais doit conduire à une prise en charge adaptée et immédiate par un service de médecine tropicale afin d’exclure une malaria (les douleurs abdominales, nausées et vomissements étant fréquents au cours de l’accès palustre). S’il est clair que devant un tableau digestif, la prise en charge en gastroentérologie a sa place afin d’identifier une complication infectieuse ou une réactivation de la maladie inflammatoire, il ne faut pas sous-estimer la nécessité d’une prise en charge conjointe par un professionnel en pathologie tropicale. Dans un premier temps, il convient de réaliser une culture microbiologique (agents pathogènes entériques et parasites) sur une collecte minimale d’au moins 3 échantillons de préférence lors de jours différents.

En fonction de la zone géographique, la prise en charge devra être dirigée vers certaines pathologies infectieuses spécifiques telles que la strongyloïdose, l’histoplasmose, la maladie de Chagas, etc.

La description de la prise en charge spécifique de chacune des pathologies tropicales dépasse largement le cadre de cette revue.

Conclusion

La prise en charge adéquate du patient MICI qui entame ou revient d’un voyage à l’étranger nécessite des précautions particulières qui doivent faire l’objet d’une attention spécifique et dirigée du gastroentérologue mais également d’un professionnel de médecine tropicale. Même si nous ne disposons pas de chiffres, il est clair que ces situations peuvent chez des patients fragiles se grever d’une morbidité. Le patient doit par ailleurs être informé des moyens préventifs utiles et obtenir l’ensemble des renseignements adaptés à sa situation médicale spécifique. Enfin, le rôle du gastroentérologue est d’anticiper au maximum un futur voyage chez son patient et mettre en place l’ensemble des pratiques préventives dans le contexte parfois complexe de la prise en charge des maladies inflammatoires intestinales.

Références

  1. Greveson K, Shepherd T, Mulligan JP, et al. Travel health and pretravel preparation in the patient with inflammatory bowel Frontline Gastroenterol 2016 Jan;7(1):60-5.
  2. Chan W, Shim HH, Ng SC, et al. A Global Survey of Gastroenterologists’ Travel Advice to Patients with Inflammatory Bowel Disease on Immunosuppressive Agents and Management of Those Visiting Tuberculosis-Endemic J Crohns Colitis 2018;12(11):1261-69.
  3. https://ecdc.europa.eu/en/measles
  4. Wichmann A, Krugliak Cleveland N, Rubin Safety and Efficacy of Live Measles Vaccine Administered to a Crohn’s Disease Patient Receiving Vedolizumab. Am J Gastroenterol 2016 ;111(4):577.
  5. Kucharzik T, Ellul P, Greuter T, et al. ECCO guidelines on the prevention, diagnosis and management of opportunistic infections in inflammatory bowel disease. J Crohns Colitis. 2021;15(6):879-913.
  6. Zanetti AR, Van Damme P, Shouval The global impact of vaccination against hepatitis B: a historical overview. Vaccine 2008; 26: 6266-73.
  7. Gisbert JP, Villagrasa JR, Rodríguez-Nogueiras A, et Kinetics of anti-hepatitis B surface antigen titers after hepatitis B vaccination in patients with inflammatory bowel disease. Inflamm Bowel Dis 2013;19(3):554-8.
  8. Gisbert JP, Villagrasa JR, Rodríguez-Nogueiras A, et Efficacy of hepatitis B vaccination and revaccination and factors impacting on response in patients with inflammatory bowel disease. Am J Gastroenterol 2012;107(10):1460-6
  9. Park SH, Yang SK, Park SK, et Efficacy of hepatitis A vaccination and factors impacting on seroconversion in patients with inflammatory bowel disease. Inflamm Bowel Dis 2014;20(1):69-74.
  10. Amanna IJ, Slifka MK Questions regarding the safety and duration of immunity following live yellow fever Expert Rev Vaccines 2016;15(12):1519-33
  11. Wyant T, Leach T, Sankoh S, et Vedolizumab affects antibody responses to immunisation selectively in the gastrointestinal tract: randomised controlled trial results. Gut 2015;64(1):77-83.
  12. Kuipers S, Cannegieter SC, Middeldorp S, et The absolute risk of venous thrombosis after air travel: a cohort study of 8,755 employees of international organisations. PLoS Med 2007;4(9):e290.
  13. Fradin Mosquitoes and mosquito repellents: a clinician’s guide. Ann Intern Med 1998; 128: 931-40.
  14. Meslin Rabies as a traveler’s risk, especially in high endemicity areas. J Travel Med 2005; 12 Suppl 1: S30-S40.
  15. Navarro-Llavat M, Domènech E, Bernal I, et Prospective, observational, cross-sectional study of intestinal infections among acutely active inflammatory bowel disease patients. Digestion 2009; 80: 25-29.
  16. Dupont HL, Ericsson CD, Farthing MJ, et Expert review of the evidence base for self-therapy of travelers’ diarrhea. J Travel Med 2009; 16: 161-71
  17. Ben-Horin S, Bujanover Y, Goldstein S, et Travel-associated health risks for patients with inflammatory bowel disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2012;10(2):160-5.
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Remerciement

Je remercie le Dr Charlotte van de Werve (Service de médecine tropicale et infectieuse – Clinique Saint-Pierre Ottignies, Belgique) pour ses conseils scientifiques précieux lors de la rédaction de ce manuscrit.