Cancers de primitif indéterminé : quelle prise en charge en 2025 ?
POST'U 2025
Cancérologie
Objectifs pédagogiques
- Connaître la définition et l’épidémiologie
- Connaître les apports de la biologie moléculaire
- Connaître les perspectives de l’intelligence artificielle
- Connaître la prise en charge thérapeutique
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Les 5 points forts
- Les cancers primitifs indéterminés sont des cancers rares et très hétérogènes de diagnostic complexe et de pronostic réservé.
- La biologie moléculaire est devenue indispensable dans le cadre du bilan diagnostique des cancers primitifs indéterminés.
- Le recours à la RCP nationale des cancers primitifs indéterminés permet l’accès aux analyses moléculaires pour tous les patients sur le territoire national.
- Les outils d’intelligence artificielle permettent d’aider à identifier l’origine tissulaire des cancers primitifs indéterminés dans deux tiers des cas.
- Les approches thérapeutiques guidées par la biologie moléculaire ont récemment montré un bénéfice en survie dans la prise en charge des cancers primitifs indéterminés.
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Liens d’intérêt
Co-créatrice de l’outil de deep-learning TransCUPtomics utilisé pour l’identification de l’origine tissulaire des CPI sur la base de leur profil transcriptomique (Vibert et al., J Mol Diag 2021, Declaration of Software Curie 2022-16)
Mots-clés
Cancer de primitif inconnu ; métastase ; biologie moléculaire
Abréviations
CPI : cancer primitif inconnu IA : intelligence artificielle
PFMG 2025 : Plan France Médecine Génomique 20 5 RCP : Réunion de Concertation Pluridisciplinaire RNAseq : séquençage du transcriptome complet
WES : Whole Exome Sequencing ou séquençage de l’exome complet WGS: Whole Genome Sequencing ou séquençage du génome complet
Introduction
Les CPI (cancers de primitif inconnu) (ou CUP pour « Cancer of Unknown Primary ») désignent un groupe hétérogène de cancers caractérisés par la présence de métastases sans tumeur primitive identifiable en dépit de la réalisation d’un bilan diagnostique standard (1). L’incidence des CPI est d’environ 7 000 nouveaux cas par an en France, ce qui représente 2 à 3 % des cancers, et décroît depuis plusieurs décennies du fait de l’amélioration des procédures diagnostiques (2). Cependant, la contribution des CPI aux décès par cancers est beaucoup plus élevée du fait de leur fort taux de mortalité, et certaines études estiment que les CPI représentent la quatrième cause de décès par cancer (3). Les facteurs de risque reconnus des CPI incluent le tabagisme, le diabète de type 2, les antécédents de dysimmunité, et les antécédents familiaux de cancers et de CPI.
Les CPI sont classiquement divisés en deux groupes sur la base de leur présentation et de leur pronostic (4). Les CPI de pronostic favorable, qui représentent 15 à 20 % de l’ensemble des cas, se distinguent par une présentation clinique et anatomopathologique très similaire (en dehors de l’absence de détection de tumeur primitive) à celle d’entités de cancers métastatiques particuliers. On retrouve notamment dans cette catégorie les adénopathies axillaires de carcinome canalaire infiltrant chez la femme apparentés aux carcinomes mammaires, les métastases osseuses avec PSA élevé chez l’homme apparentés aux carcinomes prostatiques, et les carcinoses péritonéales de carcinomes séreux de haut grade apparentées aux cancers de l’ovaire chez la femme. Les CPI de pronostic favorable bénéficient de prise en charge thérapeutique similaire à celle des cancers auxquels ils sont apparentés, avec des survies sensiblement comparables.
Les CPI de pronostic défavorable représentent la grande majorité des cas rencontrés en pratique clinique, et se caractérisent par une présentation clinique et anatomopathologique non spécifique ne permettant pas d’identifier leur origine tissulaire. Les sites métastatiques les plus fréquemment touchés sont les aires ganglionnaires, le foie, les poumons, les os, le péritoine et le cerveau, et les histologies les plus fréquentes sont les adénocarcinomes et les carcinomes indifférenciés. La prise en charge thérapeutique repose classiquement sur l’administration d’une chimiothérapie empirique à base de sels de platine, mais la survie globale médiane demeure largement inférieure à un an, avec une large proportion de patients décédant dans les 3 mois suivant le diagnostic.
Au cours de la dernière décennie, le développement de l’utilisation des approches de biologie moléculaire en oncologie a conduit à de profonds changements dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des CPI (5). En effet, la caractérisation génomique et transcriptomique est désormais récommandée en routine dans la prise en charge des CPI, car elle permet d’identifier des signatures moléculaires spécifiques d’un primitif vraisemblable et/ou la mise en évidence d’altérations moléculaires ciblables permettant la mise en place de traitements personnalisés. Le bénéfice clinique de ces approches moléculaires tissu-gnostique et tissu-agnostique a très récemment été démontré dans deux essais cliniques randomisés, conduisant à un changement de paradigme dans la prise en charge des CPI (6).
En France, une réunion de concertation pluridisciplinaire nationale (RCP CPI) a été mise en place en 2020 pour guider le bilan diagnostique et la prise en charge thérapeutique (7). Cette RCP est accessible pour tous les patients atteints de CPI sur le territoire national, et permet l’accès aux examens de séquençage nouvelle génération via le Plan France Médecine Génomique 2025, dans le cadre d’une pré-indication dédiée. L’inscription à la RCP nationale CPI se fait par envoi d’un mail de demande d’inscription à l’adresse suivante : [email protected].
Bilan pré-thérapeutique
Le bilan diagnostique des CPI, bien que complexe, doit être réalisé de façon optimale afin de garantir une prise en charge thérapeutique la plus rapide possible.
Bilan clinique et radiologique
Le bilan minimal pour tous les patients doit comprendre la réalisation d’un examen clinique complet avec recueil des antécédents, facteurs de risque et examen physique, un bilan biologique complet, un scanner cervico-thoraco-abdomino-pelvien injecté, et une mammographie bilatérale chez la femme (3).
Les autres explorations seront réalisées en fonction de la présentation clinique, et pourront inclure notamment le dosage de marqueurs plasmatiques spécifiques, ou la réalisation d’IRM cérébrale ou pelvienne. Les endoscopies digestives (fibroscopie oesogastroduodénale et coloscopie) sont recommandées en cas de métastases hépatiques et/ou péritonéales de carcinome compatible avec une origine digestive.
La réalisation d’une tomographie par émission de positrons au 18-FDG n’est pas obligatoire et ne permet généralement pas d’identifier un primitif occulte, mais est utile pour le bilan des lésions ganglionnaires et osseuses, et/ou en cas de maladie oligométastatique pouvant bénéficier d’une prise en charge locorégionale.
Biopsie et anatomopathologie
Une analyse anatomopathologique et immunohistochimique sur un prélèvement tumoral de bonne qualité issu d’une biopsie ou d’une exérèse d’une lésion métastatique est indispensable au diagnostic des CPI. Le diagnostic anatomopathologique des CPI est difficile et repose sur l’analyse morphologique couplée à un algorithme immuhistochimique complexe visant à orienter sur l’origine tissulaire possible de la maladie (Tableau 1) (8). Cependant, dans près de 75 % des cas, l’analyse anatomopathologique et immunohistochimique n’est pas suffisante pour conclure à une origine tissulaire spécifique.
Tableau 1 : Profil immunohistochimique des principales origines tissulaires identifiées dans les CPI
Marqueurs primaires | Origine tissulaire | Marqueurs secondaires à réaliser |
CK7+ CK20- | Bronchopulmonaire | TTF1, BRG1, Synaptophysine |
Thyroïde | Thyroglobuline, TTF1, PAX8 | |
Digestif haut et pancréaticobiliaire | CK19, SMAD4, BAP1, CDX2 | |
Endomètre et ovaire | PAX8, RO, RP, WT1, P53 | |
Rein | PAX8, CAIX, Racemase, CD10 | |
Vessie | GATA3, p63 | |
CK7+ CK20+ | Digestif haut et pancréaticobiliaire | CK19, SMAD4, BAP1, CDX2 |
Colorectal | CDX2, SATB2 | |
Vessie | GATA3, p63 | |
CK7- CK20+ | Colorectal et digestif haut | CDX2, SATB2 |
Merkel | Synapthophysine | |
CK7- CK20- | Rein | PAX8, CAIX, Racemase, CD10 |
hépatocellulaire | Arginase1, HepPar1 | |
Prostate | NKX3.1, PSMA | |
Carcinome épidermoide | P40, p63, CK5/6 |
Biologie moléculaire
La réalisation d’analyses de biologie moléculaire est recommandée en routine dans la prise en charge diagnostique des CPI afin d’identifier de potentielles altérations spécifiques d’une origine tissulaire ou des anomalies moléculaires actionnables (Tableau 2). Ces analyses peuvent être limitées par le matériel tumoral disponible le plus souvent issu de microbiopsies et parfois restreint après les analyses anatomopathologiques. Le matériel tumoral doit être cryopréservé autant que possible afin de permettre une caractérisation moléculaire optimale.
Tableau 2 : Principales analyses moléculaires réalisées à visée théranostique dans les CPI. * valable pour les panels larges (>500 gènes) ; ** examen accessible dans le cadre du PFMG2025
Analyse | Matériel | Résultats | |
Analyses génomiques (ADN) | Panel ADN | Tumeur congelée ou FFPE, ou plasma | Mutations, altérations de nombre de copies*, charge mutationnelle*, statut microsatellite* |
Séquençage de l’exome complet (WES) ou du génome complet (WGS)** | Tumeur congelée ou FFPE | Mutations, altérations de nombre de copies, charge mutationnelle, statut microsatellite, signatures mutationnelles | |
Analyses transcriptomiques (ARN) | Panel ARN | Tumeur congelée ou FFPE | Transcrits de fusion |
Séquençage du transcriptome complet (RNAseq)** | Tumeur congelée ou FFPE | Transcrits de fusion, profil d’expression |
Analyses génomiques
Les analyses génomiques ont pour objectif de rechercher des mutations et des altérations de nombre de copies qui pourraient orienter sur le tissu d’origine ou guider la prise en charge thérapeutique. La réalisation d’un panel ADN « large » (contenant au moins une centaine de gènes d’intérêt) en séquençage nouvelle génération est recommandée et peut être réalisé à partir de matériel cryopréservé ou issu de paraffine, mais également à partir d’ADN tumoral circulant. L’évaluation de la charge mutationnelle et du statut des microsatellites est également recommandée pour identifier les patients à même de bénéficier d’une immunothérapie.
Analyses transcriptomiques
Les analyses transcriptomiques permettent de rechercher des transcrits de fusion à impact diagnostique et thérapeutique. Elles peuvent être réalisées sur matériel issu de paraffine ou cryopréservé, soit par des techniques de panel, soit par analyse pantranscriptomique (RNAseq). Les analyses de RNAseq permettent également l’accès au profil d’expression de la tumeur et l’utilisation de classifications diagnostiques pour identifier le tissu d’origine. Ces techniques permettent d’orienter les décisions thérapeutiques dans les cas de CPI pouvant bénéficier d’un traitement basé sur le tissu d’origine.
Profil moléculaire dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025
La réalisation d’un profil moléculaire complet associant séquençage du génome tumoral et constitutionnel, séquençage de l’exome, et séquençage du transcriptome complet par RNAseq est accessible à tous les patients atteints de CPI sur le territoire national dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025, pré-indication CPI (9). La réalisation de ce profil moléculaire passe par la présentation du dossier en RCP nationale et par la validation de l’indication CPI, puis les analyses sont réalisées sur les deux plateformes nationales SeqOIA et Auragen à partir de matériel tumoral cryopréservé. La classification diagnostique TransCUPtomics basée sur l’analyse du profil d’expression par RNAseq pour identifier le tissu d’origine des CPI a été intégrée aux analyses standards effectuées dans le cadre du PFMG2025 (10). Depuis 2024, certaines analyses peuvent également
être réalisées à partir de matériel conservé en paraffine. Les résultats des analyses moléculaires sont discutés en RCP nationale, intégrés aux caractéristiques cliniques et anatomopathologiques et rendus au médecin référent afin d’orienter le diagnostic et la stratégie thérapeutique (7).
Apport et perspectives de l’intelligence artificielle pour le diagnostic des CPI
Depuis quelques années, la mise à disposition d’un nombre exponentiel de données de caractérisation des cancers sur les plans pathologique et moléculaire a servi de rationnel au développement d’outils d’intelligence artificielle (IA) capables de reconnaitre et de distinguer les différents types de cancers sur la base de leurs caractéristiques spécifiques, avec des scores de précision très élevés (11). Ces outils sont basés sur l’entraînement de la machine sur une très vaste base de données homogènes constituant la cohorte d’apprentissage (par exemple des dizaines de milliers d’images de lames d’anatomopathologie ou de profils moléculaires), pour leur apprendre à différencier plusieurs groupes de tumeurs grâce à l’utilisation d’algorithmes d’apprentissage profond (12). Dans un second temps, les outils entraînés sont ensuite appliqués à des cohortes tests afin d’évaluer leurs performances pour classifier ces tumeurs.
Plusieurs outils d’IA de classification pan-cancers ont été développés au cours des dernières années et ont montré leur intérêt pour prédire l’origine tissulaire des CPI. Ils sont tous basés sur l’hypothèse qu’au moins une partie du profil biologique de la tumeur primaire est conservée dans les métastases, et qu’il peut être apparié à une référence de cancers dont le tissu d’origine est connu. En termes d’analyses d’images, des classifications basées sur l’analyse automatique de lames de pathologie ou de cytologie ont montré des performances de près de 60 % pour identifier l’origine tissulaire de prélèvements issus de CPI (13, 14). Sur le plan moléculaire, des classifications basées sur l’analyse de données d’expression issues de séquençage ARN (RNAseq), de méthylation de l’ADN, et de données génomiques (panel ADN ou séquençage du génome complet), permettent d’identifier l’origine tissulaire probable des CPI dans 60 à 80 % des cas (15-19). En France, l’outil TransCUPtomics, basé sur l’analyse par IA de données de RNAseq pour prédire le tissu d’origine le plus probable de la maladie (10), a été intégré aux analyses bioinformatiques effectuées en routine par le plateforme SeqOIA du PFMG 2025 et est accessible via la RCP nationale CPI.
À terme, le développement de classifications multiparamétriques d’IA intégrant des données cliniques, anatomopathologiques, et moléculaires devrait permettre d’augmenter encore les performances de classification et l’identification de l’origine des CPI (20). Cependant, des challenges persistent quant à l’utilisation en routine de tels outils, en particulier en terme d’accessibilité et d’interprétabilité des résultats. Ils devront donc être utilisés dans un processus encadré par des experts biologistes et cliniciens afin d’en faire le meilleur usage.
Prise en charge thérapeutique
Les CPI représentent une urgence thérapeutique relative, et la réalisation du bilan diagnostique (en particulier des analyses moléculaires) ne doit pas retarder la mise en place du traitement oncologique, qui pourra être réajusté dans un second temps à réception de l’ensemble des résultats des examens complémentaires. La discussion du projet thérapeutique doit être effectuée en RCP, et le recours à la RCP nationale est possible pour tous les patients dès le diagnostic. Chez les patients atteints de CPI de pronostic défavorable et présentant un état général altéré (score OMS> 2), le bénéfice du traitement doit être discuté, et la mise en place de soins palliatifs précoces ou exclusifs est recommandée (3).
À l’exception des patients qui présentent une maladie oligométastatique et qui peuvent bénéficier d’un traitement locorégional, la prise en charge des patients atteints de CPI repose sur l’administration d’un traitement systémique dont les modalités dépendent de la présentation de la maladie.
CPI de pronostic favorable
Les CPI de pronostic favorable bénéficient d’une prise en charge thérapeutique similaire à celle des cancers métastatiques auxquels ils sont apparentés (21). Par exemple, les patients présentant des métastases d’adénocarcinomes CK7- CK20+ CDX2+ apparentés aux cancers colorectaux bénéficient de chimiothérapie de type FOLFOX ou FOLFIRI avec des taux de réponse et des survies relativement comparables à ceux de patients atteints de cancers colorectaux métastatiques (22). Les patients atteints de CPI d’origine rénale présumée bénéficient également de traitements orientés sur l’origine rénale primitive, avec un bénéfice des traitements par inhibiteurs de tyrosine kinase anti-angiogéniques (23).
CPI de pronostic défavorable
Chimiothérapie empirique
La prise en charge thérapeutique standard des CPI de pronostic défavorable repose sur l’administration d’un doublet de chimiothérapie empirique à base de sels de platine selon les recommandations internationales (3). Différentes combinaisons de chimiothérapie associant sels de platine avec taxanes, gemcitabine, irinotecan, ou vinca-alcaloides ont été évalués avec des résultats similaires en termes d’efficacité. Il n’existe aucun standard thérapeutique en deuxième ligne de traitement.
Prise en charge guidée par la biologie moléculaire
La caractérisation moléculaire des CPI permet dans un nombre significatif de cas d’orienter la prise en charge thérapeutique et de proposer des stratégies thérapeutiques personnalisées, basées soit sur l’identification du tissu d’origine probable de la maladie, soit sur la mise en évidence d’altérations moléculaires actionnables indépendamment du tissu d’origine (4). Ces approches ont très récemment montré leur bénéfice en survie dans le cadre de la prise en charge des CPI (Tableau 3) (6).
Tableau 3 : Résumé des essais cliniques randomisés ayant montré le bénéfice des approches thérapeutiques guidées par la biologie moléculaire dans les CPI
Essai clinique | Design | Test moléculaire | Critère de jugement principal | |
Approche tissu- gnostique | Phase 2 randomisée, Liu et al., Lancet Oncol 2024 (24) | Chimiothérapie empirique vs. chimiothérapie tissu-spécifique N=182 patients randomisés | Signature d’expression de
90 gènes pour prédire le tissu d’origine |
PFS : 9,6 mois (groupe tissu-spécifique) vs.
6,6 mois HR=0.68, p=0.017 |
Approche tissu- agnostique | Phase 2 randomisée, Krämer et al., Lancet 2024 (25) | Chimiothérapie empirique vs. traitement guidé par le profil moléculaire
N=436 patients randomisés |
Panel FoundationOne CDx (Foundation Medicine) | PFS : 6,1 mois (groupe traitement guide par la biologie moléculaire) vs. 4,4 mois HR=0.72 ; p=0.0079 |
Plusieurs essais cliniques ont évalué l’intérêt de l’utilisation de profils transcriptomiques ou de méthylation de l’ADN pour guider le traitement des CPI en se basant sur leur tissu d’origine probable. Si les premiers essais cliniques randomisés n’ont pas montré de bénéfice d’un traitement orienté sur l’origine tissulaire comparativement à une chimiothérapie empirique (26), l’essai Fudan CUP-001 publié en 2024 a démontré une augmentation de la survie sans progression de 6,6 mois à 9,6 mois (HR=0.68, p=0.017) chez les patients traités avec une chimiothérapie « site-spécifique » déterminée par la réalisation d’un test transcriptomique, comparativement aux patients traités par chimiothérapie empirique (24). Dans cet essai qui a inclus 182 patients, les origines tissulaires les plus fréquemment identifiées par le test moléculaire étaient les carcinomes œsogastriques, les carcinomes bronchiques, les carcinomes ovariens et gynécologiques, et les carcinomes mammaires. Cet essai randomisé est le premier à démontrer le bénéfice des approches tissus-gnostiques dans la prise en charge des CPI.
En dehors des traitements basés sur l’origine tissulaire probable, les CPI bénéficient également de traitements basés sur leurs profils moléculaires indépendamment de leur tissu d’origine dans le cadre d’une approche tissu-agnostique. Si le profil moléculaire des CPI est très hétérogène, des altérations moléculaires potentiellement actionnables ont été rapportées chez près de la moitié des patients (27). Le bénéfice d’une stratégie thérapeutique tissu-agnostique dans les CPI vient d’être démontré par l’essai clinique de phase 2 randomisé CUPISCO, qui a évalué l’efficacité d’un traitement guidé par la biologie moléculaire versus une chimiothérapie empirique en première ligne de traitement dans les CPI de pronostic défavorable (25). Le design de l’essai recommandait l’initiation d’un traitement par doublet à base de sels de platine pendant 3 cycles, temps pendant lequel un profil génomique par panel ADN large était réalisé. Les patients présentant une maladie stable ou en réponse après la chimiothérapie d’induction étaient ensuite randomisés entre la poursuite de la chimiothérapie empirique ou l’administration d’un traitement basé sur leur profil génomique (PG). Pour les patients ne présentant pas d’altération ciblable et randomisés dans le groupe PG, la chimiothérapie empirique était poursuivie avec ajout d’une immunothérapie par atezolizumab à partir du 4e cycle. 436 patients ont été randomisés entre les deux groupes, et la survie sans progression était significativement augmentée chez les patients du groupe PG (6.1 versus 4.4 mois, HR=0.72, p=0.0079), et particulièrement chez ceux ayant une altération moléculaire actionnable (8.1 versus 4.7 mois, HR=0.65). Cet essai démontre pour la première fois le bénéfice de la réalisation d’un profil moléculaire précoce et d’une prise en charge thérapeutique personnalisée pour les patients atteints de CPI de pronostic défavorable.
Conclusions
En conclusion, la prise en charge diagnostique et thérapeutique des CPI répond à un algorithme décisionnel complexe intégrant l’ensemble des données cliniques, anatomopathologiques et biologiques de la maladie. Au cours des dernières années, le développement des approches de biologie moléculaire a permis le démembrement de multiples sous-types de CPI et l’amélioration de la survie des patients grâce à la mise en place de stratégies thérapeutiques personnalisées basées sur le tissu d’origine probable ou sur des altérations moléculaires ciblables indépendamment de l’origine tissulaire. L’accès à ces techniques de caractérisation tumorale et l’interprétation de leurs résultats est possible par le recours à la RCP nationale CPI.
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